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Sa femme, qui vit encore, n’est pas plus magnifique. Quand il fait vilain temps les vendredis, elle fait enchérir son beurre de Clichy-la-Garenne d’un sou par livre, en disant : « Il n’en sera guère venu aujourd’hui au marché. » Il en eut deux fils et deux filles : ses fils n’étoient pas mal faits. L’aîné, qui est aujourd’hui trésorier de l’épargne, étoit assez agréable, et peut-être, s’il eût été bien élevé, en eût-on fait quelque chose ; mais le père, qui est mort riche de quatre millions, ne voulut jamais faire la dépense d’un gouverneur, ni envoyer voyager ce jeune garçon ; au contraire, regardant à ce qui lui coûteroit le moins et se trouvant en année durant le siége d’Arras, il envoya son fils à Amiens, avec titre de commis de l’épargne, mais qui avoit un homme sous lui qui faisoit tout. Ce jeune fou se fit faire des armes qu’il porta à la cour, et rompit tant de fois la tête à M. de Noyers de le faire mettre dans l’escadron de M. le Grand, quand on mena le convoi dans les lignes, qu’il l’y fit mettre, et le lui recommanda. On n’étoit pas à mi-chemin, et le grand-maître, qui venoit au-devant du convoi, n’avoit point encore paru, quand il prit une si grande épouvante à cet écolier déguisé, que sans avoir vu ni ennemis ni autres gens que ceux avec qui il étoit, il passa sur le corps à toute l’armée, et galopa jusqu’à Amiens, où il s’alla cacher dans un grenier au foin, et après dit que son cheval l’avoit emporté. Sur cela on fit un vaudeville que voici :

Je suis Bazinière farouche[1],
Qui ne puis par monts ni par vaux

  1. Il a l’air hagard. (T.)