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Bourguignon, la Chanson des saisons{{corr|..…|…}} {{corr|A|À}} ce cycle écrit pour la majeure partie en langue d’oil qui allait devenir le français en répondirent deux autres : l’un celtique venu de Bretagne, l’autre provençal, ce dernier écrit en langue d’oc<ref name=p92>Le domaine de la langue d’oc s’étendait à peu près de Bordeaux à Lyon en suivant le cours du Rhône. Il comprenait en plus la Catalogne.</ref>. Parfois étaient évoqués Troie, {{corr|Enée|Énée}}, Alexandre, César… métamorphosés d’une façon qui en disait long sur les ignorances historiques. Les Français y étaient donnés comme descendants de Francion fils du roi Priam et les Bretons, de Brutus petit-fils d’{{corr|Enée|Énée}} ! Bien plus délicates, raffinées et pondérées étaient les productions d’origine celte ; l’histoire de Tristan et Yseult en demeure l’impérissable chef-d’œuvre. Ainsi allaient se trouver en contact les fantaisies du génie celte et ces lointaines réminiscences des épopées méditerranéennes. Que ne pouvait-on espérer de cette jonction se reproduisant de la sorte à l’orée des temps modernes ! Les chansons de geste éveillèrent en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne de multiples échos. On les imita partout. Avec les « farces » et les « fabliaux » s’affirmait d’autre part en France, d ans les rangs populaires, un don inné pour la malice et la satire. Grossière encore en était l’expression mais déjà mordante. Au théâtre, les règles essentielles de l’art dramatique tendaient à s’imposer comme d’instinct. La première pièce en langue d’oïl dont on fasse mention fut représentée sous le règne de Louis le gros.
Bourguignon, la Chanson des saisons{{corr|..…|…}} {{corr|A|À}} ce cycle écrit pour la majeure partie en langue d’oil qui allait devenir le français en répondirent deux autres : l’un celtique venu de Bretagne, l’autre provençal, ce dernier écrit en langue d’oc<ref name=p92>Le domaine de la langue d’oc s’étendait à peu près de Bordeaux à Lyon en suivant le cours du Rhône. Il comprenait en plus la Catalogne.</ref>. Parfois étaient évoqués Troie, {{corr|Enée|Énée}}, Alexandre, César… métamorphosés d’une façon qui en disait long sur les ignorances historiques. Les Français y étaient donnés comme descendants de Francion fils du roi Priam et les Bretons, de Brutus petit-fils d’{{corr|Enée|Énée}} ! Bien plus délicates, raffinées et pondérées étaient les productions d’origine celte ; l’histoire de Tristan et Yseult en demeure l’impérissable chef-d’œuvre. Ainsi allaient se trouver en contact les fantaisies du génie celte et ces lointaines réminiscences des épopées méditerranéennes. Que ne pouvait-on espérer de cette jonction se reproduisant de la sorte à l’orée des temps modernes ! Les chansons de geste éveillèrent en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne de multiples échos. On les imita partout. Avec les « farces » et les « fabliaux » s’affirmait d’autre part en France, dans les rangs populaires, un don inné pour la malice et la satire. Grossière encore en était l’expression mais déjà mordante. Au théâtre, les règles essentielles de l’art dramatique tendaient à s’imposer comme d’instinct. La première pièce en langue d’oïl dont on fasse mention fut représentée sous le règne de Louis le gros.


Vers le même temps, des maçons de l’Ile de France après quelques tâtonnements, découvraient l’art ogival qui allait régner sous le nom d’art français ({{lang|la|opus francigenum}}) dans tout l’occident pendant quatre siècles. Le mot ogive a été par confusion ultérieure détourné de son sens. Il ne désignait pas l’arc brisé, connu bien antérieurement, mais la croisée des arcs, la voûte en nervure, indépendante et élastique refoulant toutes les poussées sur les piliers appuyés eux-mêmes par des arcs-boutants extérieurs. C’est là ce qui constitue l’essence de l’art dit ogival. Quant au terme gothique, il n’a ici aucun sens ; il s’est imposé par un usage abusif à peu près comme le nom d’Amérique a servi à désigner le continent découvert par Colomb mais avec moins de raison encore.
Vers le même temps, des maçons de l’Ile de France après quelques tâtonnements, découvraient l’art ogival qui allait régner sous le nom d’art français ({{lang|la|opus francigenum}}) dans tout l’occident pendant quatre siècles. Le mot ogive a été par confusion ultérieure détourné de son sens. Il ne désignait pas l’arc brisé, connu bien antérieurement, mais la croisée des arcs, la voûte en nervure, indépendante et élastique refoulant toutes les poussées sur les piliers appuyés eux-mêmes par des arcs-boutants extérieurs. C’est là ce qui constitue l’essence de l’art dit ogival. Quant au terme gothique, il n’a ici aucun sens ; il s’est imposé par un usage abusif à peu près comme le nom d’Amérique a servi à désigner le continent découvert par Colomb mais avec moins de raison encore.