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Sera-t-on sauvé par l’illumination de la grâce ou par le poids additionné des œuvres méritoires ? Si le Christ donne raison à la contemplative Marie contre Marthe l’agissante, il est d’autres passages des livres saints qui semblent prononcer en faveur de la discipline inverse. Et ces deux disciplines sont malaisées à pratiquer simultanément sinon par ceux à qui une haute culture permet d’habiter par delà les horizons moyens. Dès le principe d’ailleurs l’antinomie est esquissée. Pierre et Paul les deux apôtres fondamentaux sont à cet égard, de vrais chefs d’école. Et si l’esprit de Pierre a généralement dominé dans {{corr|l’Eglise|l’Église}} officielle, celui de Paul a reçu de la prédication et des écrits d’un St-Augustin, par exemple, une force singulière de rénovation. Autre sujet de division : l’évangile incline nettement vers l’égalitarisme et la pauvreté y est exaltée. Qu’a-t-on fait de ses enseignements à cet égard ? Le ploutocratisme se répand et l’élément ecclésiastique, le pape en tête, y adhère sans remords. Tous les réformateurs qui ont paru jusqu’ici ont largement insisté sur cet aspect obligatoire du « retour à l’évangile ». Que fera le prochain ? Lèvera-t-il comme les Hussites et Savonarole la bannière de l’égalité sociale ? Reprendra-t-il la vieille thèse de St-Jérome ? Prétendra-t-il transformer le gouvernement civil en même temps que le dogme ou se bornera-t-il à prêcher la purification du pouvoir religieux sans toucher aux croyances ? Autant de points d’interrogation qui se posent au moment où Luther va intervenir. Lui-même ne sait pas dans quel sens il interviendra ni s’il est désigné pour cela. Fils d’un bûcheron, né en 1483, entré au couvent à Erfurth en 1505, c’est une nature à la fois puissante et faible, pénétrée par une crainte presque maladive de Dieu, allant de l’angoisse passive à l’audace active sans gradation ni maîtrise. Mais il faut voir dans sa passion indignée comme une concentration des motifs d’indignation inconsciente de son temps. Son contact avec Rome décide de sa vocation. Ce qu’il y voit le déroute non moins que l’exaspère car il n’y comprend rien. Comment comprendrait-il 7
Sera-t-on sauvé par l’illumination de la grâce ou par le poids additionné des œuvres méritoires ? Si le Christ donne raison à la contemplative Marie contre Marthe l’agissante, il est d’autres passages des livres saints qui semblent prononcer en faveur de la discipline inverse. Et ces deux disciplines sont malaisées à pratiquer simultanément sinon par ceux à qui une haute culture permet d’habiter par delà les horizons moyens. Dès le principe d’ailleurs l’antinomie est esquissée. Pierre et Paul les deux apôtres fondamentaux sont à cet égard, de vrais chefs d’école. Et si l’esprit de Pierre a généralement dominé dans {{corr|l’Eglise|l’Église}} officielle, celui de Paul a reçu de la prédication et des écrits d’un St-Augustin, par exemple, une force singulière de rénovation. Autre sujet de division : l’évangile incline nettement vers l’égalitarisme et la pauvreté y est exaltée. Qu’a-t-on fait de ses enseignements à cet égard ? Le ploutocratisme se répand et l’élément ecclésiastique, le pape en tête, y adhère sans remords. Tous les réformateurs qui ont paru jusqu’ici ont largement insisté sur cet aspect obligatoire du « retour à l’évangile ». Que fera le prochain ? Lèvera-t-il comme les Hussites et Savonarole la bannière de l’égalité sociale ? Reprendra-t-il la vieille thèse de St-Jérome ? Prétendra-t-il transformer le gouvernement civil en même temps que le dogme ou se bornera-t-il à prêcher la purification du pouvoir religieux sans toucher aux croyances ? Autant de points d’interrogation qui se posent au moment où Luther va intervenir. Lui-même ne sait pas dans quel sens il interviendra ni s’il est désigné pour cela. Fils d’un bûcheron, né en 1483, entré au couvent à Erfurth en 1505, c’est une nature à la fois puissante et faible, pénétrée par une crainte presque maladive de Dieu, allant de l’angoisse passive à l’audace active sans gradation ni maîtrise. Mais il faut voir dans sa passion indignée comme une concentration des motifs d’indignation inconsciente de son temps. Son contact avec Rome décide de sa vocation. Ce qu’il y voit le déroute non moins que l’exaspère car il n’y comprend rien. Comment comprendrait-il 7


En Italie il y a longtemps que les bons chrétiens détachés au fond du cœur de l’Eglise et du Saint-siège commercent directement avec Dieu. Les initiateurs de ce mouvement ont passé : ils se nomment Joachim de Flore et François d’Assise mais leur action subsiste alors que le monde ne sait plus rien d’eux. Ce qu’on y pense des débordements romains, Laurent de Médicis nous l’apprend. « Vous allez, écrit-il à son neveu qui part pour Rome, dans la sentine de tous les vices et vous aurez de la peine
En Italie il y a longtemps que les bons chrétiens détachés au fond du cœur de {{corr|l’Eglise|l’Église}} et du Saint-siège commercent directement avec Dieu. Les initiateurs de ce mouvement ont passé : ils se nomment Joachim de Flore et François d’Assise mais leur action subsiste alors que le monde ne sait plus rien d’eux. Ce qu’on y pense des débordements romains, Laurent de Médicis nous l’apprend. « Vous allez, écrit-il à son neveu qui part pour Rome, dans la sentine de tous les vices et vous aurez de la peine