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poste à Bordeaux, elle était datée de Madrid. Il lui mandait que la guerre allait être déclarée ; qu’elle serait bientôt au comble de ses vœux, en voyant remettre le Roi sur le trône. La lettre ne disait pas cela en toutes lettres, mais elle le donnait à entendre si clairement et avec une tournure si maladroite, qu’un enfant de six ans aurait deviné cette plate énigme. Nous frémissions du risque que nous avions couru, et bien davantage encore, quand le lendemain on nous apporta nos lettres, et au dos écrit : lu au district. Le hasard fit que ces lettres étalent toutes de domestiques ou de créanciers, et si mal peintes, qu’à peine on pouvait les déchiffrer : mais combien nous craignions que, la poste suivante, il n’en vînt de dangereuses ! L’armée royale n’en donna pas le temps.

Le lendemain nous entendîmes beaucoup de rumeur dans la ville ; le bruit courait que les Brigands attaquaient Argenton-Château, à trois lieues de Bressuire ; le soir on dit qu’il était pris, et que les Vendéens marchaient contre la ville ; les troupes furent toute la nuit sous les armes et nous sur pied ; craignant ou d’être massacrés ou d’être emmenés plus loin, nous attendions l’attaque avec la plus vive impatience. Au point du jour, le 2 mai 1793, les troupes commencèrent à défiler sans bruit. J’ignore pourquoi chaque compagnie fit halte quelques minutes sous nos fenêtres ; nous croyions à chaque fois que c’était pour nous prendre ; nous apprîmes vers les huit heures qu’on évacuait la ville sur Thouars : Il y avait cependant cinq mille hommes pour la défendre. Bressuire est naturellement fort et l’était autrefois par son château et ses murailles, mais le tout était en grande partie tombé en ruine ; le château, jadis presque imprenable, a été cependant enlevé par Du Guesclin. Les murs de Thouars étaient en meilleur état et la position encore plus forte ; toute la troupe s’y retira, poursuivie par la peur. Nos volets étaient fermés, tout le monde nous oublia, excepté le général Quétineau : c’était un ancien grenadier, patriote, vraiment honnête, et, comme il