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sentiment éprouvé par l’auteur, il n’y en a pas la moindre trace dans tout cela. Et j’ajoute que jamais on n’a rien imaginé de plus anti-musical. C’est comme si on ressentait, indéfiniment, un espoir de musique, aussitôt suivi d’une déception. Des centaines de fois quelque chose de musical commence ; mais ces commencements sont si courts, si encombrés de complications d’harmonie et de timbre, si chargés d’effets de contrastes, si obscurs et si vite arrêtés, et ce qui se passe sur la scène est d’une fausseté si invraisemblable, qu’on a de la peine même à percevoir ces embryons musicaux, à plus forte raison à en être émus. Et par-dessus tout, du commencement à la fin, dans chaque note, l’intention de l’auteur est si sensible que l’on ne voit et n’entend ni Siegfried, ni les oiseaux, mais seulement un Allemand aux idées étroites, un Allemand dénué de goût et de style, et qui, s’étant fait une conception grossière de la poésie, travaille à nous transmettre sa conception par les moyens les plus grossiers et les plus primitifs.
L ŒUVRE DE WAGNER I75


On sait quel sentiment de méfiance et de résistance naît toujours en présence d’une œuvre, d’une prédétermination trop évidente de l’auteur. C’est assez qu’un conteur nous dise d’avance : « Préparez
sentiment éprouvé par l'auteur, il n'y en a pas la
moindre trace dans tout cela. Et j'ajoute que ja-
mais on n'a rien imaginé de plus anti-musical.
C'est comme si on ressentait, indéfiniment, un
espoir de musique, aussitôt suivi d'une déception.
Des centaines de fois quelque chose de musical
commence; mais ces commencements sontsi courts,
si encombrés de complications d'harmonie et de
timbre, si chargés d'effets de contrastes, si obscurs
et si vite arrêtés, et ce qui se passe sur la scène est
d' une tausseté si invraisemblable , qu^on a de la peine
même à percevoir ces embryons musicaux, à plus
forte raison à en être émus. Et par-dessus tout, du
commencement à la fin, dans chaque note, l'in-
tention de l'auteur est si sensible que l'on ne voit
et n'entend ni Siegfried, ni les oiseaux, mais seule-
ment un Allemand auxidées étroites, un Allemand
dénué de goût et de style, et qui, s'étant fait une
conception grossière de la poésie, travaille à nous
transmettre sa conception par les moyens les plus
grossiers et les plus primitifs.

On sait quel sentiment de méfiance et de résis-
tance naît toujours en présence d'une œuvre, d'une
prédétermination trop évidente de l'auteur. C'est
assez qu'un conteur nous dise d'avance : « Préparez

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