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Derrière le puits commençait le village. La journée
était claireet chaude, trop chaude même pour la sai-
son; les nuages s’amassaient et, par moments, couvraient
le soleil. La longue rue montante qui formait le village
était toute remplie d’une aigre, piquante, mais non
déplaisante odeur de fumier, se dégageant à la fois et
des chariots qui grimpaient le long de la rue, et des tas
de fumier amassés dans les cours, dont les portes étaient
grandes ouvertes. Les paysans qui marchaient derrière
les chariots, pieds nus, avec des taches de fumier sur
leurs chemises et leurs pantalons, considéraient d’un
œil curieux le grand et robuste bœrine, en costume de
drap gris doublé de soie, se promenant dans le village i
avec sa belle canne au pommeau d’argent. Les femmes,
pour le regarder, sortaient de leurs maisons; se le dési-
gnant l’une à l’autre, elles le suivaient des yeux. Devant
une des portes, Nekhludov fut arrêté, au passage, par
un grand chariot qui sortait d’une cour, chargé jusqu‘en
haut de fumier entassé. Un jeune paysan chausse de
laptis, et très haut sur jambes,s’occupait de faire sortir
les chevaux dans la rue. Un poulain gris bleu, déjà,
franchissait la porte, lorsque, s‘effrayant de Nekhludov,
il se rejeta sur sa mère, qui fit un mouvement dïinquie-
tude et hennit un instant. Tout cela sous les yeux d’un
vieux paysan maigre et sec, nu-pieds lui aussi, vêtu 1
d’un pantalon à raies et d’une longue blouse où se dessi-
naient, par derrière, les os pointus de son épine dorsale.
Quand enfin le chariot se trouva dans la rue, le vieil-
lard s’avança sur la porte et s’inclina devant Nekhludov.
-—— Le parent de nos deux dames défuntes, peut-
être ? `
— Oui, parfaitement.
— Heureuse arrivée! Eh bien! on est venu nous
voir? — poursuivit le paysan, qui aimait a parler.
- Oui... Et vous, comment vivez-vous? — demanda
Nekhludov, ne sachant que dire.
— Comment nous vivons? Hélas! tout à fait misé-
rable, notre vie ! — répondit le vieux, visiblement enchanté
de cette occasion de causer.