« Notice sur les titres et les travaux scientifiques de Louis Lapicque » : différence entre les versions

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* Ethnologie de L'Indoustan
 
* 1905
** (114). Note sommaire sur une mission ethnologique dans l'Indoustan: la race noire prédravidienne. Bulletin du Muséum, juin;
** (115). Recherches sur l'ethnologie des Dravidiens: 1) Les Khader des monts d'Anémalé et les tribus voisines, Société de Biologie, 3 juin, Académie des Sciences, 5 juin;
** (116). Recherches sur l'ethnologie des Dravidiens: 2) Relation anthropologique des tribus de la montagne aux castes de la plaine, Société de Biologie, 17 juin, Académie des Sciences, 19 juin;
** (119). Ethnogénie des Dravidiens, conclusion: prédavidien de type nègre et protodravidien de type blanc, Société de Biologie, 8 juillet, Académie des Sciences, 10 juillet;
** (122). Le problème anthropologique des Parias et des castes homologues chez les Dravidiens, Société d'Anthropologie, 2 novembre.
 
Dans mon voyage de 1893, j'avais systématiquement laissé de côté l'Indoustan, qui constituait un domaine important de la théorie des Négritos, si important même que je n'avais pas cru pouvoir l'étudier en passant. Les circonstances ne me permirent d'y revenir que dix ans plus tard, grâce à une mission que voulut bien m'accorder le ministère de l'Instruction publique.
Quatrefages, et surtout Hamy, avaient corrigé une série de renseignements sur l'existence, en divers points de l'Inde, dans des régions montagneuses et boisées, des tribus plus ou moins noires, toujours plus noires et de plus petite taille que les populations de la plaine environnante; ils en avaient déduit que l'élément noir primitif de l'Inde était le Négrito. Mais, mesurées récemment, par Risley dans le Bengale et le Centre, par Thurston dans le Sud, ces tribus de jungle ont montré, au lieu de la brachycéphalie ou de la sous-brachycéphalie attendue par Quatrefages, la même dolichocéphalie sensiblement que les populations de plaine alentour. D'autre part, les frères Sarrazin avaient reconnu en 1893 que les Veddas de Ceylan, admis aussi comme Négritos, étaient en réalité dolichocéphales. Y avait-il donc lieu, comme le veulent ces derniers auteurs, d'admettre une nouvelle race de petits noirs, la race veddaïque, race qui tiendrait dans l'Inde et Ceylan la même place que les Négritos en Malaisie? Mais les petits noirs de Risley, de Thurston et des frères Sarrazin étaient décrits comme pourvus de cheveux ondés et non pas crépus ; les auteurs insistent sur ce point. Il était possible qu'il s'agit là, comme chez les aborigènes de la Péninsule Malaise jadis décrits par Mikluko-Maklay, de métis, de mulâtres, ayant perdu à la fois le caractère de leur crâne et celui de leurs cheveux par l'influence d'un ancêtre dolichocéphale et lissotriche. C'est ce qu'il s'agissait de vérifier.
 
 
* Les tribus des monts d'Anémalé
 
Je m'étais proposé, suivant la même méthode que dans la Péninsule Malaise, de rechercher la tribu la plus négroïde et la plus primitive. Les gisements les plus remarquables des petits noirs de l'Inde ont été signalés dans les deux massifs de montagne qui forment les points culminants de la Péninsule et se disposent symétriquement au nord et au sud de la passe de Palghat. Après examen des documents que M. Thurston me communiqua obligeamment à Madras, je fis choix pour commencer de la tribu des Kader, dans les monts d'Anémalé, du massif sud. C'est la seule, probablement dans toute l'Inde, qui vive d'une vie purement sauvage, en pleine jungle, sans aucune culture ni défrichement. Sur place, après avoir passé plus de vingt jours en deux campements, et observé un nombre relativement considérable de Kader (plus d'une centaine), je dus reconnaître que, s'ils présentent certains types de figure très négritiques, il y a là un mélange de races manifeste; d'ailleurs, contrairement à leurs traditions et à l'opinion acceptée par mes prédécesseurs, leur ethnographie me parait indiquer qu'ils sont des réfugiés de la plaine ayant rétrogradé comme état social; et leur langage, quoi qu'on en ait dit, diffère très peu du tamoul. Ils sont tous dolichocéphales (moyenne de 32 mâles adultes, 73,3; indices individuels extrêmes, 69 et 77), et petits (moyenne de la taille des mêmes, 156 centimètres; taille maxima, 166), chiffres voisins de ceux donnés par Thurston sur une série moins nombreuse. Mais la répartition des cas individuels est loin de présenter une courbe de fréquence régulièrement décroissante autour de la moyenne. Dès lors, il était impossible de prendre une telle tribu pour type de la race noire primitive. Je cherchai vainement un témoin resté plus pur plus avant dans la montagne.
 
Les Kader vivent entre 600 et 1000 mètres d'altitude; à 1200 mètres, dans une vallée d'accès difficile de toute part, j'ai visité une tribu de Moudower, caste peu ou point connue des anthropologistes. Les Moudower sont à un état social beaucoup plus avancé que le Kader; ils ont des cultures régulières, du bétail et ils ont des serfs, qu'ils appellent Poulayer et qu'ils considèrent comme impurs. Ils affirment, avec des détails d'une précision probablement légendaire, que leurs ancêtres sont venus de la plaine à la suite d'une guerre. Leur langue est tamoulique. Quelques Moudower se rapprochent du type nègre, d'autres s'en éloignent beaucoup. Par contre, leurs serfs forment un ensemble bien plus uniformément nègre que les Kader. Les uns et les autres sont d'ailleurs dolichocéphales (Moudower, 73; Poulayer, 74,5) et de petite taille (Moudower et Poulayer, 159, à quelques millimètres près). La montagne est donc ici, comme en général dans les pays où la civilisation a longuement évolué, non l'asile inviolé des premiers habitants, mais le refuge de tous les vaincus. L'anthropologie de la montagne ne peut plus légitimement être séparée de celle de la plaine, si l'on en veut tirer des déductions ethnogéniques. Même la dolichocéphalie constatée ne permettrait pas à elle seule de conclure à la dolichocéphalie de tous les types ancestraux, dans l'état de nos connaissances sur la valeur spécifique de la forme crânienne. Il me fallait changer de méthode, et, au lieu de l'étude approfondie d'un groupe, entreprendre une esquisse de toute l'ethnologie de la contrée; je dus renoncer à prendre des mensurations complètes, et je m'en tins, quant aux chiffres, à trois caractères: taille, indice nasal, indice céphalique (soit cinq mesures par individu). Les conclusions qui suivent sont fondées sur les mesures de plus de huit cents sujets choisis.
 
 
* Relations anthropologiques des tribus de la montagne et des populations de la plaine.
 
Les gens de la plaine, tout autour des montagnes en question, sont des Dravidiens, mais appartenant à des divisions assez nettes de ce groupe. Au Nord, ce sont les Tamouls. Les Tamouls, qui ont été les plus étudiés comme type des Dravidiens, ont subi de nombreuses vicissitudes; les formes sociales anciennes ne survivent que très altérées. La plupart des auteurs les ont décrites en partant de conceptions aryennes et ont été conduits ainsi à les méconnaître (122). Les Parias constituent une caste nettement délimitée, dont les Brahmanes ne tiennent pas compte; les Brahmanes ont, au contraire, accepté dans leur cadre social et religieux, en les assimilant aux Sudras, c'est-à-dire à la plus basse caste hindoue, la caste dravidienne des Vellalas, cultivateurs propriétaires que certains vestiges non douteux indiquent comme une ancienne noblesse territoriale. A la marge même de la forêt, vivent les Malasser, tribu extérieure au système social des habitants de la plaine, mais en relation continuelle avec eux; ces Malasser sont au moins aussi nègres que les Kader; ils sont manifestement métissés, mais c'est chez eux que j'ai vu, dans cette région, le plus de chevelures quasi crépues. Il n'y a pas de différence bien tranchée comme aspect physique entre les diverses castes de la plaine, non plus qu'entre elles et les tribus de la montagne. La plupart des Vellalas, comme un grand nombre de Parias, et aussi bien certains montagnards, ont, en même temps qu'un teint très foncé, des cheveux lisses et des traits fort peu négritiques, ou des traits de mulâtre. Mais, quand on a sous les yeux des ensembles, on perçoit une gradation manifeste qui apparaît en chiffres dans les moyennes (1). Voici les moyennes de mes mesures sur les Parias et les Sudras tamouls, et sur les Malasser (2):
 
* Indice nasal
* Indice céphalique
* Taille
 
* 43 Malasser: 79 76,2 150
* 42 Parias: 77,7 76,7 162
* 31 Sûdras: 74 78 171
 
Les Parias, qui ont, conformément à la loi de Risley, un indice nasal plus élevé que les Sudras, se placent, à ce point de vue, entre les Sudras et les tribus de la montagne. L'indice céphalique présente une variation concomitante, mais dans ce sens que la brachycéphalie s'accuse à mesure que le nez devient plus fin; autrement dit, ce sont les blancs qui sont relativement brachycéphales.
(1) Une telle gradation a été signalée dans le nord de l'Inde par Risley quant à l'indice nasal; il a formulé la proposition suivante: "Entre castes différentes, l'indice nasal augmente à mesure que le niveau social s'abaisse." Il considère, avec raison, qu'une telle gradation a une signification importante pour l'ethnologie; je ne puis qu'abonder dans ce sens, bien que Risley ait été conduit par là, faute d'avoir poussé sa recherche assez loin, à une conclusion inexacte comme je le montre plus bas.
 
2. Dans ce qui suit, comme précédemment, il n'est question que des hommes; les chiffres des femmes, quand j'ai pu en avoir, suivent les mêmes variations avec un écart systématique.
 
(25 pages)
 
 
* '''Chapitre II: Recherches sur l'évolution quantitative du système nerveux'''