« L’Amour Médecin/Édition Louandre, 1910 » : différence entre les versions
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<center>''La scène est à Paris, dans une salle de la maison de Sganarelle.''</center>
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===<center><span style="color:#006699;text-decoration:underline;">PROLOGUE</span></center>===
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'''Sganarelle'''<br>
Ah, l’étrange chose que la vie ! et que je puis bien dire
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/146]]== avec ce grand philosophe de l’antiquité, que qui terre a, guerre a, et qu’un malheur ne vient jamais sans l’autre. Je n’avais qu’une seule femme qui est morte. '''M. Guillaume'''<br>
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'''Lucrèce'''<br>
Et moi, je tiens que votre fille n’est point du tout propre pour le mariage. Elle est d’une complexion trop délicate et trop peu saine, et c’est la vouloir envoyer bientôt en l’autre monde,
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/147]]== que de l’exposer comme elle est à faire des enfants. Le monde n’est point du tout son fait, et je vous conseille de la mettre dans un couvent, où elle trouvera des divertissements qui seront mieux de son humeur. '''Sganarelle'''<br>
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'''Sganarelle'''<br>
Ah, voilà ma fille qui prend l’air. Elle ne me voit pas. Elle soupire. Elle lève les yeux au ciel. Dieu vous gard. Bonjour ma mie. Hé bien, qu’est-ce ? comme vous en va ? Hé quoi ! toujours triste et mélancolique comme cela, et tu ne veux pas me dire ce que tu as. Allons donc, découvre-moi ton petit cœur, là ma pauvre mie, dis, dis ; dis tes petites pensées à ton petit papa mignon. Courage. Veux-tu que je te baise ? Viens. J’enrage de la voir de cette humeur-là. Mais, dis-moi, me veux-tu faire mourir de déplaisir, et ne puis-je savoir d’où vient cette grande langueur ? Découvre-m’en la cause, et je te promets que je ferai toutes choses pour toi. Oui, tu n’as qu’à me dire le
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/148]]== sujet de ta tristesse, je t’assure ici, et te fais serment, qu’il n’y a rien que je ne fasse pour te satisfaire. C’est tout dire : est-ce que tu es jalouse de quelqu’une de tes compagnes, que tu voies plus brave que toi ? et serait-il quelque étoffe nouvelle dont tu voulusses avoir un habit ? Non. Est-ce que ta chambre ne te semble pas assez parée, et que tu souhaiterais quelque cabinet de la foire Saint-Laurent ? Ce n’est pas cela. Aurais-tu envie d’apprendre quelque chose ? et veux-tu que je te donne un maître pour te montrer à jouer du clavecin ? Nenni. Aimerais-tu quelqu’un, et souhaiterais-tu d’être mariée ? ''Lucinde lui fait signe que c’est cela.''
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'''Lisette'''<br>
Laissez-moi faire, vous dis-je, peut-être qu’elle se découvrira plus librement à moi qu’à vous. Quoi, Madame, vous ne nous direz point ce que vous avez, et vous voulez affliger ainsi tout le monde. Il me semble qu’on n’agit point comme vous faites, et que si vous avez quelque répugnance à vous expliquer à un père, vous n’en devez avoir aucune à me découvrir votre cœur. Dites-moi, souhaitez-vous quelque chose de lui ? Il nous a dit plus d’une fois qu’il n’épargnerait rien pour vous contenter. Est-ce qu’il ne vous donne pas toute la liberté que vous souhaiteriez, et les promenades et les cadeaux ne tenteraient-ils point votre âme ? Heu. Avez-vous reçu quelque déplaisir de quelqu’un ? Heu. N’auriez-vous point quelque secrète inclination, avec qui vous souhaiteriez que votre père vous mariât ? Ah, je vous entends. Voilà
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/149]]== l’affaire. Que diable ? Pourquoi tant de façons ? Monsieur, le mystère est découvert ; et… '''Sganarelle''', ''l’interrompant''.<br>
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C’est un mari qu’elle veut.
'''Sganarelle'
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/150]]==
'', ''faisant semblant de ne pas entendre''.<br>
Je l’abandonne.
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'''Lucinde'''<br>
Hélas, de quoi m’aurait servi de te le découvrir plus tôt ? et n’aurais-
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/151]]== je pas autant gagné à le tenir caché toute ma vie ? Crois-tu que je n’aie pas bien prévu tout ce que tu vois maintenant, que je ne susse pas à fond tous les sentiments de mon père, et que le refus qu’il a fait porter à celui qui m’a demandée par un ami, n’ait pas étouffé dans mon âme toute sorte d’espoir ? '''Lisette'''<br>
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'''Sganarelle'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/152]]==
Il est bon quelquefois de ne point faire semblant d’entendre les choses qu’on n’entend que trop bien : et j’ai fait sagement de parer la déclaration d’un désir que je ne suis pas résolu de contenter. A-t-on jamais rien vu de plus tyrannique que cette coutume où l’on veut assujettir les pères ? Rien de plus impertinent, et de plus ridicule, que d’amasser du bien avec de grands travaux, et élever une fille avec beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l’un et de l’autre entre les mains d’un homme qui ne nous touche de rien ? Non, non, je me moque de cet usage, et je veux garder mon bien et ma fille pour moi.
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Lisette.
'''Liset
'''Lisette'''<br>▼
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/153]]==
Quelle fatalité !
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'''Lisette'''<br>
Non, Monsieur, elle a fermé tout doucement la
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/154]]== enêtre, et s’est allée mettre sur le lit. Là elle s’est prise à pleurer amèrement : et tout d’un coup son visage a pâli, ses yeux se sont tournés, le cœur lui a manqué, et elle m’est demeurée entre mes bras. '''Sganarelle'''<br>
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==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/155]]==
{{acte|II}}
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'''Sganarelle'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/156]]==
Hé bien, Messieurs.
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Il ne peut pas être mort, vous dis-je.
'''Lisette''
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/157]]==
'<br>
Et moi je vous dis qu’il est mort, et enterré.
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'''M. Tomès'''<br>
Savez-vous le chemin que ma mule a fait aujourd’hui ? J’ai été premièrement tout contre l’Arsenal, de l’Arsenal au bout du faubourg Saint-Germain, du faubourg Saint-Germain au fond du Marais, du fond du Marais à la porte Saint-Honoré, de la porte Saint-Honoré au faubourg Saint-
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/158]]== Jacques, du faubourg Saint-Jacques à la porte de Richelieu, de la porte de Richelieu ici, et d’ici, je dois aller encore à la place Royale. '''M. des Fonandrès'''<br>
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'''Sganarelle'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/159]]==
Messieurs, l’oppression de ma fille augmente, je vous prie de me dire vite ce que vous avez résolu.
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Et moi, je dis que sa maladie est une pourriture d’humeurs, causée par une trop grande réplétion : ainsi je conclus à lui donner de l’émétique.
'''M.
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/160]]==
mès'''<br>
Je soutiens que l’émétique la tuera.
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'''M. Macroton'''. ''Il parle en allongeant ses mots''.<br>
Mon-si-eur. dans. ces. ma-ti-è-res. là. il. faut. pro-cé-der. a-vec-que. cir-cons-pec-ti-on. et. ne. ri-en. fai-re. com-me. on. dit.
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/161]]== à. la. vo-lée. d’au-tant. que. les. fau-tes. qu’on. y. peut. fai-re. sont. se-lon. no-tre. maî-tre. Hip-po-cra-te. d’une. dan-ge-reu-se. con-sé-quen-ce. '''M. Bahys'''. ''Celui-ci parle toujours en bredouillant''.<br>
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'''M. Macroton'''<br>
Ce. n’est. pas. qu’a-vec. tout. ce-la. vo-tre. fil-le. ne. puis-se.
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/162]]== mou-rir. mais. au. moins. vous. au-rez. fait. quel-que. cho-se. et. vous. au-rez. la. con-so-la-tion. qu’el-le. se-ra. mor-te. dans. les. for-mes. '''M. Bahys'''<br>
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La peste,<br>
La goutte,<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/163]]==
Vérole,<br>
Descente,<br>
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'''M. Filerin'''<br>
N’avez-vous point de honte, Messieurs, de montrer si peu de prudence, pour des gens de votre âge, et de vous être
N’avez-vous point de honte, Messieurs, de montrer si peu de prudence, pour des gens de votre âge, et de vous être querellés comme de jeunes étourdis ? Ne voyez-vous pas bien quel tort ces sortes de querelles nous font parmi le monde ? et n’est-ce pas assez que les savants voient les contrariétés, et les dissensions qui sont entre nos auteurs et nos anciens maîtres, sans découvrir encore au peuple, par nos débats et nos querelles, la forfanterie de notre art ? Pour moi, je ne comprends rien du tout à cette méchante politique de quelques-uns de nos gens. Et il faut confesser, que toutes ces contestations nous ont décriés, depuis peu, d’une étrange manière, et que, si nous n’y prenons garde, nous allons nous ruiner nous-mêmes. Je n’en parle pas pour mon intérêt. Car, Dieu merci, j’ai déjà établi mes petites affaires. Qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il grêle, ceux qui sont morts sont morts, et j’ai de quoi me passer des vivants. Mais enfin, toutes ces disputes ne valent rien pour la médecine. Puisque le Ciel nous fait la grâce, que depuis tant de siècles, on demeure infatué de nous, ne désabusons point les hommes avec nos cabales extravagantes, et profitons de leur sottise le plus doucement que nous pourrons. Nous ne sommes pas les seuls, comme vous savez, qui tâchons à nous prévaloir de la faiblesse humaine. C’est là que va l’étude de la plupart du monde, et chacun s’efforce de prendre les hommes par leur faible, pour en tirer quelque profit. Les flatteurs, par exemple, cherchent à profiter de l’amour que les hommes ont pour les louanges, en leur donnant tout le vain encens qu’ils souhaitent : et c’est un art où l’on fait, comme on voit, des fortunes considérables. Les alchimistes tâchent à profiter de la passion qu’on a pour les richesses, en promettant des montagnes d’or à ceux qui les écoutent. Et les diseurs d’horoscopes, par leurs prédictions trompeuses profitent de la vanité et de l’ambition des crédules esprits : mais le plus grand faible des hommes, c’est l’amour qu’ils ont pour la vie, et nous en profitons nous autres, par notre pompeux galimatias ; et savons prendre nos avantages de cette vénération, que la peur de mourir leur donne pour notre métier. Conservons-nous donc dans le degré d’estime où leur faiblesse nous a mis, et soyons de concert auprès des malades, pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art. N’allons point, dis-je, détruire sottement les heureuses préventions d’une erreur qui donne du pain à tant de personnes.▼
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==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/165]]==
métier. Conservons-nous donc dans le degré d’estime où leur faiblesse nous a mis, et soyons de concert auprès des malades, pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art. N’allons point, dis-je, détruire sottement les heureuses préventions d’une erreur qui donne du pain à tant de personnes.
'''M. Tomès'''<br>
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'''Clitandre'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/166]]==
Hé bien, Lisette, me trouves-tu bien ainsi ?
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'''Lisette'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/167]]==
Non : je veux que vous vous réjouissiez auparavant : que vous chantiez, que vous dansiez.
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'''Clitandre'''<br>
Monsieur, mes remèdes sont différents de ceux des autres : ils ont l’émétique, les saignées, les médecines et les lavements :
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/168]]== mais moi, je guéris par des paroles, par des sons, par des lettres, par des talismans, et par des anneaux constellés. '''Lisette'''<br>
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'''Lucinde'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/169]]==
Je puis vous dire la même chose, et je sens comme vous des mouvements de joie qui m’empêchent de pouvoir parler.
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'''Clitandre'''<br>
C’est que j’ai déjà fait agir sur elle un de ces remèdes, que mon art m’enseigne. Comme l’esprit a grand empire sur le corps, et que c’est de lui bien souvent que procèdent les maladies, ma coutume est de courir à guérir les esprits, avant que de venir au corps. J’ai donc observé ses regards, les traits de son visage, et les lignes de ses deux mains : et par la science que le Ciel m’a donnée, j’ai reconnu que c’était de l’esprit qu’elle était malade, et que tout son mal ne venait
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/170]]== que d’une imagination déréglée, d’un désir dépravé de vouloir être mariée. Pour moi, je ne vois rien de plus extravagant et de plus ridicule, que cette envie qu’on a du mariage. '''Sganarelle'''<br>
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Oui, Madame.
'''Lucinde''
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/171]]==
'<br>
Et mon père y consent ?
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'''Clitandre'''<br>
Hélas ! Je le veux bien, Madame. (''À Sganarelle.'') Je vais faire
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/172]]== monter l’homme qui écrit mes remèdes, et lui faire croire que c’est un notaire. '''Sganarelle'''<br>
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'''Lucinde'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/173]]==
Plus qu’on ne peut s’imaginer.
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'''Sganarelle'''<br>
==[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/174]]==
Comment, le mariage ?
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[[Catégorie:Théâtre
=== no match === de Molière]] [[Catégorie:Comédies]]
[[Catégorie:XVIIe siècle]]
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