« Othon » : différence entre les versions

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|w=Othon}}
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{{Titre|Othon|[[Auteur :Pierre Corneille|Pierre Corneille]]|1664|Othon}}<br><br>
[[Catégorie:XVIIe siècle]]
[[Catégorie:Théâtre de Pierre Corneille]]
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</div>
 
__NOEDITSECTION__
 
{{ThéâtreDébut}}
<center>
{| style="background:#fafafa;padding:10px;border:1px solid #888" |
|-
| align=left |
<div style="text-align:center;color:#006699;font-weight:bold;font-size:90%;">ACTEURS</div>
 
'''Galba''', empereur de Rome.
 
'''Vinius''', consul.
 
'''Othon''', sénateur romain, amant de Plautine.
 
'''Lacus''', préfet du prétoire.
 
{{Personnages|
'''Camille''', nièce de Galba.
GALBA, empereur de Rome.
 
VINIUS, consul.
'''Plautine''', fille de Vinius, amante d'Othon.
 
OTHON, sénateur romain, amant de Plautine.
'''Martian''', affanchi de Galba.
 
LACUS |c}}, préfet du prétoire.
'''Albin''', ami d'Othon.
 
CAMILLE |c}}, nièce de Galba.
'''Albiane''', soeur d'Albin, et dame d'honneur de Camille.
 
PLAUTINE |c}}, fille de Vinius, amante d’Othon.
'''Flavie''', amie de Plautine.
 
MARTIAN |c}}, affanchi de Galba.
'''Atticus''', soldat romain.
 
ALBIN |c}}, ami d’Othon.
'''Rutile''', soldat romain.
|}
</center>
 
ALBIANE |c}}, sœur d’Albin, et dame d’honneur de Camille.
 
FALVIE |c}}, amie de Plautine.
<center>''La scène est à Rome dans le palais impérial.''</center>
 
ATTICUS |c}}, soldat romain.
 
RUTILE, soldat romain.|}}
== <center><span style="color:#006699">ACTE I</span></center> ==
 
=== <center><span style="color:#006699">Scène première</span></center> ===
 
'''Albin'''
<br>Votre amitié, seigneur, me rendra téméraire :
<br>J'en abuse, et je sais que je vais vous déplaire,
<br>Que vous condamnerez ma curiosité ;
<br>Mais je croirais vous faire une infidélité,
<br>Si je vous cachais rien de ce que j'entends dire
<br>De votre amour nouveau sous ce nouvel empire.
<br>On s'étonne de voir qu'un homme tel qu'Othon,
<br>Othon, dont les hauts faits soutiennent le grand nom,
<br>Daigne d'un Vinius se réduire à la fille,
<br>S'attache à ce consul, qui ravage, qui pille,
<br>Qui peut tout, je l'avoue, auprès de l'empereur,
<br>Mais dont tout le pouvoir ne sert qu'à faire horreur,
<br>Et détruit, d'autant plus que plus on le voit croître,
<br>Ce que l'on doit d'amour aux vertus de son maître.
 
{{Centré|''La scène est à Rome dans le palais impérial.''}}
'''Othon'''
<br>Ceux qu'on voit s'étonner de ce nouvel amour
<br>N'ont jamais bien conçu ce que c'est que la cour.
<br>Un homme tel que moi jamais ne s'en détache ;
<br>Il n'est point de retraite ou d'ombre qui le cache ;
<br>Et si du souverain la faveur n'est pour lui,
<br>Il faut, ou qu'il périsse, ou qu'il prenne un appui.
<br>Quand le monarque agit par sa propre conduite,
<br>Mes pareils sans péril se rangent à sa suite :
<br>Le mérite et le sang nous y font discerner ;
<br>Mais quand le potentat se laisse gouverner,
<br>Et que de son pouvoir les grands dépositaires
<br>N'ont pour raison d'état que leurs propres affaires,
<br>Ces lâches ennemis de tous les gens de coeur
<br>Cherchent à nous pousser avec toute rigueur,
<br>A moins que notre adroite et prompte servitude
<br>Nous dérobe aux fureurs de leur inquiétude.
<br>Sitôt que de Galba le sénat eut fait choix,
<br>Dans mon gouvernement j'en établis les lois,
<br>Et je fus le premier qu'on vit au nouveau prince
<br>Donner toute une armée et toute une province :
<br>Ainsi je me comptais de ses premiers suivants.
<br>Mais déjà Vinius avait pris les devants ;
<br>Martian l'affranchi, dont tu vois les pillages,
<br>Avait avec Lacus fermé tous les passages :
<br>On n'approchait de lui que sous leur bon plaisir.
<br>J'eus donc pour m'y produire un des trois à choisir.
<br>Je les voyais tous trois se hâter sous un maître
<br>Qui, chargé d'un long âge, a peu de temps à l'être,
<br>Et tous trois à l'envi s'empresser ardemment
<br>A qui dévorerait ce règne d'un moment.
<br>J'eus horreur des appuis qui restaient seuls à prendre,
<br>J'espérai quelque temps de m'en pouvoir défendre ;
<br>Mais quand Nymphidius, dans Rome assassiné,
<br>Fit place au favori qui l'avait condamné,
<br>Que Lacus, par sa mort, fut préfet du prétoire,
<br>Que pour couronnement d'une action si noire
<br>Les mêmes assassins firent encor percer
<br>Varron, Turpilian, Capiton, et Macer,
<br>Je vis qu'il était temps de prendre mes mesures,
<br>Qu'on perdait de Néron toutes les créatures,
<br>Et que demeuré seul de toute cette cour,
<br>A moins d'un protecteur j'aurais bientôt mon tour.
<br>Je choisis Vinius dans cette défiance ;
<br>Pour plus de sûreté j'en cherchai l'alliance.
<br>Les autres n'ont ni soeur ni fille à me donner ;
<br>Et d'eux sans ce grand noeud tout est à soupçonner.
 
<poem>
'''Albin'''
{{ACTE|I}}
<br>Vos voeux furent reçus ?
 
{{Scène|première}}
'''Othon'''
<br>{{caché|Vos voeux furent reçus ?}} Oui : déjà l'hyménée
<br>Aurait avec Plautine uni ma destinée,
<br>Si ces rivaux d'état n'en savaient divertir
<br>Un maître qui sans eux n'ose rien consentir.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Albin'''
Votre amitié, seigneur, me rendra téméraire :
<br>Ainsi tout votre amour n'est qu'une politique,
J’en abuse, et je sais que je vais vous déplaire,
<br>Et le coeur ne sent point ce que la bouche explique ?
Que vous condamnerez ma curiosité ;
Mais je croirais vous faire une infidélité,
Si je vous cachais rien de ce que j’entends dire
De votre amour nouveau sous ce nouvel empire.
On s’étonne de voir qu’un homme tel qu’Othon,
Othon, dont les hauts faits soutiennent le grand nom,
Daigne d’un Vinius se réduire à la fille,
S’attache à ce consul, qui ravage, qui pille,
Qui peut tout, je l’avoue, auprès de l’empereur,
Mais dont tout le pouvoir ne sert qu’à faire horreur,
Et détruit, d’autant plus que plus on le voit croître,
Ce que l’on doit d’amour aux vertus de son maître.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Ceux qu’on voit s’étonner de ce nouvel amour
<br>Il ne le sentit pas, Albin, du premier jour ;
N’ont jamais bien conçu ce que c’est que la cour.
<br>Mais cette politique est devenue amour :
Un homme tel que moi jamais ne s’en détache ;
<br>Tout m'en plaît, tout m'en charme, et mes premiers scrupules
Il n’est point de retraite ou d’ombre qui le cache ;
<br>Près d'un si cher objet passent pour ridicules.
Et si du souverain la faveur n’est pour lui,
<br>Vinius est consul, Vinius est puissant ;
Il faut, ou qu’il périsse, ou qu’il prenne un appui.
<br>Il a de la naissance ; et s'il est agissant,
Quand le monarque agit par sa propre conduite,
<br>S'il suit des favoris la pente trop commune,
Mes pareils sans péril se rangent à sa suite :
<br>Plautine hait en lui ces soins de sa fortune :
Le mérite et le sang nous y font discerner ;
<br>Son coeur est noble et grand.
Mais quand le potentat se laisse gouverner,
Et que de son pouvoir les grands dépositaires
N’ont pour raison d’état que leurs propres affaires,
Ces lâches ennemis de tous les gens de cœur
Cherchent à nous pousser avec toute rigueur,
A moins que notre adroite et prompte servitude
Nous dérobe aux fureurs de leur inquiétude.
Sitôt que de Galba le sénat eut fait choix,
Dans mon gouvernement j’en établis les lois,
Et je fus le premier qu’on vit au nouveau prince
Donner toute une armée et toute une province :
Ainsi je me comptais de ses premiers suivants.
Mais déjà Vinius avait pris les devants ;
Martian l’affranchi, dont tu vois les pillages,
Avait avec Lacus fermé tous les passages :
On n’approchait de lui que sous leur bon plaisir.
J’eus donc pour m’y produire un des trois à choisir.
Je les voyais tous trois se hâter sous un maître
Qui, chargé d’un long âge, a peu de temps à l’être,
Et tous trois à l’envi s’empresser ardemment
A qui dévorerait ce règne d’un moment.
J’eus horreur des appuis qui restaient seuls à prendre,
J’espérai quelque temps de m’en pouvoir défendre ;
Mais quand Nymphidius, dans Rome assassiné,
Fit place au favori qui l’avait condamné,
Que Lacus, par sa mort, fut préfet du prétoire,
Que pour couronnement d’une action si noire
Les mêmes assassins firent encor percer
Varron, Turpilian, Capiton, et Macer,
Je vis qu’il était temps de prendre mes mesures,
Qu’on perdait de Néron toutes les créatures,
Et que demeuré seul de toute cette cour,
A moins d’un protecteur j’aurais bientôt mon tour.
Je choisis Vinius dans cette défiance ;
Pour plus de sûreté j’en cherchai l’alliance.
Les autres n’ont ni sœur ni fille à me donner ;
Et d’eux sans ce grand nœud tout est à soupçonner.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Albin'''
Vos vœux furent reçus ?
<br>{{caché|Son coeur est noble et grand.}} Quoi qu'elle ait de vertu,
<br>Vous devriez dans l'âme être un peu combattu.
<br>La nièce de Galba pour dot aura l'empire,
<br>Et vaut bien que pour elle à ce prix on soupire :
<br>Son oncle doit bientôt lui choisir un époux.
<br>Le mérite et le sang font un éclat en vous,
<br>Qui pour y joindre encor celui du diadème...
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Vos vœux furent reçus ? }} Oui : déjà l’hyménée
<br>Quand mon coeur se pourrait soustraire à ce que j'aime
Aurait avec Plautine uni ma destinée,
<br>Et que pour moi Camille aurait tant de bonté
Si ces rivaux d’état n’en savaient divertir
<br>Que je dusse espérer de m'en voir écouté,
Un maître qui sans eux n’ose rien consentir.
<br>Si, comme tu le dis, sa main doit faire un maître,
<br>Aucun de nos tyrans n'est encor las de l'être ;
<br>Et ce serait tous trois les attirer sur moi,
<br>Qu'aspirer sans leur ordre à recevoir sa foi.
<br>Surtout de Vinius le sensible courage
<br>Ferait tout pour me perdre après un tel outrage,
<br>Et se vengerait même à la face des dieux,
<br>Si j'avais sur Camille osé tourner les yeux.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Albin'''
Ainsi tout votre amour n’est qu’une politique,
<br>Pensez-y toutefois : ma soeur est auprès d'elle ;
Et le cœur ne sent point ce que la bouche explique ?
<br>Je puis vous y servir ; l'occasion est belle ;
<br>Tout autre amant que vous s'en laisserait charmer ;
<br>Et je vous dirais plus, si vous osiez l'aimer.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Il ne le sentit pas, Albin, du premier jour ;
<br>Porte à d'autres qu'à moi cette amorce inutile ;
Mais cette politique est devenue amour :
<br>Mon coeur, tout à Plautine, est fermé pour Camille.
Tout m’en plaît, tout m’en charme, et mes premiers scrupules
<br>La beauté de l'objet, la honte de changer,
Près d’un si cher objet passent pour ridicules.
<br>Le succès incertain, l'infaillible danger,
Vinius est consul, Vinius est puissant ;
<br>Tout fait à tes projets d'invincibles obstacles.
Il a de la naissance ; et s’il est agissant,
S’il suit des favoris la pente trop commune,
Plautine hait en lui ces soins de sa fortune :
Son cœur est noble et grand.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Albin'''
{{caché|Son cœur est noble et grand.}} Quoi qu’elle ait de vertu,
<br>Seigneur, en moins de rien il se fait des miracles :
Vous devriez dans l’âme être un peu combattu.
<br>A ces deux grands rivaux peut-être il serait doux
La nièce de Galba pour dot aura l’empire,
<br>D'ôter à Vinius un gendre tel que vous ;
Et vaut bien que pour elle à ce prix on soupire :
<br>Et si l'un par bonheur à Galba vous propose...
Son oncle doit bientôt lui choisir un époux.
<br>Ce n'est pas qu'après tout j'en sache aucune chose :
Le mérite et le sang font un éclat en vous,
<br>Je leur suis trop suspect pour s'en ouvrir à moi ;
Qui pour y joindre encor celui du diadème…
<br>Mais si je vous puis dire enfin ce que j'en croi,
<br>Je vous proposerais, si j'étais en leur place.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Quand mon cœur se pourrait soustraire à ce que j’aime
<br>Aucun d'eux ne fera ce que tu veux qu'il fasse ;
Et que pour moi Camille aurait tant de bonté
<br>Et s'ils peuvent jamais trouver quelque douceur
Que je dusse espérer de m’en voir écouté,
<br>A faire que Galba choisisse un successeur,
Si, comme tu le dis, sa main doit faire un maître,
<br>Ils voudront par ce choix se mettre en assurance,
Aucun de nos tyrans n’est encor las de l’être ;
<br>Et n'en proposeront que de leur dépendance.
Et ce serait tous trois les attirer sur moi,
<br>Je sais... Mais Vinius que j'aperçois venir...
Qu’aspirer sans leur ordre à recevoir sa foi.
Surtout de Vinius le sensible courage
Ferait tout pour me perdre après un tel outrage,
Et se vengerait même à la face des dieux,
Si j’avais sur Camille osé tourner les yeux.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène II</span></center> ===
Pensez-y toutefois : ma sœur est auprès d’elle ;
Je puis vous y servir ; l’occasion est belle ;
Tout autre amant que vous s’en laisserait charmer ;
Et je vous dirais plus, si vous osiez l’aimer.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Vinius'''
Porte à d’autres qu’à moi cette amorce inutile ;
<br>Laissez-nous seuls, Albin : je veux l'entretenir.
Mon cœur, tout à Plautine, est fermé pour Camille.
<br>Je crois que vous m'aimez, seigneur, et que ma fille
La beauté de l’objet, la honte de changer,
<br>Vous fait prendre intérêt en toute la famille.
Le succès incertain, l’infaillible danger,
<br>Il en faut une preuve, et non pas seulement
Tout fait à tes projets d’invincibles obstacles.
<br>Qui consiste aux devoirs dont s'empresse un amant :
<br>Il la faut plus solide, il la faut d'un grand homme,
<br>D'un coeur digne en effet de commander à Rome.
<br>Il faut ne plus l'aimer.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Othon'''
Seigneur, en moins de rien il se fait des miracles :
<br>{{caché|Il faut ne plus l'aimer.}} Quoi ? Pour preuve d'amour...
A ces deux grands rivaux peut-être il serait doux
D’ôter à Vinius un gendre tel que vous ;
Et si l’un par bonheur à Galba vous propose…
Ce n’est pas qu’après tout j’en sache aucune chose :
Je leur suis trop suspect pour s’en ouvrir à moi ;
Mais si je vous puis dire enfin ce que j’en croi,
Je vous proposerais, si j’étais en leur place.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Vinius'''
Aucun d’eux ne fera ce que tu veux qu’il fasse ;
<br>Il faut faire encor plus, seigneur, en ce grand jour :
Et s’ils peuvent jamais trouver quelque douceur
<br>Il faut aimer ailleurs.
A faire que Galba choisisse un successeur,
Ils voudront par ce choix se mettre en assurance,
Et n’en proposeront que de leur dépendance.
Je sais… Mais Vinius que j’aperçois venir…
 
{{Scène|II}}
'''Othon'''
<br>{{caché|Il faut aimer ailleurs.}} Ah ! Que m'osez-vous dire ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Laissez-nous seuls, Albin : je veux l’entretenir.
<br>Je sais qu'à son hymen tout votre coeur aspire ;
Je crois que vous m’aimez, seigneur, et que ma fille
<br>Mais elle, et vous, et moi, nous allons tous périr ;
Vous fait prendre intérêt en toute la famille.
<br>Et votre change seul nous peut tous secourir.
Il en faut une preuve, et non pas seulement
<br>Vous me devez, seigneur, peut-être quelque chose :
Qui consiste aux devoirs dont s’empresse un amant :
<br>Sans moi, sans mon crédit qu'à leurs desseins j'oppose,
Il la faut plus solide, il la faut d’un grand homme,
<br>Lacus et Martian vous auraient peu souffert ;
D’un cœur digne en effet de commander à Rome.
<br>Il faut à votre tour rompre un coup qui me perd,
Il faut ne plus l’aimer.
<br>Et qui, si votre coeur ne s'arrache à Plautine,
<br>Vous enveloppera tous deux en ma ruine.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Il faut ne plus l’aimer.}} Quoi ? Pour preuve d’amour…
<br>Dans le plus doux espoir de mes voeux acceptés,
<br>M'ordonner que je change ! Et vous-même !
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Il faut faire encor plus, seigneur, en ce grand jour :
<br>{{caché|M'ordonner que je change ! Et vous-même !}} Ecoutez.
Il faut aimer ailleurs.
<br>L'honneur que nous ferait votre illustre hyménée
<br>Des deux que j'ai nommés tient l'âme si gênée,
<br>Que jusqu'ici Galba, qu'ils obsèdent tous deux,
<br>A refusé son ordre à l'effet de nos voeux.
<br>L'obstacle qu'ils y font vous peut montrer sans peine
<br>Quelle est pour vous et moi leur envie et leur haine ;
<br>Et qu'aujourd'hui, de l'air dont nous nous regardons,
<br>Ils nous perdront bientôt si nous ne les perdons.
<br>C'est une vérité qu'on voit trop manifeste ;
<br>Et sur ce fondement, seigneur, je passe au reste.
<br>Galba, vieil et cassé, qui se voit sans enfants,
<br>Croit qu'on méprise en lui la faiblesse des ans,
<br>Et qu'on ne peut aimer à servir sous un maître
<br>Qui n'aura pas loisir de le bien reconnaître.
<br>Il voit de toutes parts du tumulte excité :
<br>Le soldat en Syrie est presque révolté ;
<br>Vitellius avance avec la force unie
<br>Des troupes de la Gaule et de la Germanie ;
<br>Ce qu'il a de vieux corps le souffre avec ennui ;
<br>Tous les prétoriens murmurent contre lui.
<br>De leur Nymphidius l'indigne sacrifice
<br>De qui se l'immola leur demande justice :
<br>Il le sait, et prétend par un jeune empereur
<br>Ramener les esprits, et calmer leur fureur.
<br>Il espère un pouvoir ferme, plein, et tranquille,
<br>S'il nomme pour César un époux de Camille ;
<br>Mais il balance encor sur ce choix d'un époux,
<br>Et je ne puis, seigneur, m'assurer que sur vous.
<br>J'ai donc pour ce grand choix vanté votre courage,
<br>Et Lacus à Pison a donné son suffrage.
<br>Martian n'a parlé qu'en termes ambigus,
<br>Mais sans doute il ira du côté de Lacus,
<br>Et l'unique remède est de gagner Camille :
<br>Si sa voix est pour nous, la leur est inutile.
<br>Nous serons pareil nombre, et dans l'égalité
<br>Galba pour cette nièce aura de la bonté.
<br>Il a remis exprès à tantôt d'en résoudre.
<br>De nos têtes sur eux détournez cette foudre :
<br>Je vous le dis encor, contre ces grands jaloux
<br>Je ne me puis, seigneur, assurer que sur vous.
<br>De votre premier choix quoi que je doive attendre,
<br>Je vous aime encor mieux pour maître que pour gendre ;
<br>Et je ne vois pour nous qu'un naufrage certain,
<br>S'il nous faut recevoir un prince de leur main.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Il faut aimer ailleurs.}} Ah ! Que m’osez-vous dire ?
<br>Ah ! Seigneur, sur ce point c'est trop de confiance ;
<br>C'est vous tenir trop sûr de mon obéissance.
<br>Je ne prends plus de lois que de ma passion :
<br>Plautine est l'objet seul de mon ambition ;
<br>Et si votre amitié me veut détacher d'elle,
<br>La haine de Lacus me serait moins cruelle.
<br>Que m'importe après tout, si tel est mon malheur,
<br>De mourir par son ordre, ou mourir de douleur ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Je sais qu’à son hymen tout votre cœur aspire ;
<br>Seigneur, un grand courage, à quelque point qu'il aime,
Mais elle, et vous, et moi, nous allons tous périr ;
<br>Sait toujours au besoin se posséder soi-même.
Et votre change seul nous peut tous secourir.
<br>Poppée avait pour vous du moins autant d'appas ;
Vous me devez, seigneur, peut-être quelque chose :
<br>Et quand on vous l'ôta vous n'en mourûtes pas.
Sans moi, sans mon crédit qu’à leurs desseins j’oppose,
Lacus et Martian vous auraient peu souffert ;
Il faut à votre tour rompre un coup qui me perd,
Et qui, si votre cœur ne s’arrache à Plautine,
Vous enveloppera tous deux en ma ruine.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Dans le plus doux espoir de mes vœux acceptés,
<br>Non, seigneur ; mais Poppée était une infidèle,
M’ordonner que je change ! Et vous-même !
<br>Qui n'en voulait qu'au trône, et qui m'aimait moins qu'elle.
<br>Ce peu qu'elle eut d'amour ne fit du lit d'Othon
<br>Qu'un degré pour monter à celui de Néron :
<br>Elle ne m'épousa qu'afin de s'y produire,
<br>D'y ménager sa place au hasard de me nuire :
<br>Aussi j'en fus banni sous un titre d'honneur ;
<br>Et pour ne me plus voir on me fit gouverneur.
<br>Mais j'adore Plautine, et je règne en son âme :
<br>Nous ordonner d'éteindre une si belle flamme,
<br>C'est... Je ne l'ose dire. Il est d'autres Romains,
<br>Seigneur, qui sauront mieux appuyer vos desseins ;
<br>Il en est dont le coeur pour Camille soupire,
<br>Et qui seront ravis de vous devoir l'empire.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
{{caché|M’ordonner que je change ! Et vous-même ! }} Ecoutez.
<br>Je veux que cet espoir à d'autres soit permis ;
L’honneur que nous ferait votre illustre hyménée
<br>Mais êtes-vous fort sûr qu'ils soient de nos amis ?
Des deux que j’ai nommés tient l’âme si gênée,
<br>Savez-vous mieux que moi s'ils plairont à Camille ?
Que jusqu’ici Galba, qu’ils obsèdent tous deux,
A refusé son ordre à l’effet de nos vœux.
L’obstacle qu’ils y font vous peut montrer sans peine
Quelle est pour vous et moi leur envie et leur haine ;
Et qu’aujourd’hui, de l’air dont nous nous regardons,
Ils nous perdront bientôt si nous ne les perdons.
C’est une vérité qu’on voit trop manifeste ;
Et sur ce fondement, seigneur, je passe au reste.
Galba, vieil et cassé, qui se voit sans enfants,
Croit qu’on méprise en lui la faiblesse des ans,
Et qu’on ne peut aimer à servir sous un maître
Qui n’aura pas loisir de le bien reconnaître.
Il voit de toutes parts du tumulte excité :
Le soldat en Syrie est presque révolté ;
Vitellius avance avec la force unie
Des troupes de la Gaule et de la Germanie ;
Ce qu’il a de vieux corps le souffre avec ennui ;
Tous les prétoriens murmurent contre lui.
De leur Nymphidius l’indigne sacrifice
De qui se l’immola leur demande justice :
Il le sait, et prétend par un jeune empereur
Ramener les esprits, et calmer leur fureur.
Il espère un pouvoir ferme, plein, et tranquille,
S’il nomme pour César un époux de Camille ;
Mais il balance encor sur ce choix d’un époux,
Et je ne puis, seigneur, m’assurer que sur vous.
J’ai donc pour ce grand choix vanté votre courage,
Et Lacus à Pison a donné son suffrage.
Martian n’a parlé qu’en termes ambigus,
Mais sans doute il ira du côté de Lacus,
Et l’unique remède est de gagner Camille :
Si sa voix est pour nous, la leur est inutile.
Nous serons pareil nombre, et dans l’égalité
Galba pour cette nièce aura de la bonté.
Il a remis exprès à tantôt d’en résoudre.
De nos têtes sur eux détournez cette foudre :
Je vous le dis encor, contre ces grands jaloux
Je ne me puis, seigneur, assurer que sur vous.
De votre premier choix quoi que je doive attendre,
Je vous aime encor mieux pour maître que pour gendre ;
Et je ne vois pour nous qu’un naufrage certain,
S’il nous faut recevoir un prince de leur main.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Ah ! Seigneur, sur ce point c’est trop de confiance ;
<br>Et croyez-vous pour moi qu'elle soit plus facile ?
C’est vous tenir trop sûr de mon obéissance.
<br>Pour moi, que d'autres voeux...
Je ne prends plus de lois que de ma passion :
Plautine est l’objet seul de mon ambition ;
Et si votre amitié me veut détacher d’elle,
La haine de Lacus me serait moins cruelle.
Que m’importe après tout, si tel est mon malheur,
De mourir par son ordre, ou mourir de douleur ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Seigneur, un grand courage, à quelque point qu’il aime,
<br>{{caché|Pour moi, que d'autres voeux...}} A ne vous rien celer,
Sait toujours au besoin se posséder soi-même.
<br>Sortant d'avec Galba, j'ai voulu lui parler :
Poppée avait pour vous du moins autant d’appas ;
<br>J'ai voulu sur ce point pressentir sa pensée ;
Et quand on vous l’ôta vous n’en mourûtes pas.
<br>J'en ai nommé plusieurs pour qui je l'ai pressée.
<br>A leurs noms, un grand froid, un front triste, un oeil bas,
<br>M'ont fait voir aussitôt qu'ils ne lui plaisaient pas ;
<br>Au vôtre elle a rougi, puis s'est mise à sourire,
<br>Et m'a soudain quitté sans me vouloir rien dire.
<br>C'est à vous, qui savez ce que c'est que d'aimer,
<br>A juger de son coeur ce qu'on doit présumer.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
<br>Je n'en veux rien jugerNon, seigneur ; etmais sansPoppée Plautineétait une infidèle,
Qui n’en voulait qu’au trône, et qui m’aimait moins qu’elle.
<br>L'amour m'est un poison, le bonheur m'assassine ;
Ce peu qu’elle eut d’amour ne fit du lit d’Othon
<br>Et toutes les douceurs du pouvoir souverain
Qu’un degré pour monter à celui de Néron :
<br>Me sont d'affreux tourments, s'il m'en coûte sa main.
Elle ne m’épousa qu’afin de s’y produire,
D’y ménager sa place au hasard de me nuire :
Aussi j’en fus banni sous un titre d’honneur ;
Et pour ne me plus voir on me fit gouverneur.
Mais j’adore Plautine, et je règne en son âme :
Nous ordonner d’éteindre une si belle flamme,
C’est… Je ne l’ose dire. Il est d’autres Romains,
Seigneur, qui sauront mieux appuyer vos desseins ;
Il en est dont le cœur pour Camille soupire,
Et qui seront ravis de vous devoir l’empire.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Je veux que cet espoir à d’autres soit permis ;
<br>De tant de fermeté j'aurais l'âme ravie,
Mais êtes-vous fort sûr qu’ils soient de nos amis ?
<br>Si cet excès d'amour nous assurait la vie ;
Savez-vous mieux que moi s’ils plairont à Camille ?
<br>Mais il nous faut le trône, ou renoncer au jour ;
<br>Et quand nous périrons, que servira l'amour ?
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Et croyez-vous pour moi qu’elle soit plus facile ?
<br>A de vaines frayeurs un noir soupçon vous livre :
Pour moi, que d’autres vœux…
<br>Pison n'est point cruel et nous laissera vivre.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
{{caché|Pour moi, que d’autres vœux…}} A ne vous rien celer,
<br>Il nous laissera vivre, et je vous ai nommé !
Sortant d’avec Galba, j’ai voulu lui parler :
<br>Si de nous voir dans Rome il n'est point alarmé,
J’ai voulu sur ce point pressentir sa pensée ;
<br>Nos communs ennemis, qui prendront sa conduite,
J’en ai nommé plusieurs pour qui je l’ai pressée.
<br>En préviendront pour lui la dangereuse suite.
A leurs noms, un grand froid, un front triste, un œil bas,
<br>Seigneur, quand pour l'empire on s'est vu désigner,
M’ont fait voir aussitôt qu’ils ne lui plaisaient pas ;
<br>Il faut, quoi qu'il arrive, ou périr ou régner.
Au vôtre elle a rougi, puis s’est mise à sourire,
<br>Le posthume Agrippa vécut peu sous Tibère ;
Et m’a soudain quitté sans me vouloir rien dire.
<br>Néron n'épargna point le sang de son beau-frère ;
C’est à vous, qui savez ce que c’est que d’aimer,
<br>Et Pison vous perdra par la même raison,
A juger de son cœur ce qu’on doit présumer.
<br>Si vous ne vous hâtez de prévenir Pison.
<br>Il n'est point de milieu qu'en saine politique...
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Je n’en veux rien juger, seigneur ; et sans Plautine
<br>Et l'amour est la seule où tout mon coeur s'applique.
L’amour m’est un poison, le bonheur m’assassine ;
<br>Rien ne vous a servi, seigneur, de me nommer :
Et toutes les douceurs du pouvoir souverain
<br>Vous voulez que je règne, et je ne sais qu'aimer.
Me sont d’affreux tourments, s’il m’en coûte sa main.
<br>Je pourrais savoir plus, si l'astre qui domine
<br>Me voulait faire un jour régner avec Plautine ;
<br>Mais dérober son âme à de si doux appas,
<br>Pour attacher sa vie à ce qu'on n'aime pas !
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
De tant de fermeté j’aurais l’âme ravie,
<br>Eh bien ! Si cet amour a sur vous tant de force,
Si cet excès d’amour nous assurait la vie ;
<br>Régnez : qui fait des lois peut bien faire un divorce.
Mais il nous faut le trône, ou renoncer au jour ;
<br>Du trône on considère enfin ses vrais amis,
<br>Et quand vousnous pourrez toutpérirons, toutque vousservira seral’amour permis.?
 
{{Personnage| OTHON |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène III</span></center> ===
A de vaines frayeurs un noir soupçon vous livre :
Pison n’est point cruel et nous laissera vivre.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Plautine'''
Il nous laissera vivre, et je vous ai nommé !
<br>Non pas, seigneur, non pas : quoi que le ciel m'envoie,
Si de nous voir dans Rome il n’est point alarmé,
<br>Je ne veux rien tenir d'une honteuse voie ;
Nos communs ennemis, qui prendront sa conduite,
<br>Et cette lâcheté qui me rendrait son coeur,
En préviendront pour lui la dangereuse suite.
<br>Sentirait le tyran, et non pas l'empereur.
Seigneur, quand pour l’empire on s’est vu désigner,
<br>A votre sûreté, puisque le péril presse,
Il faut, quoi qu’il arrive, ou périr ou régner.
<br>J'immolerai ma flamme et toute ma tendresse ;
Le posthume Agrippa vécut peu sous Tibère ;
<br>Et je vaincrai l'horreur d'un si cruel devoir
Néron n’épargna point le sang de son beau-frère ;
<br>Pour conserver le jour à qui me l'a fait voir ;
Et Pison vous perdra par la même raison,
<br>Mais ce qu'à mes desirs je fais de violence
Si vous ne vous hâtez de prévenir Pison.
<br>Fuit les honteux appas d'une indigne espérance ;
Il n’est point de milieu qu’en saine politique…
<br>Et la vertu qui dompte et bannit mon amour
<br>N'en souffrira jamais qu'un vertueux retour.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Et l’amour est la seule où tout mon cœur s’applique.
<br>Ah ! Que cette vertu m'apprête un dur supplice,
Rien ne vous a servi, seigneur, de me nommer :
<br>Seigneur ! Et le moyen que je vous obéisse ?
Vous voulez que je règne, et je ne sais qu’aimer.
<br>Voyez, et s'il se peut, pour voir tout mon tourment,
Je pourrais savoir plus, si l’astre qui domine
<br>Quittez vos yeux de père, et prenez-en d'amant.
Me voulait faire un jour régner avec Plautine ;
Mais dérober son âme à de si doux appas,
Pour attacher sa vie à ce qu’on n’aime pas !
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Eh bien ! Si cet amour a sur vous tant de force,
<br>L'estime de mon sang ne m'est pas interdite :
Régnez : qui fait des lois peut bien faire un divorce.
<br>Je lui vois des attraits, je lui vois du mérite ;
Du trône on considère enfin ses vrais amis,
<br>Je crois qu'elle en a même assez pour engager,
Et quand vous pourrez tout, tout vous sera permis.
<br>Si quelqu'un nous perdait, quelque autre à nous venger.
<br>Par là nos ennemis la tiendront redoutable ;
<br>Et sa perte par là devient inévitable.
<br>Je vois de plus, seigneur, que je n'obtiendrai rien,
<br>Tant que votre oeil blessé rencontrera le sien,
<br>Que le temps se va perdre en répliques frivoles ;
<br>Et pour les éviter, j'achève en trois paroles :
<br>Si vous manquez le trône, il faut périr tous trois.
<br>Prévenez, attendez cet ordre à votre choix :
<br>Je me remets à vous de ce qui vous regarde ;
<br>Mais en ma fille et moi ma gloire se hasarde,
<br>De ses jours et des miens je suis maître absolu,
<br>Et j'en disposerai comme j'ai résolu.
<br>Je ne crains point la mort, mais je hais l'infamie
<br>D'en recevoir la loi d'une main ennemie ;
<br>Et je saurai verser tout mon sang en Romain,
<br>Si le choix que j'attends ne me retient la main.
<br>C'est dans une heure ou deux que Galba se déclare.
<br>Vous savez l'un et l'autre à quoi je me prépare :
<br>Résolvez-en ensemble.
 
{{Scène|III}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène IV</span></center> ===
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Othon'''
Non pas, seigneur, non pas : quoi que le ciel m’envoie,
<br>{{caché|Résolvez-en ensemble.}} Arrêtez donc, seigneur ;
Je ne veux rien tenir d’une honteuse voie ;
<br>Et s'il faut prévenir ce mortel déshonneur,
Et cette lâcheté qui me rendrait son cœur,
<br>Recevez-en l'exemple, et jugez si la honte...
Sentirait le tyran, et non pas l’empereur.
A votre sûreté, puisque le péril presse,
J’immolerai ma flamme et toute ma tendresse ;
Et je vaincrai l’horreur d’un si cruel devoir
Pour conserver le jour à qui me l’a fait voir ;
Mais ce qu’à mes desirs je fais de violence
Fuit les honteux appas d’une indigne espérance ;
Et la vertu qui dompte et bannit mon amour
N’en souffrira jamais qu’un vertueux retour.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Plautine'''
Ah ! Que cette vertu m’apprête un dur supplice,
<br>Quoi ? Seigneur, à mes yeux une fureur si prompte !
Seigneur ! Et le moyen que je vous obéisse ?
<br>Ce noble désespoir, si digne des Romains,
Voyez, et s’il se peut, pour voir tout mon tourment,
<br>Tant qu'ils ont du courage est toujours en leurs mains ;
Quittez vos yeux de père, et prenez-en d’amant.
<br>Et pour vous et pour moi, fût-il digne d'un temple,
<br>Il n'est pas encor temps de m'en donner l'exemple.
<br>Il faut vivre, et l'amour nous y doit obliger,
<br>Pour me sauver un père, et pour me protéger.
<br>Quand vous voyez ma vie à la vôtre attachée,
<br>Faut-il que malgré moi votre âme effarouchée,
<br>Pour m'ouvrir le tombeau, hâte votre trépas,
<br>Et m'avance un destin où je ne consens pas ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Othon'''
L’estime de mon sang ne m’est pas interdite :
<br>Quand il faut m'arracher tout cet amour de l'âme,
Je lui vois des attraits, je lui vois du mérite ;
<br>Puis-je que dans mon sang en éteindre la flamme ?
Je crois qu’elle en a même assez pour engager,
<br>Puis-je sans le trépas...
Si quelqu’un nous perdait, quelque autre à nous venger.
Par là nos ennemis la tiendront redoutable ;
Et sa perte par là devient inévitable.
Je vois de plus, seigneur, que je n’obtiendrai rien,
Tant que votre œil blessé rencontrera le sien,
Que le temps se va perdre en répliques frivoles ;
Et pour les éviter, j’achève en trois paroles :
Si vous manquez le trône, il faut périr tous trois.
Prévenez, attendez cet ordre à votre choix :
Je me remets à vous de ce qui vous regarde ;
Mais en ma fille et moi ma gloire se hasarde,
De ses jours et des miens je suis maître absolu,
Et j’en disposerai comme j’ai résolu.
Je ne crains point la mort, mais je hais l’infamie
D’en recevoir la loi d’une main ennemie ;
Et je saurai verser tout mon sang en Romain,
Si le choix que j’attends ne me retient la main.
C’est dans une heure ou deux que Galba se déclare.
Vous savez l’un et l’autre à quoi je me prépare :
Résolvez-en ensemble.
 
{{Scène|IV}}
'''Plautine'''
<br>{{caché|Puis-je sans le trépas...}} Et vous ai-je ordonné
<br>D'éteindre tout l'amour que je vous ai donné ?
<br>Si l'injuste rigueur de notre destinée
<br>Ne permet plus l'espoir d'un heureux hyménée,
<br>Il est un autre amour dont les voeux innocents
<br>S'élèvent au-dessus du commerce des sens.
<br>Plus la flamme en est pure et plus elle est durable ;
<br>Il rend de son objet le coeur inséparable ;
<br>Il a de vrais plaisirs dont ce coeur est charmé,
<br>Et n'aspire qu'au bien d'aimer et d'être aimé.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Résolvez-en ensemble.}} Arrêtez donc, seigneur ;
<br>Qu'un tel épurement demande un grand courage !
Et s’il faut prévenir ce mortel déshonneur,
<br>Qu'il est même aux plus grands d'un difficile usage !
Recevez-en l’exemple, et jugez si la honte…
<br>Madame, permettez que je die à mon tour
<br>Que tout ce que l'honneur peut souffrir à l'amour,
<br>Un amant le souhaite, il en veut l'espérance,
<br>Et se croit mal aimé s'il n'en a l'assurance.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Quoi ? Seigneur, à mes yeux une fureur si prompte !
<br>Aimez-moi toutefois sans l'attendre de moi,
Ce noble désespoir, si digne des Romains,
<br>Et ne m'enviez point l'honneur que j'en reçoi.
Tant qu’ils ont du courage est toujours en leurs mains ;
<br>Quelle gloire à Plautine, ô ciel, de pouvoir dire
<br>QueEt lepour choixvous deet sonpour coeurmoi, futfût-il digne ded’un l'empire ;temple,
Il n’est pas encor temps de m’en donner l’exemple.
<br>Qu'un héros destiné pour maître à l'univers
Il faut vivre, et l’amour nous y doit obliger,
<br>Voulut borner ses voeux à vivre dans ses fers ;
Pour me sauver un père, et pour me protéger.
<br>Et qu'à moins que d'un ordre absolu d'elle-même
Quand vous voyez ma vie à la vôtre attachée,
<br>Il aurait renoncé pour elle au diadème !
Faut-il que malgré moi votre âme effarouchée,
Pour m’ouvrir le tombeau, hâte votre trépas,
Et m’avance un destin où je ne consens pas ?
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
<br>AhQuand ! Qu'il faut aimerm’arracher peutout pourcet faireamour sonde bonheurl’âme,
Puis-je que dans mon sang en éteindre la flamme ?
<br>Pour tirer vanité d'un si fatal honneur !
Puis-je sans le trépas…
<br>Si vous m'aimiez, madame, il vous serait sensible
<br>De voir qu'à d'autres voeux mon coeur fût accessible,
<br>Et la nécessité de le porter ailleurs
<br>Vous aurait fait déjà partager mes douleurs.
<br>Mais tout mon désespoir n'a rien qui vous alarme :
<br>Vous pouvez perdre Othon sans verser une larme ;
<br>Vous en témoignez joie, et vous-même aspirez
<br>A tout l'excès des maux qui me sont préparés.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Puis-je sans le trépas…}} Et vous ai-je ordonné
<br>Que votre aveuglement a pour moi d'injustice !
D’éteindre tout l’amour que je vous ai donné ?
<br>Pour épargner vos maux j'augmente mon supplice,
Si l’injuste rigueur de notre destinée
<br>Je souffre, et c'est pour vous que j'ose m'imposer
Ne permet plus l’espoir d’un heureux hyménée,
<br>La gêne de souffrir, et de le déguiser.
Il est un autre amour dont les vœux innocents
<br>Tout ce que vous sentez, je le sens dans mon âme ;
S’élèvent au-dessus du commerce des sens.
<br>J'ai mêmes déplaisirs, comme j'ai même flamme ;
Plus la flamme en est pure et plus elle est durable ;
<br>J'ai mêmes désespoirs ; mais je sais les cacher,
Il rend de son objet le cœur inséparable ;
<br>Et paraître insensible afin de moins toucher.
Il a de vrais plaisirs dont ce cœur est charmé,
<br>Faites à vos desirs pareille violence,
Et n’aspire qu’au bien d’aimer et d’être aimé.
<br>Retenez-en l'éclat, sauvez-en l'apparence :
<br>Au péril qui nous presse immolez le dehors,
<br>Et pour vous faire aimer montrez d'autres transports.
<br>Je ne vous défends point une douleur muette,
<br>Pourvu que votre front n'en soit point l'interprète,
<br>Et que de votre coeur vos yeux indépendants
<br>Triomphent comme moi des troubles du dedans.
<br>Suivez, passez l'exemple, et portez à Camille
<br>Un visage content, un visage tranquille,
<br>Qui lui laisse accepter ce que vous offrirez,
<br>Et ne démente rien de ce que vous direz.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Qu’un tel épurement demande un grand courage !
<br>Hélas ! Madame, hélas ! Que pourrai-je lui dire ?
Qu’il est même aux plus grands d’un difficile usage !
Madame, permettez que je die à mon tour
Que tout ce que l’honneur peut souffrir à l’amour,
Un amant le souhaite, il en veut l’espérance,
Et se croit mal aimé s’il n’en a l’assurance.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Aimez-moi toutefois sans l’attendre de moi,
<br>Il y va de ma vie, il y va de l'empire ;
Et ne m’enviez point l’honneur que j’en reçoi.
<br>Réglez-vous là-dessus. Le temps se perd, seigneur.
Quelle gloire à Plautine, ô ciel, de pouvoir dire
<br>Adieu : donnez la main, mais gardez-moi le coeur ;
Que le choix de son cœur fut digne de l’empire ;
<br>Ou si c'est trop pour moi, donnez et l'un et l'autre,
Qu’un héros destiné pour maître à l’univers
<br>Emportez mon amour et retirez le vôtre ;
Voulut borner ses vœux à vivre dans ses fers ;
<br>Mais dans ce triste état si je vous fais pitié,
Et qu’à moins que d’un ordre absolu d’elle-même
<br>Conservez-moi toujours l'estime et l'amitié ;
Il aurait renoncé pour elle au diadème !
<br>Et n'oubliez jamais, quand vous serez le maître,
<br>Que c'est moi qui vous force et qui vous aide à l'être.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Ah ! Qu’il faut aimer peu pour faire son bonheur,
<br>Que ne m'est-il permis d'éviter par ma mort
Pour tirer vanité d’un si fatal honneur !
<br>Les barbares rigueurs d'un si cruel effort !
Si vous m’aimiez, madame, il vous serait sensible
De voir qu’à d’autres vœux mon cœur fût accessible,
Et la nécessité de le porter ailleurs
Vous aurait fait déjà partager mes douleurs.
Mais tout mon désespoir n’a rien qui vous alarme :
Vous pouvez perdre Othon sans verser une larme ;
Vous en témoignez joie, et vous-même aspirez
A tout l’excès des maux qui me sont préparés.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
== <center><span style="color:#006699">ACTE II</span></center> ==
Que votre aveuglement a pour moi d’injustice !
Pour épargner vos maux j’augmente mon supplice,
Je souffre, et c’est pour vous que j’ose m’imposer
La gêne de souffrir, et de le déguiser.
Tout ce que vous sentez, je le sens dans mon âme ;
J’ai mêmes déplaisirs, comme j’ai même flamme ;
J’ai mêmes désespoirs ; mais je sais les cacher,
Et paraître insensible afin de moins toucher.
Faites à vos desirs pareille violence,
Retenez-en l’éclat, sauvez-en l’apparence :
Au péril qui nous presse immolez le dehors,
Et pour vous faire aimer montrez d’autres transports.
Je ne vous défends point une douleur muette,
Pourvu que votre front n’en soit point l’interprète,
Et que de votre cœur vos yeux indépendants
Triomphent comme moi des troubles du dedans.
Suivez, passez l’exemple, et portez à Camille
Un visage content, un visage tranquille,
Qui lui laisse accepter ce que vous offrirez,
Et ne démente rien de ce que vous direz.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène première</span></center> ===
Hélas ! Madame, hélas ! Que pourrai-je lui dire ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Il y va de ma vie, il y va de l’empire ;
<br>Dis-moi donc, lorsque Othon s'est offert à Camille,
Réglez-vous là-dessus. Le temps se perd, seigneur.
<br>A-t-il paru contraint ? A-t-elle été facile ?
Adieu : donnez la main, mais gardez-moi le cœur ;
<br>Son hommage auprès d'elle a-t-il eu plein effet ?
Ou si c’est trop pour moi, donnez et l’un et l’autre,
<br>Comment l'a-t-elle pris, et comment l'a-t-il fait ?
Emportez mon amour et retirez le vôtre ;
Mais dans ce triste état si je vous fais pitié,
Conservez-moi toujours l’estime et l’amitié ;
Et n’oubliez jamais, quand vous serez le maître,
Que c’est moi qui vous force et qui vous aide à l’être.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Flavie'''
Que ne m’est-il permis d’éviter par ma mort
<br>J'ai tout vu ; mais enfin votre humeur curieuse
Les barbares rigueurs d’un si cruel effort !
<br>A vous faire un supplice est trop ingénieuse.
<br>Quelque reste d'amour qui vous parle d'Othon,
<br>Madame, oubliez-en, s'il se peut, jusqu'au nom.
<br>Vous vous êtes vaincue en faveur de sa gloire,
<br>Goûtez un plein triomphe après votre victoire :
<br>Le dangereux récit que vous me commandez
<br>Est un nouveau combat où vous vous hasardez.
<br>Votre âme n'en est pas encor si détachée
<br>Qu'il puisse aimer ailleurs sans qu'elle en soit touchée.
<br>Prenez moins d'intérêt à l'y voir réussir,
<br>Et fuyez le chagrin de vous en éclaircir.
 
{{ACTE|II}}
'''Plautine'''
<br>Je le force moi-même à se montrer volage ;
<br>Et regardant son change ainsi que mon ouvrage,
<br>J'y prends un intérêt qui n'a rien de jaloux :
<br>Qu'on l'accepte, qu'il règne, et tout m'en sera doux.
 
{{Scène|première}}
'''Flavie'''
<br>J'en doute ; et rarement une flamme si forte
<br>Souffre qu'à notre gré ses ardeurs...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Dis-moi donc, lorsque Othon s’est offert à Camille,
<br>{{caché|Souffre qu'à notre gré ses ardeurs...}} Que t'importe ?
A-t-il paru contraint ? A-t-elle été facile ?
<br>Laisse-m'en le hasard ; et sans dissimuler,
Son hommage auprès d’elle a-t-il eu plein effet ?
<br>Dis de quelle manière il a su lui parler.
Comment l’a-t-elle pris, et comment l’a-t-il fait ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
J’ai tout vu ; mais enfin votre humeur curieuse
<br>N'imputez donc qu'à vous si votre âme inquiète
A vous faire un supplice est trop ingénieuse.
<br>En ressent malgré moi quelque gêne secrète.
Quelque reste d’amour qui vous parle d’Othon,
<br>Othon à la princesse a fait un compliment,
Madame, oubliez-en, s’il se peut, jusqu’au nom.
<br>Plus en homme de cour qu'en véritable amant.
Vous vous êtes vaincue en faveur de sa gloire,
<br>Son éloquence accorte, enchaînant avec grâce
Goûtez un plein triomphe après votre victoire :
<br>L'excuse du silence à celle de l'audace,
Le dangereux récit que vous me commandez
<br>En termes trop choisis accusait le respect
Est un nouveau combat où vous vous hasardez.
<br>D'avoir tant retardé cet hommage suspect.
Votre âme n’en est pas encor si détachée
<br>Ses gestes concertés, ses regards de mesure
Qu’il puisse aimer ailleurs sans qu’elle en soit touchée.
<br>N'y laissaient aucun mot aller à l'aventure :
Prenez moins d’intérêt à l’y voir réussir,
<br>On ne voyait que pompe en tout ce qu'il peignait ;
Et fuyez le chagrin de vous en éclaircir.
<br>Jusque dans ses soupirs la justesse régnait,
<br>Et suivait pas à pas un effort de mémoire
<br>Qu'il était plus aisé d'admirer que de croire.
<br>Camille semblait même assez de cet avis ;
<br>Elle aurait mieux goûté des discours moins suivis :
<br>Je l'ai vu dans ses yeux ; mais cette défiance
<br>Avait avec son coeur trop peu d'intelligence.
<br>De ses justes soupçons ses souhaits indignés
<br>Les ont tout aussitôt détruits ou dédaignés :
<br>Elle a voulu tout croire ; et quelque retenue
<br>Qu'ait su garder l'amour dont elle est prévenue,
<br>On a vu, par ce peu qu'il laissait échapper,
<br>Qu'elle prenait plaisir à se laisser tromper ;
<br>Et que si quelquefois l'horreur de la contrainte
<br>Forçait le triste Othon à soupirer sans feinte,
<br>Soudain l'avidité de régner sur son coeur
<br>Imputait à l'amour ces soupirs de douleur.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Je le force moi-même à se montrer volage ;
<br>Et sa réponse enfin ?
Et regardant son change ainsi que mon ouvrage,
J’y prends un intérêt qui n’a rien de jaloux :
Qu’on l’accepte, qu’il règne, et tout m’en sera doux.
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
J’en doute ; et rarement une flamme si forte
<br>{{caché|Et sa réponse enfin ?}} Elle a paru civile ;
Souffre qu’à notre gré ses ardeurs…
<br>Mais la civilité n'est qu'amour en Camille,
<br>Comme en Othon l'amour n'est que civilité.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Souffre qu’à notre gré ses ardeurs…}} Que t’importe ?
<br>Et n'a-t-elle rien dit de sa légèreté,
Laisse-m’en le hasard ; et sans dissimuler,
<br>Rien de la foi qu'il semble avoir si mal gardée ?
Dis de quelle manière il a su lui parler.
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
N’imputez donc qu’à vous si votre âme inquiète
<br>Elle a su rejeter cette fâcheuse idée,
En ressent malgré moi quelque gêne secrète.
<br>Et n'a pas témoigné qu'elle sût seulement
Othon à la princesse a fait un compliment,
<br>Qu'on l'eût vu pour vos yeux soupirer un moment.
Plus en homme de cour qu’en véritable amant.
Son éloquence accorte, enchaînant avec grâce
L’excuse du silence à celle de l’audace,
En termes trop choisis accusait le respect
D’avoir tant retardé cet hommage suspect.
Ses gestes concertés, ses regards de mesure
N’y laissaient aucun mot aller à l’aventure :
On ne voyait que pompe en tout ce qu’il peignait ;
Jusque dans ses soupirs la justesse régnait,
Et suivait pas à pas un effort de mémoire
Qu’il était plus aisé d’admirer que de croire.
Camille semblait même assez de cet avis ;
Elle aurait mieux goûté des discours moins suivis :
Je l’ai vu dans ses yeux ; mais cette défiance
Avait avec son cœur trop peu d’intelligence.
De ses justes soupçons ses souhaits indignés
Les ont tout aussitôt détruits ou dédaignés :
Elle a voulu tout croire ; et quelque retenue
Qu’ait su garder l’amour dont elle est prévenue,
On a vu, par ce peu qu’il laissait échapper,
Qu’elle prenait plaisir à se laisser tromper ;
Et que si quelquefois l’horreur de la contrainte
Forçait le triste Othon à soupirer sans feinte,
Soudain l’avidité de régner sur son cœur
Imputait à l’amour ces soupirs de douleur.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Et sa réponse enfin ?
<br>Mais qu'a-t-elle promis ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
<br>{{caché|MaisEt qu'a-t-ellesa promisréponse enfin ? }} QueElle a sonparu devoircivile fidèle;
Mais la civilité n’est qu’amour en Camille,
<br>Suivrait ce que Galba voudrait ordonner d'elle ;
Comme en Othon l’amour n’est que civilité.
<br>Et de peur d'en trop dire et d'ouvrir trop son coeur,
<br>Elle l'a renvoyé soudain vers l'empereur.
<br>Il lui parle à présent. Qu'en dites-vous, madame,
<br>Et de cet entretien que souhaite votre âme ?
<br>Voulez-vous qu'on l'accepte ou qu'il n'obtienne rien ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Et n’a-t-elle rien dit de sa légèreté,
<br>Moi-même, à dire vrai, je ne le sais pas bien.
Rien de la foi qu’il semble avoir si mal gardée ?
<br>Comme des deux côtés le coup me sera rude,
<br>J'aimerais à jouir de cette inquiétude,
<br>Et tiendrais à bonheur le reste de mes jours
<br>De n'en sortir jamais, et de douter toujours.
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
Elle a su rejeter cette fâcheuse idée,
<br>Mais il faut se résoudre, et vouloir quelque chose.
Et n’a pas témoigné qu’elle sût seulement
Qu’on l’eût vu pour vos yeux soupirer un moment.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Mais qu’a-t-elle promis ?
<br>Souffre sans m'alarmer que le ciel en dispose :
<br>Quand son ordre une fois en aura résolu,
<br>Il nous faudra vouloir ce qu'il aura voulu.
<br>Ma raison cependant cède Othon à l'empire :
<br>Il est de mon honneur de ne m'en pas dédire ;
<br>Et soit ce grand souhait volontaire ou forcé,
<br>Il est beau d'achever comme on a commencé.
<br>Mais je vois Martian.
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène II</span></center> ===
{{caché|Mais qu’a-t-elle promis ? }} Que son devoir fidèle
Suivrait ce que Galba voudrait ordonner d’elle ;
Et de peur d’en trop dire et d’ouvrir trop son cœur,
Elle l’a renvoyé soudain vers l’empereur.
Il lui parle à présent. Qu’en dites-vous, madame,
Et de cet entretien que souhaite votre âme ?
Voulez-vous qu’on l’accepte ou qu’il n’obtienne rien ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Moi-même, à dire vrai, je ne le sais pas bien.
<br>{{caché|Mais je vois Martian.}} Que venez-vous m'apprendre ?
Comme des deux côtés le coup me sera rude,
J’aimerais à jouir de cette inquiétude,
Et tiendrais à bonheur le reste de mes jours
De n’en sortir jamais, et de douter toujours.
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Martian'''
Mais il faut se résoudre, et vouloir quelque chose.
<br>Que de votre seul choix l'empire va dépendre,
<br>Madame.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Souffre sans m’alarmer que le ciel en dispose :
<br>{{caché|Madame.}} Quoi ? Galba voudrait suivre mon choix !
Quand son ordre une fois en aura résolu,
Il nous faudra vouloir ce qu’il aura voulu.
Ma raison cependant cède Othon à l’empire :
Il est de mon honneur de ne m’en pas dédire ;
Et soit ce grand souhait volontaire ou forcé,
Il est beau d’achever comme on a commencé.
Mais je vois Martian.
 
{{Scène|II}}
'''Martian'''
<br>Non ; mais de son conseil nous ne sommes que trois,
<br>Et si pour votre Othon vous voulez mon suffrage,
<br>Je vous le viens offrir avec un humble hommage.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Mais je vois Martian.}} Que venez-vous m’apprendre ?
<br>Avec... ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Que de votre seul choix l’empire va dépendre,
<br>{{caché|Avec... ?}} Avec des voeux sincères et soumis,
Madame.
<br>Qui feront encor plus si l'espoir m'est permis.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Madame.}} Quoi ? Galba voudrait suivre mon choix !
<br>Quels voeux et quel espoir ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Non ; mais de son conseil nous ne sommes que trois,
<br>{{caché|Quels voeux et quel espoir ?}} Cet important service,
Et si pour votre Othon vous voulez mon suffrage,
<br>Qu'un si profond respect vous offre en sacrifice...
Je vous le viens offrir avec un humble hommage.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Avec… ?
<br>Eh bien ! Il remplira mes désirs les plus doux ;
<br>Mais pour reconnaissance enfin que voulez-vous ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
{{caché|Avec… ? }} Avec des vœux sincères et soumis,
<br>La gloire d'être aimé.
Qui feront encor plus si l’espoir m’est permis.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Quels vœux et quel espoir ?
<br>{{caché|La gloire d'être aimé.}} De qui ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
<br>{{caché|LaQuels gloirevœux d'êtreet aimé.quel Deespoir qui? ?}} DeCet vousimportant service, madame.
Qu’un si profond respect vous offre en sacrifice…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Eh bien ! Il remplira mes désirs les plus doux ;
<br>De moi-même ?
Mais pour reconnaissance enfin que voulez-vous ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
La gloire d’être aimé.
<br>{{caché|De moi-même ?}} De vous : j'ai des yeux, et mon âme...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|La gloire d’être aimé.}} De qui ?
<br>Votre âme, en me faisant cette civilité,
<br>Devrait l'accompagner de plus de vérité :
<br>On n'a pas grande foi pour tant de déférence,
<br>Lorsqu'on voit que la suite a si peu d'apparence.
<br>L'offre sans doute est belle, et bien digne d'un prix,
<br>Mais en le choisissant vous vous êtes mépris :
<br>Si vous me connaissiez, vous feriez mieux paraître...
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
{{caché|La gloire d’être aimé. De qui ? }} De vous, madame.
<br>Hélas ! Mon mal ne vient que de vous trop connaître.
<br>Mais vous-même, après tout, ne vous connaissez pas,
<br>Quand vous croyez si peu l'effet de vos appas.
<br>Si vous daigniez savoir quel est votre mérite,
<br>Vous ne douteriez point de l'amour qu'il excite.
<br>Othon m'en sert de preuve : il n'avait rien aimé,
<br>Depuis que de Poppée il s'était vu charmé ;
<br>Bien que d'entre ses bras Néron l'eût enlevée,
<br>L'image dans son coeur s'en était conservée ;
<br>La mort même, la mort n'avait pu l'en chasser :
<br>A vous seule était dû l'honneur de l'effacer.
<br>Vous seule d'un coup d'oeil emportâtes la gloire
<br>D'en faire évanouir la plus douce mémoire,
<br>Et d'avoir su réduire à de nouveaux souhaits
<br>Ce coeur impénétrable aux plus charmants objets ;
<br>Et vous vous étonnez que pour vous je soupire !
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
De moi-même ?
<br>Je m'étonne bien plus que vous me l'osiez dire ;
<br>Je m'étonne de voir qu'il ne vous souvient plus
<br>Que l'heureux Martian fut l'esclave Icélus,
<br>Qu'il a changé de nom sans changer de visage.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
{{caché|De moi-même ? }} De vous : j’ai des yeux, et mon âme…
<br>C'est ce crime du sort qui m'enfle le courage :
<br>Lorsqu'en dépit de lui je suis ce que je suis,
<br>On voit ce que je vaux, voyant ce que je puis.
<br>Un pur hasard sans nous règle notre naissance ;
<br>Mais comme le mérite est en notre puissance,
<br>La honte d'un destin qu'on vit mal assorti
<br>Fait d'autant plus d'honneur quand on en est sorti.
<br>Quelque tache en mon sang que laissent mes ancêtres,
<br>Depuis que nos Romains ont accepté des maîtres,
<br>Ces maîtres ont toujours fait choix de mes pareils
<br>Pour les premiers emplois et les secrets conseils :
<br>Ils ont mis en nos mains la fortune publique ;
<br>Ils ont soumis la terre à notre politique ;
<br>Patrobe, Polyclète, et Narcisse, et Pallas,
<br>Ont déposé des rois et donné des états.
<br>On nous élève au trône au sortir de nos chaînes ;
<br>Sous Claude on vit Félix le mari de trois reines ;
<br>Et quand l'amour en moi vous présente un époux,
<br>Vous me traitez d'esclave, et d'indigne de vous !
<br>Madame, en quelque rang que vous ayez pu naître,
<br>C'est beaucoup que d'avoir l'oreille du grand maître.
<br>Vinius est consul, et Lacus est préfet ;
<br>Je ne suis l'un ni l'autre, et suis plus en effet ;
<br>Et de ces consulats, et de ces préfectures,
<br>Je puis, quand il me plaît, faire des créatures :
<br>Galba m'écoute enfin ; et c'est être aujourd'hui,
<br>Quoique sans ces grands noms, le premier d'après lui.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Votre âme, en me faisant cette civilité,
<br>Pardonnez donc, seigneur, si je me suis méprise :
Devrait l’accompagner de plus de vérité :
<br>Mon orgueil dans vos fers n'a rien qui l'autorise.
On n’a pas grande foi pour tant de déférence,
<br>Je viens de me connaître, et me vois à mon tour
Lorsqu’on voit que la suite a si peu d’apparence.
<br>Indigne des honneurs qui suivent votre amour.
L’offre sans doute est belle, et bien digne d’un prix,
<br>Avoir brisé ces fers fait un degré de gloire
Mais en le choisissant vous vous êtes mépris :
<br>Au-dessus des consuls, des préfets du prétoire ;
Si vous me connaissiez, vous feriez mieux paraître…
<br>Et si de cet amour je n'ose être le prix,
<br>Le respect m'en empêche et non plus le mépris.
<br>On m'avait dit pourtant que souvent la nature
<br>Gardait en vos pareils sa première teinture,
<br>Que ceux de nos césars qui les ont écoutés
<br>Ont tous souillé leurs noms par quelques lâchetés,
<br>Et que pour dérober l'empire à cette honte
<br>L'univers a besoin qu'un vrai héros y monte.
<br>C'est ce qui me faisait y souhaiter Othon ;
<br>Mais à ce que j'apprends ce souhait n'est pas bon.
<br>Laissons-en faire aux dieux, et faites-vous justice ;
<br>D'un coeur vraiment romain dédaignez le caprice.
<br>Cent reines à l'envi vous prendront pour époux :
<br>Félix en eut bien trois, et valait moins que vous.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
<br>Madame,Hélas encore! unMon coup,mal souffrezne vient que jede vous aimetrop connaître.
Mais vous-même, après tout, ne vous connaissez pas,
<br>Songez que dans ma main j'ai le pouvoir suprême,
Quand vous croyez si peu l’effet de vos appas.
<br>Qu'entre Othon et Pison mon suffrage incertain,
Si vous daigniez savoir quel est votre mérite,
<br>Suivant qu'il penchera, va faire un souverain.
Vous ne douteriez point de l’amour qu’il excite.
<br>Je n'ai fait jusqu'ici qu'empêcher l'hyménée
Othon m’en sert de preuve : il n’avait rien aimé,
<br>Qui d'Othon avec vous eût joint la destinée :
Depuis que de Poppée il s’était vu charmé ;
<br>J'aurais pu hasarder quelque chose de plus ;
Bien que d’entre ses bras Néron l’eût enlevée,
<br>Ne m'y contraignez point à force de refus.
L’image dans son cœur s’en était conservée ;
<br>Quand vous cédez Othon, me souffrir en sa place,
La mort même, la mort n’avait pu l’en chasser :
<br>Peut-être ce sera faire plus d'une grâce ;
A vous seule était dû l’honneur de l’effacer.
<br>Car de vous voir à lui ne l'espérez jamais.
Vous seule d’un coup d’œil emportâtes la gloire
D’en faire évanouir la plus douce mémoire,
Et d’avoir su réduire à de nouveaux souhaits
Ce cœur impénétrable aux plus charmants objets ;
Et vous vous étonnez que pour vous je soupire !
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène III</span></center> ===
Je m’étonne bien plus que vous me l’osiez dire ;
Je m’étonne de voir qu’il ne vous souvient plus
Que l’heureux Martian fut l’esclave Icélus,
Qu’il a changé de nom sans changer de visage.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Lacus'''
C’est ce crime du sort qui m’enfle le courage :
<br>Madame, enfin Galba s'accorde à vos souhaits ;
Lorsqu’en dépit de lui je suis ce que je suis,
<br>Et j'ai tant fait sur lui, que dès cette journée,
On voit ce que je vaux, voyant ce que je puis.
<br>De vous avec Othon il consent l'hyménée.
Un pur hasard sans nous règle notre naissance ;
Mais comme le mérite est en notre puissance,
La honte d’un destin qu’on vit mal assorti
Fait d’autant plus d’honneur quand on en est sorti.
Quelque tache en mon sang que laissent mes ancêtres,
Depuis que nos Romains ont accepté des maîtres,
Ces maîtres ont toujours fait choix de mes pareils
Pour les premiers emplois et les secrets conseils :
Ils ont mis en nos mains la fortune publique ;
Ils ont soumis la terre à notre politique ;
Patrobe, Polyclète, et Narcisse, et Pallas,
Ont déposé des rois et donné des états.
On nous élève au trône au sortir de nos chaînes ;
Sous Claude on vit Félix le mari de trois reines ;
Et quand l’amour en moi vous présente un époux,
Vous me traitez d’esclave, et d’indigne de vous !
Madame, en quelque rang que vous ayez pu naître,
C’est beaucoup que d’avoir l’oreille du grand maître.
Vinius est consul, et Lacus est préfet ;
Je ne suis l’un ni l’autre, et suis plus en effet ;
Et de ces consulats, et de ces préfectures,
Je puis, quand il me plaît, faire des créatures :
Galba m’écoute enfin ; et c’est être aujourd’hui,
Quoique sans ces grands noms, le premier d’après lui.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
<br>Qu'enPardonnez dites-vousdonc, seigneur, si je ?me Pourrez-voussuis bienméprise souffrir:
Mon orgueil dans vos fers n’a rien qui l’autorise.
<br>Cet hymen que Lacus de sa part vient m'offrir ?
Je viens de me connaître, et me vois à mon tour
<br>Le grand maître a parlé, voudrez-vous l'en dédire,
Indigne des honneurs qui suivent votre amour.
<br>Vous qu'on voit après lui le premier de l'empire ?
Avoir brisé ces fers fait un degré de gloire
<br>Dois-je me ravaler jusques à cet époux ?
Au-dessus des consuls, des préfets du prétoire ;
<br>Ou dois-je par votre ordre aspirer jusqu'à vous ?
Et si de cet amour je n’ose être le prix,
Le respect m’en empêche et non plus le mépris.
On m’avait dit pourtant que souvent la nature
Gardait en vos pareils sa première teinture,
Que ceux de nos césars qui les ont écoutés
Ont tous souillé leurs noms par quelques lâchetés,
Et que pour dérober l’empire à cette honte
L’univers a besoin qu’un vrai héros y monte.
C’est ce qui me faisait y souhaiter Othon ;
Mais à ce que j’apprends ce souhait n’est pas bon.
Laissons-en faire aux dieux, et faites-vous justice ;
D’un cœur vraiment romain dédaignez le caprice.
Cent reines à l’envi vous prendront pour époux :
Félix en eut bien trois, et valait moins que vous.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Lacus'''
Madame, encore un coup, souffrez que je vous aime.
<br>Quel énigme est-ce-ci, madame ?
Songez que dans ma main j’ai le pouvoir suprême,
Qu’entre Othon et Pison mon suffrage incertain,
Suivant qu’il penchera, va faire un souverain.
Je n’ai fait jusqu’ici qu’empêcher l’hyménée
Qui d’Othon avec vous eût joint la destinée :
J’aurais pu hasarder quelque chose de plus ;
Ne m’y contraignez point à force de refus.
Quand vous cédez Othon, me souffrir en sa place,
Peut-être ce sera faire plus d’une grâce ;
Car de vous voir à lui ne l’espérez jamais.
 
{{Scène|III}}
'''Plautine'''
<br>{{caché|Quel énigme est-ce-ci, madame ?}} Sa grande âme
<br>Me faisait tout à l'heure un présent de sa flamme ;
<br>Il m'assurait qu'Othon jamais ne m'obtiendrait,
<br>Et disait à demi qu'un refus nous perdrait.
<br>Vous m'osez cependant assurer du contraire ;
<br>Et je ne sais pas bien quelle réponse y faire.
<br>Comme en de certains temps il fait bon s'expliquer,
<br>En d'autres il vaut mieux ne s'y point embarquer.
<br>Grands ministres d'état, accordez-vous ensemble,
<br>Et je pourrai vous dire après ce qui m'en semble.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène IV</span></center> ===
Madame, enfin Galba s’accorde à vos souhaits ;
Et j’ai tant fait sur lui, que dès cette journée,
De vous avec Othon il consent l’hyménée.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Lacus'''
Qu’en dites-vous, seigneur ? Pourrez-vous bien souffrir
<br>Vous aimez donc Plautine, et c'est là cette foi
Cet hymen que Lacus de sa part vient m’offrir ?
<br>Qui contre Vinius vous attachait à moi ?
Le grand maître a parlé, voudrez-vous l’en dédire,
Vous qu’on voit après lui le premier de l’empire ?
Dois-je me ravaler jusques à cet époux ?
Ou dois-je par votre ordre aspirer jusqu’à vous ?
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Martian'''
Quel énigme est-ce-ci, madame ?
<br>Si les yeux de Plautine ont pour moi quelque charme,
<br>Y trouvez-vous, seigneur, quelque sujet d'alarme ?
<br>Le moment bienheureux qui m'en ferait l'époux
<br>Réunirait par moi Vinius avec vous.
<br>Par là de nos trois coeurs l'amitié ressaisie,
<br>En déracinerait et haine et jalousie.
<br>Le pouvoir de tous trois, par tous trois affermi,
<br>Aurait pour noeud commun son gendre en votre ami :
<br>Et quoi que contre vous il osât entreprendre...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Lacus'''
{{caché|Quel énigme est-ce-ci, madame ? }} Sa grande âme
<br>Vous seriez mon ami, mais vous seriez son gendre ;
Me faisait tout à l’heure un présent de sa flamme ;
<br>Et c'est un faible appui des intérêts de cour
Il m’assurait qu’Othon jamais ne m’obtiendrait,
<br>Qu'une vieille amitié contre un nouvel amour.
Et disait à demi qu’un refus nous perdrait.
<br>Quoi que veuille exiger une femme adorée,
Vous m’osez cependant assurer du contraire ;
<br>La résistance est vaine ou de peu de durée ;
Et je ne sais pas bien quelle réponse y faire.
<br>Elle choisit ses temps, et les choisit si bien,
Comme en de certains temps il fait bon s’expliquer,
<br>Qu'on se voit hors d'état de lui refuser rien.
En d’autres il vaut mieux ne s’y point embarquer.
<br>Vous-même êtes-vous sûr que ce noeud la retienne
Grands ministres d’état, accordez-vous ensemble,
<br>D'ajouter, s'il le faut, votre perte à la mienne ?
Et je pourrai vous dire après ce qui m’en semble.
<br>Apprenez que des coeurs séparés à regret
<br>Trouvent de se rejoindre aisément le secret.
<br>Othon n'a pas pour elle éteint toutes ses flammes ;
<br>Il sait comme aux maris on arrache les femmes ;
<br>Cet art sur son exemple est commun aujourd'hui,
<br>Et son maître Néron l'avait appris de lui.
<br>Après tout, je me trompe, ou près de cette belle...
 
{{Scène|IV}}
'''Martian'''
<br>J'espère en Vinius, si je n'espère en elle ;
<br>Et l'offre pour Othon de lui donner ma voix
<br>Soudain en ma faveur emportera son choix.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Vous aimez donc Plautine, et c’est là cette foi
<br>Quoi ? Vous nous donneriez vous-même Othon pour maître ?
Qui contre Vinius vous attachait à moi ?
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Si les yeux de Plautine ont pour moi quelque charme,
<br>Et quel autre dans Rome est plus digne de l'être ?
Y trouvez-vous, seigneur, quelque sujet d’alarme ?
Le moment bienheureux qui m’en ferait l’époux
Réunirait par moi Vinius avec vous.
Par là de nos trois cœurs l’amitié ressaisie,
En déracinerait et haine et jalousie.
Le pouvoir de tous trois, par tous trois affermi,
Aurait pour nœud commun son gendre en votre ami :
Et quoi que contre vous il osât entreprendre…
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Vous seriez mon ami, mais vous seriez son gendre ;
<br>Ah ! Pour en être digne, il l'est, et plus que tous ;
Et c’est un faible appui des intérêts de cour
<br>Mais aussi, pour tout dire, il en sait trop pour nous.
Qu’une vieille amitié contre un nouvel amour.
<br>Il sait trop ménager ses vertus et ses vices.
Quoi que veuille exiger une femme adorée,
<br>Il était sous Néron de toutes ses délices ;
La résistance est vaine ou de peu de durée ;
<br>Et la Lusitanie a vu ce même Othon
Elle choisit ses temps, et les choisit si bien,
<br>Gouverner en César et juger en Caton.
Qu’on se voit hors d’état de lui refuser rien.
<br>Tout favori dans Rome, et tout maître en province,
Vous-même êtes-vous sûr que ce nœud la retienne
<br>De lâche courtisan il s'y montra grand prince ;
D’ajouter, s’il le faut, votre perte à la mienne ?
<br>Et son âme ployant, attendant l'avenir,
Apprenez que des cœurs séparés à regret
<br>Sait faire également sa cour, et la tenir.
Trouvent de se rejoindre aisément le secret.
<br>Sous un tel souverain nous sommes peu de chose ;
Othon n’a pas pour elle éteint toutes ses flammes ;
<br>Son soin jamais sur nous tout à fait ne repose :
Il sait comme aux maris on arrache les femmes ;
<br>Sa main seule départ ses libéralités ;
Cet art sur son exemple est commun aujourd’hui,
<br>Son choix seul distribue états et dignités.
Et son maître Néron l’avait appris de lui.
<br>Du timon qu'il embrasse il se fait le seul guide,
Après tout, je me trompe, ou près de cette belle…
<br>Consulte et résout seul, écoute et seul décide,
<br>Et quoique nos emplois puissent faire du bruit,
<br>Sitôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous détruit.
<br>Voyez d'ailleurs Galba, quel pouvoir il nous laisse,
<br>En quel poste sous lui nous a mis sa faiblesse,
<br>Nos ordres règlent tout, nous donnons, retranchons ;
<br>Rien n'est exécuté dès que nous l'empêchons :
<br>Comme par un de nous il faut que tout s'obtienne,
<br>Nous voyons notre cour plus grosse que la sienne ;
<br>Et notre indépendance irait au dernier point,
<br>Si l'heureux Vinius ne la partageait point :
<br>Notre unique chagrin est qu'il nous la dispute.
<br>L'âge met cependant Galba près de sa chute ;
<br>De peur qu'il nous entraîne, il faut un autre appui ;
<br>Mais il le faut pour nous aussi faible que lui.
<br>Il nous en faut prendre un qui satisfait des titres,
<br>Nous laisse du pouvoir les suprêmes arbitres.
<br>Pison a l'âme simple et l'esprit abattu ;
<br>S'il a grande naissance, il a peu de vertu :
<br>Non de cette vertu qui déteste le crime ;
<br>Sa probité sévère est digne qu'on l'estime ;
<br>Elle a tout ce qui fait un grand homme de bien ;
<br>Mais en un souverain c'est peu de chose, ou rien.
<br>Il faut de la prudence, il faut de la lumière,
<br>Il faut de la vigueur adroite autant que fière,
<br>Qui pénètre, éblouisse, et sème des appas...
<br>Il faut mille vertus enfin qu'il n'aura pas.
<br>Lui-même il nous priera d'avoir soin de l'empire,
<br>En saura seulement ce qu'il nous plaira dire :
<br>Plus nous l'y tiendrons bas, plus il nous mettra haut ;
<br>Et c'est là justement le maître qu'il nous faut.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
J’espère en Vinius, si je n’espère en elle ;
<br>Mais, seigneur, sur le trône élever un tel homme,
Et l’offre pour Othon de lui donner ma voix
<br>C'est mal servir l'état, et faire opprobre à Rome.
Soudain en ma faveur emportera son choix.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Quoi ? Vous nous donneriez vous-même Othon pour maître ?
<br>Et qu'importe à tous deux de Rome et de l'état ?
<br>Qu'importe qu'on leur voie ou plus ou moins d'éclat ?
<br>Faisons nos sûretés, et moquons-nous du reste.
<br>Point, point de bien public s'il nous devient funeste.
<br>De notre grandeur seule ayons des coeurs jaloux ;
<br>Ne vivons que pour nous, et ne pensons qu'à nous.
<br>Je vous le dis encor : mettre Othon sur nos têtes,
<br>C'est nous livrer tous deux à d'horribles tempêtes.
<br>Si nous l'en voulons croire, il nous devra le tout ;
<br>Mais de ce grand projet s'il vient par nous à bout,
<br>Vinius en aura lui seul tout l'avantage :
<br>Comme il l'a proposé, ce sera son ouvrage ;
<br>Et la mort, ou l'exil, ou les abaissements,
<br>Seront pour vous et moi ses vrais remercîments.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Et quel autre dans Rome est plus digne de l’être ?
<br>Oui, notre sûreté veut que Pison domine :
<br>Obtenez-en pour moi qu'il m'assure Plautine ;
<br>Je vous promets pour lui mon suffrage à ce prix.
<br>La violence est juste après de tels mépris.
<br>Commençons à jouir par là de son empire,
<br>Et voyons s'il est homme à nous oser dédire.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Ah ! Pour en être digne, il l’est, et plus que tous ;
<br>Quoi ? Votre amour toujours fera son capital
Mais aussi, pour tout dire, il en sait trop pour nous.
<br>Des attraits de Plautine et du noeud conjugal !
Il sait trop ménager ses vertus et ses vices.
<br>Eh bien ! Il faudra voir qui sera plus utile
Il était sous Néron de toutes ses délices ;
<br>D'en croire... Mais voici la princesse Camille.
Et la Lusitanie a vu ce même Othon
Gouverner en César et juger en Caton.
Tout favori dans Rome, et tout maître en province,
De lâche courtisan il s’y montra grand prince ;
Et son âme ployant, attendant l’avenir,
Sait faire également sa cour, et la tenir.
Sous un tel souverain nous sommes peu de chose ;
Son soin jamais sur nous tout à fait ne repose :
Sa main seule départ ses libéralités ;
Son choix seul distribue états et dignités.
Du timon qu’il embrasse il se fait le seul guide,
Consulte et résout seul, écoute et seul décide,
Et quoique nos emplois puissent faire du bruit,
Sitôt qu’il nous veut perdre, un coup d’œil nous détruit.
Voyez d’ailleurs Galba, quel pouvoir il nous laisse,
En quel poste sous lui nous a mis sa faiblesse,
Nos ordres règlent tout, nous donnons, retranchons ;
Rien n’est exécuté dès que nous l’empêchons :
Comme par un de nous il faut que tout s’obtienne,
Nous voyons notre cour plus grosse que la sienne ;
Et notre indépendance irait au dernier point,
Si l’heureux Vinius ne la partageait point :
Notre unique chagrin est qu’il nous la dispute.
L’âge met cependant Galba près de sa chute ;
De peur qu’il nous entraîne, il faut un autre appui ;
Mais il le faut pour nous aussi faible que lui.
Il nous en faut prendre un qui satisfait des titres,
Nous laisse du pouvoir les suprêmes arbitres.
Pison a l’âme simple et l’esprit abattu ;
S’il a grande naissance, il a peu de vertu :
Non de cette vertu qui déteste le crime ;
Sa probité sévère est digne qu’on l’estime ;
Elle a tout ce qui fait un grand homme de bien ;
Mais en un souverain c’est peu de chose, ou rien.
Il faut de la prudence, il faut de la lumière,
Il faut de la vigueur adroite autant que fière,
Qui pénètre, éblouisse, et sème des appas…
Il faut mille vertus enfin qu’il n’aura pas.
Lui-même il nous priera d’avoir soin de l’empire,
En saura seulement ce qu’il nous plaira dire :
Plus nous l’y tiendrons bas, plus il nous mettra haut ;
Et c’est là justement le maître qu’il nous faut.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène V</span></center> ===
Mais, seigneur, sur le trône élever un tel homme,
C’est mal servir l’état, et faire opprobre à Rome.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Camille'''
Et qu’importe à tous deux de Rome et de l’état ?
<br>Je vous rencontre ensemble ici fort à propos,
Qu’importe qu’on leur voie ou plus ou moins d’éclat ?
<br>Et voulais à tous deux vous dire quatre mots.
Faisons nos sûretés, et moquons-nous du reste.
<br>Si j'en crois certain bruit que je ne puis vous taire,
Point, point de bien public s’il nous devient funeste.
<br>Vous poussez un peu loin l'orgueil du ministère :
De notre grandeur seule ayons des cœurs jaloux ;
<br>On dit que sur mon rang vous étendez sa loi,
<br>EtNe vivons que vouspour vousnous, mêlezet dene disposerpensons dequ’à moinous.
Je vous le dis encor : mettre Othon sur nos têtes,
C’est nous livrer tous deux à d’horribles tempêtes.
Si nous l’en voulons croire, il nous devra le tout ;
Mais de ce grand projet s’il vient par nous à bout,
Vinius en aura lui seul tout l’avantage :
Comme il l’a proposé, ce sera son ouvrage ;
Et la mort, ou l’exil, ou les abaissements,
Seront pour vous et moi ses vrais remercîments.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Oui, notre sûreté veut que Pison domine :
<br>Nous, madame ?
Obtenez-en pour moi qu’il m’assure Plautine ;
Je vous promets pour lui mon suffrage à ce prix.
La violence est juste après de tels mépris.
Commençons à jouir par là de son empire,
Et voyons s’il est homme à nous oser dédire.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Camille'''
Quoi ? Votre amour toujours fera son capital
<br>{{caché|Nous, madame ?}} Faut-il que je vous obéisse,
Des attraits de Plautine et du nœud conjugal !
<br>Moi, dont Galba prétend faire une impératrice ?
Eh bien ! Il faudra voir qui sera plus utile
D’en croire… Mais voici la princesse Camille.
 
{{Scène|V}}
'''Lacus'''
<br>L'un et l'autre sait trop quel respect vous est dû.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Je vous rencontre ensemble ici fort à propos,
<br>Le crime en est plus grand, si vous l'avez perdu.
Et voulais à tous deux vous dire quatre mots.
<br>Parlez, qu'avez-vous dit à Galba l'un et l'autre ?
Si j’en crois certain bruit que je ne puis vous taire,
Vous poussez un peu loin l’orgueil du ministère :
On dit que sur mon rang vous étendez sa loi,
Et que vous vous mêlez de disposer de moi.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Nous, madame ?
<br>Sa pensée a voulu s'assurer sur la nôtre ;
<br>Et s'étant proposé le choix d'un successeur,
<br>Pour laisser à l'empire un digne possesseur,
<br>Sur ce don imprévu qu'il fait du diadème,
<br>Vinius a parlé, Lacus a fait de même.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
{{caché|Nous, madame ? }} Faut-il que je vous obéisse,
<br>Et ne savez-vous point, et Vinius, et vous,
Moi, dont Galba prétend faire une impératrice ?
<br>Que ce grand successeur doit être mon époux ?
<br>Que le don de ma main suit ce don de l'empire ?
<br>Galba, par vos conseils, voudrait-il s'en dédire ?
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
L’un et l’autre sait trop quel respect vous est dû.
<br>Il est toujours le même, et nous avons parlé
<br>Suivant ce qu'à tous deux le ciel a révélé :
<br>En ces occasions, lui qui tient les couronnes
<br>Inspire les avis sur le choix des personnes.
<br>Nous avons cru d'ailleurs pouvoir sans attentat
<br>Faire vos intérêts de ceux de tout l'état :
<br>Vous ne voudriez pas en avoir de contraires.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Le crime en est plus grand, si vous l’avez perdu.
<br>Vous n'avez, vous ni lui, pensé qu'à vos affaires ;
Parlez, qu’avez-vous dit à Galba l’un et l’autre ?
<br>Et nous offrir Pison, c'est assez témoigner...
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Lacus'''
Sa pensée a voulu s’assurer sur la nôtre ;
<br>Le trouvez-vous, madame, indigne de régner ?
Et s’étant proposé le choix d’un successeur,
<br>Il a de la vertu, de l'esprit, du courage ;
Pour laisser à l’empire un digne possesseur,
<br>Il a de plus...
Sur ce don imprévu qu’il fait du diadème,
Vinius a parlé, Lacus a fait de même.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Et ne savez-vous point, et Vinius, et vous,
<br>{{caché|Il a de plus...}} De plus, il a votre suffrage,
Que ce grand successeur doit être mon époux ?
<br>Et c'est assez de quoi mériter mes refus.
<br>ParQue respectle dedon sonde sang,ma jemain nesuit disce riendon de plus.l’empire ?
Galba, par vos conseils, voudrait-il s’en dédire ?
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Martian'''
Il est toujours le même, et nous avons parlé
<br>Aimeriez-vous Othon, que Vinius propose,
Suivant ce qu’à tous deux le ciel a révélé :
<br>Othon, dont vous savez que Plautine dispose,
En ces occasions, lui qui tient les couronnes
<br>Et qui n'aspire ici qu'à lui donner sa foi ?
Inspire les avis sur le choix des personnes.
Nous avons cru d’ailleurs pouvoir sans attentat
Faire vos intérêts de ceux de tout l’état :
Vous ne voudriez pas en avoir de contraires.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Vous n’avez, vous ni lui, pensé qu’à vos affaires ;
<br>Qu'il brûle encor pour elle, ou la quitte pour moi,
Et nous offrir Pison, c’est assez témoigner…
<br>Ce n'est pas votre affaire ; et votre exactitude
<br>Se charge en ma faveur de trop d'inquiétude.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Le trouvez-vous, madame, indigne de régner ?
<br>Mais l'empereur consent qu'il l'épouse aujourd'hui ;
Il a de la vertu, de l’esprit, du courage ;
<br>Et moi-même je viens de l'obtenir pour lui.
Il a de plus…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
{{caché|Il a de plus…}} De plus, il a votre suffrage,
<br>Vous en a-t-il prié ? Dites, ou si l'envie...
Et c’est assez de quoi mériter mes refus.
Par respect de son sang, je ne dis rien de plus.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Lacus'''
Aimeriez-vous Othon, que Vinius propose,
<br>Un véritable ami n'attend point qu'on le prie.
Othon, dont vous savez que Plautine dispose,
Et qui n’aspire ici qu’à lui donner sa foi ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Qu’il brûle encor pour elle, ou la quitte pour moi,
<br>Cette amitié me charme, et je dois avouer
Ce n’est pas votre affaire ; et votre exactitude
<br>Qu'Othon a jusqu'ici tout lieu de s'en louer,
Se charge en ma faveur de trop d’inquiétude.
<br>Que l'heureux contre-temps d'un si rare service...
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Mais l’empereur consent qu’il l’épouse aujourd’hui ;
<br>Madame...
Et moi-même je viens de l’obtenir pour lui.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Vous en a-t-il prié ? Dites, ou si l’envie…
<br>{{caché|Madame...}} Croyez-moi, mettez bas l'artifice.
<br>Ne vous hasardez point à faire un empereur.
<br>Galba connaît l'empire, et je connais mon coeur :
<br>Je sais ce qui m'est propre ; il voit ce qu'il doit faire,
<br>Et quel prince à l'état est le plus salutaire.
<br>Si le ciel vous inspire, il aura soin de nous,
<br>Et saura sur ce point nous accorder sans vous.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Un véritable ami n’attend point qu’on le prie.
<br>Si Pison vous déplaît, il en est quelques autres...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Cette amitié me charme, et je dois avouer
<br>N'attachez point ici mes intérêts aux vôtres.
Qu’Othon a jusqu’ici tout lieu de s’en louer,
<br>Vous avez de l'esprit, mais j'ai des yeux perçants :
Que l’heureux contre-temps d’un si rare service…
<br>Je vois qu'il vous est doux d'être les tout-puissants ;
<br>Et je n'empêche point qu'on ne vous continue
<br>Votre toute-puissance au point qu'elle est venue ;
<br>Mais quant à cet époux, vous me ferez plaisir
<br>De trouver bon qu'enfin je puisse le choisir.
<br>Je m'aime un peu moi-même, et n'ai pas grande envie
<br>De vous sacrifier le repos de ma vie.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Martian'''
Madame…
<br>Puisqu'il doit avec vous régir tout l'univers...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
{{caché|Madame…}} Croyez-moi, mettez bas l’artifice.
<br>Faut-il vous dire encor que j'ai des yeux ouverts ?
Ne vous hasardez point à faire un empereur.
<br>Je vois jusqu'en vos coeurs, et m'obstine à me taire ;
Galba connaît l’empire, et je connais mon cœur :
<br>Mais je pourrais enfin dévoiler le mystère.
Je sais ce qui m’est propre ; il voit ce qu’il doit faire,
Et quel prince à l’état est le plus salutaire.
Si le ciel vous inspire, il aura soin de nous,
Et saura sur ce point nous accorder sans vous.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Martian'''
Si Pison vous déplaît, il en est quelques autres…
<br>Si l'empereur nous croit...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
N’attachez point ici mes intérêts aux vôtres.
<br>{{caché|Si l'empereur nous croit...}} Sans doute il vous croira ;
Vous avez de l’esprit, mais j’ai des yeux perçants :
<br>Sans doute je prendrai l'époux qu'il m'offrira :
Je vois qu’il vous est doux d’être les tout-puissants ;
<br>Soit qu'il plaise à mes yeux, soit qu'il me choque en l'âme,
Et je n’empêche point qu’on ne vous continue
<br>Il sera votre maître, et je serai sa femme ;
Votre toute-puissance au point qu’elle est venue ;
<br>Le temps me donnera sur lui quelque pouvoir,
Mais quant à cet époux, vous me ferez plaisir
<br>Et vous pourrez alors vous en apercevoir.
De trouver bon qu’enfin je puisse le choisir.
<br>Voilà les quatre mots que j'avais à vous dire :
Je m’aime un peu moi-même, et n’ai pas grande envie
<br>Pensez-y.
De vous sacrifier le repos de ma vie.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VI</span></center> ===
Puisqu’il doit avec vous régir tout l’univers…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Martian'''
Faut-il vous dire encor que j’ai des yeux ouverts ?
<br>{{caché|Pensez-y.}} Ce courroux, que Pison nous attire...
Je vois jusqu’en vos cœurs, et m’obstine à me taire ;
Mais je pourrais enfin dévoiler le mystère.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Lacus'''
Si l’empereur nous croit…
<br>Vous vous en alarmez ? Laissons-la discourir,
<br>Et ne nous perdons pas de crainte de périr.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Martian'''
{{caché|Si l’empereur nous croit…}} Sans doute il vous croira ;
<br>Vous voyez quel orgueil contre nous l'intéresse.
Sans doute je prendrai l’époux qu’il m’offrira :
Soit qu’il plaise à mes yeux, soit qu’il me choque en l’âme,
Il sera votre maître, et je serai sa femme ;
Le temps me donnera sur lui quelque pouvoir,
Et vous pourrez alors vous en apercevoir.
Voilà les quatre mots que j’avais à vous dire :
Pensez-y.
 
{{Scène|VI}}
'''Lacus'''
<br>Plus elle m'en fait voir, plus je vois sa faiblesse.
<br>Faisons régner Pison ; et malgré ce courroux,
<br>Vous verrez qu'elle-même aura besoin de nous.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
== <center><span style="color:#006699">ACTE III</span></center> ==
{{caché|Pensez-y.}} Ce courroux, que Pison nous attire…
 
{{Personnage| LACUS |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène première</span></center> ===
Vous vous en alarmez ? Laissons-la discourir,
Et ne nous perdons pas de crainte de périr.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Camille'''
Vous voyez quel orgueil contre nous l’intéresse.
<br>Ton frère te l'a dit, Albiane ?
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Albiane'''
Plus elle m’en fait voir, plus je vois sa faiblesse.
<br>{{caché|Ton frère te l'a dit, Albiane ?}} Oui, madame :
<br>GalbaFaisons choisitrégner Pison, et; vouset êtesmalgré sace femmecourroux,
Vous verrez qu’elle-même aura besoin de nous.
<br>Ou pour en mieux parler, l'esclave de Lacus,
<br>A moins d'un éclatant et généreux refus.
 
{{ACTE|III}}
'''Camille'''
<br>Et que devient Othon ?
 
{{Scène|première}}
'''Albiane'''
<br>{{caché|Et que devient Othon ?}} Vous allez voir sa tête
<br>De vos trois ennemis affermir la conquête :
<br>Je veux dire assurer votre main à Pison,
<br>Et l'empire aux tyrans qui font régner son nom.
<br>Car comme il n'a pour lui qu'une suite d'ancêtres,
<br>Lacus et Martian vont être nos vrais maîtres ;
<br>Et Pison ne sera qu'un idole sacré
<br>Qu'ils tiendront sur l'autel pour répondre à leur gré.
<br>Sa probité stupide autant comme farouche
<br>A prononcer leurs lois asservira sa bouche ;
<br>Et le premier arrêt qu'ils lui feront donner
<br>Les défera d'Othon, qui les peut détrôner.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Ton frère te l’a dit, Albiane ?
<br>O dieux ! Que je le plains !
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
<br>{{caché|OTon dieuxfrère !te Quel’a jedit, leAlbiane plains? !}} IlOui, estmadame sans doute à plaindre,:
Galba choisit Pison, et vous êtes sa femme,
<br>Si vous l'abandonnez à tout ce qu'il doit craindre ;
Ou pour en mieux parler, l’esclave de Lacus,
<br>Mais comme enfin la mort finira son ennui,
A moins d’un éclatant et généreux refus.
<br>Je crains fort de vous voir plus à plaindre que lui.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Et que devient Othon ?
<br>L'hymen sur un époux donne quelque puissance.
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
{{caché|Et que devient Othon ? }} Vous allez voir sa tête
<br>Octavie a péri sur cette confiance.
De vos trois ennemis affermir la conquête :
<br>Son sang qui fume encor vous montre à quel destin
Je veux dire assurer votre main à Pison,
<br>Peut exposer vos jours un nouveau Tigellin.
Et l’empire aux tyrans qui font régner son nom.
<br>Ce grand choix vous en donne à craindre deux ensemble ;
Car comme il n’a pour lui qu’une suite d’ancêtres,
<br>Et pour moi, plus j'y songe, et plus pour vous je tremble.
Lacus et Martian vont être nos vrais maîtres ;
Et Pison ne sera qu’un idole sacré
Qu’ils tiendront sur l’autel pour répondre à leur gré.
Sa probité stupide autant comme farouche
A prononcer leurs lois asservira sa bouche ;
Et le premier arrêt qu’ils lui feront donner
Les défera d’Othon, qui les peut détrôner.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
O dieux ! Que je le plains !
<br>Quel remède, Albiane ?
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
<br>{{caché|QuelO remède,dieux Albiane! Que je le plains ! ?}} Aimer,Il etest fairesans voir...doute à plaindre,
Si vous l’abandonnez à tout ce qu’il doit craindre ;
Mais comme enfin la mort finira son ennui,
Je crains fort de vous voir plus à plaindre que lui.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
L’hymen sur un époux donne quelque puissance.
<br>Que l'amour est sur moi plus fort que le devoir ?
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
Octavie a péri sur cette confiance.
<br>Songez moins à Galba qu'à Lacus, qui vous brave,
<br>EtSon sang qui vous faitfume encor bravervous montre parà unquel esclave.destin
Peut exposer vos jours un nouveau Tigellin.
<br>Songez à vos périls, et peut-être à son tour
Ce grand choix vous en donne à craindre deux ensemble ;
<br>Ce devoir passera du côté de l'amour.
Et pour moi, plus j’y songe, et plus pour vous je tremble.
<br>Bien que nous devions tout aux puissances suprêmes,
<br>Madame, nous devons quelque chose à nous-mêmes ;
<br>Surtout quand nous voyons des ordres dangereux,
<br>Sous ces grands souverains, partir d'autres que d'eux.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Quel remède, Albiane ?
<br>Mais Othon m'aime-t-il ?
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
<br>{{caché|MaisQuel Othonremède, m'aime-t-ilAlbiane ? }} S'il vous aime ?Aimer, Ahet !faire Madame.voir…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Que l’amour est sur moi plus fort que le devoir ?
<br>On a cru que Plautine avait toute son âme.
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
Songez moins à Galba qu’à Lacus, qui vous brave,
<br>On l'a dû croire aussi, mais on s'est abusé :
Et qui vous fait encor braver par un esclave.
<br>Autrement Vinius l'aurait-il proposé ?
Songez à vos périls, et peut-être à son tour
<br>Aurait-il pu trahir l'espoir d'en faire un gendre ?
Ce devoir passera du côté de l’amour.
Bien que nous devions tout aux puissances suprêmes,
Madame, nous devons quelque chose à nous-mêmes ;
Surtout quand nous voyons des ordres dangereux,
Sous ces grands souverains, partir d’autres que d’eux.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Mais Othon m’aime-t-il ?
<br>En feignant de l'aimer que pouvoit-il prétendre ?
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
{{caché|Mais Othon m’aime-t-il ? }} S’il vous aime ? Ah ! Madame.
<br>De s'approcher de vous, et se faire en la cour
<br>Un accès libre et sûr pour un plus digne amour.
<br>De Vinius par là gagnant la bienveillance,
<br>Il a su le jeter dans une autre espérance,
<br>Et le flatter d'un rang plus haut et plus certain,
<br>S'il devenait par vous empereur de sa main.
<br>Vous voyez à ces soins que Vinius s'applique,
<br>En même temps qu'Othon auprès de vous s'explique.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
On a cru que Plautine avait toute son âme.
<br>Mais à se déclarer il a bien attendu.
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
On l’a dû croire aussi, mais on s’est abusé :
<br>Mon frère jusque-là vous en a répondu.
Autrement Vinius l’aurait-il proposé ?
Aurait-il pu trahir l’espoir d’en faire un gendre ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
En feignant de l’aimer que pouvoit-il prétendre ?
<br>Tandis, tu m'as réduite à faire un peu d'avance,
<br>A consentir qu'Albin combattît son silence,
<br>Et même Vinius, dès qu'il me l'a nommé,
<br>A pu voir aisément qu'il pourrait être aimé.
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
De s’approcher de vous, et se faire en la cour
<br>C'est la gêne où réduit celles de votre sorte
Un accès libre et sûr pour un plus digne amour.
<br>La scrupuleuse loi du respect qu'on leur porte :
De Vinius par là gagnant la bienveillance,
<br>Il arrête les voeux, captive les desirs,
Il a su le jeter dans une autre espérance,
<br>Abaisse les regards, étouffe les soupirs,
Et le flatter d’un rang plus haut et plus certain,
<br>Dans le milieu du coeur enchaîne la tendresse ;
S’il devenait par vous empereur de sa main.
<br>Et tel est en aimant le sort d'une princesse,
Vous voyez à ces soins que Vinius s’applique,
<br>Que quelque amour qu'elle ait et qu'elle ait pu donner,
En même temps qu’Othon auprès de vous s’explique.
<br>Il faut qu'elle devine, et force à deviner ;
<br>Quelque peu qu'on lui die, on craint de lui trop dire :
<br>A peine on se hasarde à jurer qu'on l'admire ;
<br>Et pour apprivoiser ce respect ennemi,
<br>Il faut qu'en dépit d'elle elle s'offre à demi.
<br>Voyez-vous comme Othon saurait encor se taire,
<br>Si je ne l'avais fait enhardir par mon frère ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Mais à se déclarer il a bien attendu.
<br>Tu le crois donc, qu'il m'aime ?
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Albiane'''
Mon frère jusque-là vous en a répondu.
<br>{{caché|Tu le crois donc, qu'il m'aime ?}} Et qu'il lui serait doux
<br>Que vous eussiez pour lui l'amour qu'il a pour vous.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Tandis, tu m’as réduite à faire un peu d’avance,
<br>Hélas ! Que cet amour croit tôt ce qu'il souhaite !
A consentir qu’Albin combattît son silence,
<br>En vain la raison parle, en vain elle inquiète,
Et même Vinius, dès qu’il me l’a nommé,
<br>En vain la défiance ose ce qu'elle peut,
A pu voir aisément qu’il pourrait être aimé.
<br>Il veut croire, et ne croit que parce qu'il le veut.
<br>Pour Plautine ou pour moi je vois du stratagème,
<br>Et m'obstine avec joie à m'aveugler moi-même.
<br>Je plains cette abusée, et c'est moi qui la suis
<br>Peut-être, et qui me livre à d'éternels ennuis ;
<br>Peut-être, en ce moment qu'il m'est doux de te croire,
<br>De ses voeux à Plautine il assure la gloire :
<br>Peut-être...
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène II</span></center> ===
C’est la gêne où réduit celles de votre sorte
La scrupuleuse loi du respect qu’on leur porte :
Il arrête les vœux, captive les desirs,
Abaisse les regards, étouffe les soupirs,
Dans le milieu du cœur enchaîne la tendresse ;
Et tel est en aimant le sort d’une princesse,
Que quelque amour qu’elle ait et qu’elle ait pu donner,
Il faut qu’elle devine, et force à deviner ;
Quelque peu qu’on lui die, on craint de lui trop dire :
A peine on se hasarde à jurer qu’on l’admire ;
Et pour apprivoiser ce respect ennemi,
Il faut qu’en dépit d’elle elle s’offre à demi.
Voyez-vous comme Othon saurait encor se taire,
Si je ne l’avais fait enhardir par mon frère ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Albin'''
Tu le crois donc, qu’il m’aime ?
<br>{{caché|Peut-être...}} L'empereur vient ici vous trouver,
<br>Pour vous dire son choix, et le faire approuver.
<br>S'il vous déplaît, madame, il faut de la constance ;
<br>Il faut une fidèle et noble résistance ;
<br>Il faut...
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Camille'''
{{caché|Tu le crois donc, qu’il m’aime ? }} Et qu’il lui serait doux
<br>{{caché|Il faut...}} De mon devoir je saurai prendre soin.
Que vous eussiez pour lui l’amour qu’il a pour vous.
<br>Allez chercher Othon pour en être témoin.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène III</span></center> ===
Hélas ! Que cet amour croit tôt ce qu’il souhaite !
En vain la raison parle, en vain elle inquiète,
En vain la défiance ose ce qu’elle peut,
Il veut croire, et ne croit que parce qu’il le veut.
Pour Plautine ou pour moi je vois du stratagème,
Et m’obstine avec joie à m’aveugler moi-même.
Je plains cette abusée, et c’est moi qui la suis
Peut-être, et qui me livre à d’éternels ennuis ;
Peut-être, en ce moment qu’il m’est doux de te croire,
De ses vœux à Plautine il assure la gloire :
Peut-être…
 
{{Scène|II}}
'''Galba'''
<br>Quand la mort de mes fils désola ma famille,
<br>Ma nièce, mon amour vous prit dès lors pour fille ;
<br>Et regardant en vous les restes de mon sang,
<br>Je flattai ma douleur en vous donnant leur rang.
<br>Rome, qui m'a depuis chargé de son empire,
<br>Quand sous le poids de l'âge à peine je respire,
<br>A vu ce même amour me le faire accepter,
<br>Moins pour me seoir si haut que pour vous y porter.
<br>Non que si jusque-là Rome pouvoit renaître,
<br>Qu'elle fût en état de se passer de maître,
<br>Je ne me crusse digne, en cet heureux moment,
<br>De commencer par moi son rétablissement ;
<br>Mais cet empire immense est trop vaste pour elle :
<br>A moins que d'une tête un si grand corps chancelle ;
<br>Et pour le nom des rois son invincible horreur
<br>S'est d'ailleurs si bien faite aux lois d'un empereur,
<br>Qu'elle ne peut souffrir, après cette habitude,
<br>Ni pleine liberté, ni pleine servitude.
<br>Elle veut donc un maître, et Néron condamné
<br>Fait voir ce qu'elle veut en un front couronné.
<br>Vindex, Rufus, ni moi, n'avons causé sa perte ;
<br>Ses crimes seuls l'ont faite, et le ciel l'a soufferte,
<br>Pour marque aux souverains qu'ils doivent par l'effet
<br>Répondre dignement au grand choix qu'il en fait.
<br>Jusques à ce grand coup, un honteux esclavage
<br>D'une seule maison nous faisait l'héritage.
<br>Rome n'en a repris, au lieu de liberté,
<br>Qu'un droit de mettre ailleurs la souveraineté ;
<br>Et laisser après moi dans le trône un grand homme,
<br>C'est tout ce qu'aujourd'hui je puis faire pour Rome.
<br>Prendre un si noble soin, c'est en prendre de vous :
<br>Ce maître qu'il lui faut vous est dû pour époux ;
<br>Et mon zèle s'unit à l'amour paternelle
<br>Pour vous en donner un digne de vous et d'elle.
<br>Jule et le grand Auguste ont choisi dans leur sang,
<br>Ou dans leur alliance, à qui laisser ce rang.
<br>Moi, sans considérer aucun noeud domestique,
<br>J'ai fait ce choix comme eux, mais dans la république :
<br>Je l'ai fait de Pison ; c'est le sang de Crassus,
<br>C'est celui de Pompée, il en a les vertus,
<br>Et ces fameux héros dont il suivra la trace
<br>Joindront de si grands noms aux grands noms de ma race,
<br>Qu'il n'est point d'hyménée en qui l'égalité
<br>Puisse élever l'empire à plus de dignité.
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Camille'''
{{caché|Peut-être…}} L’empereur vient ici vous trouver,
<br>J'ai tâché de répondre à cet amour de père
Pour vous dire son choix, et le faire approuver.
<br>Par un tendre respect qui chérit et révère,
S’il vous déplaît, madame, il faut de la constance ;
<br>Seigneur ; et je vois mieux encor par ce grand choix,
Il faut une fidèle et noble résistance ;
<br>Et combien vous m'aimez, et combien je vous dois.
Il faut…
<br>Je sais ce qu'est Pison et quelle est sa noblesse ;
<br>Mais si j'ose à vos yeux montrer quelque faiblesse,
<br>Quelque digne qu'il soit et de Rome et de moi,
<br>Je tremble à lui promettre et mon coeur et ma foi ;
<br>Et j'avouerai, seigneur, que pour mon hyménée
<br>Je crois tenir un peu de Rome où je suis née.
<br>Je ne demande point la pleine liberté,
<br>Puisqu'elle en a mis bas l'intrépide fierté ;
<br>Mais si vous m'imposez la pleine servitude,
<br>J'y trouverai, comme elle, un joug un peu bien rude.
<br>Je suis trop ignorante en matière d'état
<br>Pour savoir quel doit être un si grand potentat ;
<br>Mais Rome dans ses murs n'a-t-elle qu'un seul homme,
<br>N'a-t-elle que Pison qui soit digne de Rome ?
<br>Et dans tous ses états n'en saurait-on voir deux
<br>Que puissent vos bontés hasarder à mes voeux ?
<br>Néron fit aux vertus une cruelle guerre,
<br>S'il en a dépeuplé les trois parts de la terre,
<br>Et si, pour nous donner de dignes empereurs,
<br>Pison seul avec vous échappe à ses fureurs.
<br>Il est d'autres héros dans un si vaste empire ;
<br>Il en est qu'après vous on se plairait d'élire,
<br>Et qui sauraient mêler, sans vous faire rougir,
<br>L'art de gagner les coeurs au grand art de régir.
<br>D'une vertu sauvage on craint un dur empire,
<br>Souvent on s'en dégoûte au moment qu'on l'admire ;
<br>Et puisque ce grand choix me doit faire un époux,
<br>Il serait bon qu'il eût quelque chose de doux,
<br>Qu'on vît en sa personne également paraître
<br>Les grâces d'un amant et les hauteurs d'un maître,
<br>Et qu'il fût aussi propre à donner de l'amour
<br>Qu'à faire ici trembler sous lui toute sa cour.
<br>Souvent un peu d'amour dans les coeurs des monarques
<br>Accompagne assez bien leurs plus illustres marques.
<br>Ce n'est pas qu'après tout je pense à résister :
<br>J'aime à vous obéir, seigneur, sans contester.
<br>Pour prix d'un sacrifice où mon coeur se dispose,
<br>Permettez qu'un époux me doive quelque chose.
<br>Dans cette servitude où se plaît mon désir,
<br>C'est quelque liberté qu'un ou deux à choisir.
<br>Votre Pison peut-être aura de quoi me plaire,
<br>Quand il ne sera plus un mari nécessaire ;
<br>Et son amour pour moi sera plus assuré,
<br>S'il voit à quels rivaux je l'aurai préféré.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Galba'''
{{caché|Il faut…}} De mon devoir je saurai prendre soin.
<br>Ce long raisonnement dans sa délicatesse
Allez chercher Othon pour en être témoin.
<br>A vos tendres respects mêle beaucoup d'adresse.
<br>Si le refus n'est juste, il est doux et civil.
<br>Parlez donc, et sans feinte, Othon vous plairait-il ?
<br>On me l'a proposé, qu'y trouvez-vous à dire ?
 
{{Scène|III}}
'''Camille'''
<br>L'avez-vous cru d'abord indigne de l'empire,
<br>Seigneur ?
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Quand la mort de mes fils désola ma famille,
<br>{{caché|Seigneur ?}} Non ; mais depuis, consultant ma raison,
Ma nièce, mon amour vous prit dès lors pour fille ;
<br>J'ai trouvé qu'il fallait lui préférer Pison.
Et regardant en vous les restes de mon sang,
<br>Sa vertu, plus solide et toute inébranlable,
Je flattai ma douleur en vous donnant leur rang.
<br>Nous fera, comme Auguste, un siècle incomparable,
Rome, qui m’a depuis chargé de son empire,
<br>Où l'autre, par Néron dans le vice abîmé,
Quand sous le poids de l’âge à peine je respire,
<br>Ramènera ce luxe où sa main l'a formé,
A vu ce même amour me le faire accepter,
<br>Et tous les attentats de l'infâme licence
Moins pour me seoir si haut que pour vous y porter.
<br>Dont il osa souiller la suprême puissance.
Non que si jusque-là Rome pouvoit renaître,
Qu’elle fût en état de se passer de maître,
Je ne me crusse digne, en cet heureux moment,
De commencer par moi son rétablissement ;
Mais cet empire immense est trop vaste pour elle :
A moins que d’une tête un si grand corps chancelle ;
Et pour le nom des rois son invincible horreur
S’est d’ailleurs si bien faite aux lois d’un empereur,
Qu’elle ne peut souffrir, après cette habitude,
Ni pleine liberté, ni pleine servitude.
Elle veut donc un maître, et Néron condamné
Fait voir ce qu’elle veut en un front couronné.
Vindex, Rufus, ni moi, n’avons causé sa perte ;
Ses crimes seuls l’ont faite, et le ciel l’a soufferte,
Pour marque aux souverains qu’ils doivent par l’effet
Répondre dignement au grand choix qu’il en fait.
Jusques à ce grand coup, un honteux esclavage
D’une seule maison nous faisait l’héritage.
Rome n’en a repris, au lieu de liberté,
Qu’un droit de mettre ailleurs la souveraineté ;
Et laisser après moi dans le trône un grand homme,
C’est tout ce qu’aujourd’hui je puis faire pour Rome.
Prendre un si noble soin, c’est en prendre de vous :
Ce maître qu’il lui faut vous est dû pour époux ;
Et mon zèle s’unit à l’amour paternelle
Pour vous en donner un digne de vous et d’elle.
Jule et le grand Auguste ont choisi dans leur sang,
Ou dans leur alliance, à qui laisser ce rang.
Moi, sans considérer aucun nœud domestique,
J’ai fait ce choix comme eux, mais dans la république :
Je l’ai fait de Pison ; c’est le sang de Crassus,
C’est celui de Pompée, il en a les vertus,
Et ces fameux héros dont il suivra la trace
Joindront de si grands noms aux grands noms de ma race,
Qu’il n’est point d’hyménée en qui l’égalité
Puisse élever l’empire à plus de dignité.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
J’ai tâché de répondre à cet amour de père
<br>Othon près d'un tel maître a su se ménager,
Par un tendre respect qui chérit et révère,
<br>Jusqu'à ce que le temps ait pu l'en dégager.
Seigneur ; et je vois mieux encor par ce grand choix,
<br>Qui sait faire sa cour se fait aux moeurs du prince ;
Et combien vous m’aimez, et combien je vous dois.
<br>Mais il fut tout à soi quand il fut en province ;
Je sais ce qu’est Pison et quelle est sa noblesse ;
<br>Et sa haute vertu par d'illustres effets
Mais si j’ose à vos yeux montrer quelque faiblesse,
<br>Y dissipa soudain ces vices contrefaits.
Quelque digne qu’il soit et de Rome et de moi,
<br>Chaque jour a sous vous grossi sa renommée ;
Je tremble à lui promettre et mon cœur et ma foi ;
<br>Mais Pison n'eut jamais de charge ni d'armée ;
Et j’avouerai, seigneur, que pour mon hyménée
<br>Et comme il a vécu jusqu'ici sans emploi,
Je crois tenir un peu de Rome où je suis née.
<br>On ne sait ce qu'il vaut que sur sa bonne foi.
Je ne demande point la pleine liberté,
<br>Je veux croire, en faveur des héros de sa race,
Puisqu’elle en a mis bas l’intrépide fierté ;
<br>Qu'il en a les vertus, qu'il en suivra la trace,
Mais si vous m’imposez la pleine servitude,
<br>Qu'il en égalera les plus illustres noms ;
J’y trouverai, comme elle, un joug un peu bien rude.
<br>Mais j'en croirais bien mieux de grandes actions.
Je suis trop ignorante en matière d’état
<br>Si dans un long exil il a paru sans vice,
Pour savoir quel doit être un si grand potentat ;
<br>La vertu des bannis souvent n'est qu'artifice.
Mais Rome dans ses murs n’a-t-elle qu’un seul homme,
<br>Sans vous avoir servi, vous l'avez ramené ;
N’a-t-elle que Pison qui soit digne de Rome ?
<br>Mais l'autre est le premier qui vous ait couronné ;
Et dans tous ses états n’en saurait-on voir deux
<br>Dès qu'il vit deux partis, il se rangea du vôtre :
Que puissent vos bontés hasarder à mes vœux ?
<br>Ainsi l'un vous doit tout, et vous devez à l'autre.
Néron fit aux vertus une cruelle guerre,
S’il en a dépeuplé les trois parts de la terre,
Et si, pour nous donner de dignes empereurs,
Pison seul avec vous échappe à ses fureurs.
Il est d’autres héros dans un si vaste empire ;
Il en est qu’après vous on se plairait d’élire,
Et qui sauraient mêler, sans vous faire rougir,
L’art de gagner les cœurs au grand art de régir.
D’une vertu sauvage on craint un dur empire,
Souvent on s’en dégoûte au moment qu’on l’admire ;
Et puisque ce grand choix me doit faire un époux,
Il serait bon qu’il eût quelque chose de doux,
Qu’on vît en sa personne également paraître
Les grâces d’un amant et les hauteurs d’un maître,
Et qu’il fût aussi propre à donner de l’amour
Qu’à faire ici trembler sous lui toute sa cour.
Souvent un peu d’amour dans les cœurs des monarques
Accompagne assez bien leurs plus illustres marques.
Ce n’est pas qu’après tout je pense à résister :
J’aime à vous obéir, seigneur, sans contester.
Pour prix d’un sacrifice où mon cœur se dispose,
Permettez qu’un époux me doive quelque chose.
Dans cette servitude où se plaît mon désir,
C’est quelque liberté qu’un ou deux à choisir.
Votre Pison peut-être aura de quoi me plaire,
Quand il ne sera plus un mari nécessaire ;
Et son amour pour moi sera plus assuré,
S’il voit à quels rivaux je l’aurai préféré.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Ce long raisonnement dans sa délicatesse
<br>Vous prendrez donc le soin de m'acquitter vers lui ;
A vos tendres respects mêle beaucoup d’adresse.
<br>Et comme pour l'empire il faut un autre appui,
Si le refus n’est juste, il est doux et civil.
<br>Vous croirez que Pison est plus digne de Rome :
Parlez donc, et sans feinte, Othon vous plairait-il ?
<br>Pour ne plus en douter suffit que je le nomme.
On me l’a proposé, qu’y trouvez-vous à dire ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
L’avez-vous cru d’abord indigne de l’empire,
<br>Pour Rome et son empire, après vous je le croi ;
Seigneur ?
<br>Mais je doute si l'autre est moins digne de moi.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
{{caché|Seigneur ? }} Non ; mais depuis, consultant ma raison,
<br>Doutez-en : un tel doute est bien digne d'une âme
J’ai trouvé qu’il fallait lui préférer Pison.
<br>Qui voudrait de Néron revoir le siècle infâme,
Sa vertu, plus solide et toute inébranlable,
<br>Et qui voyant qu'Othon lui ressemble le mieux...
Nous fera, comme Auguste, un siècle incomparable,
Où l’autre, par Néron dans le vice abîmé,
Ramènera ce luxe où sa main l’a formé,
Et tous les attentats de l’infâme licence
Dont il osa souiller la suprême puissance.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Othon près d’un tel maître a su se ménager,
<br>Choisissez de vous-même, et je ferme les yeux.
Jusqu’à ce que le temps ait pu l’en dégager.
<br>Que vos seules bontés de tout mon sort ordonnent :
Qui sait faire sa cour se fait aux mœurs du prince ;
<br>Je me donne en aveugle à qui qu'elles me donnent.
<br>Mais il fut tout à soi quand vousil consultezfut Lacusen etprovince Martian,;
Et sa haute vertu par d’illustres effets
<br>Un époux de leur main me paraît un tyran ;
Y dissipa soudain ces vices contrefaits.
<br>Et si j'ose tout dire en cette conjoncture,
Chaque jour a sous vous grossi sa renommée ;
<br>Je regarde Pison comme leur créature,
Mais Pison n’eut jamais de charge ni d’armée ;
<br>Qui régnant par leur ordre et leur prêtant sa voix,
Et comme il a vécu jusqu’ici sans emploi,
<br>Me forcera moi-même à recevoir leurs lois.
On ne sait ce qu’il vaut que sur sa bonne foi.
<br>Je ne veux point d'un trône où je sois leur captive,
Je veux croire, en faveur des héros de sa race,
<br>Où leur pouvoir m'enchaîne, et quoi qu'il en arrive,
Qu’il en a les vertus, qu’il en suivra la trace,
<br>J'aime mieux un mari qui sache être empereur,
Qu’il en égalera les plus illustres noms ;
<br>Qu'un mari qui le soit et souffre un gouverneur.
Mais j’en croirais bien mieux de grandes actions.
Si dans un long exil il a paru sans vice,
La vertu des bannis souvent n’est qu’artifice.
Sans vous avoir servi, vous l’avez ramené ;
Mais l’autre est le premier qui vous ait couronné ;
Dès qu’il vit deux partis, il se rangea du vôtre :
Ainsi l’un vous doit tout, et vous devez à l’autre.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Vous prendrez donc le soin de m’acquitter vers lui ;
<br>Ce n'est pas mon dessein de contraindre les âmes.
Et comme pour l’empire il faut un autre appui,
<br>N'en parlons plus : dans Rome il sera d'autres femmes
<br>AVous quicroirez que Pison enest vainplus n'offriradigne pasde saRome foi.:
Pour ne plus en douter suffit que je le nomme.
<br>Votre main est à vous, mais l'empire est à moi.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène IV</span></center> ===
Pour Rome et son empire, après vous je le croi ;
Mais je doute si l’autre est moins digne de moi.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Doutez-en : un tel doute est bien digne d’une âme
<br>Othon, est-il bien vrai que vous aimiez Camille ?
Qui voudrait de Néron revoir le siècle infâme,
Et qui voyant qu’Othon lui ressemble le mieux…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Othon'''
Choisissez de vous-même, et je ferme les yeux.
<br>Cette témérité m'est sans doute inutile ;
<br>MaisQue sivos j'osais,seules seigneur,bontés dansde tout mon sort adouci...ordonnent :
Je me donne en aveugle à qui qu’elles me donnent.
Mais quand vous consultez Lacus et Martian,
Un époux de leur main me paraît un tyran ;
Et si j’ose tout dire en cette conjoncture,
Je regarde Pison comme leur créature,
Qui régnant par leur ordre et leur prêtant sa voix,
Me forcera moi-même à recevoir leurs lois.
Je ne veux point d’un trône où je sois leur captive,
Où leur pouvoir m’enchaîne, et quoi qu’il en arrive,
J’aime mieux un mari qui sache être empereur,
Qu’un mari qui le soit et souffre un gouverneur.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Ce n’est pas mon dessein de contraindre les âmes.
<br>Non, non : si vous l'aimez, elle vous aime aussi.
N’en parlons plus : dans Rome il sera d’autres femmes
<br>Son amour près de moi vous rend de tels offices,
A qui Pison en vain n’offrira pas sa foi.
<br>Que je vous en fais don pour prix de vos services.
Votre main est à vous, mais l’empire est à moi.
<br>Ainsi, bien qu'à Lacus j'aie accordé pour vous
<br>Qu'aujourd'hui de Plautine on vous verra l'époux,
<br>L'illustre et digne ardeur d'une flamme si belle
<br>M'en fait révoquer l'ordre, et vous obtient pour elle.
 
{{Scène|IV}}
'''Othon'''
<br>Vous m'en voyez de joie interdit et confus.
<br>Quand je me prononçais moi-même un prompt refus,
<br>Que j'attendais l'effet d'une juste colère,
<br>Je suis assez heureux pour ne vous pas déplaire !
<br>Et loin de condamner des voeux trop élevés...
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
<br>VousOthon, savezest-il malbien encorvrai combienque vous luiaimiez devezCamille :?
<br>Son coeur de telle force à votre hymen aspire,
<br>Que pour mieux être à vous, il renonce à l'empire.
<br>Choisissez donc ensemble, à communs sentiments,
<br>Des charges dans ma cour, ou des gouvernements ;
<br>Vous n'avez qu'à parler.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Cette témérité m’est sans doute inutile ;
<br>{{caché|Vous n'avez qu'à parler.}} Seigneur, si la princesse...
Mais si j’osais, seigneur, dans mon sort adouci…
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Non, non : si vous l’aimez, elle vous aime aussi.
<br>Pison n'en voudra pas dédire ma promesse.
Son amour près de moi vous rend de tels offices,
<br>Je l'ai nommé César, pour le faire empereur :
Que je vous en fais don pour prix de vos services.
<br>Vous savez ses vertus, je réponds de son coeur.
Ainsi, bien qu’à Lacus j’aie accordé pour vous
<br>Adieu. Pour observer la forme accoutumée,
Qu’aujourd’hui de Plautine on vous verra l’époux,
<br>Je le vais de ma main présenter à l'armée.
L’illustre et digne ardeur d’une flamme si belle
<br>Pour Camille, en faveur de cet heureux lien,
M’en fait révoquer l’ordre, et vous obtient pour elle.
<br>Tenez-vous assuré qu'elle aura tout mon bien :
<br>Je la fais dès ce jour mon unique héritière.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène V</span></center> ===
Vous m’en voyez de joie interdit et confus.
Quand je me prononçais moi-même un prompt refus,
Que j’attendais l’effet d’une juste colère,
Je suis assez heureux pour ne vous pas déplaire !
Et loin de condamner des vœux trop élevés…
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Camille'''
Vous savez mal encor combien vous lui devez :
<br>Vous pouvez voir par là mon âme toute entière,
Son cœur de telle force à votre hymen aspire,
<br>Seigneur ; et je voudrais en vain la déguiser,
Que pour mieux être à vous, il renonce à l’empire.
<br>Après ce que pour vous l'amour me fait oser.
Choisissez donc ensemble, à communs sentiments,
<br>Ce que Galba pour moi prend le soin de vous dire...
Des charges dans ma cour, ou des gouvernements ;
Vous n’avez qu’à parler.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Vous n’avez qu’à parler.}} Seigneur, si la princesse…
<br>Quoi donc, madame ? Othon vous coûterait l'empire ?
<br>Il sait mieux ce qu'il vaut, et n'est pas d'un tel prix
<br>Qu'il le faille acheter par ce noble mépris.
<br>Il se doit opposer à cet effort d'estime
<br>Où s'abaisse pour lui ce coeur trop magnanime,
<br>Et par un même effort de magnanimité,
<br>Rendre une âme si haute au trône mérité.
<br>D'un si parfait amour quelles que soient les causes...
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Camille'''
Pison n’en voudra pas dédire ma promesse.
<br>Je ne sais point, seigneur, faire valoir les choses :
Je l’ai nommé César, pour le faire empereur :
<br>Et dans ce prompt succès dont nos coeurs sont charmés,
<br>Vous mesavez devezses bienvertus, moinsje queréponds vousde neson présumezcœur.
Adieu. Pour observer la forme accoutumée,
<br>Il semble que pour vous je renonce à l'empire,
Je le vais de ma main présenter à l’armée.
<br>Et qu'un amour aveugle ait su me le prescrire.
Pour Camille, en faveur de cet heureux lien,
<br>Je vous aime, il est vrai ; mais si l'empire est doux,
Tenez-vous assuré qu’elle aura tout mon bien :
<br>Je crois m'en assurer quand je me donne à vous.
Je la fais dès ce jour mon unique héritière.
<br>Tant que vivra Galba, le respect de son âge,
<br>Du moins apparemment, soutiendra son suffrage :
<br>Pison croira régner ; mais peut-être qu'un jour
<br>Rome se permettra de choisir à son tour.
<br>A faire un empereur alors quoi qui l'excite,
<br>Qu'elle en veuille la race, ou cherche le mérite,
<br>Notre union aura des voix de tous côtés,
<br>Puisque j'en ai le sang, et vous les qualités.
<br>Sous un nom si fameux qui vous rend préférable,
<br>L'héritier de Galba sera considérable :
<br>On aimera ce titre en un si digne époux,
<br>Et l'empire est à moi, si l'on me voit à vous.
 
{{Scène|V}}
'''Othon'''
<br>Ah ! Madame, quittez cette vaine espérance
<br>De nous voir quelque jour remettre en la balance :
<br>S'il faut que de Pison on accepte la loi,
<br>Rome, tant qu'il vivra, n'aura plus d'yeux pour moi ;
<br>Elle a beau murmurer contre un indigne maître,
<br>Elle en souffre, pour lâche ou méchant qu'il puisse être.
<br>Tibère était cruel, Caligule brutal,
<br>Claude faible, Néron en forfaits sans égal :
<br>Il se perdit lui-même à force de grands crimes ;
<br>Mais le reste a passé pour princes légitimes.
<br>Claude même, ce Claude et sans coeur et sans yeux,
<br>A peine les ouvrit qu'il devint furieux ;
<br>Et Narcisse et Pallas, l'ayant mis en furie,
<br>Firent sous son aveu régner la barbarie.
<br>Il régna toutefois, bien qu'il se fît haïr,
<br>Jusqu'à ce que Néron se fâchât d'obéir ;
<br>Et ce monstre ennemi de la vertu romaine
<br>N'a succombé que tard sous la commune haine.
<br>Par ce qu'ils ont osé, jugez sur vos refus
<br>Ce qu'osera Pison gouverné par Lacus.
<br>Il aura peine à voir, lui qui pour vous soupire,
<br>Que votre hymen chez moi laisse un droit à l'empire.
<br>Chacun sur ce penchant voudra faire sa cour ;
<br>Et le pouvoir suprême enhardit bien l'amour.
<br>Si Néron, qui m'aimait, osa m'ôter Poppée,
<br>Jugez, pour ressaisir votre main usurpée,
<br>Quel scrupule on aura du plus noir attentat
<br>Contre un rival ensemble et d'amour et d'état.
<br>Il n'est point ni d'exil, ni de Lusitanie,
<br>Qui dérobe à Pison le reste de ma vie ;
<br>Et je sais trop la cour pour douter un moment,
<br>Ou des soins de sa haine, ou de l'événement.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Vous pouvez voir par là mon âme toute entière,
<br>Et c'est là ce grand coeur qu'on croyait intrépide !
Seigneur ; et je voudrais en vain la déguiser,
<br>Le péril, comme un autre, à mes yeux l'intimide !
Après ce que pour vous l’amour me fait oser.
<br>Et pour monter au trône, et pour me posséder,
Ce que Galba pour moi prend le soin de vous dire…
<br>Son espoir le plus beau n'ose rien hasarder !
<br>Il redoute Pison ! Dites-moi donc, de grâce,
<br>Si d'aimer en lieu même on vous a vu l'audace,
<br>Si pour vous et pour lui le trône eut même appas,
<br>Etes-vous moins rivaux pour ne m'épouser pas ?
<br>A quel droit voulez-vous que cette haine cesse
<br>Pour qui lui disputa ce trône et sa maîtresse,
<br>Et qu'il veuille oublier, se voyant souverain,
<br>Que vous pouvez dans l'âme en garder le dessein ?
<br>Ne vous y trompez plus : il a vu dans cette âme
<br>Et votre ambition et toute votre flamme,
<br>Et peut tout contre vous, à moins que contre lui
<br>Mon hymen chez Galba vous assure un appui.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Quoi donc, madame ? Othon vous coûterait l’empire ?
<br>Eh bien ! Il me perdra pour vous avoir aimée ;
Il sait mieux ce qu’il vaut, et n’est pas d’un tel prix
<br>Sa haine sera douce à mon âme enflammée ;
Qu’il le faille acheter par ce noble mépris.
<br>Et tout mon sang n'a rien que je veuille épargner,
Il se doit opposer à cet effort d’estime
<br>Si ce n'est que par là que vous pouvez régner.
Où s’abaisse pour lui ce cœur trop magnanime,
<br>Permettez cependant à cet amour sincère
Et par un même effort de magnanimité,
<br>De vous redire encor ce qu'il n'ose vous taire :
Rendre une âme si haute au trône mérité.
<br>En l'état qu'est Pison, il vous faut aujourd'hui
D’un si parfait amour quelles que soient les causes…
<br>Renoncer à l'empire, ou le prendre avec lui.
<br>Avant qu'en décider, pensez-y bien, madame ;
<br>C'est votre intérêt seul qui fait parler ma flamme.
<br>Il est mille douceurs dans un grade si haut
<br>Où peut-être avez-vous moins pensé qu'il ne faut.
<br>Peut-être en un moment serez-vous détrompée ;
<br>Et si j'osais encor vous parler de Poppée,
<br>Je dirais que sans doute elle m'aimait un peu,
<br>Et qu'un trône alluma bientôt un autre feu.
<br>Le ciel vous a fait l'âme et plus grande et plus belle ;
<br>Mais vous êtes princesse, et femme enfin comme elle.
<br>L'horreur de voir une autre au rang qui vous est dû,
<br>Et le juste chagrin d'avoir trop descendu,
<br>Presseront en secret cette âme de se rendre
<br>Même au plus faible espoir de le pouvoir reprendre.
<br>Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ;
<br>Mais l'empire en tout temps a de quoi les charmer.
<br>L'amour passe, ou languit ; et pour fort qu'il puisse être,
<br>De la soif de régner il n'est pas toujours maître.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
<br>Je ne sais quelpoint, amourseigneur, jefaire vousvaloir ailes puchoses donner,:
Et dans ce prompt succès dont nos cœurs sont charmés,
<br>Seigneur ; mais sur l'empire il aime à raisonner :
Vous me devez bien moins que vous ne présumez.
<br>Je l'y trouve assez fort, et même d'une force
Il semble que pour vous je renonce à l’empire,
<br>A montrer qu'il connaît tout ce qu'il a d'amorce,
Et qu’un amour aveugle ait su me le prescrire.
<br>Et qu'à ce qu'il me dit touchant un si grand choix,
Je vous aime, il est vrai ; mais si l’empire est doux,
<br>Il a daigné penser un peu plus d'une fois.
Je crois m’en assurer quand je me donne à vous.
<br>Je veux croire avec vous qu'il est ferme et sincère,
Tant que vivra Galba, le respect de son âge,
<br>Qu'il me dit seulement ce qu'il n'ose me taire ;
Du moins apparemment, soutiendra son suffrage :
<br>Mais à parler sans feinte...
Pison croira régner ; mais peut-être qu’un jour
Rome se permettra de choisir à son tour.
A faire un empereur alors quoi qui l’excite,
Qu’elle en veuille la race, ou cherche le mérite,
Notre union aura des voix de tous côtés,
Puisque j’en ai le sang, et vous les qualités.
Sous un nom si fameux qui vous rend préférable,
L’héritier de Galba sera considérable :
On aimera ce titre en un si digne époux,
Et l’empire est à moi, si l’on me voit à vous.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Ah ! Madame, quittez cette vaine espérance
<br>{{caché|Mais à parler sans feinte...}} Ah ! Madame, croyez...
De nous voir quelque jour remettre en la balance :
S’il faut que de Pison on accepte la loi,
Rome, tant qu’il vivra, n’aura plus d’yeux pour moi ;
Elle a beau murmurer contre un indigne maître,
Elle en souffre, pour lâche ou méchant qu’il puisse être.
Tibère était cruel, Caligule brutal,
Claude faible, Néron en forfaits sans égal :
Il se perdit lui-même à force de grands crimes ;
Mais le reste a passé pour princes légitimes.
Claude même, ce Claude et sans cœur et sans yeux,
A peine les ouvrit qu’il devint furieux ;
Et Narcisse et Pallas, l’ayant mis en furie,
Firent sous son aveu régner la barbarie.
Il régna toutefois, bien qu’il se fît haïr,
Jusqu’à ce que Néron se fâchât d’obéir ;
Et ce monstre ennemi de la vertu romaine
N’a succombé que tard sous la commune haine.
Par ce qu’ils ont osé, jugez sur vos refus
Ce qu’osera Pison gouverné par Lacus.
Il aura peine à voir, lui qui pour vous soupire,
Que votre hymen chez moi laisse un droit à l’empire.
Chacun sur ce penchant voudra faire sa cour ;
Et le pouvoir suprême enhardit bien l’amour.
Si Néron, qui m’aimait, osa m’ôter Poppée,
Jugez, pour ressaisir votre main usurpée,
Quel scrupule on aura du plus noir attentat
Contre un rival ensemble et d’amour et d’état.
Il n’est point ni d’exil, ni de Lusitanie,
Qui dérobe à Pison le reste de ma vie ;
Et je sais trop la cour pour douter un moment,
Ou des soins de sa haine, ou de l’événement.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Et c’est là ce grand cœur qu’on croyait intrépide !
<br>Oui, j'en croirai Pison à qui vous m'envoyez ;
Le péril, comme un autre, à mes yeux l’intimide !
<br>Et vous, pour vous donner quelque peu plus de joie,
Et pour monter au trône, et pour me posséder,
<br>Vous en croirez Plautine à qui je vous renvoie.
Son espoir le plus beau n’ose rien hasarder !
<br>Je n'en suis point jalouse, et le dis sans courroux :
Il redoute Pison ! Dites-moi donc, de grâce,
<br>Vous n'aimez que l'empire, et je n'aimais que vous.
Si d’aimer en lieu même on vous a vu l’audace,
<br>N'en appréhendez rien, je suis femme, et princesse,
Si pour vous et pour lui le trône eut même appas,
<br>Sans en avoir pourtant l'orgueil ni la faiblesse ;
Etes-vous moins rivaux pour ne m’épouser pas ?
<br>Et votre aveuglement me fait trop de pitié
A quel droit voulez-vous que cette haine cesse
<br>Pour l'accabler encor de mon inimitié.
Pour qui lui disputa ce trône et sa maîtresse,
Et qu’il veuille oublier, se voyant souverain,
Que vous pouvez dans l’âme en garder le dessein ?
Ne vous y trompez plus : il a vu dans cette âme
Et votre ambition et toute votre flamme,
Et peut tout contre vous, à moins que contre lui
Mon hymen chez Galba vous assure un appui.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Eh bien ! Il me perdra pour vous avoir aimée ;
<br>Que je vois d'appareils, Albin, pour ma ruine !
Sa haine sera douce à mon âme enflammée ;
Et tout mon sang n’a rien que je veuille épargner,
Si ce n’est que par là que vous pouvez régner.
Permettez cependant à cet amour sincère
De vous redire encor ce qu’il n’ose vous taire :
En l’état qu’est Pison, il vous faut aujourd’hui
Renoncer à l’empire, ou le prendre avec lui.
Avant qu’en décider, pensez-y bien, madame ;
C’est votre intérêt seul qui fait parler ma flamme.
Il est mille douceurs dans un grade si haut
Où peut-être avez-vous moins pensé qu’il ne faut.
Peut-être en un moment serez-vous détrompée ;
Et si j’osais encor vous parler de Poppée,
Je dirais que sans doute elle m’aimait un peu,
Et qu’un trône alluma bientôt un autre feu.
Le ciel vous a fait l’âme et plus grande et plus belle ;
Mais vous êtes princesse, et femme enfin comme elle.
L’horreur de voir une autre au rang qui vous est dû,
Et le juste chagrin d’avoir trop descendu,
Presseront en secret cette âme de se rendre
Même au plus faible espoir de le pouvoir reprendre.
Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ;
Mais l’empire en tout temps a de quoi les charmer.
L’amour passe, ou languit ; et pour fort qu’il puisse être,
De la soif de régner il n’est pas toujours maître.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Albin'''
Je ne sais quel amour je vous ai pu donner,
<br>Seigneur, tout est perdu, si vous voyez Plautine.
Seigneur ; mais sur l’empire il aime à raisonner :
Je l’y trouve assez fort, et même d’une force
A montrer qu’il connaît tout ce qu’il a d’amorce,
Et qu’à ce qu’il me dit touchant un si grand choix,
Il a daigné penser un peu plus d’une fois.
Je veux croire avec vous qu’il est ferme et sincère,
Qu’il me dit seulement ce qu’il n’ose me taire ;
Mais à parler sans feinte…
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Mais à parler sans feinte…}} Ah ! Madame, croyez…
<br>Allons-y toutefois : le trouble où je me voi
<br>Ne peut souffrir d'avis que d'un coeur tout à moi.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
== <center><span style="color:#006699">ACTE IV</span></center> ==
Oui, j’en croirai Pison à qui vous m’envoyez ;
Et vous, pour vous donner quelque peu plus de joie,
Vous en croirez Plautine à qui je vous renvoie.
Je n’en suis point jalouse, et le dis sans courroux :
Vous n’aimez que l’empire, et je n’aimais que vous.
N’en appréhendez rien, je suis femme, et princesse,
Sans en avoir pourtant l’orgueil ni la faiblesse ;
Et votre aveuglement me fait trop de pitié
Pour l’accabler encor de mon inimitié.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène première</span></center> ===
Que je vois d’appareils, Albin, pour ma ruine !
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
'''Plautine'''
Seigneur, tout est perdu, si vous voyez Plautine.
<br>Que voulez-vous, seigneur, qu'enfin je vous conseille ?
<br>Je sens un trouble égal d'une douleur pareille ;
<br>Et mon coeur tout à vous n'est pas assez à soi
<br>Pour trouver un remède aux maux que je prévoi :
<br>Je ne sais que pleurer, je ne sais que vous plaindre.
<br>Le seul choix de Pison nous donne tout à craindre :
<br>Mon père vous a dit qu'il ne laisse à tous trois
<br>Que l'espoir de mourir ensemble à notre choix ;
<br>Et nous craignons de plus une amante irritée
<br>D'une offre en moins d'un jour reçue et rétractée,
<br>D'un hommage où la suite a si peu répondu,
<br>Et d'un trône qu'en vain pour vous elle a perdu.
<br>Pour vous avec ce trône elle était adorable,
<br>Pour vous elle y renonce, et n'a plus rien d'aimable.
<br>Où ne portera point un si juste courroux
<br>La honte de se voir sans l'empire et sans vous ?
<br>Honte d'autant plus grande et d'autant plus sensible,
<br>Qu'elle s'y promettait un retour infaillible,
<br>Et que sa main par vous croyait tôt regagner
<br>Ce que son coeur pour vous paraissait dédaigner.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Allons-y toutefois : le trouble où je me voi
<br>Je n'ai donc qu'à mourir. Je l'ai voulu, madame,
Ne peut souffrir d’avis que d’un cœur tout à moi.
<br>Quand je l'ai pu sans crime, en faveur de ma flamme ;
<br>Et je le dois vouloir, quand votre arrêt cruel
<br>Pour mourir justement m'a rendu criminel.
<br>Vous m'avez commandé de m'offrir à Camille ;
<br>Grâces à nos malheurs ce crime est inutile.
<br>Je mourrai tout à vous ; et si pour obéir
<br>J'ai paru mal aimer, j'ai semblé vous trahir,
<br>Ma main, par ce même ordre à vos yeux enhardie,
<br>Lavera dans mon sang ma fausse perfidie.
<br>N'enviez pas, madame, à mon sort inhumain
<br>La gloire de finir du moins en vrai Romain,
<br>Après qu'il vous a plu de me rendre incapable
<br>Des douceurs de mourir en amant véritable.
 
{{ACTE|IV}}
'''Plautine'''
<br>Bien loin d'en condamner la noble passion,
<br>J'y veux borner ma joie et mon ambition.
<br>Pour de moindres malheurs on renonce à la vie.
<br>Soyez sûr de ma part de l'exemple d'Arrie :
<br>J'ai la main aussi ferme et le coeur aussi grand,
<br>Et quand il le faudra, je sais comme on s'y prend.
<br>Si vous daigniez, seigneur, jusque-là vous contraindre,
<br>Peut-être espérerois-je en voyant tout à craindre.
<br>Camille est irritée et se peut apaiser.
 
{{Scène|première}}
'''Othon'''
<br>Me condamneriez-vous, madame, à l'épouser ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Que voulez-vous, seigneur, qu’enfin je vous conseille ?
<br>Que n'y puis-je moi-même opposer ma défense !
Je sens un trouble égal d’une douleur pareille ;
<br>Mais si vos jours enfin n'ont point d'autre assurance,
Et mon cœur tout à vous n’est pas assez à soi
<br>S'il n'est point d'autre asile...
Pour trouver un remède aux maux que je prévoi :
Je ne sais que pleurer, je ne sais que vous plaindre.
Le seul choix de Pison nous donne tout à craindre :
Mon père vous a dit qu’il ne laisse à tous trois
Que l’espoir de mourir ensemble à notre choix ;
Et nous craignons de plus une amante irritée
D’une offre en moins d’un jour reçue et rétractée,
D’un hommage où la suite a si peu répondu,
Et d’un trône qu’en vain pour vous elle a perdu.
Pour vous avec ce trône elle était adorable,
Pour vous elle y renonce, et n’a plus rien d’aimable.
Où ne portera point un si juste courroux
La honte de se voir sans l’empire et sans vous ?
Honte d’autant plus grande et d’autant plus sensible,
Qu’elle s’y promettait un retour infaillible,
Et que sa main par vous croyait tôt regagner
Ce que son cœur pour vous paraissait dédaigner.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Je n’ai donc qu’à mourir. Je l’ai voulu, madame,
<br>{{caché|S'il n'est point d'autre asile...}} Ah ! Courons à la mort ;
Quand je l’ai pu sans crime, en faveur de ma flamme ;
<br>Ou si pour l'éviter il faut nous faire effort,
Et je le dois vouloir, quand votre arrêt cruel
<br>Subissons de Lacus toute la tyrannie,
Pour mourir justement m’a rendu criminel.
<br>Avant que me soumettre à cette ignominie.
Vous m’avez commandé de m’offrir à Camille ;
<br>J'en saurai préférer les plus barbares coups
Grâces à nos malheurs ce crime est inutile.
<br>A l'affront de me voir sans l'empire et sans vous,
Je mourrai tout à vous ; et si pour obéir
<br>Aux hontes d'un hymen qui me rendrait infâme,
J’ai paru mal aimer, j’ai semblé vous trahir,
<br>Puisqu'on fait pour Camille un crime de sa flamme,
Ma main, par ce même ordre à vos yeux enhardie,
<br>Et qu'on lui vole un trône en haine d'une foi
Lavera dans mon sang ma fausse perfidie.
<br>Qu'a voulu son amour ne promettre qu'à moi.
N’enviez pas, madame, à mon sort inhumain
<br>Non que pour moi sans vous ce trône eût aucuns charmes :
La gloire de finir du moins en vrai Romain,
<br>Pour vous je le cherchais, mais non pas sans alarmes ;
Après qu’il vous a plu de me rendre incapable
<br>Et si tantôt Galba ne m'eût point dédaigné,
Des douceurs de mourir en amant véritable.
<br>J'aurais porté le sceptre, et vous auriez régné ;
<br>Vos seules volontés, mes dignes souveraines,
<br>D'un empire si vaste auraient tenu les rênes.
<br>Vos lois...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Bien loin d’en condamner la noble passion,
<br>{{caché|Vos lois...}} C'est donc à moi de vous faire empereur.
J’y veux borner ma joie et mon ambition.
<br>Je l'ai pu : les moyens d'abord m'ont fait horreur ;
Pour de moindres malheurs on renonce à la vie.
<br>Mais je saurai la vaincre, et me donnant moi-même,
Soyez sûr de ma part de l’exemple d’Arrie :
<br>Vous assurer ensemble et vie et diadème,
J’ai la main aussi ferme et le cœur aussi grand,
<br>Et réparer par là le crime d'un orgueil
Et quand il le faudra, je sais comme on s’y prend.
<br>Qui vous dérobe un trône, et vous ouvre un cercueil.
Si vous daigniez, seigneur, jusque-là vous contraindre,
<br>De Martian pour vous j'aurais eu le suffrage,
Peut-être espérerois-je en voyant tout à craindre.
<br>Si j'avais pu souffrir son insolent hommage.
Camille est irritée et se peut apaiser.
<br>Son amour...
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Me condamneriez-vous, madame, à l’épouser ?
<br>{{caché|Son amour...}} Martian se connaîtrait si peu
<br>Que d'oser...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Que n’y puis-je moi-même opposer ma défense !
<br>{{caché|Que d'oser...}} Il n'a pas encore éteint son feu ;
Mais si vos jours enfin n’ont point d’autre assurance,
<br>Et du choix de Pison quelles que soient les causes,
S’il n’est point d’autre asile…
<br>Je n'ai qu'à dire un mot pour brouiller bien des choses.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|S’il n’est point d’autre asile…}} Ah ! Courons à la mort ;
<br>Vous vous ravaleriez jusques à l'écouter ?
Ou si pour l’éviter il faut nous faire effort,
Subissons de Lacus toute la tyrannie,
Avant que me soumettre à cette ignominie.
J’en saurai préférer les plus barbares coups
A l’affront de me voir sans l’empire et sans vous,
Aux hontes d’un hymen qui me rendrait infâme,
Puisqu’on fait pour Camille un crime de sa flamme,
Et qu’on lui vole un trône en haine d’une foi
Qu’a voulu son amour ne promettre qu’à moi.
Non que pour moi sans vous ce trône eût aucuns charmes :
Pour vous je le cherchais, mais non pas sans alarmes ;
Et si tantôt Galba ne m’eût point dédaigné,
J’aurais porté le sceptre, et vous auriez régné ;
Vos seules volontés, mes dignes souveraines,
D’un empire si vaste auraient tenu les rênes.
Vos lois…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Vos lois…}} C’est donc à moi de vous faire empereur.
<br>Pour vous j'irai, seigneur, jusques à l'accepter.
Je l’ai pu : les moyens d’abord m’ont fait horreur ;
Mais je saurai la vaincre, et me donnant moi-même,
Vous assurer ensemble et vie et diadème,
Et réparer par là le crime d’un orgueil
Qui vous dérobe un trône, et vous ouvre un cercueil.
De Martian pour vous j’aurais eu le suffrage,
Si j’avais pu souffrir son insolent hommage.
Son amour…
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|Son amour…}} Martian se connaîtrait si peu
<br>Consultez votre gloire, elle saura vous dire...
Que d’oser…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Que d’oser…}} Il n’a pas encore éteint son feu ;
<br>Qu'il est de mon devoir de vous rendre l'empire.
Et du choix de Pison quelles que soient les causes,
Je n’ai qu’à dire un mot pour brouiller bien des choses.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Vous vous ravaleriez jusques à l’écouter ?
<br>Qu'un front encor marqué des fers qu'il a portés...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Pour vous j’irai, seigneur, jusques à l’accepter.
<br>A droit de me charmer, s'il fait vos sûretés.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Consultez votre gloire, elle saura vous dire…
<br>En concevez-vous bien toute l'ignominie ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
<br>JeQu’il n'enest puisde voir,mon seigneur,devoir àde vous sauverrendre la viel’empire.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Qu’un front encor marqué des fers qu’il a portés…
<br>L'épouser à ma vue ! Et pour comble d'ennui...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
A droit de me charmer, s’il fait vos sûretés.
<br>Donnez-vous à Camille, ou je me donne à lui.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
En concevez-vous bien toute l’ignominie ?
<br>Périssons, périssons, madame, l'un pour l'autre,
<br>Avec toute ma gloire, avec toute la vôtre.
<br>Pour nous faire un trépas dont les dieux soient jaloux,
<br>Rendez-vous toute à moi, comme moi tout à vous ;
<br>Ou si pour conserver en vous tout ce que j'aime,
<br>Mon malheur vous obstine à vous donner vous-même,
<br>Du moins de votre gloire ayez un soin égal,
<br>Et ne me préférez qu'un illustre rival.
<br>J'en mourrai de douleur, mais je mourrais de rage,
<br>Si vous me préfériez un reste d'esclavage.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène II</span></center> ===
Je n’en puis voir, seigneur, à vous sauver la vie.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
L’épouser à ma vue ! Et pour comble d’ennui…
<br>Ah ! Seigneur, empêchez que Plautine...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Vinius'''
Donnez-vous à Camille, ou je me donne à lui.
<br>{{caché|Ah ! Seigneur, empêchez que Plautine...}} Seigneur,
<br>Vous empêcherez tout, si vous avez du coeur.
<br>Malgré de nos destins la rigueur importune,
<br>Le ciel met en vos mains toute notre fortune.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Plautine'''
Périssons, périssons, madame, l’un pour l’autre,
<br>Seigneur, que dites-vous ?
Avec toute ma gloire, avec toute la vôtre.
Pour nous faire un trépas dont les dieux soient jaloux,
Rendez-vous toute à moi, comme moi tout à vous ;
Ou si pour conserver en vous tout ce que j’aime,
Mon malheur vous obstine à vous donner vous-même,
Du moins de votre gloire ayez un soin égal,
Et ne me préférez qu’un illustre rival.
J’en mourrai de douleur, mais je mourrais de rage,
Si vous me préfériez un reste d’esclavage.
 
{{Scène|II}}
'''Vinius'''
<br>{{caché|Seigneur, que dites-vous ?}} Ce que je viens de voir,
<br>Que pour être empereur il n'a qu'à le vouloir.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
<br>Ah ! Seigneur, plusempêchez d'empire, à moins qu'avecque Plautine.Plautine…
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
{{caché|Ah ! Seigneur, empêchez que Plautine…}} Seigneur,
<br>Saisissez-vous d'un trône où le ciel vous destine ;
Vous empêcherez tout, si vous avez du cœur.
<br>Et pour choisir vous-même avec qui le remplir,
<br>AMalgré vosde heureuxnos destins aidezla àrigueur s'accomplir.importune,
Le ciel met en vos mains toute notre fortune.
<br>L'armée a vu Pison, mais avec un murmure
<br>Qui semblait mal goûter ce qu'on vous fait d'injure.
<br>Galba ne l'a produit qu'avec sévérité,
<br>Sans faire aucun espoir de libéralité.
<br>Il pouvait, sous l'appas d'une feinte promesse,
<br>Jeter dans les soldats un moment d'allégresse ;
<br>Mais il a mieux aimé hautement protester
<br>Qu'il savait les choisir, et non les acheter.
<br>Ces hautes duretés, à contre-temps poussées,
<br>Ont rappelé l'horreur des cruautés passées,
<br>Lorsque d'Espagne à Rome il sema son chemin
<br>De Romains immolés à son nouveau destin,
<br>Et qu'ayant de leur sang souillé chaque contrée,
<br>Par un nouveau carnage il y fit son entrée.
<br>Aussi, durant le temps qu'a harangué Pison,
<br>Ils ont de rang en rang fait courir votre nom.
<br>Quatre des plus zélés sont venus me le dire,
<br>Et m'ont promis pour vous les troupes et l'empire.
<br>Courez donc à la place, où vous les trouverez ;
<br>Suivez-les dans leur camp, et vous en assurez :
<br>Un temps bien pris peut tout.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Othon'''
Seigneur, que dites-vous ?
<br>{{caché|Un temps bien pris peut tout.}} Si cet astre contraire
<br>Qui m'a...
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
<br>{{caché|QuiSeigneur, m'a...}}que Sansdites-vous discourir,? faites}} ceCe qu'ilque fautje faireviens ;de voir,
Que pour être empereur il n’a qu’à le vouloir.
<br>Un moment de séjour peut tout déconcerter,
<br>Et le moindre soupçon vous va faire arrêter.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Ah ! Seigneur, plus d’empire, à moins qu’avec Plautine.
<br>Avant que de partir souffrez que je proteste...
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Saisissez-vous d’un trône où le ciel vous destine ;
<br>Partez ; en empereur vous nous direz le reste.
Et pour choisir vous-même avec qui le remplir,
A vos heureux destins aidez à s’accomplir.
L’armée a vu Pison, mais avec un murmure
Qui semblait mal goûter ce qu’on vous fait d’injure.
Galba ne l’a produit qu’avec sévérité,
Sans faire aucun espoir de libéralité.
Il pouvait, sous l’appas d’une feinte promesse,
Jeter dans les soldats un moment d’allégresse ;
Mais il a mieux aimé hautement protester
Qu’il savait les choisir, et non les acheter.
Ces hautes duretés, à contre-temps poussées,
Ont rappelé l’horreur des cruautés passées,
Lorsque d’Espagne à Rome il sema son chemin
De Romains immolés à son nouveau destin,
Et qu’ayant de leur sang souillé chaque contrée,
Par un nouveau carnage il y fit son entrée.
Aussi, durant le temps qu’a harangué Pison,
Ils ont de rang en rang fait courir votre nom.
Quatre des plus zélés sont venus me le dire,
Et m’ont promis pour vous les troupes et l’empire.
Courez donc à la place, où vous les trouverez ;
Suivez-les dans leur camp, et vous en assurez :
Un temps bien pris peut tout.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène III</span></center> ===
{{caché|Un temps bien pris peut tout.}} Si cet astre contraire
Qui m’a…
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
{{caché|Qui m’a…}} Sans discourir, faites ce qu’il faut faire ;
<br>Ce n'est pas tout, ma fille, un bonheur plus certain,
Un moment de séjour peut tout déconcerter,
<br>Quoi qu'il puisse arriver, met l'empire en ta main.
Et le moindre soupçon vous va faire arrêter.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Plautine'''
Avant que de partir souffrez que je proteste…
<br>Flatteriez-vous Othon d'une vaine chimère ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Partez ; en empereur vous nous direz le reste.
<br>Non : tout ce que j'ai dit n'est qu'un rapport sincère.
<br>Je crois te voir régner avec ce cher Othon ;
<br>Mais n'espère pas moins du côté de Pison :
<br>Galba te donne à lui. Piqué contre Camille,
<br>Dont l'amour a rendu son projet inutile,
<br>Il veut que cet hymen, punissant ses refus,
<br>Réunisse avec moi Martian et Lacus,
<br>Et trompe heureusement les présages sinistres
<br>De la division qu'il voit en ses ministres.
<br>Ainsi des deux côtés on combattra pour toi.
<br>Le plus heureux des chefs t'apportera sa foi.
<br>Sans part à ses périls, tu l'auras à sa gloire,
<br>Et verras à tes pieds l'une ou l'autre victoire.
 
{{Scène|III}}
'''Plautine'''
<br>Quoi ? Mon coeur, par vous-même à ce héros donné,
<br>Pourrait ne l'aimer plus s'il n'est point couronné ?
<br>Et s'il faut qu'à Pison son mauvais sort nous livre,
<br>Pour ce même Pison je pourrais vouloir vivre ?
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Ce n’est pas tout, ma fille, un bonheur plus certain,
<br>Si nos communs souhaits ont un contraire effet,
Quoi qu’il puisse arriver, met l’empire en ta main.
<br>Tu te peux faire encor l'effort que tu t'es fait ;
<br>Et qui vient de donner Othon au diadème,
<br>Pour régner à son tour peut se donner soi-même.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Flatteriez-vous Othon d’une vaine chimère ?
<br>Si pour le couronner j'ai fait un noble effort,
<br>Dois-je en faire un honteux pour jouir de sa mort ?
<br>Je me privais de lui sans me vendre à personne,
<br>Et vous voulez, seigneur, que son trépas me donne,
<br>Que mon coeur, entraîné par la splendeur du rang,
<br>Vole après une main fumante de son sang ;
<br>Et que de ses malheurs triomphante et ravie,
<br>Je sois l'infâme prix d'avoir tranché sa vie !
<br>Non, seigneur : nous aurons même sort aujourd'hui ;
<br>Vous me verrez régner ou périr avec lui :
<br>Ce n'est qu'à l'un des deux que tout ce coeur aspire.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Non : tout ce que j’ai dit n’est qu’un rapport sincère.
<br>Que tu vois mal encor ce que c'est que l'empire !
Je crois te voir régner avec ce cher Othon ;
<br>Si deux jours seulement tu pouvois l'essayer,
Mais n’espère pas moins du côté de Pison :
<br>Tu ne croirais jamais le pouvoir trop payer ;
Galba te donne à lui. Piqué contre Camille,
<br>Et tu verrais périr mille amants avec joie,
Dont l’amour a rendu son projet inutile,
<br>S'il fallait tout leur sang pour t'y faire une voie.
Il veut que cet hymen, punissant ses refus,
<br>Aime Othon, si tu peux t'en faire un sûr appui ;
Réunisse avec moi Martian et Lacus,
<br>Mais s'il en est besoin, aime-toi plus que lui,
Et trompe heureusement les présages sinistres
<br>Et sans t'inquiéter où fondra la tempête,
De la division qu’il voit en ses ministres.
<br>Laisse aux dieux à leur choix écraser une tête :
Ainsi des deux côtés on combattra pour toi.
<br>Prends le sceptre aux dépens de qui succombera,
Le plus heureux des chefs t’apportera sa foi.
<br>Et règne sans scrupule avec qui régnera.
Sans part à ses périls, tu l’auras à sa gloire,
Et verras à tes pieds l’une ou l’autre victoire.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Quoi ? Mon cœur, par vous-même à ce héros donné,
<br>Que votre politique a d'étranges maximes !
Pourrait ne l’aimer plus s’il n’est point couronné ?
<br>Mon amour, s'il l'osait, y trouverait des crimes.
Et s’il faut qu’à Pison son mauvais sort nous livre,
<br>Je sais aimer, seigneur, je sais garder ma foi,
Pour ce même Pison je pourrais vouloir vivre ?
<br>Je sais pour un amant faire ce que je doi,
<br>Je sais à son bonheur m'offrir en sacrifice,
<br>Et je saurai mourir si je vois qu'il périsse ;
<br>Mais je ne sais point l'art de forcer ma douleur
<br>A pouvoir recueillir les fruits de son malheur.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Si nos communs souhaits ont un contraire effet,
<br>Tiens pourtant l'âme prête à le mettre en usage ;
Tu te peux faire encor l’effort que tu t’es fait ;
<br>Change de sentiments, ou du moins de langage ;
Et qui vient de donner Othon au diadème,
<br>Et pour mettre d'accord ta fortune et ton coeur,
Pour régner à son tour peut se donner soi-même.
<br>Souhaite pour l'amant, et te garde au vainqueur.
<br>Adieu : je vois entrer la princesse Camille.
<br>Quelque trouble où tu sois, montre une âme tranquille,
<br>Profite de sa faute, et tiens l'oeil mieux ouvert
<br>Au vif et doux éclat du trône qu'elle perd.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène IV</span></center> ===
Si pour le couronner j’ai fait un noble effort,
Dois-je en faire un honteux pour jouir de sa mort ?
Je me privais de lui sans me vendre à personne,
Et vous voulez, seigneur, que son trépas me donne,
Que mon cœur, entraîné par la splendeur du rang,
Vole après une main fumante de son sang ;
Et que de ses malheurs triomphante et ravie,
Je sois l’infâme prix d’avoir tranché sa vie !
Non, seigneur : nous aurons même sort aujourd’hui ;
Vous me verrez régner ou périr avec lui :
Ce n’est qu’à l’un des deux que tout ce cœur aspire.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Camille'''
Que tu vois mal encor ce que c’est que l’empire !
<br>Agréerez-vous, madame, un fidèle service
Si deux jours seulement tu pouvois l’essayer,
<br>Dont je viens faire hommage à mon impératrice ?
Tu ne croirais jamais le pouvoir trop payer ;
Et tu verrais périr mille amants avec joie,
S’il fallait tout leur sang pour t’y faire une voie.
Aime Othon, si tu peux t’en faire un sûr appui ;
Mais s’il en est besoin, aime-toi plus que lui,
Et sans t’inquiéter où fondra la tempête,
Laisse aux dieux à leur choix écraser une tête :
Prends le sceptre aux dépens de qui succombera,
Et règne sans scrupule avec qui régnera.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Que votre politique a d’étranges maximes !
<br>Je crois n'avoir pas droit de vous en empêcher ;
Mon amour, s’il l’osait, y trouverait des crimes.
<br>Mais ce n'est pas ici qu'il vous la faut chercher.
Je sais aimer, seigneur, je sais garder ma foi,
Je sais pour un amant faire ce que je doi,
Je sais à son bonheur m’offrir en sacrifice,
Et je saurai mourir si je vois qu’il périsse ;
Mais je ne sais point l’art de forcer ma douleur
A pouvoir recueillir les fruits de son malheur.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Camille'''
Tiens pourtant l’âme prête à le mettre en usage ;
<br>Lorsque Galba vous donne à Pison pour épouse...
Change de sentiments, ou du moins de langage ;
Et pour mettre d’accord ta fortune et ton cœur,
Souhaite pour l’amant, et te garde au vainqueur.
Adieu : je vois entrer la princesse Camille.
Quelque trouble où tu sois, montre une âme tranquille,
Profite de sa faute, et tiens l’œil mieux ouvert
Au vif et doux éclat du trône qu’elle perd.
 
{{Scène|IV}}
'''Plautine'''
<br>Il n'est pas encor temps de vous en voir jalouse.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Agréerez-vous, madame, un fidèle service
<br>Si j'aimais toutefois ou l'empire ou Pison,
Dont je viens faire hommage à mon impératrice ?
<br>Je pourrais déjà l'être avec quelque raison.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Je crois n’avoir pas droit de vous en empêcher ;
<br>Et si j'aimais, madame, ou Pison ou l'empire,
Mais ce n’est pas ici qu’il vous la faut chercher.
<br>J'aurais quelque raison de ne m'en pas dédire ;
<br>Mais votre exemple apprend aux coeurs comme le mien
<br>Qu'un généreux mépris quelquefois leur sied bien.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
<br>QuoiLorsque ?Galba L'empirevous etdonne à Pison n'ont rien pour vous d'aimable ?épouse…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Il n’est pas encor temps de vous en voir jalouse.
<br>Ce que vous dédaignez, je le tiens méprisable ;
<br>Ce qui plaît à vos yeux aux miens semble aussi doux :
<br>Tant je trouve de gloire à me régler sur vous !
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Si j’aimais toutefois ou l’empire ou Pison,
<br>Donc si j'aimais Othon...
Je pourrais déjà l’être avec quelque raison.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Et si j’aimais, madame, ou Pison ou l’empire,
<br>{{caché|Donc si j'aimais Othon...}} Je l'aimerais de même,
J’aurais quelque raison de ne m’en pas dédire ;
<br>Si ma main avec moi donnait le diadème.
Mais votre exemple apprend aux cœurs comme le mien
Qu’un généreux mépris quelquefois leur sied bien.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Quoi ? L’empire et Pison n’ont rien pour vous d’aimable ?
<br>Ne peut-on sans le trône être digne de lui ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Ce que vous dédaignez, je le tiens méprisable ;
<br>Je m'en rapporte à vous, qu'il aime d'aujourd'hui.
Ce qui plaît à vos yeux aux miens semble aussi doux :
Tant je trouve de gloire à me régler sur vous !
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Donc si j’aimais Othon…
<br>Vous pouvez mieux qu'une autre en dire des nouvelles,
<br>Et comme vos ardeurs ont été mutuelles,
<br>Votre exemple ne laisse à personne à douter
<br>Qu'à moins de la couronne on peut le mériter.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Donc si j’aimais Othon…}} Je l’aimerais de même,
<br>Mon exemple ne laisse à douter à personne
Si ma main avec moi donnait le diadème.
<br>Qu'il pourra vous quitter à moins de la couronne.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
<br>IlNe a trouvépeut-on sans ellele entrône vosêtre yeuxdigne tantde d'appas...lui ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Je m’en rapporte à vous, qu’il aime d’aujourd’hui.
<br>Toutes les passions ne se ressemblent pas.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Vous pouvez mieux qu’une autre en dire des nouvelles,
<br>En effet, vous avez un mérite si rare...
Et comme vos ardeurs ont été mutuelles,
Votre exemple ne laisse à personne à douter
Qu’à moins de la couronne on peut le mériter.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Mon exemple ne laisse à douter à personne
<br>Mérite à part, l'amour est quelquefois bizarre ;
Qu’il pourra vous quitter à moins de la couronne.
<br>Selon l'objet divers le goût est différent :
<br>Aux unes on se donne, aux autres on se vend.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Il a trouvé sans elle en vos yeux tant d’appas…
<br>Qui connaissait Othon pouvait à la pareille
<br>M'en donner en amie un avis à l'oreille.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Toutes les passions ne se ressemblent pas.
<br>Et qui l'estime assez pour l'élever si haut
<br>Peut, quand il lui plaira, m'apprendre ce qu'il vaut ;
<br>Afin que si mes feux ont ordre de renaître...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
En effet, vous avez un mérite si rare…
<br>J'en ai fait quelque estime avant que le connaître,
<br>Et vous l'ai renvoyé dès que je l'ai connu.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Mérite à part, l’amour est quelquefois bizarre ;
<br>Qui vient de votre part est toujours bienvenu :
Selon l’objet divers le goût est différent :
<br>J'accepte le présent, et crois pouvoir sans honte,
Aux unes on se donne, aux autres on se vend.
<br>L'ayant de votre main, en tenir quelque conte.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Qui connaissait Othon pouvait à la pareille
<br>Pour vous rendre son âme il vous est venu voir ?
M’en donner en amie un avis à l’oreille.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Et qui l’estime assez pour l’élever si haut
<br>Pour négliger votre ordre il sait trop son devoir.
Peut, quand il lui plaira, m’apprendre ce qu’il vaut ;
Afin que si mes feux ont ordre de renaître…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
J’en ai fait quelque estime avant que le connaître,
<br>Il vous a tôt quittée, et son ingratitude...
Et vous l’ai renvoyé dès que je l’ai connu.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Qui vient de votre part est toujours bienvenu :
<br>Vous met-elle, madame, en quelque inquiétude ?
J’accepte le présent, et crois pouvoir sans honte,
L’ayant de votre main, en tenir quelque conte.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Pour vous rendre son âme il vous est venu voir ?
<br>Non ; mais j'aime à savoir comment on m'obéit.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Pour négliger votre ordre il sait trop son devoir.
<br>La curiosité quelquefois nous trahit ;
<br>Et par un demi-mot que du coeur elle tire,
<br>Souvent elle dit plus qu'elle ne pense dire.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Il vous a tôt quittée, et son ingratitude…
<br>La mienne ne dit pas tout ce que vous pensez.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Vous met-elle, madame, en quelque inquiétude ?
<br>Sur tout ce que je pense elle s'explique assez.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Non ; mais j’aime à savoir comment on m’obéit.
<br>Souvent trop d'intérêt que l'amour force à prendre
<br>Entend plus qu'on ne dit et qu'on ne doit entendre.
<br>Si vous saviez quel est mon plus ardent désir...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
La curiosité quelquefois nous trahit ;
<br>D'Othon et de Pison je vous donne à choisir :
Et par un demi-mot que du cœur elle tire,
<br>Mon peu d'ambition vous rend l'un avec joie ;
Souvent elle dit plus qu’elle ne pense dire.
<br>Et pour l'autre, s'il faut que je vous le renvoie,
<br>Mon amour, je l'avoue, en pourra murmurer ;
<br>Mais vous savez qu'au vôtre il aime à déférer.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
La mienne ne dit pas tout ce que vous pensez.
<br>Je pourrai me passer de cette déférence.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Sur tout ce que je pense elle s’explique assez.
<br>Sans doute ; et toutefois, si j'en crois l'apparence...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Souvent trop d’intérêt que l’amour force à prendre
<br>Brisons là : ce discours deviendrait ennuyeux.
Entend plus qu’on ne dit et qu’on ne doit entendre.
Si vous saviez quel est mon plus ardent désir…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
D’Othon et de Pison je vous donne à choisir :
<br>Martian, que je vois, vous entretiendra mieux.
Mon peu d’ambition vous rend l’un avec joie ;
<br>Agréez ma retraite, et souffrez que j'évite
Et pour l’autre, s’il faut que je vous le renvoie,
<br>Un esclave insolent de qui l'amour m'irrite.
Mon amour, je l’avoue, en pourra murmurer ;
Mais vous savez qu’au vôtre il aime à déférer.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène V</span></center> ===
Je pourrai me passer de cette déférence.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Camille'''
Sans doute ; et toutefois, si j’en crois l’apparence…
<br>A ce qu'elle me dit, Martian, vous l'aimez ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Martian'''
Brisons là : ce discours deviendrait ennuyeux.
<br>Malgré ses fiers mépris mes yeux en sont charmés.
<br>Cependant pour l'empire, il est à vous encore :
<br>Galba s'est laissé vaincre, et Pison vous adore.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Camille'''
Martian, que je vois, vous entretiendra mieux.
<br>De votre haut crédit c'est donc un pur effet ?
Agréez ma retraite, et souffrez que j’évite
Un esclave insolent de qui l’amour m’irrite.
 
{{Scène|V}}
'''Martian'''
<br>Ne désavouez point ce que mon zèle a fait.
<br>Mes soins de l'empereur ont fléchi la colère,
<br>Et renvoyé Plautine obéir chez son père.
<br>Notre nouveau César la voulait épouser ;
<br>Mais j'ai su le résoudre à s'en désabuser ;
<br>Et Galba, que le sang presse pour sa famille,
<br>Permet à Vinius de mettre ailleurs sa fille.
<br>L'un vous rend la couronne, et l'autre tout son coeur.
<br>Voyez mieux quelle en est la gloire et la douceur,
<br>Quelle félicité vous vous étiez ôtée
<br>Par une aversion un peu précipitée ;
<br>Et pour vos intérêts daignez considérer...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
A ce qu’elle me dit, Martian, vous l’aimez ?
<br>Je vois quelle est ma faute, et puis la réparer ;
<br>Mais je veux, car jamais on ne m'a vue ingrate,
<br>Que ma reconnaissance auparavant éclate,
<br>Et n'accorderai rien qu'on ne vous fasse heureux.
<br>Vous aimez, dites-vous, cet objet rigoureux,
<br>Et Pison dans sa main ne verra point la mienne
<br>Qu'il n'ait réduit Plautine à vous donner la sienne,
<br>Si pourtant le mépris qu'elle fait de vos feux
<br>Ne vous a pu contraindre à former d'autres voeux.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Malgré ses fiers mépris mes yeux en sont charmés.
<br>Ah ! Madame, l'hymen a de si douces chaînes,
Cependant pour l’empire, il est à vous encore :
<br>Qu'il lui faut peu de temps pour calmer bien des haines ;
Galba s’est laissé vaincre, et Pison vous adore.
<br>Et du moins mon bonheur saurait avec éclat
<br>Vous venger de Plautine et punir un ingrat.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
De votre haut crédit c’est donc un pur effet ?
<br>Je l'avais préféré, cet ingrat, à l'empire ;
<br>Je l'ai dit, et trop haut pour m'en pouvoir dédire ;
<br>Et l'amour, qui m'apprend le faible des amants,
<br>Unit vos plus doux voeux à mes ressentiments,
<br>Pour me faire ébaucher ma vengeance en Plautine,
<br>Et l'achever bientôt par sa propre ruine.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
Ne désavouez point ce que mon zèle a fait.
<br>Ah ! Si vous la voulez, je sais des bras tous prêts ;
Mes soins de l’empereur ont fléchi la colère,
<br>Et j'ai tant de chaleur pour tous vos intérêts...
Et renvoyé Plautine obéir chez son père.
Notre nouveau César la voulait épouser ;
Mais j’ai su le résoudre à s’en désabuser ;
Et Galba, que le sang presse pour sa famille,
Permet à Vinius de mettre ailleurs sa fille.
L’un vous rend la couronne, et l’autre tout son cœur.
Voyez mieux quelle en est la gloire et la douceur,
Quelle félicité vous vous étiez ôtée
Par une aversion un peu précipitée ;
Et pour vos intérêts daignez considérer…
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Je vois quelle est ma faute, et puis la réparer ;
<br>Ah ! Que c'est me donner une sensible joie !
Mais je veux, car jamais on ne m’a vue ingrate,
<br>Ces bras que vous m'offrez, faites que je les voie,
Que ma reconnaissance auparavant éclate,
<br>Que je leur donne l'ordre et prescrive le temps.
Et n’accorderai rien qu’on ne vous fasse heureux.
<br>Je veux qu'aux yeux d'Othon vos désirs soient contents,
Vous aimez, dites-vous, cet objet rigoureux,
<br>Que lui-même il ait vu l'hymen de sa maîtresse
Et Pison dans sa main ne verra point la mienne
<br>Livrer entre vos bras l'objet de sa tendresse,
Qu’il n’ait réduit Plautine à vous donner la sienne,
<br>Qu'il ait ce désespoir avant que de mourir :
Si pourtant le mépris qu’elle fait de vos feux
<br>Après, à son trépas vous me verrez courir.
Ne vous a pu contraindre à former d’autres vœux.
<br>Jusque-là gardez-vous de rien faire entreprendre.
<br>Du pouvoir qu'on me rend vous devez tout attendre.
<br>Allez vous préparer à ces heureux moments ;
<br>Mais n'exécutez rien sans mes commandements.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VI</span></center> ===
Ah ! Madame, l’hymen a de si douces chaînes,
Qu’il lui faut peu de temps pour calmer bien des haines ;
Et du moins mon bonheur saurait avec éclat
Vous venger de Plautine et punir un ingrat.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Albiane'''
Je l’avais préféré, cet ingrat, à l’empire ;
<br>Vous voulez perdre Othon ! Vous le pouvez, madame !
Je l’ai dit, et trop haut pour m’en pouvoir dédire ;
Et l’amour, qui m’apprend le faible des amants,
Unit vos plus doux vœux à mes ressentiments,
Pour me faire ébaucher ma vengeance en Plautine,
Et l’achever bientôt par sa propre ruine.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Camille'''
Ah ! Si vous la voulez, je sais des bras tous prêts ;
<br>Que tu pénètres mal dans le fond de mon âme !
Et j’ai tant de chaleur pour tous vos intérêts…
<br>De son lâche rival voyant le noir projet,
<br>J'ai su par cette adresse en arrêter l'effet,
<br>M'en rendre la maîtresse ; et je serai ravie
<br>S'il peut savoir les soins que je prends de sa vie.
<br>Va me chercher ton frère, et fais que de ma part
<br>Il apprenne par lui ce qu'il court de hasard,
<br>A quoi va l'exposer son aveugle conduite,
<br>Et qu'il n'est plus pour lui de salut qu'en la fuite.
<br>C'est tout ce qu'à l'amour peut souffrir mon courroux.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Albiane'''
Ah ! Que c’est me donner une sensible joie !
<br>Du courroux à l'amour le retour serait doux.
Ces bras que vous m’offrez, faites que je les voie,
Que je leur donne l’ordre et prescrive le temps.
Je veux qu’aux yeux d’Othon vos désirs soient contents,
Que lui-même il ait vu l’hymen de sa maîtresse
Livrer entre vos bras l’objet de sa tendresse,
Qu’il ait ce désespoir avant que de mourir :
Après, à son trépas vous me verrez courir.
Jusque-là gardez-vous de rien faire entreprendre.
Du pouvoir qu’on me rend vous devez tout attendre.
Allez vous préparer à ces heureux moments ;
Mais n’exécutez rien sans mes commandements.
 
{{Scène|VI}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VII</span></center> ===
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Rutile'''
Vous voulez perdre Othon ! Vous le pouvez, madame !
<br>Ah ! Madame, apprenez quel malheur nous menace.
<br>Quinze ou vingt révoltés au milieu de la place
<br>Viennent de proclamer Othon pour empereur.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Que tu pénètres mal dans le fond de mon âme !
<br>Et de leur insolence Othon n'a point d'horreur,
De son lâche rival voyant le noir projet,
<br>Lui qui sait qu'aussitôt ces tumultes avortent ?
J’ai su par cette adresse en arrêter l’effet,
M’en rendre la maîtresse ; et je serai ravie
S’il peut savoir les soins que je prends de sa vie.
Va me chercher ton frère, et fais que de ma part
Il apprenne par lui ce qu’il court de hasard,
A quoi va l’exposer son aveugle conduite,
Et qu’il n’est plus pour lui de salut qu’en la fuite.
C’est tout ce qu’à l’amour peut souffrir mon courroux.
 
{{Personnage| ALBIANE |c}}
'''Rutile'''
Du courroux à l’amour le retour serait doux.
<br>Ils le mènent au camp, ou plutôt ils l'y portent :
<br>Et ce qu'on voit de peuple autour d'eux s'amasser
<br>Frémit de leur audace, et les laisse passer.
 
{{Scène|VII}}
'''Camille'''
<br>L'empereur le sait-il ?
 
{{Personnage| {{Personnage| {{Personnage| RUTILE |c}} |c}} |c}}
'''Rutile'''
Ah ! Madame, apprenez quel malheur nous menace.
<br>{{caché|L'empereur le sait-il ?}} Oui, madame : il vous mande ;
Quinze ou vingt révoltés au milieu de la place
<br>Et pour un prompt remède à ce qu'on appréhende,
Viennent de proclamer Othon pour empereur.
<br>Pison de ces mutins va courir sur les pas,
<br>Avec ce qu'on pourra lui trouver de soldats.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Et de leur insolence Othon n’a point d’horreur,
<br>Puisque Othon veut périr, consentons qu'il périsse ;
Lui qui sait qu’aussitôt ces tumultes avortent ?
<br>Allons presser Galba pour son juste supplice.
<br>Du courroux à l'amour si le retour est doux,
<br>On repasse aisément de l'amour au courroux.
 
{{Personnage| {{Personnage| {{Personnage| RUTILE |c}} |c}} |c}}
== <center><span style="color:#006699">ACTE V</span></center> ==
Ils le mènent au camp, ou plutôt ils l’y portent :
Et ce qu’on voit de peuple autour d’eux s’amasser
Frémit de leur audace, et les laisse passer.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène première</span></center> ===
L’empereur le sait-il ?
 
{{Personnage| {{Personnage| {{Personnage| RUTILE |c}} |c}} |c}}
'''Galba'''
{{caché|L’empereur le sait-il ? }} Oui, madame : il vous mande ;
<br>Je vous le dis encor, redoutez ma vengeance,
Et pour un prompt remède à ce qu’on appréhende,
<br>Pour peu que vous soyez de son intelligence.
Pison de ces mutins va courir sur les pas,
<br>On ne pardonne point en matière d'état :
Avec ce qu’on pourra lui trouver de soldats.
<br>Plus on chérit la main, plus on hait l'attentat ;
<br>Et lorsque la fureur va jusqu'au sacrilège,
<br>Le sexe ni le sang n'ont point de privilège.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Puisque Othon veut périr, consentons qu’il périsse ;
<br>Cet indigne soupçon serait bientôt détruit,
Allons presser Galba pour son juste supplice.
<br>Si vous voyiez du crime où doit aller le fruit.
Du courroux à l’amour si le retour est doux,
<br>Othon, qui pour Plautine au fond du coeur soupire,
On repasse aisément de l’amour au courroux.
<br>Othon, qui me dédaigne à moins que de l'empire,
<br>S'il en fait sa conquête, et vous peut détrôner,
<br>Laquelle de nous deux voudra-t-il couronner ?
<br>Pourrois-je de Pison conspirer la ruine,
<br>Qui m'arrachant du trône y porterait Plautine ?
<br>Croyez mes intérêts, si vous doutez de moi ;
<br>Et sur de tels garants, assuré de ma foi,
<br>Tournez sur Vinius toute la défiance
<br>Dont veut ternir ma gloire une injuste croyance.
 
{{ACTE|V}}
'''Galba'''
<br>Vinius par son zèle est trop justifié.
<br>Voyez ce qu'en un jour il m'a sacrifié :
<br>Il m'offre Othon pour vous, qu'il souhaitait pour gendre ;
<br>Je le rends à sa fille, il aime à le reprendre ;
<br>Je la veux pour Pison, mon vouloir est suivi ;
<br>Je vous mets en sa place, et l'en trouve ravi ;
<br>Son ami se révolte, il presse ma colère ;
<br>Il donne à Martian Plautine à ma prière :
<br>Et je soupçonnerais un crime dans les voeux
<br>D'un homme qui s'attache à tout ce que je veux ?
 
{{Scène|première}}
'''Camille'''
<br>Qui veut également tout ce qu'on lui propose,
<br>Dans le secret du coeur souvent veut autre chose ;
<br>Et maître de son âme, il n'a point d'autre foi
<br>Que celle qu'en soi-même il ne donne qu'à soi.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Je vous le dis encor, redoutez ma vengeance,
<br>Cet hymen toutefois est l'épreuve dernière
Pour peu que vous soyez de son intelligence.
<br>D'une foi toujours pure, inviolable, entière.
On ne pardonne point en matière d’état :
Plus on chérit la main, plus on hait l’attentat ;
Et lorsque la fureur va jusqu’au sacrilège,
Le sexe ni le sang n’ont point de privilège.
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Camille'''
Cet indigne soupçon serait bientôt détruit,
<br>Vous verrez à l'effet comment elle agira,
Si vous voyiez du crime où doit aller le fruit.
<br>Seigneur, et comme enfin Plautine obéira.
Othon, qui pour Plautine au fond du cœur soupire,
<br>Sûr de sa résistance, et se flattant peut-être
Othon, qui me dédaigne à moins que de l’empire,
<br>De voir bientôt ici son cher Othon le maître,
S’il en fait sa conquête, et vous peut détrôner,
<br>Dans l'état où pour vous il a mis l'avenir,
Laquelle de nous deux voudra-t-il couronner ?
<br>Il promet aisément plus qu'il ne veut tenir.
Pourrois-je de Pison conspirer la ruine,
Qui m’arrachant du trône y porterait Plautine ?
Croyez mes intérêts, si vous doutez de moi ;
Et sur de tels garants, assuré de ma foi,
Tournez sur Vinius toute la défiance
Dont veut ternir ma gloire une injuste croyance.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Vinius par son zèle est trop justifié.
<br>Le devoir désunit l'amitié la plus forte,
Voyez ce qu’en un jour il m’a sacrifié :
<br>Mais l'amour aisément sur ce devoir l'emporte ;
Il m’offre Othon pour vous, qu’il souhaitait pour gendre ;
<br>Et son feu, qui jamais ne s'éteint qu'à demi,
Je le rends à sa fille, il aime à le reprendre ;
<br>Intéresse une amante autrement qu'un ami.
Je la veux pour Pison, mon vouloir est suivi ;
<br>J'aperçois Vinius. Qu'on m'amène sa fille :
Je vous mets en sa place, et l’en trouve ravi ;
<br>J'en punirai le crime en toute la famille,
Son ami se révolte, il presse ma colère ;
<br>Si jamais je puis voir par où n'en point douter ;
Il donne à Martian Plautine à ma prière :
<br>Mais aussi jusque-là j'aurais tort d'éclater.
Et je soupçonnerais un crime dans les vœux
D’un homme qui s’attache à tout ce que je veux ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène II</span></center> ===
Qui veut également tout ce qu’on lui propose,
Dans le secret du cœur souvent veut autre chose ;
Et maître de son âme, il n’a point d’autre foi
Que celle qu’en soi-même il ne donne qu’à soi.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Cet hymen toutefois est l’épreuve dernière
<br>Je vois d'ailleurs Lacus. Eh bien ! Quelles nouvelles ?
D’une foi toujours pure, inviolable, entière.
<br>Qu'apprenez-vous tous deux du camp de nos rebelles ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Vinius'''
Vous verrez à l’effet comment elle agira,
<br>Que ceux de la marine et les Illyriens
Seigneur, et comme enfin Plautine obéira.
<br>Se sont avec chaleur joints aux prétoriens,
Sûr de sa résistance, et se flattant peut-être
<br>Et que des bords du Nil les troupes rappelées
De voir bientôt ici son cher Othon le maître,
<br>Seules par leurs fureurs ne sont point ébranlées.
Dans l’état où pour vous il a mis l’avenir,
Il promet aisément plus qu’il ne veut tenir.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Lacus'''
Le devoir désunit l’amitié la plus forte,
<br>Tous ces mutins ne sont que de simples soldats ;
Mais l’amour aisément sur ce devoir l’emporte ;
<br>Aucun des chefs ne trempe en leurs vains attentats :
Et son feu, qui jamais ne s’éteint qu’à demi,
<br>Ainsi ne craignez rien d'une masse d'armée
Intéresse une amante autrement qu’un ami.
<br>Où déjà la discorde est peut-être allumée.
J’aperçois Vinius. Qu’on m’amène sa fille :
<br>Sitôt qu'on y saura que le peuple à grands cris
J’en punirai le crime en toute la famille,
<br>Veut que de ces complots les auteurs soient proscrits,
Si jamais je puis voir par où n’en point douter ;
<br>Que du perfide Othon il demande la tête,
Mais aussi jusque-là j’aurais tort d’éclater.
<br>La consternation calmera la tempête ;
<br>Et vous n'avez, seigneur, qu'à vous y faire voir
<br>Pour rendre d'un coup d'oeil chacun à son devoir.
 
{{Scène|II}}
'''Galba'''
<br>Irons-nous, Vinius, hâter par ma présence
<br>L'effet d'une si douce et si juste espérance ?
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Vinius'''
Je vois d’ailleurs Lacus. Eh bien ! Quelles nouvelles ?
<br>Ne hasardez, seigneur, que dans l'extrémité,
Qu’apprenez-vous tous deux du camp de nos rebelles ?
<br>Le redoutable effet de votre autorité.
<br>Alors qu'il réussit, tout fait jour, tout lui cède ;
<br>Mais aussi quand il manque, il n'est plus de remède.
<br>Il faut, pour déployer le souverain pouvoir,
<br>Sûreté toute entière, ou profond désespoir ;
<br>Et nous ne sommes pas, seigneur, à ne rien feindre,
<br>En état d'oser tout, non plus que de tout craindre.
<br>Si l'on court au grand crime avec avidité,
<br>Laissez-en ralentir l'impétuosité :
<br>D'elle-même elle avorte, et la peur des supplices
<br>Arme contre le chef ses plus zélés complices.
<br>Un salutaire avis agit avec lenteur.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Lacus'''
Que ceux de la marine et les Illyriens
<br>Un véritable prince agit avec hauteur :
Se sont avec chaleur joints aux prétoriens,
<br>Et je ne conçois point cet avis salutaire,
Et que des bords du Nil les troupes rappelées
<br>Quand on couronne Othon, de le regarder faire.
Seules par leurs fureurs ne sont point ébranlées.
<br>Si l'on court au grand crime avec avidité,
<br>Il en faut réprimer l'impétuosité
<br>Avant que les esprits, qu'un juste effroi balance,
<br>S'y puissent enhardir sur notre nonchalance,
<br>Et prennent le dessus de ces conseils prudents,
<br>Dont on cherche l'effet quand il n'en est plus temps.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Vinius'''
Tous ces mutins ne sont que de simples soldats ;
<br>Vous détruirez toujours mes conseils par les vôtres :
Aucun des chefs ne trempe en leurs vains attentats :
<br>Le seul ton de ma voix vous en inspire d'autres ;
Ainsi ne craignez rien d’une masse d’armée
<br>Et tant que vous aurez ce rare et haut crédit,
<br>Je n'auraidéjà qu'àla parlerdiscorde pourest peut-être contreditallumée.
Sitôt qu’on y saura que le peuple à grands cris
<br>Pison, dont l'heureux choix est votre digne ouvrage,
Veut que de ces complots les auteurs soient proscrits,
<br>Ne serait que Pison s'il eût eu mon suffrage.
Que du perfide Othon il demande la tête,
<br>Vous n'avez soulevé Martian contre Othon
La consternation calmera la tempête ;
<br>Que parce que ma bouche a proféré son nom ;
Et vous n’avez, seigneur, qu’à vous y faire voir
<br>Et verriez comme un autre une preuve assez claire
Pour rendre d’un coup d’œil chacun à son devoir.
<br>De combien votre avis est le plus salutaire,
<br>Si vous n'aviez fait voeu d'être jusqu'au trépas
<br>L'ennemi des conseils que vous ne donnez pas.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Lacus'''
Irons-nous, Vinius, hâter par ma présence
<br>Et vous l'ami d'Othon, c'est tout dire ; et peut-être
L’effet d’une si douce et si juste espérance ?
<br>Qui le voulait pour gendre et l'a choisi pour maître,
<br>Ne fait encor de voeux qu'en faveur de ce choix,
<br>Pour l'avoir et pour maître et pour gendre à la fois.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Ne hasardez, seigneur, que dans l’extrémité,
<br>J'étais l'ami d'Othon, et le tenais à gloire
Le redoutable effet de votre autorité.
<br>Jusqu'à l'indignité d'une action si noire,
Alors qu’il réussit, tout fait jour, tout lui cède ;
<br>Que d'autres nommeront l'effet du désespoir
Mais aussi quand il manque, il n’est plus de remède.
<br>Où l'a, malgré mes soins, plongé votre pouvoir.
Il faut, pour déployer le souverain pouvoir,
<br>Je l'ai voulu pour gendre, et choisi pour l'empire ;
Sûreté toute entière, ou profond désespoir ;
<br>A l'un ni l'autre choix vous n'avez pu souscrire.
Et nous ne sommes pas, seigneur, à ne rien feindre,
<br>Par là de tout l'état le bonheur s'agrandit ;
En état d’oser tout, non plus que de tout craindre.
<br>Et vous voyez aussi comme il vous applaudit.
Si l’on court au grand crime avec avidité,
Laissez-en ralentir l’impétuosité :
D’elle-même elle avorte, et la peur des supplices
Arme contre le chef ses plus zélés complices.
Un salutaire avis agit avec lenteur.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Galba'''
Un véritable prince agit avec hauteur :
<br>Qu'un prince est malheureux quand de ceux qu'il écoute
Et je ne conçois point cet avis salutaire,
<br>Le zèle cherche à prendre une diverse route,
Quand on couronne Othon, de le regarder faire.
<br>Et que l'attachement qu'ils ont au propre sens
Si l’on court au grand crime avec avidité,
<br>Pousse jusqu'à l'aigreur des conseils différents !
Il en faut réprimer l’impétuosité
<br>Ne me trompé-je point ? Et puis-je nommer zèle
Avant que les esprits, qu’un juste effroi balance,
<br>Cette haine à tous deux obstinément fidèle,
S’y puissent enhardir sur notre nonchalance,
<br>Qui peut-être, en dépit des maux qu'elle prévoit,
Et prennent le dessus de ces conseils prudents,
<br>Seule en mes intérêts se consulte et se croit ?
Dont on cherche l’effet quand il n’en est plus temps.
<br>Faites mieux ; et croyez, en ce péril extrême,
<br>Vous, que Lacus me sert, vous, que Vinius m'aime :
<br>Ne haïssez qu'Othon, et songez qu'aujourd'hui
<br>Vous n'avez à parler tous deux que contre lui.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Vinius'''
Vous détruirez toujours mes conseils par les vôtres :
<br>J'ose donc vous redire, en serviteur sincère,
Le seul ton de ma voix vous en inspire d’autres ;
<br>Qu'il fait mauvais pousser tant de gens en colère,
Et tant que vous aurez ce rare et haut crédit,
<br>Qu'il faut donner aux bons, pour s'entre-soutenir,
Je n’aurai qu’à parler pour être contredit.
<br>Le temps de se remettre et de se réunir,
Pison, dont l’heureux choix est votre digne ouvrage,
<br>Et laisser aux méchants celui de reconnaître
Ne serait que Pison s’il eût eu mon suffrage.
<br>Quelle est l'impiété de se prendre à son maître.
Vous n’avez soulevé Martian contre Othon
<br>Pison peut cependant amuser leur fureur,
Que parce que ma bouche a proféré son nom ;
<br>De vos ressentiments leur donner la terreur,
Et verriez comme un autre une preuve assez claire
<br>Y joindre avec adresse un espoir de clémence
De combien votre avis est le plus salutaire,
<br>Au moindre repentir d'une telle insolence ;
Si vous n’aviez fait vœu d’être jusqu’au trépas
<br>Et s'il vous faut enfin aller à son secours,
L’ennemi des conseils que vous ne donnez pas.
<br>Ce qu'on veut à présent on le pourra toujours.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Lacus'''
Et vous l’ami d’Othon, c’est tout dire ; et peut-être
<br>J'en doute, et crois parler en serviteur sincère,
Qui le voulait pour gendre et l’a choisi pour maître,
<br>Moi qui n'ai point d'amis dans le parti contraire.
Ne fait encor de vœux qu’en faveur de ce choix,
<br>Attendrons-nous, seigneur, que Pison repoussé
Pour l’avoir et pour maître et pour gendre à la fois.
<br>Nous vienne ensevelir sous l'état renversé,
<br>Qu'on descende en la place en bataille rangée,
<br>Qu'on tienne en ce palais votre cour assiégée,
<br>Que jusqu'au Capitole Othon aille à vos yeux
<br>De l'empire usurpé rendre grâces aux dieux,
<br>Et que le front paré de votre diadème,
<br>Ce traître trop heureux ordonne de vous-même ?
<br>Allons, allons, seigneur, les armes à la main,
<br>Soutenir le sénat et le peuple romain ;
<br>Cherchons aux yeux d'Othon un trépas à leur tête,
<br>Pour lui plus odieux, et pour nous plus honnête ;
<br>Et par un noble effort allons lui témoigner...
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Galba'''
J’étais l’ami d’Othon, et le tenais à gloire
<br>Eh bien ! Ma nièce, eh bien ! Est-il doux de régner ?
Jusqu’à l’indignité d’une action si noire,
<br>Est-il doux de tenir le timon d'un empire,
Que d’autres nommeront l’effet du désespoir
<br>Pour en voir les soutiens toujours se contredire ?
Où l’a, malgré mes soins, plongé votre pouvoir.
Je l’ai voulu pour gendre, et choisi pour l’empire ;
A l’un ni l’autre choix vous n’avez pu souscrire.
Par là de tout l’état le bonheur s’agrandit ;
Et vous voyez aussi comme il vous applaudit.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Camille'''
Qu’un prince est malheureux quand de ceux qu’il écoute
<br>Plus on voit aux avis de contrariétés,
Le zèle cherche à prendre une diverse route,
<br>Plus à faire un bon choix on reçoit de clartés.
Et que l’attachement qu’ils ont au propre sens
<br>C'est ce que je dirais si je n'étais suspecte ;
Pousse jusqu’à l’aigreur des conseils différents !
<br>Mais je suis à Pison, seigneur, et vous respecte,
Ne me trompé-je point ? Et puis-je nommer zèle
<br>Et ne puis toutefois retenir ces deux mots,
Cette haine à tous deux obstinément fidèle,
<br>Que si l'on m'avait crue on serait en repos.
Qui peut-être, en dépit des maux qu’elle prévoit,
<br>Plautine qu'on amène aura même pensée :
Seule en mes intérêts se consulte et se croit ?
<br>D'une vive douleur elle paroît blessée...
Faites mieux ; et croyez, en ce péril extrême,
Vous, que Lacus me sert, vous, que Vinius m’aime :
Ne haïssez qu’Othon, et songez qu’aujourd’hui
Vous n’avez à parler tous deux que contre lui.
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène III</span></center> ===
J’ose donc vous redire, en serviteur sincère,
Qu’il fait mauvais pousser tant de gens en colère,
Qu’il faut donner aux bons, pour s’entre-soutenir,
Le temps de se remettre et de se réunir,
Et laisser aux méchants celui de reconnaître
Quelle est l’impiété de se prendre à son maître.
Pison peut cependant amuser leur fureur,
De vos ressentiments leur donner la terreur,
Y joindre avec adresse un espoir de clémence
Au moindre repentir d’une telle insolence ;
Et s’il vous faut enfin aller à son secours,
Ce qu’on veut à présent on le pourra toujours.
 
{{Personnage| LACUS |c}}
'''Plautine'''
J’en doute, et crois parler en serviteur sincère,
<br>Je ne m'en défends point, madame, Othon est mort ;
Moi qui n’ai point d’amis dans le parti contraire.
<br>De quiconque entre ici c'est le commun rapport ;
Attendrons-nous, seigneur, que Pison repoussé
<br>Et son trépas pour vous n'aura pas tant de charmes,
Nous vienne ensevelir sous l’état renversé,
<br>Qu'à vos yeux comme aux miens il n'en coûte des larmes.
Qu’on descende en la place en bataille rangée,
Qu’on tienne en ce palais votre cour assiégée,
Que jusqu’au Capitole Othon aille à vos yeux
De l’empire usurpé rendre grâces aux dieux,
Et que le front paré de votre diadème,
Ce traître trop heureux ordonne de vous-même ?
Allons, allons, seigneur, les armes à la main,
Soutenir le sénat et le peuple romain ;
Cherchons aux yeux d’Othon un trépas à leur tête,
Pour lui plus odieux, et pour nous plus honnête ;
Et par un noble effort allons lui témoigner…
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Eh bien ! Ma nièce, eh bien ! Est-il doux de régner ?
<br>Dit-elle vrai, Rutile, ou m'en flatté-je en vain ?
Est-il doux de tenir le timon d’un empire,
Pour en voir les soutiens toujours se contredire ?
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Rutile'''
Plus on voit aux avis de contrariétés,
<br>Seigneur, le bruit est grand, et l'auteur incertain.
Plus à faire un bon choix on reçoit de clartés.
<br>Tous veulent qu'il soit mort, et c'est la voix publique ;
C’est ce que je dirais si je n’étais suspecte ;
<br>Mais comment et par qui, c'est ce qu'aucun n'explique.
Mais je suis à Pison, seigneur, et vous respecte,
Et ne puis toutefois retenir ces deux mots,
Que si l’on m’avait crue on serait en repos.
Plautine qu’on amène aura même pensée :
D’une vive douleur elle paroît blessée…
 
{{Scène|III}}
'''Galba'''
<br>Allez, allez, Lacus, vous-même prendre soin
<br>De nous en faire voir un assuré témoin,
<br>Et si de ce grand coup l'auteur se peut connaître...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène IV</span></center> ===
Je ne m’en défends point, madame, Othon est mort ;
De quiconque entre ici c’est le commun rapport ;
Et son trépas pour vous n’aura pas tant de charmes,
Qu’à vos yeux comme aux miens il n’en coûte des larmes.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Martian'''
Dit-elle vrai, Rutile, ou m’en flatté-je en vain ?
<br>Qu'on ne le cherche plus, vous le voyez paraître,
<br>Seigneur, c'est par sa main qu'un rebelle puni...
 
{{Personnage| {{Personnage| {{Personnage| RUTILE |c}} |c}} |c}}
'''Galba'''
Seigneur, le bruit est grand, et l’auteur incertain.
<br>Par celle d'Atticus ce grand trouble a fini !
Tous veulent qu’il soit mort, et c’est la voix publique ;
Mais comment et par qui, c’est ce qu’aucun n’explique.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Atticus'''
Allez, allez, Lacus, vous-même prendre soin
<br>Mon zèle l'a poussée, et les dieux l'ont conduite ;
De nous en faire voir un assuré témoin,
<br>Et c'est à vous, seigneur, d'en arrêter la suite,
Et si de ce grand coup l’auteur se peut connaître…
<br>D'empêcher le désordre, et borner les rigueurs
<br>Où contre des vaincus s'emportent des vainqueurs.
 
{{Scène|IV}}
'''Galba'''
<br>Courons-y. Cependant consolez-vous, Plautine ;
<br>Ne pensez qu'à l'époux que mon choix vous destine :
<br>Vinius vous le donne, et vous l'accepterez,
<br>Quand vos premiers soupirs seront évaporés.
<br>C'est à vous, Martian, que je la laisse en garde.
<br>Comme c'est votre main que son hymen regarde,
<br>Ménagez son esprit, et ne l'aigrissez pas.
<br>Vous pouvez, Vinius, ne suivre point mes pas ;
<br>Et la vieille amitié, pour peu qu'il vous en reste...
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Vinius'''
Qu’on ne le cherche plus, vous le voyez paraître,
<br>Ah ! C'est une amitié, seigneur, que je déteste.
Seigneur, c’est par sa main qu’un rebelle puni…
<br>Mon coeur est tout à vous, et n'a point eu d'amis
<br>Qu'autant qu'on les a vus à vos ordres soumis.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Galba'''
Par celle d’Atticus ce grand trouble a fini !
<br>Suivez ; mais gardez-vous de trop de complaisance.
 
{{Personnage| ATTICUS |c}}
'''Camille'''
Mon zèle l’a poussée, et les dieux l’ont conduite ;
<br>L'entretien des amants hait toute autre présence,
Et c’est à vous, seigneur, d’en arrêter la suite,
<br>Madame ; et je retourne en mon appartement
D’empêcher le désordre, et borner les rigueurs
<br>Rendre grâces aux dieux d'un tel événement.
Où contre des vaincus s’emportent des vainqueurs.
 
{{Personnage| GALBA |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène V</span></center> ===
Courons-y. Cependant consolez-vous, Plautine ;
Ne pensez qu’à l’époux que mon choix vous destine :
Vinius vous le donne, et vous l’accepterez,
Quand vos premiers soupirs seront évaporés.
C’est à vous, Martian, que je la laisse en garde.
Comme c’est votre main que son hymen regarde,
Ménagez son esprit, et ne l’aigrissez pas.
Vous pouvez, Vinius, ne suivre point mes pas ;
Et la vieille amitié, pour peu qu’il vous en reste…
 
{{Personnage| VINIUS |c}}
'''Plautine'''
Ah ! C’est une amitié, seigneur, que je déteste.
<br>Allez-y renfermer des pleurs qui vous échappent :
Mon cœur est tout à vous, et n’a point eu d’amis
<br>Les désastres d'Othon ainsi que moi vous frappent ;
Qu’autant qu’on les a vus à vos ordres soumis.
<br>Et si l'on avait cru vos souhaits les plus doux,
<br>Ce grand jour le verrait couronner avec vous.
<br>Voilà, voilà le fruit de m'avoir trop aimée ;
<br>Voilà quel est l'effet...
 
{{Personnage| GALBA |c}}
'''Martian'''
Suivez ; mais gardez-vous de trop de complaisance.
<br>{{caché|Voilà quel est l'effet...}} Si votre âme enflammée...
 
{{Personnage| CAMILLE |c}}
'''Plautine'''
L’entretien des amants hait toute autre présence,
<br>Vil esclave, est-ce à toi de troubler ma douleur ?
Madame ; et je retourne en mon appartement
<br>Est-ce à toi de vouloir adoucir mon malheur,
Rendre grâces aux dieux d’un tel événement.
<br>A toi, de qui l'amour m'ose en offrir un pire ?
 
{{Scène|V}}
'''Martian'''
<br>Il est juste d'abord qu'un si grand coeur soupire ;
<br>Mais il est juste aussi de ne pas trop pleurer
<br>Une perte facile et prête à réparer.
<br>Il est temps qu'un sujet à son prince fidèle
<br>Remplisse heureusement la place d'un rebelle :
<br>Un monarque le veut ; un père en est d'accord.
<br>Vous devez pour tous deux vous faire un peu d'effort,
<br>Et bannir de ce coeur la honteuse mémoire
<br>D'un amour criminel qui souille votre gloire.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Allez-y renfermer des pleurs qui vous échappent :
<br>Lâche ! Tu ne vaux pas que pour te démentir
Les désastres d’Othon ainsi que moi vous frappent ;
<br>Je daigne m'abaisser jusqu'à te repartir.
Et si l’on avait cru vos souhaits les plus doux,
<br>Tais-toi, laisse en repos une âme possédée
Ce grand jour le verrait couronner avec vous.
<br>D'une plus agréable encor que triste idée :
Voilà, voilà le fruit de m’avoir trop aimée ;
<br>N'interromps plus mes pleurs.
Voilà quel est l’effet…
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Martian'''
<br>{{caché|N'interrompsVoilà plusquel mesest pleurs.l’effet…}} TournezSi versvotre moiâme lesenflammée… yeux :
<br>Après la mort d'Othon, que pouvez-vous de mieux ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Vil esclave, est-ce à toi de troubler ma douleur ?
<br>Quelque insolent espoir qu'ait ta folle arrogance,
Est-ce à toi de vouloir adoucir mon malheur,
<br>Apprends que j'en saurai punir l'extravagance,
A toi, de qui l’amour m’ose en offrir un pire ?
<br>Et percer de ma main ou ton coeur ou le mien,
<br>Plutôt que de souffrir cet infâme lien.
<br>Connais-toi, si tu peux, ou connais-moi.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Atticus'''
Il est juste d’abord qu’un si grand cœur soupire ;
<br>{{caché|Connais-toi, si tu peux, ou connais-moi.}} De grâce,
Mais il est juste aussi de ne pas trop pleurer
<br>Souffrez...
Une perte facile et prête à réparer.
Il est temps qu’un sujet à son prince fidèle
Remplisse heureusement la place d’un rebelle :
Un monarque le veut ; un père en est d’accord.
Vous devez pour tous deux vous faire un peu d’effort,
Et bannir de ce cœur la honteuse mémoire
D’un amour criminel qui souille votre gloire.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Lâche ! Tu ne vaux pas que pour te démentir
<br>{{caché|Souffrez...}} De me parler tu prends aussi l'audace,
Je daigne m’abaisser jusqu’à te repartir.
<br>Assassin d'un héros que je verrais sans toi
Tais-toi, laisse en repos une âme possédée
<br>Donner des lois au monde, et les prendre de moi ?
D’une plus agréable encor que triste idée :
<br>Toi, dont la main sanglante au désespoir me livre ?
N’interromps plus mes pleurs.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Atticus'''
{{caché|N’interromps plus mes pleurs.}} Tournez vers moi les yeux :
<br>Si vous aimez Othon, madame, il va revivre ;
Après la mort d’Othon, que pouvez-vous de mieux ?
<br>Et vous verrez longtemps sa vie en sûreté,
<br>S'il ne meurt que des coups dont je me suis vanté.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Quelque insolent espoir qu’ait ta folle arrogance,
<br>Othon vivrait encore ?
Apprends que j’en saurai punir l’extravagance,
Et percer de ma main ou ton cœur ou le mien,
Plutôt que de souffrir cet infâme lien.
Connais-toi, si tu peux, ou connais-moi.
 
{{Personnage| ATTICUS |c}}
'''Atticus'''
{{caché|Connais-toi, si tu peux, ou connais-moi.}} De grâce,
<br>{{caché|Othon vivrait encore ?}} Il triomphe, madame ;
Souffrez…
<br>Et maître de l'état, comme vous de son âme,
<br>Vous l'allez bientôt voir lui-même à vos genoux
<br>Vous faire offre d'un sort qu'il n'aime que pour vous,
<br>Et dont sa passion dédaignerait la gloire,
<br>Si vous ne vous faisiez le prix de sa victoire.
<br>L'armée à son mérite enfin a fait raison ;
<br>On porte devant lui la tête de Pison ;
<br>Et Camille tient mal ce qu'elle vient de dire,
<br>Ou rend grâces pour vous aux dieux d'un autre empire,
<br>Et fatigue le ciel par des voeux superflus
<br>En faveur d'un parti qu'il ne regarde plus.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Martian'''
{{caché|Souffrez…}} De me parler tu prends aussi l’audace,
<br>Exécrable ! Ainsi donc ta promesse frivole...
Assassin d’un héros que je verrais sans toi
Donner des lois au monde, et les prendre de moi ?
Toi, dont la main sanglante au désespoir me livre ?
 
{{Personnage| ATTICUS |c}}
'''Atticus'''
Si vous aimez Othon, madame, il va revivre ;
<br>Qui promet de trahir peut manquer de parole.
Et vous verrez longtemps sa vie en sûreté,
<br>Si je n'eusse promis ce lâche assassinat,
S’il ne meurt que des coups dont je me suis vanté.
<br>Un autre par ton ordre eût commis l'attentat ;
<br>Et tout ce que j'ai dit n'était qu'un stratagème
<br>Pour livrer en ses mains Lacus et Galba même.
<br>Galba n'a rien à craindre : on respecte son nom,
<br>Et ce n'est que sous lui que veut régner Othon.
<br>Quant à Lacus et toi, je vois peu d'apparence
<br>Que vos jours à tous deux soient en même assurance,
<br>Si ce n'est que madame ait assez de bonté
<br>Pour fléchir un vainqueur justement irrité.
<br>Autour de ce palais nous avions deux cohortes,
<br>Qui déjà pour Othon en ont saisi les portes ;
<br>J'y commande, madame ; et mon ordre aujourd'hui
<br>Est de vous obéir, et m'assurer de lui.
<br>Qu'on l'emmène, soldats ! Il blesse ici la vue.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Martian'''
Othon vivrait encore ?
<br>Fut-il jamais disgrâce, ô dieux ! Plus imprévue ?
 
{{Personnage| ATTICUS |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Othon vivrait encore ? }} Il triomphe, madame ;
<br>Je me trouble, et ne sais par quel pressentiment
Et maître de l’état, comme vous de son âme,
<br>Mon coeur n'ose goûter ce bonheur pleinement :
Vous l’allez bientôt voir lui-même à vos genoux
<br>Il semble avec chagrin se livrer à la joie ;
Vous faire offre d’un sort qu’il n’aime que pour vous,
<br>Et bien qu'en ses douceurs mon déplaisir se noie,
Et dont sa passion dédaignerait la gloire,
<br>Je ne passe de l'une à l'autre extrémité
Si vous ne vous faisiez le prix de sa victoire.
<br>Qu'avec un reste obscur d'esprit inquiété.
L’armée à son mérite enfin a fait raison ;
<br>Je sens... Mais que me veut Flavie épouvantée ?
On porte devant lui la tête de Pison ;
Et Camille tient mal ce qu’elle vient de dire,
Ou rend grâces pour vous aux dieux d’un autre empire,
Et fatigue le ciel par des vœux superflus
En faveur d’un parti qu’il ne regarde plus.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VI</span></center> ===
Exécrable ! Ainsi donc ta promesse frivole…
 
{{Personnage| ATTICUS |c}}
'''Flavie'''
Qui promet de trahir peut manquer de parole.
<br>Vous dire que du ciel la colère irritée,
Si je n’eusse promis ce lâche assassinat,
<br>Ou plutôt du destin la jalouse fureur...
Un autre par ton ordre eût commis l’attentat ;
Et tout ce que j’ai dit n’était qu’un stratagème
Pour livrer en ses mains Lacus et Galba même.
Galba n’a rien à craindre : on respecte son nom,
Et ce n’est que sous lui que veut régner Othon.
Quant à Lacus et toi, je vois peu d’apparence
Que vos jours à tous deux soient en même assurance,
Si ce n’est que madame ait assez de bonté
Pour fléchir un vainqueur justement irrité.
Autour de ce palais nous avions deux cohortes,
Qui déjà pour Othon en ont saisi les portes ;
J’y commande, madame ; et mon ordre aujourd’hui
Est de vous obéir, et m’assurer de lui.
Qu’on l’emmène, soldats ! Il blesse ici la vue.
 
{{Personnage| MARTIAN |c}}
'''Plautine'''
Fut-il jamais disgrâce, ô dieux ! Plus imprévue ?
<br>Auraient-ils mis Othon aux fers de l'empereur ?
<br>Et dans ce grand succès la fortune inconstante
<br>Aurait-elle trompé notre plus douce attente ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Flavie'''
Je me trouble, et ne sais par quel pressentiment
<br>Othon est libre, il règne ; et toutefois, hélas ! ...
Mon cœur n’ose goûter ce bonheur pleinement :
Il semble avec chagrin se livrer à la joie ;
Et bien qu’en ses douceurs mon déplaisir se noie,
Je ne passe de l’une à l’autre extrémité
Qu’avec un reste obscur d’esprit inquiété.
Je sens… Mais que me veut Flavie épouvantée ?
 
{{Scène|VI}}
'''Plautine'''
<br>Seroit-il si blessé qu'on craignît son trépas ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
Vous dire que du ciel la colère irritée,
<br>Non, partout à sa vue on a mis bas les armes ;
Ou plutôt du destin la jalouse fureur…
<br>Mais enfin son bonheur vous va coûter des larmes.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Auraient-ils mis Othon aux fers de l’empereur ?
<br>Explique, explique donc ce que je dois pleurer.
Et dans ce grand succès la fortune inconstante
Aurait-elle trompé notre plus douce attente ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
Othon est libre, il règne ; et toutefois, hélas !…
<br>Vous voyez que je tremble à vous le déclarer.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Seroit-il si blessé qu’on craignît son trépas ?
<br>Le mal est-il si grand ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
Non, partout à sa vue on a mis bas les armes ;
<br>{{caché|Le mal est-il si grand ?}} D'un balcon, chez mon frère,
Mais enfin son bonheur vous va coûter des larmes.
<br>J'ai vu... Que ne peut-on, madame, vous le taire ?
<br>Ou qu'à voir ma douleur n'avez-vous deviné
<br>Que Vinius...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Explique, explique donc ce que je dois pleurer.
<br>{{caché|Que Vinius...}} Eh bien ?
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
Vous voyez que je tremble à vous le déclarer.
<br>{{caché|Que Vinius... Eh bien ?}} Vient d'être assassiné ?
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Le mal est-il si grand ?
<br>Juste ciel !
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
{{caché|Le mal est-il si grand ? }} D’un balcon, chez mon frère,
<br>{{caché|Juste ciel !}} De Lacus l'inimitié cruelle...
J’ai vu… Que ne peut-on, madame, vous le taire ?
Ou qu’à voir ma douleur n’avez-vous deviné
Que Vinius…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
{{caché|Que Vinius…}} Eh bien ?
<br>O d'un trouble inconnu présage trop fidèle !
<br>Lacus...
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
<br>{{caché|Lacus...}}Que C'estVinius… deEh sabien main? que}} partVient ced’être coupassassiné fatal.?
<br>Tous deux près de Galba marchaient d'un pas égal,
<br>Lorsque tournant ensemble à la première rue,
<br>Ils découvrent Othon maître de l'avenue.
<br>Cet effroi ne les fait reculer quelques pas
<br>Que pour voir ce palais saisi par vos soldats ;
<br>Et Lacus aussitôt étincelant de rage
<br>De voir qu'Othon partout leur ferme le passage,
<br>Lance sur Vinius un furieux regard,
<br>L'approche sans parler, et tirant un poignard...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Juste ciel !
<br>Le traître ! Hélas ! Flavie, où me vois-je réduite !
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Flavie'''
{{caché|Juste ciel ! }} De Lacus l’inimitié cruelle…
<br>Vous m'entendez, madame ; et je passe à la suite.
<br>Ce lâche sur Galba portant même fureur :
<br>«Mourez, seigneur, dit-il, mais mourez empereur ;
<br>Et recevez ce coup comme un dernier hommage
<br>Que doit à votre gloire un généreux courage».
<br>Galba tombe ; et ce monstre, enfin s'ouvrant le flanc,
<br>Mêle un sang détestable à leur illustre sang.
<br>En vain le triste Othon, à cet affreux spectacle,
<br>Précipite ses pas pour y mettre un obstacle :
<br>Tout ce que peut l'effort de cher conquérant,
<br>C'est de verser des pleurs sur Vinius mourant,
<br>De l'embrasser tout mort. Mais le voilà, madame,
<br>Qui vous fera mieux voir les troubles de son âme.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VII</span></center> ===
O d’un trouble inconnu présage trop fidèle !
Lacus…
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Othon'''
{{caché|Lacus…}} C’est de sa main que part ce coup fatal.
<br>Madame, savez-vous les crimes de Lacus ?
Tous deux près de Galba marchaient d’un pas égal,
Lorsque tournant ensemble à la première rue,
Ils découvrent Othon maître de l’avenue.
Cet effroi ne les fait reculer quelques pas
Que pour voir ce palais saisi par vos soldats ;
Et Lacus aussitôt étincelant de rage
De voir qu’Othon partout leur ferme le passage,
Lance sur Vinius un furieux regard,
L’approche sans parler, et tirant un poignard…
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
Le traître ! Hélas ! Flavie, où me vois-je réduite !
<br>J'apprends en ce moment que mon père n'est plus.
<br>Fuyez, seigneur, fuyez un objet de tristesse ;
<br>D'un jour si beau pour vous goûtez mieux l'allégresse.
<br>Vous êtes empereur, épargnez-vous l'ennui
<br>De voir qu'un père...
 
{{Personnage| FALVIE |c}}
'''Othon'''
Vous m’entendez, madame ; et je passe à la suite.
<br>{{caché|De voir qu'un père...}} Hélas ! Je suis plus mort que lui ;
Ce lâche sur Galba portant même fureur :
<br>Et si votre bonté ne me rend une vie
« Mourez, seigneur, dit-il, mais mourez empereur ;
<br>Qu'en lui perçant le coeur un traître m'a ravie,
Et recevez ce coup comme un dernier hommage
<br>Je ne reviens ici qu'en malheureux amant,
Que doit à votre gloire un généreux courage ».
<br>Faire hommage à vos yeux de mon dernier moment.
Galba tombe ; et ce monstre, enfin s’ouvrant le flanc,
<br>Mon amour pour vous seule a cherché la victoire ;
Mêle un sang détestable à leur illustre sang.
<br>Ce même amour sans vous n'en peut souffrir la gloire,
En vain le triste Othon, à cet affreux spectacle,
<br>Et n'accepte le nom de maître des Romains,
Précipite ses pas pour y mettre un obstacle :
<br>Que pour mettre avec moi l'univers en vos mains.
Tout ce que peut l’effort de cher conquérant,
<br>C'est à vous d'ordonner ce qui lui reste à faire.
C’est de verser des pleurs sur Vinius mourant,
De l’embrasser tout mort. Mais le voilà, madame,
Qui vous fera mieux voir les troubles de son âme.
 
{{Scène|VII}}
'''Plautine'''
<br>C'est à moi de gémir, et de pleurer mon père :
<br>Non que je vous impute, en ma vive douleur,
<br>Les crimes de Lacus et de notre malheur ;
<br>Mais enfin...
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
Madame, savez-vous les crimes de Lacus ?
<br>{{caché|Mais enfin...}} Achevez, s'il se peut, en amante :
<br>Nos feux...
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Plautine'''
J’apprends en ce moment que mon père n’est plus.
<br>{{caché|Nos feux...}} Ne pressez point un trouble qui s'augmente.
Fuyez, seigneur, fuyez un objet de tristesse ;
<br>Vous voyez mon devoir, et connaissez ma foi :
D’un jour si beau pour vous goûtez mieux l’allégresse.
<br>En ce funeste état répondez-vous pour moi.
Vous êtes empereur, épargnez-vous l’ennui
<br>Adieu, seigneur.
De voir qu’un père…
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Othon'''
{{caché|De voir qu’un père…}} Hélas ! Je suis plus mort que lui ;
<br>De grâce, encore une parole,
Et si votre bonté ne me rend une vie
<br>Madame.
Qu’en lui perçant le cœur un traître m’a ravie,
Je ne reviens ici qu’en malheureux amant,
Faire hommage à vos yeux de mon dernier moment.
Mon amour pour vous seule a cherché la victoire ;
Ce même amour sans vous n’en peut souffrir la gloire,
Et n’accepte le nom de maître des Romains,
Que pour mettre avec moi l’univers en vos mains.
C’est à vous d’ordonner ce qui lui reste à faire.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
=== <center><span style="color:#006699">Scène VIII</span></center> ===
C’est à moi de gémir, et de pleurer mon père :
Non que je vous impute, en ma vive douleur,
Les crimes de Lacus et de notre malheur ;
Mais enfin…
 
{{Personnage| OTHON |c}}
'''Albin'''
<br>{{caché|Madame.Mais enfin…}} OnAchevez, vouss’il attend,se seigneurpeut, auen Capitoleamante ;:
Nos feux…
<br>Et le sénat en corps vient exprès d'y monter
<br>Pour jurer sur vos lois aux yeux de Jupiter.
 
{{Personnage| PLAUTINE |c}}
'''Othon'''
{{caché|Nos feux…}} Ne pressez point un trouble qui s’augmente.
<br>J'y cours ; mais quelque honneur, Albin, qu'on m'y destine,
Vous voyez mon devoir, et connaissez ma foi :
<br>Comme il n'aurait pour moi rien de doux sans Plautine,
En ce funeste état répondez-vous pour moi.
<br>Souffre du moins que j'aille, en faveur de mon feu,
Adieu, seigneur.
<br>Prendre pour y courir son ordre ou son aveu,
 
<br>Afin qu'à mon retour, l'âme un peu plus tranquille,
{{Personnage| OTHON |c}}
<br>Je puisse faire effort à consoler Camille,
De grâce, encore une parole,
<br>Et lui jurer moi-même, en ce malheureux jour,
Madame.
<br>Une amitié fidèle au défaut de l'amour.
 
{{Scène|VIII}}
 
{{Personnage| ALBIN |c}}
{{caché|Madame.}} On vous attend, seigneur, au Capitole ;
Et le sénat en corps vient exprès d’y monter
Pour jurer sur vos lois aux yeux de Jupiter.
 
{{Personnage| OTHON |c}}
J’y cours ; mais quelque honneur, Albin, qu’on m’y destine,
Comme il n’aurait pour moi rien de doux sans Plautine,
Souffre du moins que j’aille, en faveur de mon feu,
Prendre pour y courir son ordre ou son aveu,
Afin qu’à mon retour, l’âme un peu plus tranquille,
Je puisse faire effort à consoler Camille,
Et lui jurer moi-même, en ce malheureux jour,
Une amitié fidèle au défaut de l’amour.
 
</poem>
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