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c’est vous qui me l’avez fait dire. » En effet, un soir qu’une dame de la campagne avoit assemblée pour faire voir toutes les beautés de la ville à Jarzé, qui y étoit venu depuis deux jours, et que Jarzé faisoit le dédaigneux : « Mon Dieu ! l’impertinent homme ! dit madame Bigot ; s’il se vient mettre auprès de moi, je m’en irai ailleurs. — Je vous en empêcherai bien, répondit Servien en riant, car je ne bougerai d’auprès de vous. » En causant, il lui dit qu’il n’aimoit rien tant que les violons, et qu’étant procureur général à Grenoble, il quittoit tous ses procès pour écouter s’il y avoit le moindre rebec[1] dans la rue. « À propos, lui dit-elle, on dit que vous nous les ferez entendre bientôt les violons ; mais la salle de mademoiselle Avril est un peu bien petite ; il faudra que sa grand’mère vous prête la sienne. » Il prit tout cela en raillant. Pourtant, sur la fin, ils s’en expliquèrent tout au long. L’abbé cependant ne put s’ôter cela de l’esprit, et il fit tant qu’il le maria avec la veuve d’un comte de d’Onzain de Vibraye[2] qui avoit été tué à Arras. Il eut de la peine à s’y résoudre, car il n’étoit pas trop épouseur. La Bigot, qui en enrageoit, lui faisoit la guerre de ce qu’il épousoit la fille de M. de La Grise[3] :

  1. Le rebec étoit une espèce de violon champêtre à trois cordes. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux, et Roquefort, de l’État de la poésie françoise aux XIIe et XIIIe siècles ; Paris, 1815, p. 108.)
  2. Servien épousa, le 14 décembre 1640, Augustine Le Roux, fille de Louis Le Roux, seigneur de La Roche-des-Aubiers, et d’Avoye Juillard, veuve de Jacques Huraut, comte d’Onzain.
  3. La Grise a été lieutenant des gardes-du-corps. (T.) — Il est question d’une madame de La Grise, et de mademoiselle de La Grise, sa fille, dans l’Histoire de la comtesse des Barres (l’abbé de Choisi) ; Bruxelles, François Foppens, 1736, p. 55 et suivantes. Il est vraisemblable que Choisi parle de la belle-mère de Servien et d’une fille qu’elle auroit eue de son second mariage.