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Reims. Sa sœur, madame Rambouillet, dit : « Il ne fera point sa commission ; mais il deviendra amoureux de la fille d’un tel, qui a aussi un emploi là. » Il ne manque pas. Il avoit mis des portraits de cette fille dans l’hôtellerie où il couchoit à Nanteuil, afin de la voir en allant et en revenant. Une fois il vint ici, et ne baisa ni sa sœur, ni sa nièce en arrivant. On sut depuis qu’il avoit juré à sa maîtresse de ne baiser pas une femme en son voyage. Le voilà marié. Le soir de ses noces, car il aimoit la mascarade, il dansa un ballet, composé de son beau-père, de sa belle-mère, de sa mariée et de lui. Les médisants d’Angers disoient : « M. Bigot est en faveur : il couche avec la maîtresse de M. Servien. » C’étoit un becco cornuto, et qui même n’avoit pas l’esprit de s’empêcher de faire connoître qu’il le savoit. Il y avoit presse à qui auroit Servien pour galant. Ménage, qui étoit alors à Angers, disoit à toutes ces femelles : « Pourquoi vous tourmentez-vous tant ? il vous voit toutes de même œil. » Tout borgne qu’il est, il ne laissoit pas d’aller à la chasse ; mais, dès qu’il craignoit quelque branche, il mettoit la main devant son bon œil ; et quelquefois on le trouvoit à dix pas de son cheval, car, ne voyant goutte, la première chose le jetoit à bas. Servien s’éprit aussi d’une fille d’Angers, qu’on appeloit mademoiselle Avril. L’abbé Servien eut peur qu’il ne l’épousât, et il pria madame Bigot de lui en parler. Elle, qui n’est point sotte, lui voulut ôter cette fantaisie, et lui dit qu’elle n’en feroit rien. Quelques jours après, l’abbé revient et la presse encore ; « car, disoit-il, je le sais de bonne part. — Hé bien ! lui dit-elle, monsieur l’abbé, je le lui dirai ; mais je lui dirai que