« Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/284 » : différence entre les versions
m Yann : ocr |
m Yann : ocr |
||
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
280 nüsunnncriom |
|||
{{OCR en cours}} |
|||
Derrière le puits commençait le village. La journée |
|||
était claireet chaude, trop chaude même pour la sai- |
|||
son; les nuages s’amassaient et, par moments, couvraient |
|||
le soleil. La longue rue montante qui formait le village |
|||
était toute remplie d’une aigre, piquante, mais non |
|||
déplaisante odeur de fumier, se dégageant à la fois et |
|||
des chariots qui grimpaient le long de la rue, et des tas |
|||
de fumier amassés dans les cours, dont les portes étaient |
|||
grandes ouvertes. Les paysans qui marchaient derrière |
|||
les chariots, pieds nus, avec des taches de fumier sur |
|||
leurs chemises et leurs pantalons, considéraient d’un |
|||
œil curieux le grand et robuste bœrine, en costume de |
|||
drap gris doublé de soie, se promenant dans le village i |
|||
avec sa belle canne au pommeau d’argent. Les femmes, |
|||
pour le regarder, sortaient de leurs maisons; se le dési- |
|||
gnant l’une à l’autre, elles le suivaient des yeux. Devant |
|||
une des portes, Nekhludov fut arrêté, au passage, par |
|||
un grand chariot qui sortait d’une cour, chargé jusqu‘en |
|||
haut de fumier entassé. Un jeune paysan chausse de |
|||
laptis, et très haut sur jambes,s’occupait de faire sortir |
|||
les chevaux dans la rue. Un poulain gris bleu, déjà, |
|||
franchissait la porte, lorsque, s‘effrayant de Nekhludov, |
|||
il se rejeta sur sa mère, qui fit un mouvement dïinquie- |
|||
tude et hennit un instant. Tout cela sous les yeux d’un |
|||
vieux paysan maigre et sec, nu-pieds lui aussi, vêtu 1 |
|||
d’un pantalon à raies et d’une longue blouse où se dessi- |
|||
naient, par derrière, les os pointus de son épine dorsale. |
|||
Quand enfin le chariot se trouva dans la rue, le vieil- |
|||
lard s’avança sur la porte et s’inclina devant Nekhludov. |
|||
-—— Le parent de nos deux dames défuntes, peut- |
|||
être ? ` |
|||
— Oui, parfaitement. |
|||
— Heureuse arrivée! Eh bien! on est venu nous |
|||
voir? — poursuivit le paysan, qui aimait a parler. |
|||
- Oui... Et vous, comment vivez-vous? — demanda |
|||
Nekhludov, ne sachant que dire. |
|||
— Comment nous vivons? Hélas! tout à fait misé- |
|||
rable, notre vie ! — répondit le vieux, visiblement enchanté |
|||
de cette occasion de causer. |