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RÉSURRECTION 199 |
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Et ce qui l’étonnait_ surtout, c'était que la Katucha N |
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non seulement n’eût pas honte de sonétat -- de son état |
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de prostituée, car elle avait bien suffisamment honte, |
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au contraire, de son état de prisonnière, — que non seu· |
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lement elle n’eût pas honte d`étre une prostituée, mais |
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qu’elle en parût même heureuse et presque fière. |
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Or, la chose, en réalité, n’avait rien d’étonnant. Tous |
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en effet, pour pouvoir agir, nous avons besoin de con- |
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sidérer notre mode d’activité comme important et beau : |
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d’où résulte que, quelle que soit la condition d'un être |
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humain, cet être se fait nécessairement de la vie une |
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conception dans laquelle son mode particulier d'activité |
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apparait comme important et beau. A |
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On s’imagine volontiers que le voleur, le traître, l’assas- |
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sin, la prostituée rougissent de leur métier, ou, tout au |
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moins, le tiennent pour mauvais. En réalité, rien de tel. |
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Les hommes que leur destinée et leurs fautesont placés |
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dans une situation déterminée, si immorale qu’elle soit, |
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s'arrangent toujours pour se faire une conception géné- |
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rale de la vie où leur situation particuliere puisse leur |
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apparaître comme légitime et considérable. Et, pour |
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confirmer en eux cette exception, ils s’appuient instinc- |
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tivement sur d’autres hommes qui se trouvent dans la |
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même situation qu’eux, et qui conçoivent de la même |
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façon- qu'eux la vie en général et leur place dans cette |
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vie en particulier. |
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Nous sommes étonnés de voir des voleurs s’enorgueil- |
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lissant de leur adresse, des prostituées de leur corrup- |
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tion, des meurtriers de leur insensibilité. Mais nous |
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nous en étonnons seulement parce que l’espèce de ces per- |
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sonnes est très restreinte, et parce que leur cercle, leur |
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atmosphère se trouvent en dehors des nôtres. Et nous ne |
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sommes pas surpris, par exemple, de voir des riches |
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senorgueillissant de leur richesse, — c’est—à-dire de |
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leur vol ou de leur recel, — ou encore de voir des puis- |
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snnts s’enorgueillissant de leur puissance, c’est-a-dire |
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de leur violence et de leur cruauté. Nous ne nous aper- |
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cevons pas de la façon dont ces personnes déforment et |
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pervertissent leur conception naturelle de la vie, leur |