« Mémoire sur la matière du son » : différence entre les versions

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Coquilles, reste à corriger les "coeur" et les "moeur"
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Le bruit ou le son se transmet dans l'air commun d'une manière connue de tout le monde, et avec cette seule variation qu'il s'étend plus au loin, et s'entend plus fortement dans un air dense que dans un air raréfié. Aussi le bruit ou le son s'entend mieux le soir ou la nuit, que dans le jour ; dans un bois que dans une plaine nue ; dans l'air qui domine les eaux, que dans celui qui couvre des terrains arides. Mais dans tous ces cas, la propagation du bruit on du son à travers l'air, est toujours plus lente et moins forte qu'à travers les autres milieux plus denses.
 
Diverses observations attestent que le son ou le bruit se propage sous l'eau, c'est-à-dire, dans la masse de ce liquide, bien plus fortement qu'à travers l’air {{refl|4}} : on y entend même, quoique plus foiblement, les sons qui y arrivent à travers l'air qui la domine {{refl|5}}.
 
La Nature a donné aux animaux qui vivent dans l'air, un conduit auditif externe, pour augmenter en eux les moyens d'entendre le bruit ou le son qui ne se propage qu'avec une certaine foiblesse, à travers un milieu si mou et qui a si peu de densité ; mais elle a privé de conduit auditif externe presque tous les animaux qui vivent continuellement dans l'eau, parce que se trouvant dans un milieu beaucoup plus favorable à la propagation du bruit ou du son, ils n'en avoient pas besoin.
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L'air ressemble en cela aux autres matières composées gazeuses, qui ne doivent leur état de gaz et la totalité de leur ressort qu'à un fluide subtil et éminemment élastique qui les pénètre, c'est-à-dire, qui se trouve répandu dans leur masse sans y être combiné (le ''calorique'').
 
L'effet du ressort que l'air reçoit du fluide élastique continuellement répandu dans sa masse, a pu être observé, calculé et très-bien déterminé par les géomètres, et ensuite le résultat du calcul de cet effet a pu s'accorder parfaitement avec la vitesse bien connue {{refl|6}} de la propagation du son ; ce dont je ne doute nullement : mais je dis que cette considération n'intaucunementintéresse aucunement la proposition que j'entreprends d'établir dans ce Mémoire.
 
En effet, la proposition dont il s'agit se réduit à avancer que ''l'air commun n'est point la matière propre du son, mais que c'est uniquement le fluide subtil et essentiellement élastique, répandu dans la masse de ce composé gazeux qui constitue cette matière, puisque ce même fluide subtil a la faculté de propager sans obstacle, à travers des milieux plus denses que lui, les frémissemens que lui causent les vibrations des corps sonores, et de pénétrer, dans cet état d'agitation, jusqu’à l'expansion pulpeuse de notre nerf auditif ; ce qui produit en nous la sensation du son''.
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Cette matière subtile peut seulement, comme je l’ai déjà dit, subir divers degrés d'affoiblissement dans la force de ses mouvemens, soit lorsqu'elle change de milieu dans la transmission de ses frémissemens, soit lorsque de grands déplacemens de l'air au travers duquel elle se meut, viennent à altérer la force et la direction des mouvemens qu'elle propage.
 
Maintenant, considérant que le fluide subtil dont je viens de parler, existe indubitablement, puisque tous les faits relatifs à l'acoustique attestent la nécessité de son existence ; considérant ensuite que le ''feu éthéré'' qu'une multitude d’autres faits bien constatés m'ont fait reconnoître dans la Nature (''Mém. de Phys. et d'Hist. nat.'' p. 135, etc.), existe pareillement et de la même manière ; enfin, considérant que ce ''feu éthéré'' est, comme la matière même du son, un fluide invisible, subtil, excessivement elastique, d'une rarité extrême, pénétrant facilement les masses de tous les corps, et conséquemment répandu partout dans notre globe (''Mém. de Phys.'' etc. p. 136, n<sup><small>os</small></sup>. 146 et 147), je suis forcé de reconnoître que le ''feu éthéré'' dont il s'agit, et la matière propre du son et du bruit, sont une seule et même matière.
 
Ce n'est assurément point par hypothèse ni par aucune supposition vague et gratuite que j'ai établi l’existence du ''feu éthéré'', et auquel j'ai assigné, d'après l'examen des faits, les qualités essentielles qui lui appartiennent. J'ai acquis et publié à cet égard des preuves suffisantes pour convaincre ceux qui n'aiment que des connoissances exactes, et j'ose dire que ces preuves sont telles, que je n'ai pas à craindre qu'on entreprenne de les contester publiquement.
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Newton avoit, il y a long-tems, pressenti l'existence d'un fluide semblable, c'est-à-dire, d'un fluide subtil, élastique, et qui pénètre tous les corps ; mais il ne put trouver les moyens d'en établir la démonstration. En effet, démontrer l'existence d'un fluide qu'on ne sauroit faire voir et qu'on ne peut retenir dans aucun vaisseau, cela n'est pas facile à exécuter.
 
Cet homme illustre en fait beaucoup mention dans ses questions, qui sont à la suite de son ''Traité d'Optique''. (''Voy''. les questions 17, 18, 19, 20 et 21.) Il donne à ce fluide le nom de ''milieu éthéré'', et à son égard il s'exprime ainsi à la fin de sa 18<sup><small>e</small></sup> question :
 
« Ce milieu n'est-il pas excessivement plus rare, plus subtil et plus élastique que l'air ? Ne pénètre-t-il pas facilement tous les corps ? Et par sa force élastique ne se répand-il pas dans tous les cieux ? »
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Or, comme en bonne physique on doit soigneusement distinguer les connoissances certaines, acquises par l'observation des faits, des simples suppositions que l'on forme pour établir des raisonnemens, je dis qu'on ne seroit pas fondé à m'objecter ici l'emploi qu'a fait Newton de son milieu ''éthéré'', en lui attribuant par une pure supposition, une vitesse de vibration qui surpasse même la célérité de la transmission de la lumière.
 
Newton convient lui-même de la supposition qu'il forme, n'ayant aucun fait pour l'appuyer ; car après avoir indiqué la vitesse des vibrations de la matière de son, et celle de la transmission de la lumière du soleil, il s'exprime ainsi à cet égard dans le cours de sa 21<sup><small>e</small></sup>. question : « Et afin que les vibrations de ce ''milieu éthéré'' puissent produire les accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion, elles doivent être plus promptes que la lumière, et par conséquent plus de 700,000 fois plus promptes que le son ».
 
On sait que Newton voulant expliquer les effets de la lumière à la surface des corps, et sur-tout ceux de la lumière qui tombe sur un corps transparent, et qui varient à raison de l'épaisseur de ce corps, imagina d'attribuer à la lumière dardée par les corps lumineux, des accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion. Or, il eut besoin pour produire ces divers accès alternatifs, de supposer une action des vibrations de son ''milieu éthéré'', sur le mouvement de la lumière ; action qui, toujours par supposition, occasionne des accélérations et des retards dans le mouvement de la lumière, d'où peuvent naître les accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion qu'il lui suppose.
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D’après ce que je viens d'exposer, on voit que Newton pensoit que la lumière agit sur son ''milieu éthéré'', comme sur les autres corps, qu'elle excite dans sa masse et dans celle des autres corps, des cordes de vibrations qui causent en eux la chaleur ; et qu'en outre il croyoit que les vibrations de son ''milieu éthéré'', ainsi que celles de beaucoup d'autres corps, avoient à leur tour la faculté d'agir sur la lumière, de la lancer, de la réfléchir et de la réfracter, selon leurs différens états et leurs diverses natures.
Mais tout cela n'est qu'une belle hypothèse, digne à la vérité du génie de l'illustre Newton ; hypothèse que ce savant justement célèbre fut obligé d'imaginer pour remplacer une cause qu'il n'eut pas occasion de connoître : cette cause réside dans l'influence que l’état du ''feu fixé'' dans les corps exerce sur la lumière qui tombe sur eux ; influence que j'ai suffisamment fait connoître dans mes écrits, et à laquelle Newton n'a point pensé. (''Voyez'' mes ''Mémoires de Phys. et d'Hist. natur.'', p.56, n<sup><small>os</small></sup>. 44 à 52.)
 
<center>CONCLUSION.</center>