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BAZINIÈRE,
SES DEUX FILS ET SES DEUX FILLES.


Feu La Bazinière, trésorier de l’épargne, se nommoit Massé Bertrand ; il étoit fils d’un paysan d’Anjou, et, à son avénement à Paris, il fut laquais chez le président Gayan[1] : c’étoit même un fort sot garçon ; mais il falloit qu’il fût né aux finances. Après il fut clerc chez un procureur, ensuite commis, et insensiblement il parvint à être trésorier de l’épargne. Cela ne seroit que louable s’il en eût bien usé ; mais c’étoit le plus rustre et le plus avare de tous les hommes. Une fois, comme il parloit d’affaires à un homme, il le quitte sans dire gare, et s’en va gourmer un garçon couvreur, en lui disant : « Tu as tes poches toutes pleines de mon plomb. » Il se trouva que c’étoit une bribe de pain que ce pauvre diable avoit dans sa poche. On disoit que c’étoit l’homme de France le mieux servi, et qu’il ne changeoit jamais de valets ; c’est qu’il ne les payoit point, et qu’ils y demeuroient en attendant que l’humeur libérale prît à leur maître. Son portier fut contraint, pour être payé, de lui proposer de faire faire une boutique d’une porte cochère inutile qu’il avoit chez lui, et la fit louer à un frère vitrier qu’il avoit ; ainsi il recevoit les loyers au lieu de ses gages.

  1. Pierre Gayan, président des enquêtes, le 21 juin 1614. (T.)