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CHAPITRE Xlll
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Le poêle avait fini par s’allumer`tout à fait, la salle
s`était réchauflée, le thé était versé dans les verres et les `
tasses, et l’on avait étalé, près du thé, toutes les frian-
dises du souperzdu pain blanc et du pain de seigle, des
œufs durs, du beurre, de la tête de veau et des pieds de
veau. Tout le monde s’était rapproché de la couchette
qui servait de table, et l’on buvait et l’on mangeait, et
l’on bavardait. Assise sur un coffre, la Hantzeva remplis-
sait son emploi de dame de la maison. Seul Kriltzov ne
s’était point mêlé au groupe; il avait ôté sa pelisse
mouillée pour s'envelopper dans un plaid qu’on venait
de lui faire sécher; et, étendu sur sa couchette, il causait
amicalement avec Nekhludov.
Après le froid et l`humidité de la route, après la saleté
et le désordre qu’on avait trouvés en arrivant a l’étape,
après la peine qu’on avait dû se donner pour tout mettre
en ordre et pour préparer le souper, ce souper, et le thé
chaud, et la bonne chaleur de la salle mettaient tous les
condamnés dans une disposition d’esprit joyeuse et
bienveillante. '
Les cris, les injures, le grossier vacarme des condani-
nés de droit commun, qu’ils entendaient de l’autre côté
du mur, fortifiaient encore en eux, par contraste, cette
agréable sensation de bien-être et d’intimité. Ils avaient
l'impression d'étre comme isolés sur une île, au milieu
de 1'océan; et cette impression les exaltait, leur causait
une sorte d’ivresse intellectuelle, où ils oubliaient tout à