« Dialogues des morts/Dialogue 43 » : différence entre les versions

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Pompée Et César.
 
Rien n' est plus fatal dans un état libre que la
corruption des femmes et la prodigalité de ceux qui
aspirent à la tyrannie.
 
Pompée.
 
Je m' épuise en dépenses pour plaire aux
romains, et j' ai bien de la peine à y parvenir.
 
à l' âge de vingt-cinq ans j' avois déja triomphé.
 
J' ai vaincu Sertorius, Mithridate, les pirates
de Cilicie. Ces trois triomphes m' ont attiré
mille envieux. Je fais sans cesse des largesses,
je donne des spectacles, j' attire par mes
bienfaits des clients innombrables ; tout cela
n' apaise point l' envie. Le chagrin Caton refuse
même mon alliance. Mille autres me traversent
dans mes desseins. Mon beau-père, que
pensez-vous là-dessus ? Vous ne dites rien ?
César.
 
Je pense que vous prenez de fort mauvais
moyens pour gouverner la république.
 
Pompée.
 
Comment donc ! Que voulez-vous dire ? En
sauriez-vous de meilleurs que de donner à
pleines mains aux particuliers pour enlever
leurs suffrages, et que de gagner la faveur du
peuple par des gladiateurs, par des combats
de bêtes farouches, par des mesures de blé et
de vin, enfin que d' avoir beaucoup de clients
zélés pour les sportules que je donne ? Cinna,
Marius, Sylla, tous les autres les plus habiles,
n' ont-ils pas pris ce chemin-là ?
César.
 
Tout cela ne va point au but, et vous n' y
entendez rien. Catilina étoit de meilleur sens
que tous ces gens-là.
 
Pompée.
 
En quoi ? Vous me surprenez : parlez-vous
sérieusement ?
César.
 
Oui. Je ne fus jamais si sérieux.
 
Pompée.
 
Quel est donc ce secret pour apaiser
l' envie, pour guérir les soupçons, pour charmer
les patriciens et les plébéiens ?
César.
 
Le voulez-vous savoir ? Faites comme moi.
 
Je ne vous conseille que ce que je pratique
moi-même.
 
Pompée.
 
Quoi ? Flatter le peuple sous une apparence
de justice et de liberté ? Faire le tribun ardent
et le zélé Gracchus ?
César.
 
C' est quelque chose, mais ce n' est pas tout ;
il y a encore quelque chose de bien plus sûr.
 
Pompée.
 
Quoi donc ? Est-ce quelque enchantement
magique, quelque invocation de génie, quelque
science des astres ?
César.
 
Bon ! Tout cela n' est rien : ce ne sont que
contes de vieilles.
 
Pompée.
 
Ho ! Vous êtes bien méprisant. Vous avez
donc quelque commerce avec les dieux, comme
Numa, Scipion, et plusieurs autres ?
César.
 
Non, tous ces artifices-là sont usés.
 
Pompée.
 
Quoi donc ? Enfin ne me tenez plus en suspens.
 
César.
 
Voici les deux points fondamentaux de ma
doctrine : premièrement, corrompre toutes
les femmes, pour entrer dans le secret le plus
intime de toutes les familles ; en second lieu,
emprunter et dépenser toujours sans mesure,
ne payer jamais rien. Chaque créancier est
intéressé à avancer votre fortune, pour ne
perdre point l' argent que vous lui devez. Ils
vous donnent leurs suffrages ; ils remuent
ciel et terre pour vous procurer ceux de leurs
amis. Plus vous avez de créanciers, plus votre
brigue est forte. Pour me rendre maître de
Rome, je travaille à être le débiteur universel
de toute la ville. Plus je suis ruiné, plus je
suis puissant. Il n' y a qu' à dépenser, les
richesses nous viennent comme un torrent.
 
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