« Agésilas » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Théâtre de Pierre Corneille]]
 
{{Titre|[[Agésilas]]|[[Pierre Corneille]]|1666}}
 
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par P. Corneille
 
Réprésenté pour la première fois le 28 février 1666 à l'Hôtell’Hôtel de Bourgogne.
 
 
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'''Spitridate''', grand Seigneur persan.
 
'''Mandane''', soeursœur de Spitridate.
 
'''Elpinice''', fille de Lysander.
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'''Aglatide''', fille de Lysander.
 
'''Xenocles''', lieutenant d'Agésilasd’Agésilas.
 
'''Cléon''', orateur grec, natif d'Halicarnassed’Halicarnasse.
}}
 
 
{{ThéâtreDébut}}
 
 
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<center>[{{Centré|La sène est à Éphèse.]</center>}}
 
{{scène|I}}
{{acteurs|Elpinice, Aglatide}}
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ma sœur, depuis un mois nous voilà dans Éphèse,
<center>
Ma soeur, depuis un mois nous voilà dans Éphèse,
 
Prêtes à recevoir ces illustres époux
 
Que Lysander, mon père, a su choisir pour nous ;
Et ce choix bienheureux n’a rien qui ne vous plaise.
 
Et ce choix bienheureux n'a rien qui ne vous plaise.
 
Dites-moi toutefois, et parlons librement,
 
Vous semble-t-il que votre amant
 
Cherche avec grande ardeur votre chère présence ?
Et trouvez-vous qu’il montre, attendant ce grand jour,
 
Et trouvez-vous qu'il montre, attendant ce grand jour,
 
Cette obligeante impatience
Que donne, à ce qu’on dit, le véritable amour ?</poem>
 
Que donne, à ce qu'on dit, le véritable amour ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Cotys est roi, ma soeursœur ; et comme sa couronne
 
Parle suffisamment pour lui,
Assuré de mon cœur, que son trône lui donne,
 
De le trop demander il s’épargne l’ennui.
Assuré de mon coeur, que son trône lui donne,
Ce me doit être assez qu’en secret il soupire,
 
Que je puis deviner ce qu’il craint de trop dire,
De le trop demander il s'épargne l'ennui.
Et que moins son amour a d’importunité,
 
Plus il a de sincérité.</poem>
Ce me doit être assez qu'en secret il soupire,
==__MATCH__:[[age:Corneille - Œuvres complètes Didot 1855 tome 2.djvu/172]]==
 
<poem>Mais vous ne dites rien de votre Spitridate :
Que je puis deviner ce qu'il craint de trop dire,
 
Et que moins son amour a d'importunité,
 
Plus il a de sincérité.
 
Mais vous ne dites rien de votre Spitridate :
 
Prend-il autant de peine à mériter vos feux
Que l’autre à retenir mes vœux ?</poem>
 
Que l'autre à retenir mes voeux ?
 
{{Personnage|aglatide|c}}
C'est<poem>C’est environ ainsi que son amour éclate :
Il m’obsède à peu près comme l’autre vous sert.
 
Il m'obsède à peu près comme l'autre vous sert.
 
On dirait que tous deux agissent de concert,
Qu’ils ont juré de n’être importuns l’un ni l’autre :
 
Qu'ils ont juré de n'être importuns l'un ni l'autre :
 
Ils en font grand scrupule ; et la sincérité
Dont mon amant se pique, à l’exemple du vôtre,
 
Ne met pas son bonheur en l’assiduité.
Dont mon amant se pique, à l'exemple du vôtre,
Ce n’est pas qu’à vrai dire il ne soit excusable :
 
Ne met pas son bonheur en l'assiduité.
 
Ce n'est pas qu'à vrai dire il ne soit excusable :
 
Je préparai pour lui, dès Sparte, une froideur
Qui, dès l’abord, était capable
 
D’éteindre la plus vive ardeur ;
Qui, dès l'abord, était capable
Et j’avoue entre nous qu’alors qu’il me néglige,
 
Qu’il se montre à son tour si froid, si retenu,
D'éteindre la plus vive ardeur ;
Loin de m’offenser, il m’oblige,
 
Et me remet un cœur qu’il n’eût pas obtenu.</poem>
Et j'avoue entre nous qu'alors qu'il me néglige,
 
Qu'il se montre à son tour si froid, si retenu,
 
Loin de m'offenser, il m'oblige,
 
Et me remet un coeur qu'il n'eût pas obtenu.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>J’admire cette antipathie
 
Qui vous l’a fait haïr avant que de le voir,
J'admire cette antipathie
 
Qui vous l'a fait haïr avant que de le voir,
 
Et croirais que sa vue aurait eu le pouvoir
D’en dissiper une partie ;
 
Car enfin Spitridate a l’entretien charmant,
D'en dissiper une partie ;
L’œil vif, l’esprit aisé, le cœur bon, l’âme belle.
 
À tant de qualités s’il joignait un vrai zèle…</poem>
Car enfin Spitridate a l'entretien charmant,
 
L'oeil vif, l'esprit aisé, le coeur bon, l'âme belle.
 
À tant de qualités s'il joignait un vrai zèle...
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ma soeursœur, il n'estn’est pas roi, comme l'estl’est votre amant.</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Mais au parti des Grecs il unit deux provinces ;
Et ce Perse vaut bien la plupart de nos princes.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Il n'estn’est pas roi, vous dis-je, et c'estc’est un grand défaut.
Ce n’est point avec vous que je le dissimule,
 
J’ai peut-être le cœur trop haut ;
Ce n'est point avec vous que je le dissimule,
Mais aussi bien que vous je sors du sang d’Hercule ;
 
Et lorsqu’on vous destine un roi pour votre époux,
J'ai peut-être le coeur trop haut ;
J’en veux un aussi bien que vous.
 
J’aurais quelque chagrin à vous traiter de reine,
Mais aussi bien que vous je sors du sang d'Hercule ;
 
Et lorsqu'on vous destine un roi pour votre époux,
 
J'en veux un aussi bien que vous.
 
J'aurais quelque chagrin à vous traiter de reine,
 
À vous voir dans un trône assise en souveraine,
S’il me fallait ramper dans un degré plus bas ;
 
S'il me fallait ramper dans un degré plus bas ;
 
Et je porte une âme assez vaine
 
Pour vouloir jusque-là vous suivre pas à pas.
Vous êtes mon aînée, et c’est un avantage
 
Vous êtes mon aînée, et c'est un avantage
 
Qui me fait vous devoir grande civilité ;
Aussi veux-je céder le pas devant à l’âge,
 
Mais je ne puis souffrir autre inégalité.</poem>
Aussi veux-je céder le pas devant à l'âge,
 
Mais je ne puis souffrir autre inégalité.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Vous êtes donc jalouse, et ce trône vous gêne
 
Où la main de Cotys a droit de me placer !
 
Mais si je renonçais au rang de souveraine,
Voudriez-vous y renoncer ?</poem>
 
Voudriez-vous y renoncer ?
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Non, pas sitôt : j'aij’ai quelque vue
 
Qui me peut encore amuser.
Mariez-vous, ma sœur ; quand vous serez pourvue,
 
On trouvera peut-être un roi pour m’épouser.
Mariez-vous, ma soeur ; quand vous serez pourvue,
J’en aurais un déjà, n’était ce rang d’aînée
 
Qui demandait pour vous ce qu’il voulait m’offrir,
On trouvera peut-être un roi pour m'épouser.
Ou s’il eût reconnu qu’un père eût pu souffrir
 
Qu’à l’hymen avant vous on me vît destinée.
J'en aurais un déjà, n'était ce rang d'aînée
Si ce roi jusqu’ici ne s’est point déclaré,
 
Peut-être qu’après tout il n’a que différé,
Qui demandait pour vous ce qu'il voulait m'offrir,
Qu’il attend votre hymen pour rompre son silence.
 
Ou s'il eût reconnu qu'un père eût pu souffrir
 
Qu'à l'hymen avant vous on me vît destinée.
 
Si ce roi jusqu'ici ne s'est point déclaré,
 
Peut-être qu'après tout il n'a que différé,
 
Qu'il attend votre hymen pour rompre son silence.
 
Je pense avoir encor ce qui le sut charmer ;
Et s’il faut vous en faire entière confidence,
 
Agésilas m’aimait, et peut encor m’aimer.</poem>
Et s'il faut vous en faire entière confidence,
 
Agésilas m'aimait, et peut encor m'aimer.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Que dites-vous, ma soeursœur ? Agésilas vous aime !</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je vous dis qu'ilqu’il m'aimaitm’aimait, et que sa passion
 
Pourrait bien être encor la même ;
 
Mais cet amusement de mon ambition
Peut n’être qu’une illusion.
 
Peut n'être qu'une illusion.
 
Ce prince tient son trône et sa haute puissance
 
De ce même héros dont nous tenons le jour ;
Et si ce n’était lors que par reconnaissance
 
Qu’il me témoignait de l’amour,
Et si ce n'était lors que par reconnaissance
 
Qu'il me témoignait de l'amour,
 
Puis-je être sans inquiétude
Quand il n’a plus pour lui que de l’ingratitude,
 
QuandQu’il il n'an’écoute plus pourrien luiqui quevienne de l'ingratitude, sa part ?
 
Qu'il n'écoute plus rien qui vienne de sa part ?
 
Je ne sais si sa flamme est pour moi faible ou forte ;
 
Mais la reconnaissance morte,
L’amour doit courir grand hasard.</poem>
 
L'amour doit courir grand hasard.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Ah ! S'ilS’il n'avaitn’avait voulu que par reconnaissance
 
Être gendre de Lysander,
Son choix aurait suivi l’ordre de la naissance,
 
Et Sparte, au lieu de vous, l’eût vu me demander ;
Son choix aurait suivi l'ordre de la naissance,
Mais pour mettre chez nous l’éclat de sa couronne
 
Attendre que l’hymen m’ait engagée ailleurs,
Et Sparte, au lieu de vous, l'eût vu me demander ;
C’est montrer que le cœur s’attache à la personne.
 
Mais pour mettre chez nous l'éclat de sa couronne
 
Attendre que l'hymen m'ait engagée ailleurs,
 
C'est montrer que le coeur s'attache à la personne.
 
Ayez, ayez pour lui des sentiments meilleurs.
Ce cœur qu’il vous donna, ce choix qui considère
 
Ce coeur qu'il vous donna, ce choix qui considère
 
Autant et plus encor la fille que le père,
Feront que le devoir aura bientôt son tour ;
 
Feront que le devoir aura bientôt son tour ;
 
Et pour vous faire seoir où vos désirs aspirent,
 
Vous verrez, et dans peu, comme pour vous conspirent
La reconnaissance et l’amour.</poem>
 
La reconnaissance et l'amour.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Vous voyez cependant qu'àqu’à peine il me regarde :
Depuis notre arrivée il ne m’a point parlé ;
 
Et quand ses yeux vers moi se tournent par mégarde…</poem>
Depuis notre arrivée il ne m'a point parlé ;
 
Et quand ses yeux vers moi se tournent par mégarde...
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Comme avec lui mon père a quelque démêlé,
 
Cette petite négligence,
 
Qui vous fait douter de sa foi,
Vient de leur mésintelligence,
 
Et dans le fond de l’âme il vit sous votre loi.</poem>
Vient de leur mésintelligence,
 
Et dans le fond de l'âme il vit sous votre loi.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>À tous hasards, ma soeursœur, comme j'enj’en suis mal sûre,
 
Si vous me pouviez faire un don de votre amant,
Je crois que je pourrais l’accepter sans murmure.
 
Vous venez de parler du mien si dignement…</poem>
Je crois que je pourrais l'accepter sans murmure.
 
Vous venez de parler du mien si dignement...
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Aimeriez-vous Cotys, ma soeursœur ?</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Moi ? Nullement.</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Pourquoi donc vouloir qu'ilqu’il vous aime ?</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Les hommages qu'Agésilasqu’Agésilas
Daigna rendre en secret au peu que j’ai d’appas,
 
M’ont si bien imprimé l’amour du diadème,
Daigna rendre en secret au peu que j'ai d'appas,
Que pourvu qu’un amant soit roi,
 
M'ont si bien imprimé l'amour du diadème,
 
Que pourvu qu'un amant soit roi,
 
Il est trop aimable pour moi.
Mais sans trône on perd temps : c’est la première idée
 
Qu’à l’amour en mon cœur il ait plu de tracer ;
Mais sans trône on perd temps : c'est la première idée
Il l’a fidèlement gardée,
 
Et rien ne peut plus l’effacer.</poem>
Qu'à l'amour en mon coeur il ait plu de tracer ;
 
Il l'a fidèlement gardée,
 
Et rien ne peut plus l'effacer.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Chacune a son humeur : la grandeur souveraine,
Quelque main qui vous l’offre, est digne de vos feux ;
 
Et vous ne ferez point d’heureux
Quelque main qui vous l'offre, est digne de vos feux ;
 
Et vous ne ferez point d'heureux
 
Qui de vous ne fasse une reine.
Moi, je m’éblouis moins de la splendeur du rang ;
 
Son éclat au respect plus qu’à l’amour m’invite :
Moi, je m'éblouis moins de la splendeur du rang ;
 
Son éclat au respect plus qu'à l'amour m'invite :
 
Cet heureux avantage ou du sort ou du sang
 
Ne tombe pas toujours sur le plus de mérite.
Si mon cœur, si mes yeux en étaient consultés,
 
Si mon coeur, si mes yeux en étaient consultés,
 
Leur choix irait à la personne,
 
Et les hautes vertus, les rares qualités
L’emporteraient sur la couronne.</poem>
 
L'emporteraient sur la couronne.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Avouez tout, ma soeursœur : Spitridate vous plaît.</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Un peu plus que Cotys ; et si votre intérêt
Vous pouvait résoudre à l’échange…</poem>
 
Vous pouvait résoudre à l'échange...
 
{{Personnage|aglatide|c}}
Qu'en<poem>Qu’en pouvons-nous ici résoudre vous et moi ?
En l’état où le ciel nous range,
 
Il faut l’ordre d’un père, il faut l’aveu d’un roi,
En l'état où le ciel nous range,
Que je plaise à Cotys, et vous à Spitridate.</poem>
 
Il faut l'ordre d'un père, il faut l'aveu d'un roi,
 
Que je plaise à Cotys, et vous à Spitridate.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Pour l'unl’un je ne sais quoi m'enm’en flatte,
Pour l’autre je n’en réponds pas ;
 
Pour l'autre je n'en réponds pas ;
 
Et je craindrais fort que Mandane,
 
Cette incomparable Persane,
N’eût pour lui des attraits plus forts que vos appas.</poem>
 
N'eût pour lui des attraits plus forts que vos appas.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ma soeursœur, Spitridate est son frère,
Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir…</poem>
 
Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir...
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Le voilà qui nous considère.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Est-ce vous ou moi qu'ilqu’il vient voir ?
Voulez-vous que je vous le laisse ?</poem>
 
Voulez-vous que je vous le laisse ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Ma soeursœur, auparavant engagez l'entretienl’entretien ;
Et s’il s’en offre lieu, jouez d’un peu d’adresse,
 
Pour votre intérêt et le mien.</poem>
Et s'il s'en offre lieu, jouez d'un peu d'adresse,
 
Pour votre intérêt et le mien.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Il est juste en effet, puisqu'ilpuisqu’il n'an’a su me plaire,
Que je vous aide à m’en défaire.</poem>
 
{{scène|II}}
Que je vous aide à m'en défaire.
{{acteurs|Spitridate, Elpinice, Aglatide}}
 
{{scène|II}} {{acteurs|Spitridate, Elpinice, Aglatide}}
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Seigneur, je me retire : entre les vrais amants
Leur amour seul a droit d’être de confidence,
 
Et l’on ne peut mêler d’agréable présence
Leur amour seul a droit d'être de confidence,
A de si précieux moments.</poem>
 
Et l'on ne peut mêler d'agréable présence
 
A de si précieux moments.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Un vertueux amour n'an’a rien d'incompatibled’incompatible
Avec les regards d’une sœur.
 
Ne m’enviez point la douceur
Avec les regards d'une soeur.
 
Ne m'enviez point la douceur
 
De pouvoir à vos yeux convaincre une insensible :
Soyez juge et témoin de l’indigne succès
 
Qui se prépare pour ma flamme ;
Soyez juge et témoin de l'indigne succès
Voyez jusqu’au fond de mon âme
 
D’une si pure ardeur où va le digne excès ;
Qui se prépare pour ma flamme ;
 
Voyez jusqu'au fond de mon âme
 
D'une si pure ardeur où va le digne excès ;
 
Voyez tout mon espoir au bord du précipice ;
 
Voyez des maux sans nombre et hors de guérison ;
Et quand vous aurez vu toute cette injustice,
 
Faites m’en un peu de raison.</poem>
Et quand vous aurez vu toute cette injustice,
 
Faites m'en un peu de raison.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre,
De l’air dont votre amour commence à m’accuser,
 
De l'air dont votre amour commence à m'accuser,
 
Je crains que pour en bien user
 
Je ne me doive mal défendre.
Je sais bien que j’ai tort, j’avoue et hautement
 
Je sais bien que j'ai tort, j'avoue et hautement
 
Que ma froideur doit vous déplaire ;
 
Mais en cette froideur un heureux changement
Pourrait-il fort vous satisfaire ?</poem>
 
Pourrait-il fort vous satisfaire ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir...concevoir… ?</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu'ilqu’il faut voir :
Un aveu plus précis est d’une conséquence
 
Un aveu plus précis est d'une conséquence
 
Qui pourrait vous embarrasser ;
 
Et même à notre sexe il est de bienséance
 
De ne pas trop vous en presser.
 
À Lysander mon père il vous plut de promettre
D’unir par notre hymen votre sang et le sien ;
 
D'unir par notre hymen votre sang et le sien ;
 
La raison, à peu près, Seigneur, je la pénètre,
Bien qu’aux raisons d’état je ne connaisse rien.
 
Vous ne m’aviez point vue, et facile ou cruelle,
Bien qu'aux raisons d'état je ne connaisse rien.
 
Vous ne m'aviez point vue, et facile ou cruelle,
 
Petite ou grande, laide ou belle,
Qu’à votre humeur ou non je pusse m’accorder,
 
Qu'à votre humeur ou non je pusse m'accorder,
 
La chose était égale à votre ardeur nouvelle,
 
Pourvu que vous fussiez gendre de Lysander.
Ma sœur vous aurait plu s’il vous l’eût proposée ;
 
J’eusse agréé Cotys s’il me l’eût proposé.
Ma soeur vous aurait plu s'il vous l'eût proposée ;
 
J'eusse agréé Cotys s'il me l'eût proposé.
 
Vous trouvâtes tous deux la politique aisée ;
 
Nous crûmes toutes deux notre devoir aisé.
 
Comme à traiter cette alliance
Les tendresses des cœurs n’eurent aucune part,
 
Le vôtre avec le mien a peu d’intelligence,
Les tendresses des coeurs n'eurent aucune part,
Et l’amour en tous deux pourra naître un peu tard.
 
Le vôtre avec le mien a peu d'intelligence,
 
Et l'amour en tous deux pourra naître un peu tard.
 
Quand il faudra que je vous aime,
Que je l’aurai promis à la face des dieux,
 
Vous deviendrez cher à mes yeux ;
Que je l'aurai promis à la face des dieux,
Et j’espère de vous le même.
 
Vous deviendrez cher à mes yeux ;
 
Et j'espère de vous le même.
 
Jusque-là votre amour assez mal se fait voir ;
Celui que je vous garde encor plus mal s’explique :
 
Celui que je vous garde encor plus mal s'explique :
 
Vous attendez le temps de votre politique,
 
Et moi celui de mon devoir.
 
Voilà, Seigneur, quel est mon crime ;
Vous m’en vouliez convaincre, il n’en est plus besoin ;
 
J’en ai fait, comme vous, ma sœur juge et témoin :
Vous m'en vouliez convaincre, il n'en est plus besoin ;
 
J'en ai fait, comme vous, ma soeur juge et témoin :
 
Que ma froideur lui semble injuste ou légitime,
 
La raison que vous peut en faire sa bonté
Je consens qu’elle vous la fasse ;
 
Je consens qu'elle vous la fasse ;
 
Et pour vous en laisser tous deux en liberté,
Je veux bien lui quitter la place.</poem>
 
{{scène|III}}
Je veux bien lui quitter la place.
{{acteurs|Spitridate, Elpinice}}
 
{{scène|III}} {{acteurs|Spitridate, Elpinice}}
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Elle ne s'ys’y fait pas, Madame, un grand effort,
Et ferait grâce entière à mon peu de mérite,
 
Si vôtre âme avec elle était assez d’accord
Et ferait grâce entière à mon peu de mérite,
Pour se vouloir saisir de ce qu’elle vous quitte.
 
Si vôtre âme avec elle était assez d'accord
 
Pour se vouloir saisir de ce qu'elle vous quitte.
 
Pour peu que vous daigniez écouter la raison,
 
Vous me devez cette justice,
Et prendre autant de part à voir ma guérison,
 
Qu’en ont eu vos attraits à faire mon supplice.</poem>
Et prendre autant de part à voir ma guérison,
 
Qu'en ont eu vos attraits à faire mon supplice.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Quoi ? Seigneur, j'auraisj’aurais part...part…</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
C'est<poem>C’est trop dissimuler
 
La cause et la grandeur du mal qui me possède ;
 
Et je me dois, Madame, au défaut du remède,
La vaine douceur d’en parler.
 
La vaine douceur d'en parler.
 
Oui, vos yeux ont part à ma peine,
 
Ils en font plus de la moitié ;
Et s’il n’est point d’amour pour en finir la gêne,
 
Il est pour l’adoucir des regards de pitié.
Et s'il n'est point d'amour pour en finir la gêne,
Quand je quittai la Perse, et brisai l’esclavage
 
Où, m’envoyant au jour, le ciel m’avait soumis,
Il est pour l'adoucir des regards de pitié.
Je crus qu’il me fallait parmi ses ennemis
 
D’un protecteur puissant assurer l’avantage.
Quand je quittai la Perse, et brisai l'esclavage
 
Où, m'envoyant au jour, le ciel m'avait soumis,
 
Je crus qu'il me fallait parmi ses ennemis
 
D'un protecteur puissant assurer l'avantage.
 
Cotys eut, comme moi, besoin de Lysander ;
Et quand pour l’attacher lui-même à nos familles,
 
Et quand pour l'attacher lui-même à nos familles,
 
Nous demandâmes ses deux filles,
 
Ce fut les obtenir que de les demander.
Par déférence au trône il lui promit l’aînée ;
 
Par déférence au trône il lui promit l'aînée ;
 
La jeune me fut destinée.
Comme nous ne cherchions tous deux que son appui,
 
Comme nous ne cherchions tous deux que son appui,
Nous acceptâmes tout sans regarder que lui.
J’avais su qu’Aglatide était des plus aimables,
 
On m’avait dit qu’à Sparte elle savait charmer ;
J'avais su qu'Aglatide était des plus aimables,
 
On m'avait dit qu'à Sparte elle savait charmer ;
 
Et sur des bruits si favorables
Je me répondais de l’aimer.
 
Que l’amour aime peu ces folles confiances !
Je me répondais de l'aimer.
 
Que l'amour aime peu ces folles confiances !
 
Et que pour affermir son empire en tous lieux,
 
Il laisse choir souvent de cruelles vengeances
Sur qui promet son cœur sans l’aveu de ses yeux !
 
Sur qui promet son coeur sans l'aveu de ses yeux !
 
Ce sont les conseillers fidèles
 
Dont il prend les avis pour ajuster ses coups ;
 
Leur rapport inégal vous fait plus ou moins belles,
 
Et les plus beaux objets ne le sont pas pour tous.
 
À ce moment fatal qui nous permit la vue
Et de vous et de cette sœur,
 
Et de vous et de cette soeur,
 
Mon âme devint toute émue,
Et le trouble aussitôt s’empara de mon cœur ;
 
Et le trouble aussitôt s'empara de mon coeur ;
 
Je le sentis pour elle tout de glace,
 
Je le sentis tout de flamme pour vous ;
Vous y régnâtes en sa place,
 
Et ses regards aux miens n’offrirent rien de doux.
Vous y régnâtes en sa place,
Il faut pourtant l’aimer, du moins il faut le feindre ;
 
Et ses regards aux miens n'offrirent rien de doux.
 
Il faut pourtant l'aimer, du moins il faut le feindre ;
 
Il faut vous voir aimer ailleurs :
Voyez s’il fut jamais un amant plus à plaindre,
 
Un cœur plus accablé de mortelles douleurs.
Voyez s'il fut jamais un amant plus à plaindre,
C’est un malheur sans doute égal au trépas même
 
Que d’attacher sa vie à ce qu’on n’aime pas ;
Un coeur plus accablé de mortelles douleurs.
Et voir en d’autres mains passer tout ce qu’on aime,
 
C'estC’est un malheur sansencor douteplus égalgrand auque trépasle mêmetrépas.</poem>
 
Que d'attacher sa vie à ce qu'on n'aime pas ;
 
Et voir en d'autres mains passer tout ce qu'on aime,
 
C'est un malheur encor plus grand que le trépas.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Je vous en plains, Seigneur, et ne puis davantage,
 
Je ne sais aimer ni haïr ;
Mais dès qu’un père parle, il porte en mon courage
 
Toute l’impression qu’il faut pour obéir.
Mais dès qu'un père parle, il porte en mon courage
Voyez avec Cotys si ses vœux les plus tendres
 
Voudraient rendre à ma sœur l’hommage qu’il me rend.
Toute l'impression qu'il faut pour obéir.
 
Voyez avec Cotys si ses voeux les plus tendres
 
Voudraient rendre à ma soeur l'hommage qu'il me rend.
 
Tout doit être à mon père assez indifférent,
 
Pourvu que vous et lui vous demeuriez ses gendres.
Mais à vous dire tout, je crains qu’Agésilas
 
N’y refuse l’aveu qui vous est nécessaire :
Mais à vous dire tout, je crains qu'Agésilas
C’est notre souverain.</poem>
 
N'y refuse l'aveu qui vous est nécessaire :
 
C'est notre souverain.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
S'il<poem>S’il en dédit un père,
Peut-être ai-je une sœur qu’il n’en dédira pas.
 
Peut-être ai-je une soeur qu'il n'en dédira pas.
 
Ce grand prince pour elle a tant de complaisance,
Qu’à sa moindre prière il ne refuse rien ;
 
Et si son cœur voulait s’entendre avec le mien…</poem>
Qu'à sa moindre prière il ne refuse rien ;
 
Et si son coeur voulait s'entendre avec le mien...
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Reposez-vous, Seigneur, sur mon obéissance,
 
Et contentez-vous de savoir
Qu’aussi bien que ma sœur j’écoute mon devoir.
 
Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule…</poem>
Qu'aussi bien que ma soeur j'écoute mon devoir.
 
Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Perdriez-vous pour moi son trône sans ennui ?</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Le voilà qui paraît. Quelque ardeur qui vous brûle,
Mettez d’accord mon père, Agésilas et lui.</poem>
 
{{scène|IV}}
Mettez d'accord mon père, Agésilas et lui.
{{acteurs|Cotys, Spitridate}}
 
{{scène|IV}} {{acteurs|Cotys, Spitridate}}
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Vous voyez de quel air Elpinice me traite,
Comme elle disparaît, Seigneur, à mon abord.</poem>
 
Comme elle disparaît, Seigneur, à mon abord.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Si votre âme, Seigneur, en est mal satisfaite,
Mon sort est bien à plaindre autant que votre sort.</poem>
 
Mon sort est bien à plaindre autant que votre sort.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! S'ilS’il n'étaitn’était honteux de manquer de promesse !</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Si la foi sans rougir pouvait se dégager !</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
Qu'une<poem>Qu’une autre de mon coeurcœur serait bientôt maîtresse !</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Que je serais ravi, comme vous, de changer !</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Elpinice pour moi montre une telle glace,
Que je me tiendrais sûr de son consentement.</poem>
 
Que je me tiendrais sûr de son consentement.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Aglatide verrait qu'unequ’une autre prît sa place
Sans en murmurer un moment.</poem>
 
Sans en murmurer un moment.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Que nous sert qu'enqu’en secret l'unel’une et l'autrel’autre engagée
Peut-être ainsi que nous porte son cœur ailleurs ?
 
Peut-être ainsi que nous porte son coeur ailleurs ?
 
Pour voir notre infortune entre elles partagée,
Nos destins n’en sont pas meilleurs.</poem>
 
Nos destins n'en sont pas meilleurs.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Elles aiment ailleurs, ces belles dédaigneuses ;
 
Et peut-être, en dépit du sort,
Il serait un moyen et de les rendre heureuses,
 
Et de nous rendre heureux par un commun accord.</poem>
Il serait un moyen et de les rendre heureuses,
 
Et de nous rendre heureux par un commun accord.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Souffrez donc qu'avecqu’avec vous tout mon coeurcœur se déploie.
 
Ah ! Si vous le vouliez, que mon sort serait doux !
Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie.</poem>
 
Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Et ma félicité dépend toute de vous.</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Vous me pouvez donner l'objetl’objet qui me possède.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Vous me pouvez donner celui de tous mes voeuxvœux :
Elpinice me charme.</poem>
 
Elpinice me charme.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Et si je vous la cède ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Je céderai de même Aglatide à vos feux.</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Aglatide, Seigneur ! Ce n'estn’est pas là m'entendrem’entendre,
Et vous ne feriez rien pour moi.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ne vous devez-vous pas à Lysander pour gendre ?</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Oui ; mais l'amourl’amour ici me fait une autre loi.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
L'amour<poem>L’amour ! Il n'enn’en faut point écouter qui le blesse,
 
Et qui nous ôte son appui.
L’échange des deux sœurs n’a rien qui l’intéresse,
 
Nous n’en serons pas moins à lui ;
L'échange des deux soeurs n'a rien qui l'intéresse,
 
Nous n'en serons pas moins à lui ;
 
Mais de porter ailleurs sa main, qui leur est due,
Seigneur, au dernier point ce sera l’irriter,
 
Et sa protection perdue,
Seigneur, au dernier point ce sera l'irriter,
N’avons-nous rien à redouter ?</poem>
 
Et sa protection perdue,
 
N'avons-nous rien à redouter ?
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Si je n'enn’en juge mal, sa faveur n'estn’est pas grande,
Seigneur, auprès d’Agésilas ;
 
Il n’obtient presque rien de quoi qu’il lui demande.</poem>
Seigneur, auprès d'Agésilas ;
 
Il n'obtient presque rien de quoi qu'il lui demande.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Je vois qu'assezqu’assez souvent il ne l'écoutel’écoute pas ;
 
Mais pour un différend frivole,
 
Dont nous ignorons le secret,
 
Ce prince avouerait-il un amour indiscret,
D’un tel manquement de parole ?
 
D'un tel manquement de parole ?
 
Lui qui lui doit son trône, et cet illustre rang
D'uniqueD’unique général des troupes de la Grèce,
 
Pourrait-il le haïr avec tant de bassesse,
Qu’il pût autoriser ce mépris de son sang ?
 
Si nous manquons de foi, qu’aura-t-il lieu de croire ?
Qu'il pût autoriser ce mépris de son sang ?
En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander ?
 
Pensez-y bien, Seigneur, avant qu’y hasarder
Si nous manquons de foi, qu'aura-t-il lieu de croire ?
Nos sûretés et votre gloire.</poem>
 
En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander ?
 
Pensez-y bien, Seigneur, avant qu'y hasarder
 
Nos sûretés et votre gloire.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Et si ce différend, que vous craignez si peu,
Lui fait pour notre hymen refuser un aveu ?</poem>
 
Lui fait pour notre hymen refuser un aveu ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ma soeursœur n'an’a qu'àqu’à parler, je m'enm’en tiens sûr par elle. </poem>
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Seigneur, l'aimeraitl’aimerait-il ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Il la trouve assez belle,
 
Il en parle avec joie, et se plaît à la voir.
Je tâche d’affermir ces douces apparences ;
 
Je tâche d'affermir ces douces apparences ;
 
Et si vous voulez tout savoir,
 
Je pense avoir de quoi flatter mes espérances.
Prenez-y part, Seigneur, pour l’intérêt commun.
 
Prenez-y part, Seigneur, pour l'intérêt commun.
 
Quand nous aurons tous deux Lysander pour beau-père,
Ce roi s’allie à vous, s’il devient mon beau-frère ;
 
Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d’un.</poem>
Ce roi s'allie à vous, s'il devient mon beau-frère ;
 
Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d'un.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Et Mandane y consent ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Mandane est trop bien née
Pour dédire un devoir qui la met sous ma loi.</poem>
 
Pour dédire un devoir qui la met sous ma loi.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Et vous avez donné pour elle votre foi ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Non ; mais à dire vrai, je la tiens pour donnée.</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! Ne la donnez point, Seigneur, si vous m'aimezm’aimez,
 
Ou si vous aimez Elpinice.
Mandane a tout mon cœur, mes yeux en sont charmés ;
 
Et ce n’est qu’à ce prix que je vous rends justice.</poem>
Mandane a tout mon coeur, mes yeux en sont charmés ;
 
Et ce n'est qu'à ce prix que je vous rends justice.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Elpinice ne rend votre foi qu'àqu’à sa soeursœur,
Et ce n’est qu’à ce prix qu’elle-même se donne.</poem>
 
Et ce n'est qu'à ce prix qu'elle-même se donne.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Hélas ! Et si l'amourl’amour autrement en ordonne,
Le moyen d’y forcer mon cœur ?</poem>
 
Le moyen d'y forcer mon coeur ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Rendez-vous-en le maître.</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Et l'êtesl’êtes-vous du vôtre ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
J'y<poem>J’y ferai mon effort, si je vous parle en vain ;
Et du moins, si ma sœur vous dérobe à toute autre,
 
Je serai maître de ma main.</poem>
Et du moins, si ma soeur vous dérobe à toute autre,
 
Je serai maître de ma main.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Je ne le puis celer, qui que l'onl’on me propose,
Toute autre que Mandane est pour moi même chose.</poem>
 
Toute autre que Mandane est pour moi même chose.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Il vous est donc facile, et doit même être doux,
Puisqu’enfin Elpinice aime un autre que vous,
 
De lui préférer qui vous aime ;
Puisqu'enfin Elpinice aime un autre que vous,
Et du moins vous auriez l’honneur,
 
Par un peu d’effort sur vous-même,
De lui préférer qui vous aime ;
De faire le commun bonheur.</poem>
 
Et du moins vous auriez l'honneur,
 
Par un peu d'effort sur vous-même,
 
De faire le commun bonheur.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Je ferais trois heureux qui m'empêchentm’empêchent de l'êtrel’être !
J’ose, j’ose vous faire une plus juste loi :
 
J'ose, j'ose vous faire une plus juste loi :
 
Ou faites mon bonheur dont vous êtes le maître,
Ou demeurez tous trois malheureux comme moi.</poem>
 
Ou demeurez tous trois malheureux comme moi.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Eh bien ! épousez Elpinice :
 
Je renonce à tout mon bonheur,
 
Plutôt que de me voir complice
D’un manquement de foi qui vous perdrait d’honneur.</poem>
 
D'un manquement de foi qui vous perdrait d'honneur.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Rendez-vous à votre Aglatide,
Puisque votre cœur endurci
 
Puisque votre coeur endurci
 
Veut suivre obstinément un faux devoir pour guide :
Je serai malheureux, vous le serez aussi.</poem>
 
Je serai malheureux, vous le serez aussi.
 
{{acte|II}}
 
{{scène|I}}
{{acteurs|Spitridate, Mandane}}
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Que nous avons, ma soeursœur, brisé de rudes chaînes !
En Perse il n’est point de sujets ;
 
Ce ne sont qu’esclaves abjects,
En Perse il n'est point de sujets ;
Qu’écrasent d’un coup d’œil les têtes souveraines :
 
Le monarque, ou plutôt le tyran général,
Ce ne sont qu'esclaves abjects,
N’y suit pour loi que son caprice,
 
N’y veut point d’autre règle et point d’autre justice,
Qu'écrasent d'un coup d'oeil les têtes souveraines :
 
Le monarque, ou plutôt le tyran général,
 
N'y suit pour loi que son caprice,
 
N'y veut point d'autre règle et point d'autre justice,
 
Et souvent même impute à crime capital
 
Le plus rare mérite et le plus grand service ;
Il abat à ses pieds les plus hautes vertus,
 
IlS’immole abat à ses piedsinsolemment les plus hautesillustres vertusvies,
Et ne laisse aujourd’hui que les cœurs abattus
 
S'immole insolemment les plus illustres vies,
 
Et ne laisse aujourd'hui que les coeurs abattus
 
À couvert de ses tyrannies.
Vous autres, s’il vous daigne honorer de son lit,
 
Ce sont indignités égales :
Vous autres, s'il vous daigne honorer de son lit,
La gloire s’en partage entre tant de rivales,
 
Qu’elle est moins un honneur qu’un sujet de dépit.
Ce sont indignités égales :
Toutes n’ont pas le nom de reines,
 
La gloire s'en partage entre tant de rivales,
 
Qu'elle est moins un honneur qu'un sujet de dépit.
 
Toutes n'ont pas le nom de reines,
 
Mais toutes portent mêmes chaînes,
Et toutes, à parler sans fard,
 
Et toutes, à parler sans fard,
 
Servent à ses plaisirs sans part à son empire ;
Et même en ses plaisirs elles n’ont autre part
 
Que celle qu’à son cœur brutalement inspire
Et même en ses plaisirs elles n'ont autre part
 
Que celle qu'à son coeur brutalement inspire
 
Ou ce caprice, ou le hasard.
Voilà, ma sœur, à quoi vous avait destinée,
 
Voilà, ma soeur, à quoi vous avait destinée,
 
À quel infâme honneur vous avait condamnée
 
Pharnabaze, son lieutenant :
 
Il aurait fait de vous un présent à son prince,
 
Si pour nous affranchir mon soin le prévenant
N’eût à sa tyrannie arraché ma province.
 
N'eût à sa tyrannie arraché ma province.
 
La Grèce a de plus saintes lois,
 
Elle a des peuples et des rois
 
Qui gouvernent avec justice :
 
La raison y préside, et la sage équité ;
Le pouvoir souverain par elles limité,
 
N’y laisse aucun droit de caprice.
Le pouvoir souverain par elles limité,
L’hymen de ses rois même y donne cœur pour cœur ;
 
N'y laisse aucun droit de caprice.
 
L'hymen de ses rois même y donne coeur pour coeur ;
 
Et si vous aviez le bonheur
Que l’un d’eux vous offrît son trône avec son âme,
 
Vous seriez, par ce nœud charmant,
Que l'un d'eux vous offrît son trône avec son âme,
 
Vous seriez, par ce noeud charmant,
 
Et reine véritablement,
Et véritablement sa femme.</poem>
 
Et véritablement sa femme.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je veux bien l'espérerl’espérer : tout est facile aux dieux ;
 
Et peut-être que de bons yeux
En auraient déjà vu quelque flatteuse marque ;
 
En auraient déjà vu quelque flatteuse marque ;
 
Mais il en faut de bons pour faire un si grand choix.
 
Si le roi dans la Perse est un peu trop monarque,
 
En Grèce il est des rois qui ne sont pas trop rois :
 
Il en est dont le peuple est le suprême arbitre ;
Il en est d’attachés aux ordres d’un sénat ;
 
Il en est d'attachés aux ordres d'un sénat ;
 
Il en est qui ne sont enfin, sous ce grand titre,
Que premiers sujets de l’état.
 
Je ne sais si le ciel pour régner m’a fait naître,
Que premiers sujets de l'état.
Et quoi qu’en ma faveur j’aie encor vu paraître,
 
Je ne saisdoute si le ciell’on pourm’aime régnerou m'anon fait; naître,
 
Et quoi qu'en ma faveur j'aie encor vu paraître,
 
Je doute si l'on m'aime ou non ;
 
Mais je pourrais être assez vaine
 
Pour dédaigner le nom de reine
Que m’offrirait un roi qui n’en eût que le nom.</poem>
 
Que m'offrirait un roi qui n'en eût que le nom.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Vous en savez beaucoup, ma soeursœur, et vos mérites
Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez.</poem>
 
Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je réponds simplement à ce que vous me dites,
Et parle en général comme vous me parlez.</poem>
 
Et parle en général comme vous me parlez.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Cependant et des rois et de leur différence
Je vous trouve en effet plus instruite que moi.</poem>
 
Je vous trouve en effet plus instruite que moi.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Puisque vous m'ordonnezm’ordonnez qu'iciqu’ici j'espèrej’espère un roi,
Il est juste, Seigneur, que quelquefois j’y pense.</poem>
 
Il est juste, Seigneur, que quelquefois j'y pense.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
N'y<poem>N’y pensez-vous point trop ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je sais que c'estc’est à vous
À régler mes désirs sur le choix d’un époux :
 
Mon devoir n’en fera point d’autre ;
À régler mes désirs sur le choix d'un époux :
Mais quand vous daignerez choisir pour une sœur,
 
Mon devoir n'en fera point d'autre ;
 
Mais quand vous daignerez choisir pour une soeur,
Daignez songer, de grâce, à faire son bonheur
Mieux que vous n’avez fait le vôtre.
 
MieuxD’un choix que vous n'avezm’aviez faitvous-même letant vôtre.loué,
Votre cœur et vos yeux vous ont désavoué ;
 
Et si j’ai, comme vous, quelques pentes secrètes,
D'un choix que vous m'aviez vous-même tant loué,
Seigneur, si c’est ainsi que vous les rencontrez,
 
Votre coeur et vos yeux vous ont désavoué ;
 
Et si j'ai, comme vous, quelques pentes secrètes,
Seigneur, si c'est ainsi que vous les rencontrez,
 
Jugez, par le trouble où vous êtes,
De l’état où vous me mettrez.</poem>
 
De l'état où vous me mettrez.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Je le vois bien, ma soeursœur, il faut vous laisser faire :
Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui ;
 
Et votre cœur, instruit par le malheur d’un frère,
Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui ;
A déjà fait son choix sans lui.</poem>
Et votre coeur, instruit par le malheur d'un frère,
 
A déjà fait son choix sans lui.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Peut-être ; mais enfin vous suis-je nécessaire ?
Parlez : il n’est désirs ni tendres sentiments
 
Parlez : il n'est désirs ni tendres sentiments
 
Que je ne sacrifie à vos contentements.
Faut-il donner ma main pour celle d’Elpinice ?</poem>
 
Faut-il donner ma main pour celle d'Elpinice ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Que sert de m'enm’en offrir un entier sacrifice,
Si je n’ose et ne puis même déterminer
 
Si je n'ose et ne puis même déterminer
 
À qui pour mon bonheur vous devez la donner ?
Cotys me la demande, Agésilas l’espère.</poem>
 
Cotys me la demande, Agésilas l'espère.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Agésilas, Seigneur ! Et le savez-vous bien ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Parler de vous sans cesse, aimer votre entretien,
Vous donner tout crédit, ne chercher qu’à vous plaire…</poem>
 
Vous donner tout crédit, ne chercher qu'à vous plaire...
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Ce sont civilités envers une étrangère,
Qui font beaucoup d’éclat, et ne produisent rien.
 
Qui font beaucoup d'éclat, et ne produisent rien.
 
Il jette par là des amorces
 
À ceux qui, comme nous, voudront grossir ses forces ;
Mais quelque haut crédit qu’il me donne en sa cour,
 
Mais quelque haut crédit qu'il me donne en sa cour,
 
De toute sa conduite il est si bien le maître,
Qu’au simple nom d’hymen vous verriez disparaître
 
Tout ce qu’en ses faveurs vous prenez pour amour.</poem>
Qu'au simple nom d'hymen vous verriez disparaître
Tout ce qu'en ses faveurs vous prenez pour amour.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Vous penchez vers Cotys, et savez qu'Elpinicequ’Elpinice
Ne veut point être à moi qu’il ne soit à sa sœur !</poem>
 
Ne veut point être à moi qu'il ne soit à sa soeur !
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je vous réponds de tout, si vous avez son coeurcœur.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Et Lysander pourra souffrir cette injustice ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Lysander est si mal auprès d'Agésilasd’Agésilas,
Que ce sera beaucoup s’il en obtient un gendre ;
 
Et peut-être sans moi ne l’a-t-il pas :
Que ce sera beaucoup s'il en obtient un gendre ;
Pour deux, il aurait tort, s’il osait y prétendre.
 
Et peut-être sans moi ne l'a-t-il pas :
 
Pour deux, il aurait tort, s'il osait y prétendre.
 
Mais, Seigneur, le voici ; tâchez de pressentir
Ce qu’en votre faveur il pourrait consentir.</poem>
 
Ce qu'en votre faveur il pourrait consentir.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ma soeursœur, vous êtes plus adroite ;
 
Souffrez que je ménage un moment de retraite :
J’aurais trop à rougir, pour peu que devant moi
Vous fissiez deviner de ce manque de foi.</poem>
 
{{scène|II}}
J'aurais trop à rougir, pour peu que devant moi
{{acteurs|Lysander, Spitridate, Mandane, Cléon}}
 
Vous fissiez deviner de ce manque de foi.
 
{{scène|II}} {{acteurs|Lysander, Spitridate, Mandane, Cléon}}
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Quoique en matière d'hyménéesd’hyménées
L’importune langueur des affaires traînées
 
L'importune langueur des affaires traînées
 
Attire assez souvent de fâcheux embarras,
J’ai voulu qu’à loisir vous pussiez voir mes filles,
 
Avant que demander l’aveu d’Agésilas
J'ai voulu qu'à loisir vous pussiez voir mes filles,
Sur l’union de nos familles.
 
Dites-moi donc, Seigneur, ce qu’en jugent vos yeux,
Avant que demander l'aveu d'Agésilas
S’ils laissent votre cœur d’accord de vos promesses,
 
Et si vous y sentez plus d’aimables tendresses
Sur l'union de nos familles.
 
Dites-moi donc, Seigneur, ce qu'en jugent vos yeux,
 
S'ils laissent votre coeur d'accord de vos promesses,
 
Et si vous y sentez plus d'aimables tendresses
 
Que de justes désirs de pouvoir choisir mieux.
Parlez avec franchise, avant que je m’expose
 
Parlez avec franchise, avant que je m'expose
 
À des refus presque assurés,
Que j’estimerai peu de chose
 
Que j'estimerai peu de chose
 
Quand vous serez plus déclarés ;
Et n’appréhendez point l’emportement d’un père :
 
Je sais trop que l’amour de ses droits est jaloux,
Et n'appréhendez point l'emportement d'un père :
Qu’il dispose de nous sans nous,
Je sais trop que l'amour de ses droits est jaloux,
 
Qu'il dispose de nous sans nous,
 
Que les plus beaux objets ne sont pas sûrs de plaire.
L’aveugle sympathie est ce qui fait agir
 
La plupart des feux qu’il excite ;
L'aveugle sympathie est ce qui fait agir
Il ne l’attache pas toujours au vrai mérite :
 
Et quand il la dénie, on n’a point à rougir.</poem>
La plupart des feux qu'il excite ;
 
Il ne l'attache pas toujours au vrai mérite :
 
Et quand il la dénie, on n'a point à rougir.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Puisque vous le voulez, je ne puis me défendre,
 
Seigneur, de vous parler avec sincérité :
Ma seule ambition est d’être votre gendre ;
 
Ma seule ambition est d'être votre gendre ;
 
Mais apprenez, de grâce, une autre vérité :
Ce bonheur que j’attends, cette gloire où j’aspire,
 
Ce bonheur que j'attends, cette gloire où j'aspire,
 
Et qui rendrait mon sort égal au sort des dieux,
N’a pour objet… Seigneur, je tremble à vous le dire ;
Ma sœur vous l’expliquera mieux.</poem>
 
{{scène|III}}
N'a pour objet... Seigneur, je tremble à vous le dire ;
{{acteurs|Lysander, Mandane, Cléon}}
 
Ma soeur vous l'expliquera mieux.
 
{{scène|III}} {{acteurs|Lysander, Mandane, Cléon}}
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Que veut dire, Madame, une telle retraite ?
Se plaint-il d’Aglatide, et la jeune indiscrète
 
Répondrait-elle mal aux honneurs qu’il lui fait ?</poem>
Se plaint-il d'Aglatide, et la jeune indiscrète
 
Répondrait-elle mal aux honneurs qu'il lui fait ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Elle y répond, Seigneur, ainsi qu'ilqu’il le souhaite,
Et je l’en vois fort satisfait ;
 
Et je l'en vois fort satisfait ;
 
Mais je ne vois pas bien que par les sympathies
 
Dont vous venez de nous parler,
 
Leurs âmes soient fort assorties,
Ni que l’amour encore ait daigné s’en mêler.
 
Ce n’est pas qu’il n’aspire à se voir votre gendre,
Ni que l'amour encore ait daigné s'en mêler.
Qu’il n’y mette sa gloire, et borne ses plaisirs ;
 
Mais puisque par son ordre il me faut vous l’apprendre,
Ce n'est pas qu'il n'aspire à se voir votre gendre,
Elpinice est l’objet de ses plus chers désirs.</poem>
 
Qu'il n'y mette sa gloire, et borne ses plaisirs ;
 
Mais puisque par son ordre il me faut vous l'apprendre,
 
Elpinice est l'objet de ses plus chers désirs.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Elpinice ! Et sa main n'estn’est plus en ma puissance !</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je sais qu'ilqu’il n'estn’est plus temps de vous la demander ;
Mais je vous répondrais de son obéissance,
 
Si Cotys la voulait céder.
Que sait-on si l’amour, dont la bizarrerie
 
Se joue assez souvent du fond de notre cœur,
Que sait-on si l'amour, dont la bizarrerie
N’aura point fait au sien même supercherie ?
 
S’il n’y préfère point Aglatide à sa sœur ?
Se joue assez souvent du fond de notre coeur,
 
N'aura point fait au sien même supercherie ?
 
S'il n'y préfère point Aglatide à sa soeur ?
 
Cet échange, Seigneur, pourrait-il vous déplaire,
S’il les rendait tous quatre heureux ?</poem>
 
S'il les rendait tous quatre heureux ?
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Madame, doutez-vous de la bonté d'und’un père ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Voyez donc si Cotys sera plus rigoureux :
 
Je vous laisse avec lui, de peur que ma présence
N’empêche une sincère et pleine confiance.</poem>
 
N'empêche une sincère et pleine confiance.
 
{{didascalie|À Cotys.}}
<poem>Seigneur, ne cachez plus le véritable amour
Dont l’idée en secret vous flatte.
J’ai dit à Lysander celui de Spitridate ;
Dites le vôtre à votre tour.</poem>
 
{{scène|IV}}
Seigneur, ne cachez plus le véritable amour
{{acteurs|Lysander, Cotys, Cléon}}
 
Dont l'idée en secret vous flatte.
 
J'ai dit à Lysander celui de Spitridate ;
 
Dites le vôtre à votre tour.
 
{{scène|IV}} {{acteurs|Lysander, Cotys, Cléon}}
 
{{Personnage|cotys|c}}
Puisqu'elle<poem>Puisqu’elle vous l'al’a dit, pourrais-je vous le taire ?
 
Jugez, Seigneur, de mes ennuis :
Une autre qu’Elpinice à mes yeux a su plaire ;
 
Et l’aimer est un crime en l’état où je suis.</poem>
Une autre qu'Elpinice à mes yeux a su plaire ;
 
Et l'aimer est un crime en l'état où je suis.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Ne traitez point, Seigneur, ce nouveau feu de crime :
 
Le choix que font les yeux est le plus légitime ;
Et comme un beau désir ne peut bien s’allumer
 
S’ils n’instruisent le cœur de ce qu’il doit aimer,
Et comme un beau désir ne peut bien s'allumer
C’est ôter à l’amour tout ce qu’il a d’aimable,
 
S'ils n'instruisent le coeur de ce qu'il doit aimer,
 
C'est ôter à l'amour tout ce qu'il a d'aimable,
 
Que les tenir captifs sous une aveugle foi ;
 
Et le don le plus favorable
Que ce cœur sans leur ordre ose faire de soi
 
Ne fut jamais irrévocable.</poem>
Que ce coeur sans leur ordre ose faire de soi
 
Ne fut jamais irrévocable.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Seigneur, ce n'estn’est point par mépris,
Ce n’est point qu’Elpinice aux miens n’ait paru belle ;
 
Mais enfin (le dirai-je ?) oui, Seigneur, on m’a pris,
Ce n'est point qu'Elpinice aux miens n'ait paru belle ;
On m’a volé ce cœur que j’apportais pour elle :
 
D’autres yeux, malgré moi, s’en sont faits les tyrans,
Mais enfin (le dirai-je ? ) oui, Seigneur, on m'a pris,
Et ma foi s’est armée en vain pour ma défense ;
 
Ce lâche, qui s’est mis de leur intelligence,
On m'a volé ce coeur que j'apportais pour elle :
Les a soudain reçus en justes conquérants.</poem>
 
D'autres yeux, malgré moi, s'en sont faits les tyrans,
 
Et ma foi s'est armée en vain pour ma défense ;
 
Ce lâche, qui s'est mis de leur intelligence,
 
Les a soudain reçus en justes conquérants.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Laissez-leur garder leur conquête.
Peut-être qu’Elpinice avec plaisir s’apprête
 
À vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux,
Peut-être qu'Elpinice avec plaisir s'apprête
Quand un autre pour elle a d’autres yeux que vous,
 
Qu’elle cède ce cœur à celle qui le vole,
À vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux,
Et qu’en ce même instant qu’on vous le surprenait,
 
Quand un autre pour elle a d'autres yeux que vous,
 
Qu'elle cède ce coeur à celle qui le vole,
 
Et qu'en ce même instant qu'on vous le surprenait,
 
Un pareil attentat sur sa propre parole
Lui dérobait celui qu’elle vous destinait.
 
Surtout ne craignez rien du côté d’Aglatide :
Lui dérobait celui qu'elle vous destinait.
Je puis répondre d’elle, et quand j’aurai parlé,
 
Vous verrez tout son cœur, où mon vouloir préside,
Surtout ne craignez rien du côté d'Aglatide :
Vous payer de celui qu’elle vous a volé.</poem>
 
Je puis répondre d'elle, et quand j'aurai parlé,
 
Vous verrez tout son coeur, où mon vouloir préside,
 
Vous payer de celui qu'elle vous a volé.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! Seigneur, pour ce vol je ne me plains pas d'elled’elle.</poem>
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Et de qui donc ?</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
L'amour<poem>L’amour s'ys’y sert d'uned’une autre main.</poem>
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>L’amour !</poem>
L'amour !
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Oui, cet amour qui me rend infidèle...infidèle…</poem>
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Seigneur, du nom d'amourd’amour n'abusezn’abusez point en vain,
Dites d’Agésilas la haine insatiable :
 
C’est elle dont l’aigreur auprès de vous m’accable,
Dites d'Agésilas la haine insatiable :
Et qui de jour en jour s’animant contre moi,
 
Pour me perdre d’honneur m’enlève votre foi.</poem>
C'est elle dont l'aigreur auprès de vous m'accable,
Et qui de jour en jour s'animant contre moi,
 
Pour me perdre d'honneur m'enlève votre foi.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! S'ilS’il y va de votre gloire,
 
Ma parole est donnée, et dussé-je en mourir,
Je la tiendrai, Seigneur, jusqu’au dernier soupir ;
 
Je la tiendrai, Seigneur, jusqu'au dernier soupir ;
 
Mais quoi que la surprise ait pu vous faire croire,
N’accusez point Agésilas
 
D’un crime de mon cœur, que même il ne sait pas.
N'accusez point Agésilas
Mandane, qui m’ordonne à vos yeux de le dire,
 
D'un crime de mon coeur, que même il ne sait pas.
 
Mandane, qui m'ordonne à vos yeux de le dire,
 
Vous montre assez par là quel souverain empire
L’amour lui donne sur ce cœur.
 
Ne considérez point si j’aime ou si l’on m’aime ;
L'amour lui donne sur ce coeur.
En matière d’honneur ne voyez que vous-même,
 
Et disposez de moi comme veut cet honneur.</poem>
Ne considérez point si j'aime ou si l'on m'aime ;
 
En matière d'honneur ne voyez que vous-même,
 
Et disposez de moi comme veut cet honneur.
 
{{Personnage|lysander|c}}
L'amour<poem>L’amour le fera mieux ; ce que j'enj’en viens d'apprendred’apprendre
M'offreM’offre un sujet de joie où j'enj’en voyais d'ennuid’ennui :
Épouser la sœur de mon gendre,
 
C’est le devenir comme lui.
Épouser la soeur de mon gendre,
Aglatide d’ailleurs n’est pas si délaissée
 
Que votre exemple n’aide à lui trouver un roi ;
C'est le devenir comme lui.
 
Aglatide d'ailleurs n'est pas si délaissée
 
Que votre exemple n'aide à lui trouver un roi ;
 
Et pour peu que le ciel réponde à ma pensée,
Ce sera plus de gloire et plus d’appui pour moi.
 
Ce sera plus de gloire et plus d'appui pour moi.
 
Aussi ferai-je plus : je veux que de moi-même
 
Vous teniez cet objet qui vous fait soupirer ;
Et Spitridate, à moins que de m’en assurer,
 
N’obtiendra jamais ce qu’il aime.
Et Spitridate, à moins que de m'en assurer,
Je veux dès aujourd’hui savoir d’Agésilas
 
S’il pourra consentir à ce double hyménée,
N'obtiendra jamais ce qu'il aime.
 
Je veux dès aujourd'hui savoir d'Agésilas
 
S'il pourra consentir à ce double hyménée,
 
Dont ma parole était donnée.
Sa haine apparemment ne m’en avouera pas :
 
Si pourtant par bonheur il m’en laisse le maître,
Sa haine apparemment ne m'en avouera pas :
J’en userai, Seigneur, comme je le promets ;
 
Si pourtant par bonheur il m'en laisse le maître,
 
J'en userai, Seigneur, comme je le promets ;
 
Sinon, vous lui ferez connaître
Vous-même quels sont vos souhaits.</poem>
 
Vous-même quels sont vos souhaits.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! Que Mandane et moi n'avonsn’avons-nous mille vies,
Seigneur, pour vous les immoler !
 
Car je ne saurais plus vous le dissimuler,
 
Nos âmes en seront également ravies.
 
Souffrez-lui donc sa part en ces ravissements ;
Et pardonnez, de grâce, à mon impatience…</poem>
 
Et pardonnez, de grâce, à mon impatience...
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Allez : on m'am’a vu jeune, et par expérience
Je sais ce qui se passe au cœur des vrais amants.</poem>
 
{{scène|V}}
Je sais ce qui se passe au coeur des vrais amants.
{{acteurs|Lysander, Cléon}}
 
{{scène|V}} {{acteurs|Lysander, Cléon}}
 
{{Personnage|cléon|c}}
<poem>Seigneur, n'êtesn’êtes-vous point d'uned’une humeur bien facile
D’applaudir à Cotys sur son manque de foi ?</poem>
 
D'applaudir à Cotys sur son manque de foi ?
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Je prends pour l'attacherl’attacher à moi
Ce qui s’offre de plus utile.
 
D’un emportement indiscret
Ce qui s'offre de plus utile.
 
D'un emportement indiscret
 
Je ne voyais rien à prétendre :
 
Vouloir par force en faire un gendre,
Ce n’est qu’en vouloir faire un ennemi secret.
 
Je veux me l’acquérir : je veux, s’il m’est possible,
Ce n'est qu'en vouloir faire un ennemi secret.
À force d’amitiés si bien le ménager,
 
Je veux me l'acquérir : je veux, s'il m'est possible,
 
À force d'amitiés si bien le ménager,
 
Que quand je voudrai me venger,
J’en tire un secours infaillible.
 
Ainsi je flatte ses désirs,
J'en tire un secours infaillible.
J’applaudis, je défère à ses nouveaux soupirs,
 
Je me fais l’auteur de sa joie,
Ainsi je flatte ses désirs,
 
J'applaudis, je défère à ses nouveaux soupirs,
 
Je me fais l'auteur de sa joie,
 
Je sers sa passion, et sous cette couleur
Je m’ouvre dans son âme une infaillible voie
 
À m’en faire à mon tour servir avec chaleur.</poem>
Je m'ouvre dans son âme une infaillible voie
 
À m'en faire à mon tour servir avec chaleur.
 
{{Personnage|cléon|c}}
<poem>Oui, mais Agésilas, Seigneur, aime Mandane :
 
Du moins toute sa cour ose le deviner ;
 
Et promettre à Cotys cette illustre Persane,
C’est lui promettre tout pour ne lui rien donner.</poem>
 
C'est lui promettre tout pour ne lui rien donner.
 
{{Personnage|lysander|c}}
Qu'à<poem>Qu’à ses voeuxvœux mon tyran l'accordel’accorde ou la refuse,
De la manière dont j'enj’en use,
Il ne peut m’ôter son appui ;
 
Il ne peut m'ôter son appui ;
 
Et de quelque façon que la chose se passe,
 
Ou je fais la première grâce,
Ou j’aigris puissamment ce rival contre lui.
 
J’ai même à souhaiter que son feu se déclare.
Ou j'aigris puissamment ce rival contre lui.
 
J'ai même à souhaiter que son feu se déclare.
 
Comme de notre Sparte il choquera les lois,
C’est une occasion que lui-même il prépare,
 
C'est une occasion que lui-même il prépare,
 
Et qui peut la résoudre à mieux choisir ses rois.
 
Nous avons trop longtemps asservi sa couronne
 
À la vaine splendeur du sang ;
 
Il est juste à son tour que la vertu la donne,
 
Et que le seul mérite ait droit à ce haut rang.
 
Ma ligue est déjà forte, et ta harangue est prête
À faire éclater la tempête,
 
Sitôt qu’il aura mis ma patience à bout.
À faire éclater la tempête,
 
Sitôt qu'il aura mis ma patience à bout.
 
Si pourtant je voyais sa haine enfin bornée
 
Ne mettre aucun obstacle à ce double hyménée,
 
Je crois que je pourrais encore oublier tout.
En perdant cet ingrat, je détruis mon ouvrage ;
 
En perdant cet ingrat, je détruis mon ouvrage ;
 
Je vois dans sa grandeur le prix de mon courage,
Le fruit de mes travaux, l’effet de mon crédit.
 
Un reste d’amitié tient mon âme en balance :
Le fruit de mes travaux, l'effet de mon crédit.
 
Un reste d'amitié tient mon âme en balance :
 
Quand je veux le haïr je me fais violence,
Et me force à regret à ce que je t’ai dit.
 
Il faut, il faut enfin qu’avec lui je m’explique,
Et me force à regret à ce que je t'ai dit.
Que j’en sache qui peut causer
 
Cette haine si lâche, et qu’il rend si publique,
Il faut, il faut enfin qu'avec lui je m'explique,
Et fasse un digne effort à le désabuser.</poem>
 
Que j'en sache qui peut causer
 
Cette haine si lâche, et qu'il rend si publique,
 
Et fasse un digne effort à le désabuser.
 
{{Personnage|cléon|c}}
<poem>Il n'appartientn’appartient qu'àqu’à vous de former ces pensées ;
Mais vous ne songez point avec quels sentiments
 
Vos deux filles intéressées
Apprendront de tels changements.</poem>
 
Apprendront de tels changements.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Aglatide est d'humeurd’humeur à rire de sa perte :
Son esprit enjoué ne s’ébranle de rien.
 
Pour l’autre, elle a, de vrai, l’âme un peu moins ouverte,
Son esprit enjoué ne s'ébranle de rien.
Mais elle n’eut jamais de vouloir que le mien.
 
Ainsi je me tiens sûr de leur obéissance.</poem>
Pour l'autre, elle a, de vrai, l'âme un peu moins ouverte,
 
Mais elle n'eut jamais de vouloir que le mien.
 
Ainsi je me tiens sûr de leur obéissance.
 
{{Personnage|cléon|c}}
<poem>Quand cette obéissance a fait un digne choix,
Le cœur, tombé par là sous une autre puissance,
 
N’obéit pas toujours une seconde fois.</poem>
Le coeur, tombé par là sous une autre puissance,
N'obéit pas toujours une seconde fois.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Les voici : laisse-nous, afin qu'avecqu’avec franchise
Leurs âmes s’en ouvrent à moi.</poem>
 
{{scène|VI}}
Leurs âmes s'en ouvrent à moi.
{{acteurs|Lysander, Elpinice, Agaltide}}
 
{{scène|VI}} {{acteurs|Lysander, Elpinice, Agaltide}}
 
{{Personnage|lysander|c}}
J'apprends<poem>J’apprends avec quelque surprise,
Mes filles, qu’on vous manque à toutes deux de foi :
 
Cotys aime en secret une autre qu’Elpinice,
Mes filles, qu'on vous manque à toutes deux de foi :
Spitridate n’en fait pas moins.</poem>
Cotys aime en secret une autre qu'Elpinice,
 
Spitridate n'en fait pas moins.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Si l'onl’on nous fait quelque injustice,
Seigneur, notre devoir s’en remet à vos soins.
 
Je ne sais qu’obéir.</poem>
Seigneur, notre devoir s'en remet à vos soins.
 
Je ne sais qu'obéir.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
J'en<poem>J’en sais donc davantage :
Je sais que Spitridate adore d’autres yeux ;
 
Je sais que Spitridatec’est adorema d'autressœur yeuxà ;qui va cet hommage,
Et quelque chose encor qu’elle vous dirait mieux.</poem>
 
Je sais que c'est ma soeur à qui va cet hommage,
 
Et quelque chose encor qu'elle vous dirait mieux.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Ma soeursœur, qu'auraisqu’aurais-je à dire ?</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>À quoi bon ce mystère ?
Dites ce qu’à ce nom le cœur vous dit tout bas,
 
Ou je dirai tout haut qu’il ne vous déplaît pas.</poem>
Dites ce qu'à ce nom le coeur vous dit tout bas,
Ou je dirai tout haut qu'il ne vous déplaît pas.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Moi, je pourrais l'aimerl’aimer, et sans l'ordrel’ordre d'und’un père !</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Vous ne savez que c'estc’est d'aimerd’aimer ou de haïr,
Mais vous seriez pour lui fort aise d’obéir.</poem>
 
Mais vous seriez pour lui fort aise d'obéir.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
Qu'il<poem>Qu’il faut souffrir de vous, ma soeursœur !</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Le grand supplice
De voir qu’en dépit d’elle on lui rend du service !</poem>
 
De voir qu'en dépit d'elle on lui rend du service !
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Rendez-lui la pareille. Aime-t-elle Cotys ?
Et s’il fallait changer entre vous de partis…</poem>
 
Et s'il fallait changer entre vous de partis...
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je n'ain’ai pas besoin d'interprèted’interprète,
Et vous en dirai plus, Seigneur, qu’elle n’en sait.
 
Et vous en dirai plus, Seigneur, qu'elle n'en sait.
Cotys pourrait me plaire, et plairait en effet,
Si pour toucher son cœur j’étais assez bien faite ;
 
Mais je suis fort trompée, ou cet illustre cœur
Si pour toucher son coeur j'étais assez bien faite ;
N’est pas plus à moi qu’à ma sœur.</poem>
 
Mais je suis fort trompée, ou cet illustre coeur
 
N'est pas plus à moi qu'à ma soeur.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Peut-être ce malheur d'assezd’assez près te menace.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
J'en<poem>J’en connais plus de vingt qui mourraient en ma place,
 
Ou qui sauraient du moins hautement quereller
L’injustice de la fortune ;
 
Mais pour moi, qui n’ai pas une âme si commune,
L'injustice de la fortune ;
Je sais l’art de m’en consoler.
 
Il est d’autres rois dans l’Asie
Mais pour moi, qui n'ai pas une âme si commune,
 
Je sais l'art de m'en consoler.
 
Il est d'autres rois dans l'Asie
 
Qui seront trop heureux de prendre votre appui ;
 
Et déjà, je ne sais par quelle fantaisie,
J’en crois voir à mes pieds de plus puissants que lui.</poem>
 
J'en crois voir à mes pieds de plus puissants que lui.
 
{{Personnage|lysander|c}}
Donc à moins que d'und’un roi tu ne veux plus te rendre ?
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je crois pour Spitridate avoir déjà fait voir
Que ma sœur n’a rien à m’apprendre
 
Que ma soeur n'a rien à m'apprendre
 
Sur le chapitre du devoir.
 
Elle sait obéir, et je le sais comme elle :
C’est l’ordre ; et je lui garde un cœur assez fidèle
 
C'est l'ordre ; et je lui garde un coeur assez fidèle
 
Pour en subir toutes les lois ;
 
Mais pour régler ma destinée,
Si vous vous abaissiez jusqu’à prendre ma voix,
 
Si vous vous abaissiez jusqu'à prendre ma voix,
 
Vous arrêteriez votre choix
Sur une tête couronnée,
 
Et ne m’offririez que des rois.</poem>
Sur une tête couronnée,
 
Et ne m'offririez que des rois.
 
{{Personnage|lysander|c}}
C'est<poem>C’est mettre un peu haut ta conquête.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>La couronne, Seigneur, orne bien une tête.
Je me la figurais sur celle de ma sœur,
 
Lorsque Cotys devait l’y mettre ;
Je me la figurais sur celle de ma soeur,
Et quand j’en contemplais la gloire et la douceur,
 
Lorsque Cotys devait l'y mettre ;
 
Et quand j'en contemplais la gloire et la douceur,
 
Que je ne pouvais me promettre,
 
Un peu de jalousie et de confusion
Mutinait mes désirs et me soulevait l’âme ;
 
Mutinait mes désirs et me soulevait l'âme ;
 
Et comme en cette occasion
Mon devoir pour agir n’attendait point ma flamme…</poem>
 
Mon devoir pour agir n'attendait point ma flamme...
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>La gloire d'obéird’obéir à votre grand regret
 
Vous faisait pester en secret :
C’est l’ordre ; et du devoir la scrupuleuse idée…</poem>
 
C'est l'ordre ; et du devoir la scrupuleuse idée...
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Que dites-vous, ma soeursœur ? Qu'osezQu’osez-vous hasarder,
Vous qui tantôt...tantôt… ?</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Ma soeursœur, laissez-moi vous aider,
Ainsi que vous m’avez aidée.</poem>
 
Ainsi que vous m'avez aidée.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Pour bien m'aiderm’aider à dire ici mes sentiments,
 
Vous vous prenez trop mal aux vôtres ;
Et si je suis jamais réduite aux truchements,
 
Il m’en faudra bien chercher d’autres.
Et si je suis jamais réduite aux truchements,
Seigneur, quoi qu’il en soit, voilà quelle je suis.
 
J’acceptais Spitridate avec quelques ennuis ;
Il m'en faudra bien chercher d'autres.
De ce petit chagrin le ciel m’a dégagée,
 
Seigneur, quoi qu'il en soit, voilà quelle je suis.
 
J'acceptais Spitridate avec quelques ennuis ;
 
De ce petit chagrin le ciel m'a dégagée,
 
Sans que mon âme soit changée.
 
Mon devoir règne encor sur mon ambition :
Quoi que vous m’ordonniez, j’obéirai sans peine ;
 
Quoi que vous m'ordonniez, j'obéirai sans peine ;
 
Mais de mon inclination,
Je mourrai fille, ou vivrai reine.</poem>
 
Je mourrai fille, ou vivrai reine.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Achevez donc, ma soeursœur : dites qu'Agésilas...qu’Agésilas…</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ah ! Seigneur, ne l'écoutezl’écoutez pas :
Ce qu’elle vous veut dire est une bagatelle ;
 
Et même, s’il le faut, je la dirai mieux qu’elle.</poem>
Ce qu'elle vous veut dire est une bagatelle ;
 
Et même, s'il le faut, je la dirai mieux qu'elle.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Dis donc. Agésilas...Agésilas…</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
M'aimait<poem>M’aimait jadis un peu.
Du moins lui-même à Sparte il m’en fit confidence ;
 
Et s’il me disait vrai, sa noble impatience
Du moins lui-même à Sparte il m'en fit confidence ;
De vous en demander l’aveu
 
N’attendait qu’après l’hyménée
Et s'il me disait vrai, sa noble impatience
 
De vous en demander l'aveu
 
N'attendait qu'après l'hyménée
 
De cette aimable et chère aînée.
Mais s’il attendait là que mon tour arrivé
 
Mais s'il attendait là que mon tour arrivé
 
Autorisât à ma conquête
La flamme qu’en réserve il tenait toute prête,
 
La flamme qu'en réserve il tenait toute prête,
 
Son amour est encore ici plus réservé ;
 
Et soit que dans Éphèse un autre objet me passe,
Soit que par complaisance il cède à son rival,
 
Soit que par complaisance il cède à son rival,
 
Il me fait à présent la grâce
De ne m’en dire bien ni mal.</poem>
 
De ne m'en dire bien ni mal.
 
{{Personnage|lysander|c}}
D'un<poem>D’un pareil changement ne cherche point la cause :
Sa haine pour ton père à cet amour s’oppose ;
Mais n’importe, il est bon que j’en sois averti.
J’agirai d’autre sorte avec cette lumière ;
Et suivant qu’aujourd’hui nous l’aurons plus entière,
Nous verrons à prendre parti.</poem>
 
{{scène|VII}}
Sa haine pour ton père à cet amour s'oppose ;
{{acteurs|Elpinice, Aglatide}}
 
Mais n'importe, il est bon que j'en sois averti.
J'agirai d'autre sorte avec cette lumière ;
 
Et suivant qu'aujourd'hui nous l'aurons plus entière,
 
Nous verrons à prendre parti.
 
{{scène|VII}} {{acteurs|Elpinice, Aglatide}}
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Ma soeursœur, je vous admire, et ne saurais comprendre
Cet inépuisable enjouement,
 
Qui d’un chagrin trop juste a de quoi vous défendre,
Cet inépuisable enjouement,
Quand vous êtes si près de vous voir sans amant.</poem>
 
Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous défendre,
 
Quand vous êtes si près de vous voir sans amant.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Il est aisé pourtant d'end’en deviner les causes.
Je sais comme il faut vivre, et m’en trouve fort bien.
 
La joie est bonne à mille choses,
Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien.
Mais le chagrin n’est bon à rien.
 
Ne perds-je pas assez, sans doubler l’infortune,
La joie est bonne à mille choses,
Et perdre encor le bien d’avoir l’esprit égal ?
 
Mais le chagrin n'est bon à rien.
 
Ne perds-je pas assez, sans doubler l'infortune,
 
Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit égal ?
 
Perte sur perte est importune,
Et je m’aime un peu trop pour me traiter si mal.
 
Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal.
Soupirer quand le sort nous rend une injustice,
C’est lui prêter une aide à nous faire un supplice.
 
C'est lui prêter une aide à nous faire un supplice.
 
Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir,
 
Le bien que je me veux met sa haine à pis faire.
Mais allons rejoindre mon père :
 
J’ai quelque chose encore à lui faire savoir.</poem>
Mais allons rejoindre mon père :
 
J'ai quelque chose encore à lui faire savoir.
 
{{acte|III}}
 
{{scène|I}}
{{acteurs|Agésilas, Lysander, Xénoclès}}
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Je ne suis point surpris qu'àqu’à ces deux hyménées
 
Vous refusiez, Seigneur, votre consentement :
J’aurais eu tort d’attendre un meilleur traitement
 
J'aurais eu tort d'attendre un meilleur traitement
 
Pour le sang odieux dont mes filles sont nées.
Il est le sang d’Hercule en elles comme en vous,
 
Il est le sang d'Hercule en elles comme en vous,
 
Et méritait par là quelque destin plus doux ;
Mais s’il vous peut donner un titre légitime,
 
Mais s'il vous peut donner un titre légitime,
 
Pour être leur maître et leur roi,
C’est pour l’une et pour l’autre une espèce de crime
 
Que de l’avoir reçu de moi.
C'est pour l'une et pour l'autre une espèce de crime
J’avais cru toutefois que l’exil volontaire
 
Où l’amour paternel près d’elles m’eût réduit,
Que de l'avoir reçu de moi.
 
J'avais cru toutefois que l'exil volontaire
 
Où l'amour paternel près d'elles m'eût réduit,
 
Moi qui de mes travaux ne vois plus autre fruit
Que le malheur de vous déplaire,
 
Que le malheur de vous déplaire,
 
Comme il délivrerait vos yeux
D’une insupportable présence,
 
D'une insupportable présence,
 
À mes jours presque usés obtiendrait la licence
D’aller finir sous d’autres cieux.
 
C’était là mon dessein ; mais cette même envie,
D'aller finir sous d'autres cieux.
 
C'était là mon dessein ; mais cette même envie,
 
Qui me fait près de vous un si malheureux sort,
Ne saurait endurer ni l’éclat de ma vie,
 
Ni l’obscurité de ma mort.</poem>
Ne saurait endurer ni l'éclat de ma vie,
 
Ni l'obscurité de ma mort.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ce n'estn’est pas d'aujourd'huid’aujourd’hui que l'enviel’envie et la haine
 
Ont persécuté les héros.
Hercule en sert d’exemple, et l’histoire en est pleine,
 
Nous ne pouvons souffrir qu’ils meurent en repos.
Hercule en sert d'exemple, et l'histoire en est pleine,
 
Nous ne pouvons souffrir qu'ils meurent en repos.
 
Cependant cet exil, ces retraites paisibles,
Cet unique souhait d’y terminer leurs jours,
 
Sont des mots bien choisis à remplir leurs discours :
Cet unique souhait d'y terminer leurs jours,
 
Sont des mots bien choisis à remplir leurs discours :
Ils ont toujours leur grâce, ils sont toujours plausibles ;
 
Mais ils ne sont pas vrais toujours ;
 
Et souvent des périls, ou cachés ou visibles,
 
Forcent notre prudence à nous mieux assurer
Qu’ils ne veulent se figurer.
 
Je ne m’étonne point qu’avec tant de lumières
Qu'ils ne veulent se figurer.
 
Je ne m'étonne point qu'avec tant de lumières
 
Vous ayez prévu mes refus ;
Mais je m’étonne fort que les ayant prévus,
 
Vous n’en ayez pu voir les raisons bien entières.
Mais je m'étonne fort que les ayant prévus,
Vous êtes un grand homme, et de plus mécontent :
 
J’avouerai plus encor, vous avez lieu de l’être.
Vous n'en ayez pu voir les raisons bien entières.
 
Vous êtes un grand homme, et de plus mécontent :
J'avouerai plus encor, vous avez lieu de l'être.
 
Ainsi de ce repos où votre ennui prétend
 
Je dois prévoir en roi quel désordre peut naître,
 
Et regarde en quels lieux il vous plaît de porter
Des chagrins qu’en leur temps on peut voir éclater.
 
Des chagrins qu'en leur temps on peut voir éclater.
 
Ceux que prend pour exil ou choisit pour asile
Ce dessein d’une mort tranquille,
 
Ce dessein d'une mort tranquille,
 
Des Perses et des Grecs séparent les états.
L’assiette en est heureuse, et l’accès difficile ;
 
Leurs maîtres ont du cœur, leurs peuples ont des bras ;
L'assiette en est heureuse, et l'accès difficile ;
 
Leurs maîtres ont du coeur, leurs peuples ont des bras ;
 
Ils viennent de nous joindre avec une puissance
À beaucoup espérer, à craindre beaucoup d’eux ;
 
Et c’est mettre en leurs mains une étrange balance,
À beaucoup espérer, à craindre beaucoup d'eux ;
 
Et c'est mettre en leurs mains une étrange balance,
 
Que de mettre à leur tête un guerrier si fameux.
C’est vous qui les donnez l’un et l’autre à la Grèce :
 
L’un fut ami du Perse, et l’autre son sujet.
C'est vous qui les donnez l'un et l'autre à la Grèce :
L'un fut ami du Perse, et l'autre son sujet.
 
Le service est bien grand, mais aussi je confesse
Qu’on peut ne pas bien voir tout le fond du projet.
 
Votre intérêt s’y mêle en les prenant pour gendres ;
Qu'on peut ne pas bien voir tout le fond du projet.
 
Votre intérêt s'y mêle en les prenant pour gendres ;
 
Et si par des liens et si forts et si tendres
Vous pouvez aujourd’hui les attacher à vous,
 
Vous pouvez aujourd'huivous les attacherdonnez àplus vous,qu’à nous.
 
Vous vous les donnez plus qu'à nous.
 
Si malgré le secours, si malgré les services
Qu’un ami doit à l’autre, un sujet à son roi,
 
Vous les avez tous deux arrachés à leur foi,
Qu'un ami doit à l'autre, un sujet à son roi,
 
Vous les avez tous deux arrachés à leur foi,
 
Sans aucun droit sur eux, sans aucuns bons offices,
 
Avec quelle facilité
N’immoleront-ils point une amitié nouvelle
 
N'immoleront-ils point une amitié nouvelle
 
À votre courage irrité,
Quand vous ferez agir toute l’autorité
 
De l’amour conjugale et de la paternelle,
Quand vous ferez agir toute l'autorité
Et que l’occasion aura d’heureux moments
 
De l'amour conjugale et de la paternelle,
 
Et que l'occasion aura d'heureux moments
 
Qui flattent vos ressentiments ?
 
Vous ne nous laissez aucun gage :
 
Votre sang tout entier passe avec vous chez eux.
Voyez donc ce projet comme je l’envisage,
 
Et dites si pour nous il n’a rien de douteux.
Voyez donc ce projet comme je l'envisage,
Vous avez jusqu’ici fait paraître un vrai zèle,
 
Un cœur si généreux, une âme si fidèle,
Et dites si pour nous il n'a rien de douteux.
Que par toute la Grèce on vous loue à l’envi ;
 
Vous avez jusqu'ici fait paraître un vrai zèle,
 
Un coeur si généreux, une âme si fidèle,
 
Que par toute la Grèce on vous loue à l'envi ;
 
Mais le temps quelquefois inspire une autre envie.
 
Comme vous, Thémistocle avait fort bien servi,
Et dans la cour de Perse il a fini sa vie.</poem>
 
Et dans la cour de Perse il a fini sa vie.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Si c'estc’est avec raison que je suis mécontent,
Si vous-même avouez que j’ai lieu de me plaindre,
 
Et si jusqu’à ce point on me croit important
Si vous-même avouez que j'ai lieu de me plaindre,
Et si jusqu'à ce point on me croit important
 
Que mes ressentiments puissent vous être à craindre,
 
Oserais-je vous demander
 
Ce que vous a fait Lysander
Pour leur donner ici chaque jour de quoi naître,
 
Seigneur ? Et s’il est vrai qu’un homme tel que moi,
Pour leur donner ici chaque jour de quoi naître,
Seigneur ? Et s'il est vrai qu'un homme tel que moi,
 
Quand il est mécontent, peut desservir son roi,
Pourquoi me forcez-vous à l’être ?
 
Quelque avis que je donne, il n’est point écouté ;
Pourquoi me forcez-vous à l'être ?
Quelque emploi que j’embrasse, il m’est soudain ôté :
 
Me choisir pour appui, c’est courir à sa perte.
Quelque avis que je donne, il n'est point écouté ;
Vous changez en tous lieux les ordres que j’ai mis ;
 
Et comme s’il fallait agir à guerre ouverte,
Quelque emploi que j'embrasse, il m'est soudain ôté :
Me choisir pour appui, c'est courir à sa perte.
 
Vous changez en tous lieux les ordres que j'ai mis ;
 
Et comme s'il fallait agir à guerre ouverte,
 
Vous détruisez tous mes amis,
 
Ces amis dont pour vous je gagnai les suffrages
 
Quand il fallut aux Grecs élire un général,
 
Eux qui vous ont soumis les plus nobles courages,
 
Et fait ce haut pouvoir qui leur est si fatal :
 
Leur seul amour pour moi les livre à leur ruine ;
Il leur coûte l’honneur, l’autorité, le bien ;
 
Cependant plus j’y songe, et plus je m’examine,
Il leur coûte l'honneur, l'autorité, le bien ;
Moins je trouve, Seigneur, à me reprocher rien.</poem>
 
Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine,
 
Moins je trouve, Seigneur, à me reprocher rien.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Dites tout : vous avez la mémoire trop bonne
 
Pour avoir oublié que vous me fîtes roi,
Lorsqu’on balança ma couronne
 
Lorsqu'on balança ma couronne
 
Entre Léotychide et moi.
Peut-être n’osez-vous me vanter un service
 
Peut-être n'osez-vous me vanter un service
 
Qui ne me rendit que justice,
Puisque nos lois voulaient ce qu’il sut maintenir ;
 
Mais moi qui l’ai reçu, je veux m’en souvenir.
Puisque nos lois voulaient ce qu'il sut maintenir ;
Vous m’avez donc fait roi, vous m’avez de la Grèce
 
Mais moi qui l'ai reçu, je veux m'en souvenir.
 
Vous m'avez donc fait roi, vous m'avez de la Grèce
 
Contre celui de Perse établi général ;
Et quand je sens dans l’âme une ardeur qui me presse
 
De ne m’en revancher pas mal,
Et quand je sens dans l'âme une ardeur qui me presse
À peine sommes-nous arrivés dans Éphèse,
 
Où de nos alliés j’ai mis le rendez-vous,
De ne m'en revancher pas mal,
Que sans considérer si j’en serai jaloux,
 
Ou s’il se peut que je m’en taise,
À peine sommes-nous arrivés dans Éphèse,
 
Où de nos alliés j'ai mis le rendez-vous,
 
Que sans considérer si j'en serai jaloux,
 
Ou s'il se peut que je m'en taise,
 
Vous vous saisissez par vos mains
De plus que votre récompense ;
 
De plus que votre récompense ;
 
Et tirant toute à vous la suprême puissance,
 
Vous me laissez des titres vains.
On s’empresse à vous voir, on s’efforce à vous plaire ;
 
On croit lire en vos yeux ce qu’il faut qu’on espère ;
On s'empresse à vous voir, on s'efforce à vous plaire ;
 
On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espère ;
 
On pense avoir tout fait quand on vous a parlé.
 
Mon palais près du vôtre est un lieu désolé ;
 
Et le généralat comme le diadème
M’érige sous votre ordre en fantôme éclatant,
 
En colosse d’état qui de vous seul attend
M'érige sous votre ordre en fantôme éclatant,
L’âme qu’il n’a pas de lui-même,
 
En colosse d'état qui de vous seul attend
 
L'âme qu'il n'a pas de lui-même,
 
Et que vous seul faites aller
 
Où pour vos intérêts il le faut étaler.
 
Général en idée, et monarque en peinture,
 
De ces illustres noms pourrais-je faire cas
S’il les fallait porter moins comme Agésilas
 
S'il les fallait porter moins comme Agésilas
 
Que comme votre créature,
 
Et montrer avec pompe au reste des humains
En ma propre grandeur l’ouvrage de vos mains ?
 
Si vous m’avez fait roi, Lysander, je veux l’être.
En ma propre grandeur l'ouvrage de vos mains ?
Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon maître ;
 
Si vous m'avez fait roi, Lysander, je veux l'être.
 
Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon maître ;
 
Mais ne prétendez plus partager avec moi
Ni la puissance ni l’emploi.
 
Si vous croyez qu’un sceptre accable qui le porte,
Ni la puissance ni l'emploi.
À moins qu’il prenne une aide à soutenir son poids,
 
Si vous croyez qu'un sceptre accable qui le porte,
 
À moins qu'il prenne une aide à soutenir son poids,
 
Laissez discerner à mon choix
Quelle main à m’aider pourrait être assez forte.
 
Quelle main à m'aider pourrait être assez forte.
 
Vous aurez bonne part à des emplois si doux,
Quand vous pourrez m’en laisser faire ;
 
Mais soyez sûr aussi d’un succès tout contraire,
Quand vous pourrez m'en laisser faire ;
 
Mais soyez sûr aussi d'un succès tout contraire,
 
Tant que vous ne voudrez les tenir que de vous.
Je passe à vos amis qu’il m’a fallu détruire.
 
Je passe à vos amis qu'il m'a fallu détruire.
 
Si dans votre vrai rang je voulais vous réduire,
Et d’un pouvoir surpris saper les fondements,
 
Et d'un pouvoir surpris saper les fondements,
 
Ils étaient tout à vous ; et par reconnaissance
D’en avoir reçu leur puissance,
 
D'en avoir reçu leur puissance,
 
Ils ne considéraient que vos commandements.
 
Vous seul les aviez faits souverains dans leurs villes,
Et j’y verrais encor mes ordres inutiles,
 
À moins que d’avoir mis leur tyrannie à bas,
Et j'y verrais encor mes ordres inutiles,
 
À moins que d'avoir mis leur tyrannie à bas,
 
Et changé comme vous la face des états.
 
Chez tous nos Grecs asiatiques
 
Votre pouvoir naissant trouva des républiques,
 
Que sous votre cabale il vous plut asservir :
 
La vieille liberté, si chère à leurs ancêtres,
Y fut partout forcée à recevoir dix maîtres ;
 
Et dès qu’on murmurait de se la voir ravir,
Y fut partout forcée à recevoir dix maîtres ;
 
Et dès qu'on murmurait de se la voir ravir,
 
On voyait par votre ordre immoler les plus braves
À l’empire de vos esclaves.
 
J’ai tiré de ce joug les peuples opprimés :
À l'empire de vos esclaves.
En leur premier état j’ai remis toutes choses ;
 
Et la gloire d’agir par de plus justes causes
J'ai tiré de ce joug les peuples opprimés :
 
En leur premier état j'ai remis toutes choses ;
 
Et la gloire d'agir par de plus justes causes
 
A produit des effets plus doux et plus aimés.
J’ai fait, à votre exemple, ici des créatures,
 
J'ai fait, à votre exemple, ici des créatures,
 
Mais sans verser de sang, sans causer de murmures ;
Et comme vos tyrans prenaient de vous la loi,
 
Et comme vos tyrans prenaient de vous la loi,
 
Comme ils étaient à vous, les peuples sont à moi.
 
Voilà quelles raisons ôtent à vos services
Ce qu’ils vous semblent mériter,
 
Ce qu'ils vous semblent mériter,
 
Et colorent ces injustices
 
Dont vous avez raison de vous mécontenter.
Si d’abord elles ont quelque chose d’étrange,
 
Repassez-les deux fois au fond de votre cœur ;
Si d'abord elles ont quelque chose d'étrange,
Changez, si vous pouvez, de conduite et d’humeur ;
 
Mais n’espérez pas que je change.</poem>
Repassez-les deux fois au fond de votre coeur ;
 
Changez, si vous pouvez, de conduite et d'humeur ;
 
Mais n'espérez pas que je change.
 
{{Personnage|lysander|c}}
S'il<poem>S’il ne m'estm’est pas permis d'espérerd’espérer rien de tel,
 
Du moins, grâces aux dieux, je ne vois dans vos plaintes
Que des raisons d’état et de jalouses craintes,
 
Que des raisons d'état et de jalouses craintes,
 
Qui me font malheureux, et non pas criminel.
 
Non, Seigneur, que je veuille être assez téméraire
Pour oser d’injustice accuser mes malheurs :
 
L’action la plus belle a diverses couleurs ;
Pour oser d'injustice accuser mes malheurs :
Et lorsqu’un roi prononce, un sujet doit se taire.
 
L'action la plus belle a diverses couleurs ;
 
Et lorsqu'un roi prononce, un sujet doit se taire.
 
Je voudrais seulement vous faire souvenir
Que j’ai près de trente ans commandé nos armées
 
Que j'ai près de trente ans commandé nos armées
 
Sans avoir amassé que ces nobles fumées
 
Qui gardent les noms de finir.
Sparte, pour qui j’allais de victoire en victoire,
 
M’a toujours vu pour fruit n’en vouloir que la gloire,
Sparte, pour qui j'allais de victoire en victoire,
 
M'a toujours vu pour fruit n'en vouloir que la gloire,
 
Et faire en son épargne entrer tous les trésors
 
Des peuples subjugués par mes heureux efforts.
Vous-même le savez, que quoi qu’on m’ait vu faire,
 
Mes filles n’ont pour dot que le nom de leur père ;
Vous-même le savez, que quoi qu'on m'ait vu faire,
Tant il est vrai, Seigneur, qu’en un si long emploi
 
J’ai tout fait pour l’état, et n’ai rien fait pour moi.
Mes filles n'ont pour dot que le nom de leur père ;
Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate,
 
L’un roi, l’autre en pouvoir égal peut-être aux rois,
Tant il est vrai, Seigneur, qu'en un si long emploi
M’ont assez estimé pour y borner leur choix ;
 
J'ai tout fait pour l'état, et n'ai rien fait pour moi.
 
Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate,
 
L'un roi, l'autre en pouvoir égal peut-être aux rois,
 
M'ont assez estimé pour y borner leur choix ;
 
Et quand de les pourvoir un doux espoir me flatte,
Vous semblez m’envier un bien
 
Qui fait ma récompense, et ne vous coûte rien.</poem>
Vous semblez m'envier un bien
 
Qui fait ma récompense, et ne vous coûte rien.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Il nous serait honteux que des mains étrangères
 
Vous payassent pour nous de ce qui vous est dû.
 
Tôt ou tard le mérite a ses justes salaires,
 
Et son prix croît souvent, plus il est attendu.
D’ailleurs n’aurait-on pas quelque lieu de vous dire,
 
Si je vous permettais d’accepter ces partis,
D'ailleurs n'aurait-on pas quelque lieu de vous dire,
Qu’amenant avec nous Spitridate et Cotys,
 
Si je vous permettais d'accepter ces partis,
 
Qu'amenant avec nous Spitridate et Cotys,
 
Vous auriez fait pour vous plus que pour notre empire ?
 
Que vos seuls intérêts vous auraient fait agir ?
Et pourriez-vous enfin l’entendre sans rougir ?
 
Vos filles sont d’un sang que Sparte aime et révère
Et pourriez-vous enfin l'entendre sans rougir ?
Assez pour les payer des services d’un père.
 
Vos filles sont d'un sang que Sparte aime et révère
 
Assez pour les payer des services d'un père.
 
Je veux bien en répondre, et moi-même au besoin
J’en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin.</poem>
 
J'en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Je n'attendaisn’attendais, Seigneur, qu'unqu’un mot si favorable
Pour finir envers vous mes importunités ;
Et je ne craindrai plus qu’aucun malheur m’accable,
 
Et je ne craindrai plus qu'aucun malheur m'accable,
 
Puisque vous avez ces bontés.
Aglatide surtout aura l’âme ravie
 
De perdre un époux à ce prix ;
Aglatide surtout aura l'âme ravie
 
De perdre un époux à ce prix ;
 
Et moi, pour me venger de vos plus durs mépris,
Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie.</poem>
 
{{scène|II}}
Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie.
{{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{scène|II}} {{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
D'un<poem>D’un peu d'amourd’amour que j'eusj’eus Aglatide a parlé :
Son père qui l’a su dans son âme s’en flatte ;
 
Son père qui l'a su dans son âme s'en flatte ;
 
Et sur ce vain espoir il part tout consolé
Du refus que j’en fais aux vœux de Spitridate :
 
Tu l’as vu, Xénoclès, tout d’un coup s’adoucir.</poem>
Du refus que j'en fais aux voeux de Spitridate :
 
Tu l'as vu, Xénoclès, tout d'un coup s'adoucir.
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Oui ; mais enfin, Seigneur, il est temps de le dire,
Tout soumis qu’il paraît, apprenez qu’il conspire,
 
Tout soumis qu'il paraît, apprenez qu'il conspire,
 
Et par où sa vengeance espère y réussir.
Ce confident choisi, Cléon d’Halicarnasse,
 
Dont l’éloquence a tant d’éclat,
Ce confident choisi, Cléon d'Halicarnasse,
Lui vend une harangue à renverser l’état,
 
Dont l'éloquence a tant d'éclat,
 
Lui vend une harangue à renverser l'état,
 
Et le mettre bientôt lui-même en votre place.
En voici la copie, et je la viens d’avoir
 
D’un des siens sur qui l’or me donne tout pouvoir,
En voici la copie, et je la viens d'avoir
De l’esclave Damis, qui sert de secrétaire
 
D'un des siens sur qui l'or me donne tout pouvoir,
 
De l'esclave Damis, qui sert de secrétaire
 
À cet orateur mercenaire,
 
Et plus mercenaire que lui,
Pour être mieux payé vous les livre aujourd’hui.
 
Pour être mieux payé vous les livre aujourd'hui.
On y soutient, Seigneur, que notre république
 
Va bientôt voir ses rois devenir ses tyrans,
À moins que d’en choisir de trois ans en trois ans,
 
Et non plus suivant l’ordre antique
À moins que d'en choisir de trois ans en trois ans,
Qui règle ce choix par le sang ;
 
Mais qu’indifféremment elle doit à ce rang
Et non plus suivant l'ordre antique
 
Qui règle ce choix par le sang ;
 
Mais qu'indifféremment elle doit à ce rang
 
Élever le mérite et les rares services.
J’ignore quels sont les complices ;
 
Mais il pourra d’Éphèse écrire à ses amis ;
J'ignore quels sont les complices ;
 
Mais il pourra d'Éphèse écrire à ses amis ;
 
Et soudain le paquet entre vos mains remis
 
Vous instruira de toutes choses.
Cependant j’ai fait mon devoir.
 
Cependant j'ai fait mon devoir.
 
Vous voyez le dessein, vous en savez les causes ;
Votre perte en dépend : c’est à vous d’y pourvoir.</poem>
 
Votre perte en dépend : c'est à vous d'y pourvoir.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>A te dire le vrai, l'affairel’affaire m'embarrassem’embarrasse ;
J’ai peine à démêler ce qu’il faut que je fasse,
 
J'ai peine à démêler ce qu'il faut que je fasse,
 
Tant la confusion de mes raisonnements
 
Étonne mes ressentiments.
Lysander m’a servi : j’aurais une âme ingrate
 
Si je méconnaissais ce que je tiens de lui ;
Lysander m'a servi : j'aurais une âme ingrate
Il a servi l’état, et si son crime éclate,
 
Il y trouvera de l’appui.
Si je méconnaissais ce que je tiens de lui ;
 
Il a servi l'état, et si son crime éclate,
 
Il y trouvera de l'appui.
 
Je sens que ma reconnaissance
Ne cherche qu’un moyen de le mettre à couvert ;
 
Mais enfin il y va de toute ma puissance :
Ne cherche qu'un moyen de le mettre à couvert ;
 
Mais enfin il y va de toute ma puissance :
 
Si je ne le perds, il me perd.
Ce que veut l’intérêt, la prudence ne l’ose ;
 
Ce que veut l'intérêt, la prudence ne l'ose ;
 
Tu peux juger par là du désordre où je suis.
Je vois qu’il faut le perdre ; et plus je m’y dispose,
 
Je vois qu'il faut le perdre ; et plus je m'y dispose,
 
Plus je doute si je le puis.
 
Sparte est un état populaire,
Qui ne donne à ses rois qu’un pouvoir limité :
 
Qui ne donne à ses rois qu'un pouvoir limité :
 
On peut y tout dire et tout faire
 
Sous ce grand nom de liberté.
Si je suis souverain en tête d’une armée,
 
Je n’ai que ma voix au sénat ;
Si je suis souverain en tête d'une armée,
 
Je n'ai que ma voix au sénat ;
 
Il faut y rendre compte ; et tant de renommée
 
Y peut avoir déjà quelque ligue formée
Pour autoriser l’attentat.
 
Ce prétexte flatteur de la cause publique,
Pour autoriser l'attentat.
 
Ce prétexte flatteur de la cause publique,
 
Dont il le couvrira, si je le mets au jour,
 
Tournera bien des yeux vers cette politique
 
Qui met chacun en droit de régner à son tour.
Cet espoir y pourra toucher plus d’un courage ;
 
Et quand sur Lysander j’aurai fait choir l’orage,
Cet espoir y pourra toucher plus d'un courage ;
 
Et quand sur Lysander j'aurai fait choir l'orage,
Mille autres, comme lui jaloux ou mécontents,
Se promettront plus d’heur à mieux choisir leur temps.
 
Ainsi de toutes parts le péril m’environne :
Se promettront plus d'heur à mieux choisir leur temps.
Si je veux le punir, j’expose ma couronne ;
 
Et si je lui fais grâce, ou veux dissimuler,
Ainsi de toutes parts le péril m'environne :
Je dois craindre…</poem>
 
Si je veux le punir, j'expose ma couronne ;
 
Et si je lui fais grâce, ou veux dissimuler,
 
Je dois craindre...
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Cotys, Seigneur, vous veut parler.</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Voyons quelle est sa flamme, avant que de résoudre
S’il nous faudra lancer ou retenir la foudre.</poem>
 
{{scène|III}}
S'il nous faudra lancer ou retenir la foudre.
{{acteurs|Agésilas, Cotys, Xénoclès}}
 
{{scène|III}} {{acteurs|Agésilas, Cotys, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Si vous n'êtesn’êtes, Seigneur, plus mon ami qu'amantqu’amant,
Vous me voudrez du mal avec quelque justice ;
 
Mais vous m’êtes trop cher, pour souffrir aisément
Vous me voudrez du mal avec quelque justice ;
Que vous vous attachiez au père d’Elpinice :
 
Non qu’entre un si grand homme et moi
Mais vous m'êtes trop cher, pour souffrir aisément
Ce qu’on voit de froideur prépare aucune haine ;
 
Mais c’est assez pour voir cet hymen avec peine
Que vous vous attachiez au père d'Elpinice :
Qu’un sujet déplaise à son roi.
 
D’ailleurs je n’ai pas cru votre âme fort éprise :
Non qu'entre un si grand homme et moi
Sans l’avoir jamais vue, elle vous fut promise ;
 
Et la foi qui ne tient qu’à la raison d’état
Ce qu'on voit de froideur prépare aucune haine ;
Souvent n’est qu’un devoir qui gêne, tyrannise,
 
Et fait sur tout le cœur un secret attentat.</poem>
Mais c'est assez pour voir cet hymen avec peine
 
Qu'un sujet déplaise à son roi.
 
D'ailleurs je n'ai pas cru votre âme fort éprise :
 
Sans l'avoir jamais vue, elle vous fut promise ;
 
Et la foi qui ne tient qu'à la raison d'état
 
Souvent n'est qu'un devoir qui gêne, tyrannise,
 
Et fait sur tout le coeur un secret attentat.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Seigneur, la personne est aimable :
Je promis de l’aimer avant que de la voir,
 
Je promis de l'aimer avant que de la voir,
 
Et sentis à sa vue un accord agréable
Entre mon cœur et mon devoir.
 
Entre mon coeur et mon devoir.
 
La froideur toutefois que vous montrez au père
M’en donne un peu pour elle, et me la rend moins chère :
 
Non que j’ose après vos refus
M'en donne un peu pour elle, et me la rend moins chère :
Vous assurer encor que je ne l’aime plus.
 
Comme avec ma parole il nous fallait la vôtre,
Non que j'ose après vos refus
 
Vous assurer encor que je ne l'aime plus.
 
Comme avec ma parole il nous fallait la vôtre,
 
Vous dégagez ma foi, mon devoir, mon honneur ;
Mais si vous en voulez dégager tout mon cœur,
 
Il faut l’engager à quelque autre.</poem>
Mais si vous en voulez dégager tout mon coeur,
 
Il faut l'engager à quelque autre.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Choisissez, choisissez, et s'ils’il est quelque objet
À Sparte, ou dans toute la Grèce,
 
Qui puisse de ce cœur mériter la tendresse,
À Sparte, ou dans toute la Grèce,
Tenez-vous sûr d’un prompt effet.
 
En est-il qui vous touche ? En est-il qui vous plaise ?</poem>
Qui puisse de ce coeur mériter la tendresse,
 
Tenez-vous sûr d'un prompt effet.
 
En est-il qui vous touche ? En est-il qui vous plaise ?
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Il en est, oui, Seigneur, il en est dans Éphèse ;
Et pour faire en ce cœur naître un nouvel amour,
 
Et pour faire en ce coeur naître un nouvel amour,
 
Il ne faut point aller plus loin que votre cour :
L’éclat et les vertus de l’illustre Mandane…</poem>
 
L'éclat et les vertus de l'illustre Mandane...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Que dites-vous, Seigneur ? Et quel est ce désir ?
 
Quand par toute la Grèce on vous donne à choisir,
Vous choisissez une Persane !
 
Vous choisissez une Persane !
 
Pensez-y bien, de grâce, et ne nous forcez pas,
 
Nous qui vous aimons, à connaître
Que pressé d’un amour, qui ne vient pas de naître,
 
Vous ne venez à moi que pour suivre ses pas.</poem>
Que pressé d'un amour, qui ne vient pas de naître,
 
Vous ne venez à moi que pour suivre ses pas.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Mon amour en ces lieux ne cherchait qu'Elpinicequ’Elpinice ;
 
Mes yeux ont rencontré Mandane par hasard ;
 
Et quand ce même amour, de vos froideurs complice,
S’est voulu pour vous plaire attacher autre part,
 
S'est voulu pour vous plaire attacher autre part,
 
Les siens ont attiré toute la déférence
Que j’ai cru devoir rendre à votre aversion ;
 
Et je l’ai regardée, après votre alliance,
Que j'ai cru devoir rendre à votre aversion ;
 
Et je l'ai regardée, après votre alliance,
 
Bien moins Persane de naissance
Que Grecque par adoption.</poem>
 
Que Grecque par adoption.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ce sont subtilités que l'amourl’amour vous suggère,
 
Dont nous voyons pour nous les succès incertains.
Ne pourriez-vous, Seigneur, d'uned’une amitié si chère
 
Mettre le grand dépôt en de plus sûres mains ?
 
Pausanias et moi nous avons des parentes ;
 
Et jamais un vrai roi ne fait un digne choix
S’il ne s’allie au sang des rois.</poem>
 
S'il ne s'allie au sang des rois.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Quand on aime, on se fait des règles différentes.
 
Spitridate a du nom et de la qualité ;
Sans trône, il a d’un roi le pouvoir en partage ;
 
Sans trône, il a d'un roi le pouvoir en partage ;
 
Votre Grèce en reçoit un pareil avantage ;
Et le sang n’y met pas tant d’inégalité,
 
Que l’amour où sa sœur m’engage
Et le sang n'y met pas tant d'inégalité,
 
Que l'amour où sa soeur m'engage
 
Ravale fort ma dignité.
Se peut-il qu’en l’aimant ma gloire se hasarde
 
Après l’exemple d’un grand roi,
Se peut-il qu'en l'aimant ma gloire se hasarde
Qui, tout grand roi qu’il est, l’estime et la regarde
 
Après l'exemple d'un grand roi,
 
Qui, tout grand roi qu'il est, l'estime et la regarde
 
Avec les mêmes yeux que moi ?
Si ce bruit n’est point faux, mon mal est sans remède ;
 
Car enfin c’est un roi dont il me faut l’appui.
Si ce bruit n'est point faux, mon mal est sans remède ;
 
Car enfin c'est un roi dont il me faut l'appui.
 
Adieu, Seigneur : je la lui cède,
Mais je ne la cède qu’à lui.</poem>
 
{{scène|IV}}
Mais je ne la cède qu'à lui.
{{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{scène|IV}} {{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
D'où<poem>D’où sait-il, Xénoclès, d'oùd’où sait-il que je l'aimel’aime ?
Je ne l’ai dit qu’à toi : m’aurais-tu découvert ?</poem>
 
Je ne l'ai dit qu'à toi : m'aurais-tu découvert ?
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Si j'osej’ose vous parler, Seigneur, à coeurcœur ouvert,
 
Il ne le sait que de vous-même.
L’éclat de ces faveurs dont vous enveloppez
 
L'éclat de ces faveurs dont vous enveloppez
 
De votre faux secret le chatouilleux mystère,
 
Dit si haut, malgré vous, ce que vous pensez taire,
 
Que vous êtes ici le seul que vous trompez.
De si brillants dehors font un grand jour dans l’âme ;
 
Et quelque illusion qui puisse vous flatter,
De si brillants dehors font un grand jour dans l'âme ;
 
Et quelque illusion qui puisse vous flatter,
 
Plus ils déguisent votre flamme,
Plus au travers du voile ils la font éclater.</poem>
 
Plus au travers du voile ils la font éclater.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Quoi ? La civilité, l'accueill’accueil, la déférence,
 
Ce que pour le beau sexe on a de complaisance,
Ce qu’on lui rend d’honneur, tout passe pour amour ?</poem>
 
Ce qu'on lui rend d'honneur, tout passe pour amour ?
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Il est bien malaisé qu'auxqu’aux yeux de votre cour
 
Il passe pour indifférence ;
Et c’est l’en avouer assez ouvertement
 
Que refuser Mandane aux vœux d’un autre amant.
Et c'est l'en avouer assez ouvertement
Mais qu’importe après tout ? Si du plus grand courage
 
Le vrai mérite a droit d’attendre un plein hommage,
Que refuser Mandane aux voeux d'un autre amant.
Serait-il honteux de l’aimer ?</poem>
 
Mais qu'importe après tout ? Si du plus grand courage
 
Le vrai mérite a droit d'attendre un plein hommage,
 
Serait-il honteux de l'aimer ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Non, et même avec gloire on s'ens’en laisse charmer ;
Mais un roi, que son trône à d’autres soins engage,
 
Doit n’aimer qu’autant qu’il lui plaît
Mais un roi, que son trône à d'autres soins engage,
Et que de sa grandeur y consent l’intérêt.
 
Doit n'aimer qu'autant qu'il lui plaît
 
Et que de sa grandeur y consent l'intérêt.
 
Vois donc si ma peine est légère :
Sparte ne permet point aux fils d’une étrangère
 
Sparte ne permet point aux fils d'une étrangère
 
De porter son sceptre en leur main ;
Cependant à mes yeux Mandane a su trop plaire ;
 
Cependant à mes yeux Mandane a su trop plaire ;
 
Je veux cacher ma flamme, et je le veux en vain.
Empêcher son hymen, c’est lui faire injustice ;
 
L’épouser, c’est blesser nos lois ;
Empêcher son hymen, c'est lui faire injustice ;
Et même il n’est pas sûr que j’emporte son choix.
 
La donner à Cotys, c’est me faire un supplice ;
L'épouser, c'est blesser nos lois ;
M’opposer à ses vœux, c’est le joindre au parti
 
Et même il n'est pas sûr que j'emporte son choix.
 
La donner à Cotys, c'est me faire un supplice ;
 
M'opposer à ses voeux, c'est le joindre au parti
 
Que déjà contre moi Lysander a pu faire ;
Et s’il a le bonheur de ne lui pas déplaire,
 
J’en recevrai peut-être un honteux démenti.
Et s'il a le bonheur de ne lui pas déplaire,
Que ma confusion, que mon trouble est extrême !
 
Je me défends d’aimer, et j’aime ;
J'en recevrai peut-être un honteux démenti.
Et je sens tout mon cœur balancé nuit et jour
 
Entre l’orgueil du diadème
Que ma confusion, que mon trouble est extrême !
Et les doux espoirs de l’amour.
 
En qualité de roi, j’ai pour ma gloire à craindre ;
Je me défends d'aimer, et j'aime ;
En qualité d’amant, je vois mon sort à plaindre :
 
Mon trône avec mes vœux ne souffre aucun accord,
Et je sens tout mon coeur balancé nuit et jour
 
Entre l'orgueil du diadème
 
Et les doux espoirs de l'amour.
 
En qualité de roi, j'ai pour ma gloire à craindre ;
En qualité d'amant, je vois mon sort à plaindre :
 
Mon trône avec mes voeux ne souffre aucun accord,
 
Et ce que je me dois me reproche sans cesse
 
Que je ne suis pas assez fort
Pour triompher de ma faiblesse.</poem>
 
Pour triompher de ma faiblesse.
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Toutefois il est temps ou de vous déclarer,
Ou de céder l’objet qui vous fait soupirer.</poem>
 
Ou de céder l'objet qui vous fait soupirer.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Le plus sûr, Xénoclès, n'estn’est pas le plus facile.
Cherche-moi Spitridate, et l’amène en ce lieu ;
 
Et nous verrons après s’il n’est point de milieu
Cherche-moi Spitridate, et l'amène en ce lieu ;
Entre le charmant et l’utile.</poem>
 
Et nous verrons après s'il n'est point de milieu
Entre le charmant et l'utile.
 
{{acte|IV}}
 
{{scène|I}}
{{acteurs|Spitridate, Elpinice}}
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Agésilas me mande ; il est temps d'éclaterd’éclater.
 
Que me permettez-vous, Madame, de lui dire ?
M’en désavouerez-vous si j’ose me vanter
 
Que c’est pour vous que je soupire,
M'en désavouerez-vous si j'ose me vanter
 
Que c'est pour vous que je soupire,
 
Que je crois mes soupirs assez bien écoutés
Pour vous fermer le cœur et l’oreille à tous autres,
 
Pour vous fermer le coeur et l'oreille à tous autres,
 
Et que dans vos regards je vois quelques bontés
Qui semblent m’assurer des vôtres ?</poem>
 
Qui semblent m'assurer des vôtres ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Que servirait, Seigneur, de vous y hasarder ?
Suis-je moins que ma sœur fille de Lysander ?
 
Et la raison d’état qui rompt votre hyménée
Suis-je moins que ma soeur fille de Lysander ?
Regarde-t-elle plus la jeune que l’aînée ?
 
S’il n’eût point à Cotys refusé votre sœur,
Et la raison d'état qui rompt votre hyménée
J’eusse osé présumer qu’il eût aimé la mienne ;
 
Et m’aurais dit moi-même, avec quelque douceur :
Regarde-t-elle plus la jeune que l'aînée ?
« Il se l’est réservée, et veut bien qu’on m’obtienne. »
 
S'il n'eût point à Cotys refusé votre soeur,
 
J'eusse osé présumer qu'il eût aimé la mienne ;
 
Et m'aurais dit moi-même, avec quelque douceur :
 
" Il se l'est réservée, et veut bien qu'on m'obtienne. "
 
Mais il aime Mandane ; et ce prince, jaloux
 
De ce que peut ici le grand nom de mon père,
N’a pour lui qu’une haine obstinée et sévère
 
Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous.</poem>
N'a pour lui qu'une haine obstinée et sévère
 
Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
Puisqu'il<poem>Puisqu’il aime ma soeursœur, cet amour est un gage
 
Qui me répond de son suffrage :
 
Ses désirs prendront loi de mes propres désirs ;
 
Et son feu pour les satisfaire
N’a pas moins besoin de me plaire,
 
Que j’en ai de lui voir approuver mes soupirs.
N'a pas moins besoin de me plaire,
 
Que j'en ai de lui voir approuver mes soupirs.
 
Madame, on est bien fort quand on parle soi-même,
Et qu'onqu’on peut dire au souverain :
" J’aime et je suis aimé, vous aimez comme j’aime ;
 
Achevez mon bonheur, j’ai le vôtre en ma main. "</poem>
" J'aime et je suis aimé, vous aimez comme j'aime ;
Achevez mon bonheur, j'ai le vôtre en ma main. "
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Vous ne songez qu'àqu’à vous, et dans votre âme éprise
Vos vœux se tiennent sûrs d’un prompt et plein effet.
 
Vos voeux se tiennent sûrs d'un prompt et plein effet.
 
Mais que fera Cotys, à qui je suis promise ?
Me rendra-t-il ma foi s’il n’est point satisfait ?</poem>
 
Me rendra-t-il ma foi s'il n'est point satisfait ?
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>La perte de ma soeursœur lui servira de guide
À tourner ses désirs du côté d’Aglatide.
 
D’ailleurs que pourra-t-il, si contre Agésilas
À tourner ses désirs du côté d'Aglatide.
Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas ?</poem>
 
D'ailleurs que pourra-t-il, si contre Agésilas
 
Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Il a parole de mon père
Que vous n’obtiendrez rien à moins qu’il soit content ;
 
Et mon père n’est pas un esprit inconstant
Que vous n'obtiendrez rien à moins qu'il soit content ;
 
Et mon père n'est pas un esprit inconstant
 
Qui donne une parole incertaine et légère.
Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien:
 
Cotys aura Mandane, ou vous n’obtiendrez rien.</poem>
Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien :
 
Cotys aura Mandane, ou vous n'obtiendrez rien.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Dites, dites un mot, et ma flamme enhardie...enhardie…</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Que voulez-vous que je vous dise ?
Je suis sujette et fille, et j’ai promis ma foi;
 
Je suisdépends sujetted’un et filleamant, et j'aid’un promispère, maet foid’un ;roi.</poem>
 
Je dépends d'un amant, et d'un père, et d'un roi.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
N'importe<poem>N’importe, ce grand mot produirait des miracles.
Un amant avoué renverse tous obstacles :
 
Tout lui devient possible, il fléchit les parents,
 
Triomphe des rivaux, et brave les tyrans.
Dites donc, m’aimez-vous ?</poem>
 
Dites donc, m'aimez-vous ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Que ma soeursœur est heureuse.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Quand mon amour pour vous la laisse sans amant.
 
Son destin est-il si charmant
Que vous en soyez envieuse ?</poem>
 
Que vous en soyez envieuse ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Elle est indifférente, et ne s'attaches’attache à rien.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Et vous ?</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Que n'ain’ai-je un coeurcœur qui soit comme le sien !</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Le vôtre est-il moins insensible ?</poem>
 
{{Personnage|elpinice|c}}
S'il<poem>S’il ne tenait qu'àqu’à lui que tout vous fût possible,
Le devoir et l’amour…</poem>
 
Le devoir et l'amour...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ah ! Madame, achevez :
Le devoir et l’amour, que vous feraient-ils faire ?</poem>
 
Le devoir et l'amour, que vous feraient-ils faire ?
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Voyez le roi, voyez Cotys, voyez mon père :
Fléchissez, triomphez, bravez,
 
Seigneur, mais laissez-moi me taire.</poem>
Fléchissez, triomphez, bravez,
 
Seigneur, mais laissez-moi me taire.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Venez, ma soeursœur, venez aider mes tristes feux
À combattre un injuste et rigoureux silence.</poem>
 
À combattre un injuste et rigoureux silence.
 
{{Personnage|elpinice|c}}
<poem>Hélas ! Il est si bien de leur intelligence,
Qu’il vous dit plus que je ne veux.
 
J’en dois rougir. Adieu : voyez avec Madame
Qu'il vous dit plus que je ne veux.
 
J'en dois rougir. Adieu : voyez avec Madame
 
Le moyen le plus propre à servir votre flamme.
 
Des trois dont je dépens elle peut tout sur deux :
L’un hautement l’adore, et l’autre au fond de l’âme ;
Et son destin lui-même, ainsi que notre sort,
Dépend de les mettre d’accord.</poem>
 
{{scène|II}}
L'un hautement l'adore, et l'autre au fond de l'âme ;
{{acteurs|Spitridate, Mandane}}
 
Et son destin lui-même, ainsi que notre sort,
 
Dépend de les mettre d'accord.
 
{{scène|II}} {{acteurs|Spitridate, Mandane}}
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Il est temps de résoudre avec quel artifice
 
Vous pourrez en venir à bout,
Vous, ma sœur, qui tantôt me répondiez de tout,
 
Si j’avais le cœur d’Elpinice.
Vous, ma soeur, qui tantôt me répondiez de tout,
Il est à moi ce cœur, son silence le dit,
 
Si j'avais le coeur d'Elpinice.
 
Il est à moi ce coeur, son silence le dit,
 
Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste ;
Et si je n’obtiens pas le reste,
 
Vous manquez de parole, ou du moins de crédit.</poem>
Et si je n'obtiens pas le reste,
 
Vous manquez de parole, ou du moins de crédit.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Si le don de ma main vous peut donner la sienne,
Je vous sacrifierai tout ce que j'aij’ai promis ;
Mais vous, répondez-vous que ce don vous l’obtienne,
 
Et qu’il mette d’accord de si fiers ennemis ?
Mais vous, répondez-vous que ce don vous l'obtienne,
 
Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis ?
 
Le roi, qui vous refuse à Lysander pour gendre,
Y consentira-t-il si vous m’offrez à lui ?
 
Et s’il peut à ce prix le permettre aujourd’hui,
Y consentira-t-il si vous m'offrez à lui ?
 
Et s'il peut à ce prix le permettre aujourd'hui,
 
Lysander voudra-t-il se rendre ?
 
Lui qui ne vous remet votre première foi
Qu’en faveur de l’amour que Cotys fait paraître,
 
Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait paraître,
 
Ne vous fait-il pas cette loi
Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez être ?</poem>
 
Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez être ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Cotys de cet espoir ose en vain se flatter :
L’amour d’Agésilas à son amour s’oppose.</poem>
 
L'amour d'Agésilas à son amour s'oppose.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Et si vous ne pensez à le mieux écouter,
Lysander d’Elpinice en sa faveur dispose.</poem>
 
Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ne me cachez rien, vous l'aimezl’aimez.</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Comme vous aimez Elpinice.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Mais vous m'avezm’avez promis un entier sacrifice.</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Oui, s'ils’il peut être utile aux voeuxvœux que vous formez.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Que ne peut point un roi ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Quels droits n'an’a point un père ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Inexorable soeursœur !</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Impitoyable frère,
Qui voulez que j’éteigne un feu digne de moi,
 
Et ne sauriez vous faire une pareille loi !</poem>
Qui voulez que j'éteigne un feu digne de moi,
 
Et ne sauriez vous faire une pareille loi !
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Hélas ! Considérez...Considérez…</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
Considérez vous-même...même…
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Que j'aimej’aime, et que je suis aimé.</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Que je suis aimée, et que j'aimej’aime.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
N'égalez<poem>N’égalez point au mien un feu mal allumé :
Le sexe vous apprend à régner sur vos âmes.</poem>
 
Le sexe vous apprend à régner sur vos âmes.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Dites qu'ilqu’il nous apprend à renfermer nos flammes ;
Dites que votre ardeur, à force d’éclater,
 
S’exhale, se dissipe, ou du moins s’exténue,
Dites que votre ardeur, à force d'éclater,
 
S'exhale, se dissipe, ou du moins s'exténue,
 
Quand la nôtre grossit sous cette retenue,
Dont le joug odieux ne sert qu’à l’irriter.
 
Dont le joug odieux ne sert qu'à l'irriter.
 
Je vous parle, Seigneur, avec une âme ouverte ;
Et si je vous voyais capable de raison,
 
Si quand l’amour domine, elle était de saison…</poem>
Et si je vous voyais capable de raison,
 
Si quand l'amour domine, elle était de saison...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ah ! Si quelque lumière enfin vous est offerte,
 
Expliquez-vous, de grâce, et pour le commun bien,
Vous ni moi ne négligeons rien.</poem>
 
Vous ni moi ne négligeons rien.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Notre amour à tous deux ne rencontre qu'obstaclesqu’obstacles
Presque impossibles à forcer ;
Et si pour nous le ciel n’est prodigue en miracles,
 
Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles,
 
Nous espérons en vain nous en débarrasser.
 
Tirons-nous une fois de cette servitude
 
Qui nous fait un destin si rude.
 
Bravons Agésilas, Cotys et Lysander :
Qu’ils s’accordent sans nous, s’ils peuvent s’accorder.
 
Dirai-je tout ? Cessons d’aimer et de prétendre,
Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder.
Et nous cesserons d’en dépendre.</poem>
 
Dirai-je tout ? Cessons d'aimer et de prétendre,
 
Et nous cesserons d'en dépendre.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
N'aimer<poem>N’aimer plus ! Ah ! Ma soeursœur !</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
J'en<poem>J’en soupire à mon tour ;
Mais un grand cœur doit être au-dessus de l’amour.
 
Quel qu’en soit le pouvoir, quelle qu’en soit l’atteinte,
Mais un grand coeur doit être au-dessus de l'amour.
 
Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte,
 
Deux ou trois soupirs étouffés,
 
Un moment de murmure, une heure de contrainte,
 
Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez.
N'avonsN’avons-nous secoué le joug de notre prince
 
Que pour choisir des fers dans une autre province ?
Ne cherchons-nous ici que d’illustres tyrans,
 
Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans,
 
Dont les chaînes plus glorieuses
 
Soumettent nos destins aux obscurs différends
 
De leurs haines mystérieuses ?
 
Ne cherchons-nous ici que les occasions
 
De fournir de matière à leurs divisions,
 
Et de nous imposer un plus rude esclavage
Par la nécessité d’obtenir leur suffrage ?
 
Par la nécessité d'obtenir leur suffrage ?
 
Puisque nous y cherchons tous deux la liberté,
 
Tâchons de la goûter, Seigneur, en sûreté :
 
Réduisons nos souhaits à la cause publique,
N’aimons plus que par politique,
 
Et dans la conjoncture où le ciel nous a mis,
N'aimons plus que par politique,
Faisons des protecteurs, sans faire d’ennemis.
 
À quel propos aimer, quand ce n’est que déplaire
Et dans la conjoncture où le ciel nous a mis,
 
Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis.
 
À quel propos aimer, quand ce n'est que déplaire
 
À qui nous peut nuire ou servir ?
S’il nous en faut l’appui, pourquoi nous le ravir ?
 
Pourquoi nous attirer sa haine et sa colère ?</poem>
S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir ?
 
Pourquoi nous attirer sa haine et sa colère ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Oui, ma soeursœur, et j'enj’en suis d'accordd’accord :
 
Agésilas, ici maître de notre sort,
 
Peut nous abandonner à la Perse irritée,
 
Et nous laisser rentrer, malgré tout notre effort,
 
Sous la captivité que nous avons quittée.
 
Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas,
S’il faut que sa colère à nous perdre s’applique.
 
S'il faut que sa colère à nous perdre s'applique.
 
Aimez, aimez-le donc, du moins par politique,
Ce redoutable Agésilas.</poem>
 
Ce redoutable Agésilas.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Voulez-vous que je le prévienne,
Et qu’en dépit de la pudeur
 
D’un amour commandé l’obéissante ardeur
Et qu'en dépit de la pudeur
 
D'un amour commandé l'obéissante ardeur
 
Fasse éclater ma flamme auparavant la sienne ?
On dit que je lui plais, qu’il soupire en secret,
 
Qu’il retient, qu’il combat ses désirs à regret ;
On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret,
 
Qu'il retient, qu'il combat ses désirs à regret ;
 
Et cette vanité qui nous est naturelle
Veut croire ainsi que vous qu’on en juge assez bien ;
 
Mais enfin c’est un feu sans aucune étincelle :
Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien ;
J’en crois ce qu’on en dit, et n’en sais encor rien.
 
S’il m’aime, un tel silence est la marque certaine
Mais enfin c'est un feu sans aucune étincelle :
Qu’il craint Sparte et ses dures lois ;
 
Qu’il voit qu’en m’épousant, s’il peut m’y faire reine,
J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien.
 
S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine
Qu'il craint Sparte et ses dures lois ;
 
Qu'il voit qu'en m'épousant, s'il peut m'y faire reine,
 
Il ne peut lui donner des rois ;
Que sa gloire…</poem>
 
Que sa gloire...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ma soeursœur, l'amourl’amour vaincra sans doute :
Ce héros est à vous, quelques lois qu’il redoute ;
 
Ce héros est à vous, quelques lois qu'il redoute ;
Et si par la prière il ne les peut fléchir,
Ses victoires auront de quoi l’en affranchir.
 
Ces lois, ces mêmes lois s’imposeront silence
Ses victoires auront de quoi l'en affranchir.
À l’aspect de tant de vertus ;
 
Ou Sparte l’avouera d’un peu de violence,
Ces lois, ces mêmes lois s'imposeront silence
Après tant d’ennemis à ses pieds abattus.</poem>
 
À l'aspect de tant de vertus ;
 
Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence,
 
Après tant d'ennemis à ses pieds abattus.
 
{{Personnage|mandane|c}}
C'est<poem>C’est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpiniced’Elpinice,
 
Que ce prince après tout ne vous peut accorder
 
Sans une éclatante injustice,
À moins que vous ayez l’aveu de Lysander.
 
D’ailleurs en exiger un hymen qui le gêne,
À moins que vous ayez l'aveu de Lysander.
 
D'ailleurs en exiger un hymen qui le gêne,
 
Et lui faire des lois au milieu de sa cour,
N’est-ce point hautement lui demander sa haine,
 
Quand vous lui promettez l’objet de son amour ?</poem>
N'est-ce point hautement lui demander sa haine,
 
Quand vous lui promettez l'objet de son amour ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Si vous saviez, ma soeursœur, aimer autant que j'aime...j’aime…</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Si vous saviez, mon frère, aimer comme je fais,
Vous sauriez ce que c’est que s’immoler soi-même,
 
Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-même,
 
Et faire violence à de si doux souhaits.
 
Je vous en parle en vain. Allez, frère barbare,
Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous ;
Et si d’Agésilas la flamme se déclare,
J’en mourrai, mais je m’y résous.</poem>
 
{{scène|III}}
Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous ;
{{acteurs|Spitridate, Mandane, Aglatide}}
 
Et si d'Agésilas la flamme se déclare,
 
J'en mourrai, mais je m'y résous.
 
{{scène|III}} {{acteurs|Spitridate, Mandane, Aglatide}}
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Vous me quittez, Seigneur ; mais vous croyez-vous quitte,
Et que ce soit assez que de me rendre à moi ?</poem>
 
Et que ce soit assez que de me rendre à moi ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Après tant de froideurs pour mon peu de mérite,
Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi ?</poem>
 
Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi ?
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Non ; mais le pouvez-vous, à moins que je la rende ?
Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix ?</poem>
 
Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,
Que vous en souhaitiez d’autre que vos mépris.</poem>
 
Que vous en souhaitiez d'autre que vos mépris.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Moi, des mépris pour vous !</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
C'est<poem>C’est ainsi que j'appellej’appelle
Un feu si bien promis, et si mal allumé.</poem>
 
Un feu si bien promis, et si mal allumé.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si je ne vous aimais, je vous aurais aimé,
Mon devoir m’en était un garant trop fidèle.</poem>
 
Mon devoir m'en était un garant trop fidèle.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Il ne vous répondait que d'agird’agir un peu tard,
 
Et laissait beaucoup au hasard.
 
Votre ordre cependant vers une autre me chasse,
Et vous avez quitté la place à votre sœur.</poem>
 
Et vous avez quitté la place à votre soeur.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si je vous ai donné de quoi remplir la place,
Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur ?</poem>
 
Ne me devez-vous point de quoi remplir mon coeur ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
J'en<poem>J’en suis au désespoir ; mais je n'ain’ai point de frère
Que je puisse à mon tour vous prier d’accepter.</poem>
 
Que je puisse à mon tour vous prier d'accepter.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si vous n'enn’en avez point par qui me satisfaire,
Vous avez une sœur qui vous peut acquitter :
 
Elle a trop d’un amant ; et si sa flamme heureuse
Vous avez une soeur qui vous peut acquitter :
 
Elle a trop d'un amant ; et si sa flamme heureuse
 
Me renvoyait celui dont elle ne veut plus,
Je ne suis point d’humeur fâcheuse,
 
Et m’accommoderais bientôt de ses refus.</poem>
Je ne suis point d'humeur fâcheuse,
 
Et m'accommoderais bientôt de ses refus.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>De tout mon coeurcœur je l'enl’en conjure :
Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas,
 
Ma sœur, et prenez soin d’apaiser ce murmure,
Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas,
Qui cherche à m’imputer des sentiments ingrats.
 
Ma soeur, et prenez soin d'apaiser ce murmure,
 
Qui cherche à m'imputer des sentiments ingrats.
 
Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,
 
Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.
Madame, vous voyez, je ne puis davantage ;
Et qui fait ce qu’il peut n’est plus garant de rien.</poem>
 
{{scène|IV}}
Madame, vous voyez, je ne puis davantage ;
{{acteurs|Aglatide, Mandane}}
 
Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien.
 
{{scène|IV}} {{acteurs|Aglatide, Mandane}}
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Vous pourrez-vous résoudre à payer pour ce frère,
 
Madame, et de deux rois daignant en choisir un,
 
Me donner en sa place, ou le plus importun,
Ou le moins digne de vous plaire ?</poem>
 
Ou le moins digne de vous plaire ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Hélas !</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je n'entendsn’entends pas des mieux
Comme il faut qu’un hélas s’explique ;
 
Et lorsqu’on se retranche au langage des yeux,
Comme il faut qu'un hélas s'explique ;
Je suis muette à la réplique.</poem>
 
Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux,
 
Je suis muette à la réplique.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Pourquoi mieux expliquer quel est mon déplaisir ?
Il ne se fait que trop entendre.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si j'avaisj’avais comme vous de deux rois à choisir,
 
Mes déplaisirs auraient peu de chose à prétendre.
 
Parlez donc, et de bonne foi :
 
Acquittez par ce choix Spitridate envers moi.
Ils sont tous deux à vous.</poem>
 
Ils sont tous deux à vous.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je n'yn’y suis pas moi-même.</poem>
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Qui des deux est l'aimél’aimé ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
Qu'importe<poem>Qu’importe lequel j'aimej’aime,
Si le plus digne amour, de quoi qu’il soit d’accord,
 
Ne peut décider de mon sort ?</poem>
Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord,
 
Ne peut décider de mon sort ?
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ainsi je dois perdre espérance
D’obtenir de vous aucun d’eux ?</poem>
 
D'obtenir de vous aucun d'eux ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Donnez-moi votre indifférence,
Et je vous les donne tous deux.</poem>
 
Et je vous les donne tous deux.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
C'en<poem>C’en serait un peu trop : leur mérite est si rare,
Qu’il en faut être plus avare.</poem>
 
Qu'il en faut être plus avare.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Il est grand, mais bien moins que la félicité
De votre insensibilité.</poem>
 
De votre insensibilité.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ne me prenez point tant pour une âme insensible :
Je l’ai tendre, et qui souffre aisément de beaux feux ;
 
Mais je sais ne vouloir que ce qui m’est possible,
Je l'ai tendre, et qui souffre aisément de beaux feux ;
Quand je ne puis ce que je veux.</poem>
 
Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible,
 
Quand je ne puis ce que je veux.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Laissez donc faire au ciel, au temps, à la fortune :
Ne voulez que ce qu’ils voudront ;
 
Et sans prendre d’attache, ou d’idée importune,
Ne voulez que ce qu'ils voudront ;
Attendez en repos les cœurs qui se rendront.</poem>
 
Et sans prendre d'attache, ou d'idée importune,
 
Attendez en repos les coeurs qui se rendront.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Il m'enm’en pourrait coûter mes plus belles années
Avant qu’ainsi deux rois en devinssent le prix ;
 
Et j’aime mieux borner mes bonnes destinées
Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix ;
Au plus digne de vos mépris.</poem>
 
Et j'aime mieux borner mes bonnes destinées
 
Au plus digne de vos mépris.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Donnez-moi donc, Madame, un coeurcœur comme le vôtre,
Et je vous les redonne une seconde fois ;
Ou si c’est trop de l’un et l’autre,
 
Laissez-m’en le rebut, et prenez-en le choix.</poem>
Ou si c'est trop de l'un et l'autre,
 
Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si vous leur ordonniez à tous deux de m'enm’en croire,
Et que l’obéissance eût pour eux quelque appas,
 
Et que l'obéissance eût pour eux quelque appas,
 
Peut-être que mon choix satisferait ma gloire,
Et qu’enfin mon rebut ne vous déplairait pas.</poem>
 
Et qu'enfin mon rebut ne vous déplairait pas.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Qui peut vous assurer de cette obéissance ?
 
Les rois, même en amour, savent mal obéir ;
Et les plus enflammés s’efforcent de haïr
 
Sitôt qu’on prend sur eux un peu trop de puissance.</poem>
Et les plus enflammés s'efforcent de haïr
 
Sitôt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Je vois bien ce que c'estc’est, vous voulez tout garder :
 
Il est honteux de rendre une de vos conquêtes,
Et quoi qu’au plus heureux le cœur veuille accorder,
 
L’œil règne avec plaisir sur deux si grandes têtes ;
Et quoi qu'au plus heureux le coeur veuille accorder,
Mais craignez que je n’use aussi de tous mes droits.
 
L'oeil règne avec plaisir sur deux si grandes têtes ;
 
Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits.
 
Peut-être en ai-je encor de garder quelque empire
Sur l’un et l’autre de ces rois,
 
Bien qu’à l’envi pour vous l’un et l’autre soupire,
Sur l'un et l'autre de ces rois,
Et si j’en laisse faire à mon esprit jaloux,
 
Quoique la jalousie assez peu m’inquiète,
Bien qu'à l'envi pour vous l'un et l'autre soupire,
Je ne sais s’ils pourront l’un ni l’autre pour vous
 
Tout ce que votre cœur souhaite.</poem>
Et si j'en laisse faire à mon esprit jaloux,
 
Quoique la jalousie assez peu m'inquiète,
 
Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous
 
Tout ce que votre coeur souhaite.
 
{{didascalie|À Cotys.}}
 
<poem>Seigneur, vous le savez, ma soeursœur a votre foi,
 
Et ne vous la rend que pour moi.
 
Usez-en comme bon vous semble ;
 
Mais sachez que je me promets
 
De ne vous la rendre jamais,
À moins d’un roi qui vous ressemble.</poem>
 
{{scène|V}}
À moins d'un roi qui vous ressemble.
{{acteurs|Cotys, Mandane}}
 
{{scène|V}} {{acteurs|Cotys, Mandane}}
 
{{Personnage|mandane|c}}
L'étrange<poem>L’étrange contre-temps que prend sa belle humeur !
Et la froide galanterie
D’affecter par bravade à tourner son malheur
 
D'affecter par bravade à tourner son malheur
 
En importune raillerie !
Son cœur l’en désavoue, et murmurant tout bas…</poem>
 
Son coeur l'en désavoue, et murmurant tout bas...
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Que cette belle humeur soit véritable ou feinte,
Tout ce qu'ellequ’elle en prétend ne m'alarmeraitm’alarmerait pas,
Si le pouvoir d’Agésilas
 
Ne me portait dans l’âme une plus juste crainte.
Si le pouvoir d'Agésilas
Pourrez-vous l’aimer ?</poem>
 
Ne me portait dans l'âme une plus juste crainte.
 
Pourrez-vous l'aimer ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Non.</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Pourrez-vous l'épouserl’épouser ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Vous-même, dites-moi, puis-je m'enm’en excuser ?
 
Et quel bras, quel secours appeler à mon aide,
Lorsqu’un frère me donne, et qu’un amant me cède ?</poem>
 
Lorsqu'un frère me donne, et qu'un amant me cède ?
 
{{Personnage|cotys|c}}
N'imputez<poem>N’imputez point à crime une civilité
Qu’ici de général voulait l’autorité.</poem>
 
Qu'ici de général voulait l'autorité.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Souffrez-moi donc, Seigneur, la même déférence
Qu’ici de nos destins demande l’assurance.</poem>
 
Qu'ici de nos destins demande l'assurance.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Vous céder par dépit, et d'und’un ton menaçant
Faire voir qu’on pénètre au cœur du plus puissant,
 
Qu’on sait de ses refus la plus secrète cause,
Faire voir qu'on pénètre au coeur du plus puissant,
Ce n’est pas tant céder l’objet de son amour,
 
Qu'on sait de ses refus la plus secrète cause,
 
Ce n'est pas tant céder l'objet de son amour,
 
Que presser un rival de paraître en plein jour,
Et montrer qu’à ses vœux hautement on s’oppose.</poem>
 
Et montrer qu'à ses voeux hautement on s'oppose.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Que sert de s'opposers’opposer aux voeuxvœux d'und’un tel rival,
Qui n’a qu’à nous protéger mal
 
Pour nous livrer à notre perte ?
Qui n'a qu'à nous protéger mal
Serait-il d’un grand cœur de chercher à périr,
 
Pour nous livrer à notre perte ?
 
Serait-il d'un grand coeur de chercher à périr,
 
Quand il voit une porte ouverte
À régner avec gloire aux dépens d’un soupir ?</poem>
 
À régner avec gloire aux dépens d'un soupir ?
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Ah ! Le change vous plaît.</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Non, Seigneur, je vous aime ;
 
Mais je dois à mon frère, à ma gloire, à vous-même.
D'unD’un rival si puissant si nous perdons l'appuil’appui,
 
Pourrons-nous du Persan nous défendre sans lui ?
L’espoir d’un renouement de la vieille alliance
 
L'espoir d'un renouement de la vieille alliance
 
Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins.
Si vous ne remettez sa proie entre ses mains,
 
Si vous ne remettez sa proie entre ses mains,
 
Oserez-vous y prendre aucune confiance ?
 
Quant à mon frère et moi, si les dieux irrités
 
Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie,
Comme il nous traitera d’esclaves révoltés,
 
Le supplice l’attend, et moi l’ignominie.
Comme il nous traitera d'esclaves révoltés,
C’est ce que je saurai prévenir par ma mort ;
 
Le supplice l'attend, et moi l'ignominie.
 
C'est ce que je saurai prévenir par ma mort ;
 
Mais jusque-là, Seigneur, permettez-moi de vivre,
 
Et que par un illustre et rigoureux effort,
 
Acceptant les malheurs où mon destin me livre,
Un sacrifice entier de mes vœux les plus doux</poem>
 
Un sacrifice entier de mes voeux les plus doux
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Cette sûreté malheureuse
 
À qui vous immolez votre amour et le mien
 
Peut-elle être si précieuse
Qu’il faille l’acheter de mon unique bien ?
 
Et faut-il que l’amour garde tant de mesure
Qu'il faille l'acheter de mon unique bien ?
Avec des intérêts qui lui font tant d’injure ?
 
Et faut-il que l'amour garde tant de mesure
 
Avec des intérêts qui lui font tant d'injure ?
 
Laissez, laissez périr ce déplorable roi,
 
À qui ces intérêts dérobent votre foi.
Que sert que vous l’aimiez ? Et que fait votre flamme
 
Qu’augmenter son ardeur pour croître ses malheurs,
Que sert que vous l'aimiez ? Et que fait votre flamme
 
Qu'augmenter son ardeur pour croître ses malheurs,
 
Si malgré le don de votre âme
 
Votre raison vous livre ailleurs ?
Armez-vous de dédains ; rendez, s’il est possible,
 
Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible ;
Armez-vous de dédains ; rendez, s'il est possible,
Et par pitié d’un cœur trop ardemment épris,
 
Éteignez-en la flamme à force de mépris.</poem>
Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible ;
Et par pitié d'un coeur trop ardemment épris,
 
Éteignez-en la flamme à force de mépris.
 
{{Personnage|mandane|c}}
L'éteindre<poem>L’éteindre ! Ah ! Se peut-il que vous m'ayezm’ayez aimée ?</poem>
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Jamais si digne flamme en un coeurcœur allumée...allumée…</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Non, non ; vous m'enm’en feriez des serments superflus :
Vouloir ne plus aimer, c'estc’est déjà n'aimern’aimer plus ;
Et qui peut n’aimer plus ne fut jamais capable
 
D’une passion véritable.</poem>
Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable
 
D'une passion véritable.
 
{{Personnage|cotys|c}}
L'amour<poem>L’amour au désespoir peut-il encor charmer ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
L'amour<poem>L’amour au désespoir fait gloire encor d'aimerd’aimer ;
Il en fait de souffrir et souffre avec constance,
Voyant l’objet aimé partager la souffrance ;
 
Voyant l'objet aimé partager la souffrance ;
 
Il regarde ses maux comme un doux souvenir
De l’union des cœurs qui ne saurait finir ;
 
Et comme n’aimer plus quand l’espoir abandonne,
De l'union des coeurs qui ne saurait finir ;
C’est aimer ses plaisirs et non pas la personne,
 
Il fuit cette bassesse, et s’affermit si bien,
Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne,
Que toute sa douleur ne se reproche rien.</poem>
 
C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne,
 
Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien,
 
Que toute sa douleur ne se reproche rien.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Quel indigne tourment, quel injuste supplice
Succède au doux espoir qui m’osait tout offrir !</poem>
 
Succède au doux espoir qui m'osait tout offrir !
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Et moi, Seigneur, et moi, n'ain’ai-je rien à souffrir ?
Ou m’y condamne-t-on avec plus de justice ?
 
Si vous perdez l’objet de votre passion,
Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice ?
 
Si vous perdez l'objet de votre passion,
 
Épousez-vous celui de votre aversion ?
Attache-t-on vos jours à d’aussi rudes chaînes ?
 
Attache-t-on vos jours à d'aussi rudes chaînes ?
 
Et souffrez-vous enfin la moitié de mes peines ?
 
Cependant mon amour aura tout son éclat
 
En dépit du supplice où je suis condamnée ;
Et si notre tyran par maxime d’état
 
Ne s’interdit mon hyménée,
Et si notre tyran par maxime d'état
Je veux qu’il ait la joie, en recevant ma main,
 
D’entendre que du cœur vous êtes souverain,
Ne s'interdit mon hyménée,
 
Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main,
 
D'entendre que du coeur vous êtes souverain,
 
Et que les déplaisirs dont ma flamme est suivie
Ne cesseront qu’avec ma vie.
 
Allez, Seigneur, défendre aux vôtres de durer :
Ne cesseront qu'avec ma vie.
 
Allez, Seigneur, défendre aux vôtres de durer :
 
Ennuyez-vous de soupirer,
 
Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-même
L’art de ne plus aimer dès qu’on perd ce qu’on aime.
 
L'art de ne plus aimer dès qu'on perd ce qu'on aime.
 
Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur,
De tous mes maux le plus funeste,
 
D’un trait assez perçant armera ma douleur
De tous mes maux le plus funeste,
Pour trancher de mes jours le déplorable reste.</poem>
 
D'un trait assez perçant armera ma douleur
 
Pour trancher de mes jours le déplorable reste.
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Que dites-vous, Madame ? Et par quel sentiment...sentiment…</poem>
 
{{Personnage|cléon|c}}
<poem>Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient
De vouloir avec eux conférer un moment. </poem>
 
De vouloir avec eux conférer un moment.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Allez, Seigneur, allez, puisqu'ilspuisqu’ils vous en convient.
 
Aimez, cédez, souffrez, ou voyez si les dieux
Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.</poem>
 
Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.
 
{{acte|V}}
 
{{scène|I}}
{{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Je remets en vos mains et l'unel’une et l'autrel’autre lettre
Que l’esclave Damis aux miennes vient de mettre.
 
Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats…</poem>
Que l'esclave Damis aux miennes vient de mettre.
Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Au sénateur Cratès, à l'éphorel’éphore Arsidas.
Spitridate et Cotys sont de l’intelligence ?</poem>
 
Spitridate et Cotys sont de l'intelligence ?
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Non ; il s'ests’est caché d'euxd’eux en cette conférence ;
Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir ;
 
Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir ;
Mais sa prudence enfin tous deux vous les renvoie,
 
Sans leur donner aucun espoir
D’obtenir que de vous ce qui ferait leur joie.</poem>
 
D'obtenir que de vous ce qui ferait leur joie.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Par cette déférence il croit les mieux aigrir ;
Et rejetant sur moi ce qu’ils ont à souffrir…</poem>
 
Et rejetant sur moi ce qu'ils ont à souffrir...
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Vous avez mandé Spitridate,
Il entre ici.</poem>
 
Il entre ici.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Gardons qu'àqu’à ses yeux rien n'éclaten’éclate.</poem>
 
{{scène|II}}
{{acteurs|Agésilas, Spitridate, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Aglatide, Seigneur, a-t-elle encore vos voeuxvœux ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Non, Seigneur ; mais enfin ils ne vont pas loin d'elled’elle,
Et sa sœur a fait naître une flamme nouvelle
 
En la place des premiers feux.</poem>
Et sa soeur a fait naître une flamme nouvelle
 
En la place des premiers feux.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Elpinice ?</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Elle-même.</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ainsi toujours pour gendre
Vous vous donnez à Lysander ?</poem>
 
Vous vous donnez à Lysander ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Seigneur, contre l'amourl’amour peut-on bien se défendre ?
À peine attaque-t-il qu’on brûle de se rendre :
 
À peine attaque-t-il qu'on brûle de se rendre :
 
Le plus ferme courage est ravi de céder ;
Et j’ai trouvé ma foi plus facile à reprendre
 
Que mon cœur à redemander.</poem>
Et j'ai trouvé ma foi plus facile à reprendre
 
Que mon coeur à redemander.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Si vous considériez...considériez…</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Seigneur, que considère
Un cœur d’un vrai mérite heureusement charmé ?
 
L’amour n’est plus amour sitôt qu’il délibère,
Un coeur d'un vrai mérite heureusement charmé ?
Et vous le sauriez trop si vous aviez aimé.</poem>
 
L'amour n'est plus amour sitôt qu'il délibère,
 
Et vous le sauriez trop si vous aviez aimé.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Seigneur, j'aimaisj’aimais à Sparte et j'aimej’aime dans Éphèse.
L’un et l’autre objet est charmant ;
 
Mais bien que l’un m’ait plu, bien que l’autre me plaise,
L'un et l'autre objet est charmant ;
Ma raison m’en a su défendre également.</poem>
 
Mais bien que l'un m'ait plu, bien que l'autre me plaise,
Ma raison m'en a su défendre également.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>La mienne suivrait mieux un plus commun exemple.
 
Si vous aimez, Seigneur, ne vous refusez rien,
 
Ou souffrez que je vous contemple
Comme un cœur au-dessus du mien.
 
Comme un coeur au-dessus du mien.
 
Des climats différents la nature est diverse :
La Grèce a des vertus qu’on ne voit point en Perse.
 
Permettez qu’un Persan n’ose vous imiter,
La Grèce a des vertus qu'on ne voit point en Perse.
Que sur votre partage il craigne d’attenter,
 
Qu’il se contente à moins de gloire,
Permettez qu'un Persan n'ose vous imiter,
 
Que sur votre partage il craigne d'attenter,
 
Qu'il se contente à moins de gloire,
 
Et trouve en sa faiblesse un destin assez doux
 
Pour ne point envier cette haute victoire,
Que vous seul avez droit de remporter sur vous.</poem>
 
Que vous seul avez droit de remporter sur vous.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Mais de mon ennemi rechercher l'alliancel’alliance !</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>De votre ennemi !</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Non, Lysander ne l'estl’est pas ;
Mais s’il faut vous le dire, il y court à grands pas.</poem>
 
Mais s'il faut vous le dire, il y court à grands pas.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
C'en<poem>C’en est assez : je dois me faire violence
Et renonce à plus croire ou mes yeux, ou mon cœur.
 
Ne m’ordonnez-vous rien sur l’hymen de ma sœur ?
Et renonce à plus croire ou mes yeux, ou mon coeur.
Cotys l’aime.</poem>
 
Ne m'ordonnez-vous rien sur l'hymen de ma soeur ?
 
Cotys l'aime.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Il est roi, je ne suis pas son maître ;
Et Mandane ni vous n’êtes pas mes sujets.
 
L’aime-t-elle ?</poem>
Et Mandane ni vous n'êtes pas mes sujets.
 
L'aime-t-elle ?
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Il se peut. Lui ferai-je connaître
Que vous auriez d’autres projets ?</poem>
 
Que vous auriez d'autres projets ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
C'est<poem>C’est me connaître mal ; je ne contrains personne.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Peut-être qu'ellequ’elle n'aimen’aime encor que sa couronne ;
Et je ne sais pas bien où pencherait son choix,
 
Si le ciel lui donnait à choisir de deux rois.
Vous l’avez jusqu’ici de tant d’honneurs comblée,
 
Vous l'avez jusqu'ici de tant d'honneurs comblée,
 
De tant de faveurs accablée,
Qu’à vos ordres ses vœux sans peine assujettis… </poem>
 
Qu'à vos ordres ses voeux sans peine assujettis...
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>L’ingrate !</poem>
L'ingrate !
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Je réponds de sa reconnaissance,
Et qu’elle ne consent à l’espoir de Cotys
 
Et qu'elle ne consent à l'espoir de Cotys
 
Que pour le maintenir dans votre dépendance.
Pourrait-elle, Seigneur, davantage pour vous ?</poem>
 
Pourrait-elle, Seigneur, davantage pour vous ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Non ; mais qui la pressait de choisir un époux ? </poem>
{{Personnage|spitridate|c}}
L'occasion<poem>L’occasion d'und’un roi, Seigneur, est bien pressante.
Les plus dignes objets ne l’ont pas chaque jour ;
 
Les plus dignes objets ne l'ont pas chaque jour ;
 
Elle échappe à la moindre attente
Dont on veut éprouver l’amour.
 
À moins que de la prendre au moment qu’elle arrive,
Dont on veut éprouver l'amour.
On s’expose aux périls de l’accepter trop tard,
 
Et l’asile est si beau pour une fugitive,
À moins que de la prendre au moment qu'elle arrive,
Qu’elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard.</poem>
On s'expose aux périls de l'accepter trop tard,
 
Et l'asile est si beau pour une fugitive,
 
Qu'elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Elle eût peu hasardé peut-être pour attendre.</poem>
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Voyait-elle en ces lieux un plus illustre espoir ? </poem>
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Comme l'amourl’amour n'entendn’entend que ce qu'ilqu’il veut entendre,
Il ne voit que ce qu’il veut voir.
 
Si je l’ai jusqu’ici de tant d’honneurs comblée,
Il ne voit que ce qu'il veut voir.
 
Si je l'ai jusqu'ici de tant d'honneurs comblée,
 
De tant de faveurs accablée,
Ces faveurs, ces honneurs ne lui disaient-ils rien ?
 
Elle les entendait trop bien en dépit d’elle :
Ces faveurs, ces honneurs ne lui disaient-ils rien ?
Mais l’ingrate ! Mais la cruelle !…
Elle les entendait trop bien en dépit d'elle :
Seigneur, à votre tour vous m’entendez trop bien.
 
Qu’elle aille chez Cotys partager sa couronne ;
Mais l'ingrate ! Mais la cruelle ! ...
Je n’y mets point d’obstacle, et n’en veux rien savoir :
 
Soit que l’ambition, soit que l’amour la donne,
Seigneur, à votre tour vous m'entendez trop bien.
 
Qu'elle aille chez Cotys partager sa couronne ;
 
Je n'y mets point d'obstacle, et n'en veux rien savoir :
Soit que l'ambition, soit que l'amour la donne,
 
Vous avez tous deux tout pouvoir.
Si pourtant vous m’aimiez…</poem>
 
Si pourtant vous m'aimiez...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Soyez sûr de mon zèle.
 
Ma parole à Cotys est encore à donner.
Mais si cet hyménée a de quoi vous gêner,
 
Mandane que deviendra-t-elle ?</poem>
Mais si cet hyménée a de quoi vous gêner,
 
Mandane que deviendra-t-elle ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Allez, encore un coup, allez en d'autresd’autres lieux
 
Épargner par pitié cette gêne à mes yeux ;
Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l’aime.</poem>
 
Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l'aime.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Elle vient recevoir vos ordres elle-même.</poem>
 
{{scène|III}}
{{acteurs|Agésilas, Spitridate, Mandane, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ô vue ! ô sur mon coeurcœur regards trop absolus !
Que vous allez troubler mes vœux irrésolus !
 
Ne partez pas, Madame. Ô ciel ! J’en vais trop dire.</poem>
Que vous allez troubler mes voeux irrésolus !
 
Ne partez pas, Madame. Ô ciel ! J'en vais trop dire.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je conçois mal, Seigneur, de quoi vous me parlez.
Moi partir ?</poem>
 
Moi partir ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Oui, partez, encor que j'enj’en soupire.
Que ce mot ne peut-il suffire !</poem>
 
Que ce mot ne peut-il suffire !
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je conçois encor moins pourquoi vous m'exilezm’exilez.</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
J'aime<poem>J’aime trop à vous voir et je vous ai trop vue :
C’est, Madame, ce qui me tue.
 
Partez, partez, de grâce.</poem>
C'est, Madame, ce qui me tue.
 
Partez, partez, de grâce.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Où me bannissez-vous ?</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Nommez-vous un exil le trône d'und’un époux ?</poem>
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Quel trône, et quel époux ?</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Cotys…</poem>
Cotys...
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Je crois qu'ilqu’il m'aimem’aime ;
 
Mais si je vous regarde ici comme mon roi
Et comme un protecteur que j’ai choisi moi-même,
 
Puis-je sans votre aveu l’assurer de ma foi ?
Et comme un protecteur que j'ai choisi moi-même,
Après tant de bontés et de marques d’estime,
 
Puis-je sans votre aveu l'assurer de ma foi ?
 
Après tant de bontés et de marques d'estime,
 
À vous moins déférer je croirais faire un crime ;
Et mon âme…</poem>
 
Et mon âme...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ah ! C'estC’est trop déférer, et trop peu.
Quoi ? Pour cet hyménée exiger mon aveu !</poem>
 
Quoi ? Pour cet hyménée exiger mon aveu !
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Jusque-là mon bonheur n'auran’aura qu'incertitudequ’incertitude ;
Et bien qu’une couronne éblouisse aisément…</poem>
 
Et bien qu'une couronne éblouisse aisément...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Ma soeursœur, il faut parler un peu plus clairement :
Le roi s’est plaint à moi de votre ingratitude.</poem>
 
Le roi s'est plaint à moi de votre ingratitude.
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Et je me plains à lui des inégalités
Qu’il me force de voir lui-même en ses bontés.
 
Qu'il me force de voir lui-même en ses bontés.
 
Tout ce que pour un autre a voulu ma prière,
Vous me l’avez, Seigneur, et sur l’heure accordé ;
 
Et pour mes intérêts ce qu’on a demandé
Vous me l'avez, Seigneur, et sur l'heure accordé ;
Prête à de prompts refus une digne matière !</poem>
 
Et pour mes intérêts ce qu'on a demandé
 
Prête à de prompts refus une digne matière !
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Si vous vouliez avoir des yeux
Pour voir de ces refus la véritable cause…</poem>
 
Pour voir de ces refus la véritable cause...
 
{{Personnage|spitridate|c}}
N'est<poem>N’est-ce pas assez dire, et faut-il autre chose ?
 
Voyez mieux sa pensée, ou répondez-y mieux.
Ces refus obligeants veulent qu’on les entende :
 
Ces refus obligeants veulent qu'on les entende :
 
Ils sont de ses faveurs le comble, et la plus grande.
Tout roi qu'estqu’est votre amant, perdez-le sans ennui,
Lorsqu’on vous en destine un plus puissant que lui.
 
M’en désavouerez-vous, Seigneur ?</poem>
Lorsqu'on vous en destine un plus puissant que lui.
 
M'en désavouerez-vous, Seigneur ?
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Non, Spitridate.
C’est inutilement que ma raison me flatte :
 
Comme vous j’ai mon faible ; et j’avoue à mon tour
C'est inutilement que ma raison me flatte :
Qu’un si triste secours défend mal de l’amour.
 
Comme vous j'ai mon faible ; et j'avoue à mon tour
Qu'un si triste secours défend mal de l'amour.
 
Je vois par mon épreuve avec quelle injustice
 
Je vous refusais Elpinice :
 
Je cesse de vous faire une si dure loi.
 
Allez ; elle est à vous, si Mandane est à moi.
 
Ce que pour Lysander je semble avoir de haine
 
Fera place aux douceurs de cette double chaîne,
Dont vous serez le nœud commun ;
 
Dont vous serez le noeud commun ;
 
Et cet heureux hymen, accompagné du vôtre,
Nous rendant entre nous garant de l’un vers l’autre,
 
Réduira nos trois cœurs en un.
Nous rendant entre nous garant de l'un vers l'autre,
Madame, parlez donc.</poem>
Réduira nos trois coeurs en un.
 
Madame, parlez donc.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>Seigneur, l'obéissancel’obéissance
S’exprime assez par le silence.
 
S'exprime assez par le silence.
 
Trouvez bon que je puisse apprendre à Lysander
La grâce qu’à ma flamme il vous plaît d’accorder.</poem>
 
La grâce qu'à ma flamme il vous plaît d'accorder.
{{scène|IV}}
{{acteurs|Agésilas, Mandane, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>En puis-je pour la mienne espérer une égale,
Madame ? Ou ne sera-ce en effet qu’obéir ?</poem>
 
Madame ? Ou ne sera-ce en effet qu'obéir ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Seigneur, je croirais vous trahir
Et n’avoir pas pour vous une âme assez royale,
 
Et n'avoir pas pour vous une âme assez royale,
 
Si je vous cachais rien des justes sentiments
Que m’inspire le ciel pour deux rois mes amants.
 
J’ai vu que vous m’aimiez ; et sans autre interprète
Que m'inspire le ciel pour deux rois mes amants.
J’en ai cru vos faveurs qui m’ont si peu coûté ;
 
J’en ai cru vos bontés, et l’assiduité
J'ai vu que vous m'aimiez ; et sans autre interprète
Qu’apporte à me chercher votre ardeur inquiète.
 
J'en ai cru vos faveurs qui m'ont si peu coûté ;
 
J'en ai cru vos bontés, et l'assiduité
 
Qu'apporte à me chercher votre ardeur inquiète.
 
Ma gloire y voulait consentir ;
 
Mais ma reconnaissance a pris soin de la vôtre.
 
Vos feux la hasardaient, et pour les amortir
J’ai réduit mes désirs à pencher vers un autre.
 
Pour m’épouser, vous le pouvez,
J'ai réduit mes désirs à pencher vers un autre.
Je ne saurais former de vœux plus élevés ;
 
Pour m'épouser, vous le pouvez,
 
Je ne saurais former de voeux plus élevés ;
 
Mais avant que juger ma conquête assez haute,
De l’œil dont il faut voir ce que vous vous devez,
 
Voyez ce qu’elle donne, ou plutôt ce qu’elle ôte.
De l'oeil dont il faut voir ce que vous vous devez,
Votre Sparte si haut porte sa royauté,
 
Voyez ce qu'elle donne, ou plutôt ce qu'elle ôte.
 
Votre Sparte si haut porte sa royauté,
 
Que tout sang étranger la souille et la profane :
 
Jalouse de ce trône où vous êtes monté,
 
Y faire seoir une Persane,
C’est pour elle une étrange et dure nouveauté ;
 
Et tout votre pouvoir ne peut m’y donner place,
C'est pour elle une étrange et dure nouveauté ;
Que vous n’y renonciez pour toute votre race.
 
Et tout votre pouvoir ne peut m'y donner place,
 
Que vous n'y renonciez pour toute votre race.
 
Vos éphores peut-être oseront encor plus ;
 
Et si votre sénat avec eux se soulève,
 
Si de me voir leur reine indignés et confus,
Ils m’arrachent d’un trône où votre choix m’élève…
 
Pensez bien à la suite avant que d’achever,
Ils m'arrachent d'un trône où votre choix m'élève...
Pensez bien à la suite avant que d'achever,
 
Et si ce sont périls que vous deviez braver.
Vous les voyez si bien que j’ai mauvaise grâce
 
Vous les voyez si bien que j'ai mauvaise grâce
 
De vous en faire souvenir ;
Mais mon zèle a voulu cette indiscrète audace,
 
Et moi je n’ai pas cru devoir la retenir.
Mais mon zèle a voulu cette indiscrète audace,
 
Et moi je n'ai pas cru devoir la retenir.
 
Que la suite, après tout, vous flatte ou vous traverse,
Ma gloire est sans pareille aux yeux de l’univers,
 
S’il voit qu’une Persane au vainqueur de la Perse
Ma gloire est sans pareille aux yeux de l'univers,
Donne à son tour des lois, et l’arrête en ses fers.
 
Comme votre intérêt m’est plus considérable,
S'il voit qu'une Persane au vainqueur de la Perse
 
Donne à son tour des lois, et l'arrête en ses fers.
Comme votre intérêt m'est plus considérable,
 
Je tâche de vous rendre à des destins meilleurs.
Mon amour peut vous perdre, et je m’attache ailleurs,
 
Mon amour peut vous perdre, et je m'attache ailleurs,
 
Pour être pour vous moins aimable.
Voilà ce que devait un cœur reconnaissant.
 
Voilà ce que devait un coeur reconnaissant.
 
Quant au reste, parlez en maître,
Vous êtes ici tout-puissant.</poem>
 
Vous êtes ici tout-puissant.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Quand peut-on être ingrat, si c'estc’est là reconnaître ?
Et que puis-je sur vous si le cœur n’y consent ?</poem>
 
Et que puis-je sur vous si le coeur n'y consent ?
 
{{Personnage|mandane|c}}
<poem>Seigneur, il est donné ; la main n'estn’est pas donnée ;
Et l'inclinationl’inclination ne fait pas l'hyménéel’hyménée.
Au défaut de ce cœur, je vous offre une foi
 
Au défaut de ce coeur, je vous offre une foi
 
Sincère, inviolable, et digne enfin de moi.
 
Voyez si ce partage aura pour vous des charmes.
Contre l’amour d’un roi c’est assez raisonner.
 
J’aime, et vais toutefois attendre sans alarmes
Contre l'amour d'un roi c'est assez raisonner.
Ce qu’il lui plaira m’ordonner.
 
J'aime, et vais toutefois attendre sans alarmes
 
Ce qu'il lui plaira m'ordonner.
 
Je fais un sacrifice assez noble, assez ample,
S’il en veut un en ce grand jour ;
 
Et s’il peut se résoudre à vaincre son amour,
S'il en veut un en ce grand jour ;
J’en donne à son grand cœur un assez haut exemple.
 
Qu’il écoute sa gloire ou suive son désir,
Et s'il peut se résoudre à vaincre son amour,
Qu’il se fasse grâce ou justice,
 
J'en donne à son grand coeur un assez haut exemple.
 
Qu'il écoute sa gloire ou suive son désir,
 
Qu'il se fasse grâce ou justice,
 
Je me tiens prête à tout, et lui laisse à choisir
De l’exemple ou du sacrifice. </poem>
 
{{scène|V}}
De l'exemple ou du sacrifice.
{{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{scène|V}} {{acteurs|Agésilas, Xénoclès}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
Qu'une<poem>Qu’une Persane m'osem’ose offrir un si grand choix !
 
Parmi nous qui traitons la Perse de barbare,
Et méprisons jusqu’à ses rois,
 
Et méprisons jusqu'à ses rois,
 
Est-il plus haut mérite ? Est-il vertu plus rare ?
Cependant mon destin à ce point est amer,
 
Que plus elle mérite, et moins je dois l’aimer ;
Cependant mon destin à ce point est amer,
Et que plus ses vertus sont dignes de l’hommage
 
Que plus elle mérite, et moins je dois l'aimer ;
 
Et que plus ses vertus sont dignes de l'hommage
 
Que rend toute mon âme à cet illustre objet,
 
Plus je la dois fermer à tout autre projet
Qu’à celui d’égaler sa grandeur de courage.</poem>
 
Qu'à celui d'égaler sa grandeur de courage.
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Du moins vous rendre heureux, ce n'estn’est plus hasarder.
Puisqu’un si digne amour fait grâce à Lysander,
 
Il n’a plus lieu de se contraindre :
Puisqu'un si digne amour fait grâce à Lysander,
Vous devenez par là maître de tout l’état ;
 
Et ce grand homme à vous, vous n’avez plus à craindre
Il n'a plus lieu de se contraindre :
Ni d’éphores ni de sénat.</poem>
 
Vous devenez par là maître de tout l'état ;
 
Et ce grand homme à vous, vous n'avez plus à craindre
Ni d'éphores ni de sénat.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Je n'enn’en suis pas encor d'accordd’accord avec moi-même.
J’aime ; mais, après tout, je hais autant que j’aime ;
 
J'aime ; mais, après tout, je hais autant que j'aime ;
 
Et ces deux passions qui règnent tour à tour
Ont au fond de mon cœur si peu d’intelligence,
 
Qu’à peine immole-t-il la vengeance à l’amour,
Ont au fond de mon coeur si peu d'intelligence,
Qu’il voudrait immoler l’amour à la vengeance.
 
Qu'à peine immole-t-il la vengeance à l'amour,
 
Qu'il voudrait immoler l'amour à la vengeance.
 
Entre ce digne objet et ce digne ennemi,
 
Mon âme incertaine et flottante,
Quoi que l’un me promette, et quoi que l’autre attente,
 
Ne se peut ni dompter, ni croire qu’à demi :
Quoi que l'un me promette, et quoi que l'autre attente,
Ne se peut ni dompter, ni croire qu'à demi :
 
Et plus des deux côtés je la sens balancée,
 
Plus je vois clairement que si je veux régner,
 
Moi qui de Lysander vois toute la pensée,
Il le faut tout à fait ou perdre ou regagner ;
 
Qu’il est temps de choisir.</poem>
Il le faut tout à fait ou perdre ou regagner ;
 
Qu'il est temps de choisir.
 
{{Personnage|xenocles|c}}
Qu'il<poem>Qu’il serait magnanime
De vaincre et la vengeance et l’amour à la fois !</poem>
 
De vaincre et la vengeance et l'amour à la fois !
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Il faudrait, Xénoclès, une âme plus sublime.</poem>
 
{{Personnage|xenocles|c}}
<poem>Il ne faut que vouloir : tout est possible aux rois.</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Ah ! Si je pouvais tout, dans l'ardeurl’ardeur qui me presse
Pour ces deux passions qui partagent mes voeuxvœux,
 
Peut-être aurais-je la faiblesse
D’obéir à toutes les deux.</poem>
 
{{scène|VI}}
D'obéir à toutes les deux.
{{acteurs|Agésilas, Lysander, Xénoclès}}
 
{{scène|VI}} {{acteurs|Agésilas, Lysander, Xénoclès}}
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Seigneur, il vous a plu disposer d'Elpiniced’Elpinice ;
Nous devons, elle et moi, beaucoup à vos bontés ;
 
Et je serai ravi qu’elle vous obéisse,
Nous devons, elle et moi, beaucoup à vos bontés ;
Pourvu que de Cotys les vœux soient acceptés.
 
J’en ai donné parole, il y va de ma gloire.
Et je serai ravi qu'elle vous obéisse,
 
Pourvu que de Cotys les voeux soient acceptés.
 
J'en ai donné parole, il y va de ma gloire.
 
Spitridate, sans lui, ne saurait être heureux ;
Et donner mon aveu, s’ils ne le sont tous deux,
 
C’est faire à mon honneur une tache trop noire.
Et donner mon aveu, s'ils ne le sont tous deux,
 
C'est faire à mon honneur une tache trop noire.
 
Vous pouvez nous parler en roi.
Ma fille vous doit plus qu’à moi :
 
Ma fille vous doit plus qu'à moi :
 
Commandez, elle est prête, et je saurai me taire.
N’exigez rien de plus d’un père.
 
N'exigez rien de plus d'un père.
 
Il a tenu toujours vos ordres à bonheur ;
 
Mais rendez-lui cette justice
De souffrir qu’il emporte au tombeau cet honneur,
 
Qui fait l’unique prix de trente ans de service.</poem>
De souffrir qu'il emporte au tombeau cet honneur,
 
Qui fait l'unique prix de trente ans de service.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Oui, vous l'yl’y porterez, et du moins de ma part
 
Ce précieux honneur ne court aucun hasard.
On a votre parole, et j’ai donné la mienne ;
 
Et pour faire aujourd’hui que l’une et l’autre tienne,
On a votre parole, et j'ai donné la mienne ;
Il faut vaincre un amour qui m’était aussi doux
 
Que votre gloire l’est pour vous,
Et pour faire aujourd'hui que l'une et l'autre tienne,
Un amour dont l’espoir ne voyait plus d’obstacle.
 
Il faut vaincre un amour qui m'était aussi doux
 
Que votre gloire l'est pour vous,
 
Un amour dont l'espoir ne voyait plus d'obstacle.
 
Mais enfin il est beau de triompher de soi,
Et de s’accorder ce miracle,
 
Et de s'accorder ce miracle,
 
Quand on peut hautement donner à tous la loi,
 
Et que le juste soin de combler notre gloire
Demande notre cœur pour dernière victoire.
 
Un roi né pour l’éclat des grandes actions
Demande notre coeur pour dernière victoire.
Dompte jusqu’à ses passions,
 
Et ne se croit point roi, s’il ne fait sur lui-même
Un roi né pour l'éclat des grandes actions
Le plus illustre essai de son pouvoir suprême.</poem>
 
Dompte jusqu'à ses passions,
 
Et ne se croit point roi, s'il ne fait sur lui-même
 
Le plus illustre essai de son pouvoir suprême.
 
{{didascalie|À Cotys.}}
 
<poem>Allez dire à Cotys que Mandane est à lui ;
Que si mes feux aux siens ne l’ont pas accordée,
Pour venger son amour de ce moment d’ennui,
Je veux la lui céder comme il me l’a cédée.
Oyez de plus…</poem>
 
{{didascalie|Il parle à l’oreille de Xénoclès qui s’en va.}}
Que si mes feux aux siens ne l'ont pas accordée,
 
{{scène|VII}}
Pour venger son amour de ce moment d'ennui,
{{acteurs|Agésilas, Lysander}}
 
Je veux la lui céder comme il me l'a cédée.
 
Oyez de plus...
 
{{didascalie|Il parle à l'oreille de Xénoclès qui s'en va.}}
 
{{scène|VII}} {{acteurs|Agésilas, Lysander}}
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Eh bien ! Vos mécontentements
 
Me seront-ils encore à craindre ?
 
Et vous souviendrez-vous des mauvais traitements
Qui vous avaient donné tant de lieu de vous plaindre ?</poem>
 
Qui vous avaient donné tant de lieu de vous plaindre ?
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Je vous ai dit, Seigneur, que j'étaisj’étais tout à vous ;
Et j’y suis d’autant plus, que malgré l’apparence,
 
Je trouve des bontés qui passent l’espérance,
Et j'y suis d'autant plus, que malgré l'apparence,
Où je n’avais cru voir que des soupçons jaloux.</poem>
 
Je trouve des bontés qui passent l'espérance,
 
Où je n'avais cru voir que des soupçons jaloux.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Et que va devenir cette docte harangue
Qui du fameux Cléon doit ennoblir la langue ?</poem>
 
Qui du fameux Cléon doit ennoblir la langue ?
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Seigneur…</poem>
Seigneur...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Nous sommes seuls, j'aij’ai chassé Xénoclès :
Parlons confidemment. Que venez-vous d’écrire
 
À l’éphore Arsidas, au sénateur Cratès ?
Parlons confidemment. Que venez-vous d'écrire
Je vous défère assez pour n’en vouloir rien lire ;
 
Tout est encor fermé. Voyez.</poem>
À l'éphore Arsidas, au sénateur Cratès ?
 
Je vous défère assez pour n'en vouloir rien lire ;
 
Tout est encor fermé. Voyez.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Je suis coupable,
Parce qu’on me trahit, que l’on vous sert trop bien,
 
Parce qu'on me trahit, que l'on vous sert trop bien,
 
Et que par un effort de prudence admirable,
 
Vous avez su prévoir de quoi serait capable,
Après tant de mépris, un cœur comme le mien.
 
Après tant de mépris, un coeur comme le mien.
 
Ce dessein toutefois ne passera pour crime
Que parce qu’il est sans effet ;
 
Et ce qu’on va nommer forfait
Que parce qu'il est sans effet ;
N’a rien qu’un plein succès n’eût rendu légitime.
 
Tout devient glorieux pour qui peut l’obtenir,
Et ce qu'on va nommer forfait
Et qui le manque est à punir.</poem>
 
N'a rien qu'un plein succès n'eût rendu légitime.
 
Tout devient glorieux pour qui peut l'obtenir,
 
Et qui le manque est à punir.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Non, non ; j'auraisj’aurais plus fait peut-être en votre place :
Il est naturel aux grands cœurs
 
Il est naturel aux grands coeurs
 
De sentir vivement de pareilles rigueurs ;
Et vous m’offenseriez de douter de ma grâce.
 
Et vous m'offenseriez de douter de ma grâce.
 
Comme roi, je la donne, et comme ami discret
 
Je vous assure du secret.
 
Je remets en vos mains tout ce qui vous peut nuire.
Vous m’avez trop servi pour m’en trouver ingrat ;
 
Et d’un trop grand soutien je priverais l’état
Vous m'avez trop servi pour m'en trouver ingrat ;
Pour des ressentiments où j’ai su vous réduire.
 
Et d'un trop grand soutien je priverais l'état
 
Pour des ressentiments où j'ai su vous réduire.
 
Ma puissance établie et mes droits conservés
Ne me laissent point d’yeux pour voir votre entreprise.
 
Ne me laissent point d'yeux pour voir votre entreprise.
 
Dites-moi seulement avec même franchise,
Vous dois-je encore bien plus que vous ne me devez ?</poem>
 
Vous dois-je encore bien plus que vous ne me devez ?
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Avez-vous pu, Seigneur, me devoir quelque chose ?
 
Qui sert le mieux son roi ne fait que son devoir.
En vous de tout l’état j’ai défendu la cause,
 
Quand je l’ai fait tomber dessous votre pouvoir.
En vous de tout l'état j'ai défendu la cause,
 
Quand je l'ai fait tomber dessous votre pouvoir.
 
Le zèle est tout de feu quand ce grand devoir presse ;
Et comme à le moins suivre on s’en acquitte mal,
 
EtLe commemien àvous leservit moins suivrequ’il onne s'enservit acquittela malGrèce,
Quand j’en sus ménager les cœurs avec adresse
 
Le mien vous servit moins qu'il ne servit la Grèce,
 
Quand j'en sus ménager les coeurs avec adresse
 
Pour vous en faire général.
 
Je vous dois cependant et la vie et ma gloire ;
Et lorsqu’un dessein malheureux
 
Peut me coûter le jour et souiller ma mémoire,
Et lorsqu'un dessein malheureux
La magnanimité de ce cœur généreux…</poem>
 
Peut me coûter le jour et souiller ma mémoire,
 
La magnanimité de ce coeur généreux...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Reprochez-moi plutôt toutes mes injustices,
 
Que de plus ravaler de si rares services.
Elles ont fait le crime, et j’en tire ce bien,
 
Que j’ai pu m’acquitter et ne vous dois plus rien.
Elles ont fait le crime, et j'en tire ce bien,
 
Que j'ai pu m'acquitter et ne vous dois plus rien.
 
À présent que la gratitude
Ne peut passer pour dette en qui s’est acquitté,
 
Vos services, payés d’un traitement si rude,
Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitté,
Vont recevoir de moi ce qu’ils ont mérité.
 
S’ils ont su conserver un trône en ma famille,
Vos services, payés d'un traitement si rude,
J’y veux par mon hymen faire seoir votre fille :
 
C’est ainsi qu’avec vous je puis le partager.</poem>
Vont recevoir de moi ce qu'ils ont mérité.
 
S'ils ont su conserver un trône en ma famille,
 
J'y veux par mon hymen faire seoir votre fille :
 
C'est ainsi qu'avec vous je puis le partager.
 
{{Personnage|lysander|c}}
<poem>Seigneur, à ces bontés, que je n'osaisn’osais attendre,
Que puis-je…</poem>
 
Que puis-je...
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Jugez-en comme il en faut juger,
Et surtout commencez d’apprendre
 
Et surtout commencez d'apprendre
 
Que les rois sont jaloux du souverain pouvoir,
Qu’ils aiment qu’on leur doive, et ne peuvent devoir,
 
Que rien à leurs sujets n’acquiert l’indépendance,
Qu'ils aiment qu'on leur doive, et ne peuvent devoir,
Qu’ils règlent à leur choix l’emploi des plus grands cœurs ;
 
Qu’ils ont pour qui les sert des grâces, des faveurs,
Que rien à leurs sujets n'acquiert l'indépendance,
Et qu’on n’a jamais droit sur leur reconnaissance.
 
Qu'ils règlent à leur choix l'emploi des plus grands coeurs ;
 
Qu'ils ont pour qui les sert des grâces, des faveurs,
 
Et qu'on n'a jamais droit sur leur reconnaissance.
 
Prenons dorénavant, vous et moi, pour objet,
Les devoirs qu’il faudra l’un à l’autre nous rendre :
N’oubliez pas ceux d’un sujet,
Et j’aurai soin de ceux d’un gendre.</poem>
 
{{scène|VIII}}
Les devoirs qu'il faudra l'un à l'autre nous rendre :
{{acteurs|Agésilas, Lysander, Aglatide, conduite par Xénoclès}}
 
N'oubliez pas ceux d'un sujet,
 
Et j'aurai soin de ceux d'un gendre.
 
{{scène|VIII}} {{acteurs|Agésilas, Lysander, Aglatide, conduite par Xénoclès}}
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Sur un ordre, Seigneur, reçu de votre part,
 
Je viens, étonnée et surprise
De voir que tout d’un coup un roi m’en favorise,
 
Qui me daignait à peine honorer d’un regard.</poem>
De voir que tout d'un coup un roi m'en favorise,
 
Qui me daignait à peine honorer d'un regard.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Sortez d'étonnementd’étonnement. Les temps changent, Madame,
Et l’on n’a pas toujours mêmes yeux ni même âme.
 
Pourriez-vous de ma main accepter un époux ?</poem>
Et l'on n'a pas toujours mêmes yeux ni même âme.
 
Pourriez-vous de ma main accepter un époux ?
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Si mon père y consent, mon devoir me l'ordonnel’ordonne ;
Ce me sera trop d’heur de le tenir de vous.
 
Mais avant que savoir quelle en est la personne,
Ce me sera trop d'heur de le tenir de vous.
 
Mais avant que savoir quelle en est la personne,
 
Pourrais-je vous parler avec la liberté
 
Que me souffrait à Sparte un feu trop écouté,
Alors qu’il vous plaisait, ou m’aimer, ou me dire
 
Qu’en votre cœur mes yeux s’étaient fait un empire ?
Alors qu'il vous plaisait, ou m'aimer, ou me dire
Non que j’y pense encor ; j’apprends de vous, Seigneur,
 
Qu’on change avec le temps, d’âme, d’yeux et de cœur.</poem>
Qu'en votre coeur mes yeux s'étaient fait un empire ?
 
Non que j'y pense encor ; j'apprends de vous, Seigneur,
 
Qu'on change avec le temps, d'âme, d'yeux et de coeur.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre ;
Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi.</poem>
 
Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
<poem>Ce serait sans raison que j'oseraisj’oserais m'enm’en plaindre :
L’amour doit être libre, et vous êtes mon roi.
 
Mais puisque jusqu’à vous vous m’avez fait prétendre,
L'amour doit être libre, et vous êtes mon roi.
N’obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre,
 
Mais puisque jusqu'à vous vous m'avez fait prétendre,
 
N'obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre,
 
Et ne me faites point de lois
Qui profanent l’honneur de votre premier choix.
 
J’y trouvais pour moi tant de gloire,
Qui profanent l'honneur de votre premier choix.
J’en chéris à tel point la flatteuse mémoire,
 
J'y trouvais pour moi tant de gloire,
 
J'en chéris à tel point la flatteuse mémoire,
 
Que je regarderais comme un indigne époux
Quiconque m’offrirait un moindre rang que vous.
 
Quiconque m'offrirait un moindre rang que vous.
 
Si cet orgueil a quelque crime,
Il n’en faut accuser que votre trop d’estime :
 
Il n'en faut accuser que votre trop d'estime :
 
Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.
Après cela, parlez ; c’est à moi d’obéir.</poem>
 
Après cela, parlez ; c'est à moi d'obéir.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Je parlerai, Madame, avec même franchise.
J’aime à voir cet orgueil que mon choix autorise
À dédaigner les vœux de tout autre qu’un roi :
J’aime cette hauteur en un jeune courage ;
Et vous n’aurez point lieu de vous plaindre de moi,
Si votre heureux destin dépend de mon suffrage.</poem>
 
{{scène|IX}}
J'aime à voir cet orgueil que mon choix autorise
{{acteurs|Agésilas, Lysander, Cotys, Spitridate, Mandane, Elpinice, Aglatide}}
 
À dédaigner les voeux de tout autre qu'un roi :
 
J'aime cette hauteur en un jeune courage ;
 
Et vous n'aurez point lieu de vous plaindre de moi,
 
Si votre heureux destin dépend de mon suffrage.
 
{{scène|IX}} {{acteurs|Agésilas, Lysander, Cotys, Spitridate, Mandane, Elpinice, Aglatide}}
 
{{Personnage|cotys|c}}
<poem>Seigneur, à vos bontés nous venons consacrer,
Et Mandane et moi, notre vie. </poem>
 
Et Mandane et moi, notre vie.
 
{{Personnage|spitridate|c}}
<poem>De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer
Pour vous faire voir même envie.</poem>
 
Pour vous faire voir même envie.
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Je vous ai fait justice à tous,
 
Et je crois que ce jour vous doit être assez doux,
Qui de tous vos souhaits à votre gré décide ;
 
Qui de tous vos souhaits à votre gré décide ;
 
Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,
 
Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,
À qui le ciel en moi rend son premier amant.</poem>
 
À qui le ciel en moi rend son premier amant.
 
{{Personnage|aglatide|c}}
C'est<poem>C’est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.</poem>
 
{{Personnage|agésilas|c}}
<poem>Rendons nos coeurscœurs, Madame, à des flammes si belles ;
 
Et tous ensemble allons préparer ce beau jour
Qui par un triple hymen couronnera l’amour !</poem>
 
Qui par un triple hymen couronnera l'amour !
</center>
 
{{ThéâtreFin}}