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La qualité des « gens de lettres » et le nombre de leurs lecteurs ne définissent point la culture réelle d’un peuple, mais bien la manière dont il manie lui-même l’outil de son propre langage écrit et parlé. S’il se néglige à cet égard, il incline forcément vers la vulgarité et la médiocrité. C’est ce que l’on constate déjà dans beaucoup de pays. Parce que la grammaire et la syntaxe anciennes semblaient, non sans quelque raison, de fastidieuses campagnes pour une génération pressée — parce que des préceptes et des recettes de la rhétorique nos pères avaient abusé, on les tint pour désormais inutiles. Il fut estimé ridicule et pédant de s’exercer à « raconter » ; mais on ne s’avisa point que rédiger, résumer, réfuter… demeurent d’obligation quotidienne pour tout le monde et que la possession d’un vocabulaire abondant et nuancé, l’art de bien construire une phrase, l’habitude de graduer logiquement les idées sont indispensables pour y réussir. {{corr|A|À}} cette carence, s’est superposée l’action déplorable des jargons : jargon d’affaires, jargons administratif, judiciaire, jargon scientifique qui paraît tenir pour intolérable l’emploi d’un terme que chacun comprendrait : jargon littéraire qui, chez certains auteurs, semble vouloir parfois s’inspirer d’un idéal similaire ; jargon sportif, encore que celui-là possède à son actif l’introduction de quelques expressions imagées difficiles à remplacer.
La qualité des « gens de lettres » et le nombre de leure
lecteurs ne définissent point la culture r éelle d’un peuple, mais
bien la manière dont il manie lui-même l’outil de son pro-’Qre
langage écrit et parlé. S’il se néglige à cet égard, il incline
forcément vers la vulgarité et la médiocrité. C’est ce que
l’on constate déjà dans beaucoup de pays . Parce que la grammaire
et la syntaxe anciennes semblaien t, n on sans quelque
raison, de fastidieuses campagnes pour une génération
pressée - parce que des préceptes et d es r ecettes de la rhétorique
nos pères avaient abusé, on les tint pour désormais inutiles .
Il fut estimé ridicule et pédant de s’exercer à « raconter » ; mais
on ne s’avisa point que rédiger, r ésumer, réfuter... demeurent
d’obligation quotidienne pour tout le monde et que la possession
d’un vocabulaire abondant et nuancé, l’art de bien constr uire une
phrase, l’habitude de graduer logiq uement les id ées sont indispensables
pour y r éussir. A cette carence, s’est superposée l’action
déplorable des jargons : j argon d’affaires, jargons administratif,
judiciaire, jargon scientifique qui paraît tenir pour intolérable
l’emploi d’un terme que chacun c·omprendrait : jargon
littéraire qui, chez certains auteurs, semble vo uloir parfois s’inspirer
d ’un idéal similaire ; jargon sportif, encore que celuHà.
possède à son actif l’introduction de quelques expressions imagées
difficiles à remplacer.


Une influence non moins délétère est exercée par la tendance au bavardage qui gagne de proche en proche. L’accoutumance à la vitesse ambiante y a sa part. Plusieurs langues sont en train de perdre leur valeur musicale tant la prononciation y va s’accélérant comme si le temps allait manquer pour traduire le flux des pensées. La prolixité pourtant est presque toujours en rapport avec la futilité et la monotonie des sujets de conversation. En vérité, il faut apprendre à parler, à écrire, à lire…
Une influence non moins délétère est exercée par la tendance au bavardage qui gagne de proche en proche. L’accoutumance à la vitesse ambiante y a sa part. Plusieurs langues sont en train de perdre leur valeur musicale tant la prononciation y va s’accélérant comme si le temps allait manquer pour traduire le flux des pensées. La prolixité pourtant est presque toujours en rapport avec la futilité et la monotonie des sujets de conversation. En vérité, il faut apprendre à parler, à écrire, à lire…