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alluma celle des noirs du littoral et ceux-ci devinrent les pourvoyeurs de la traite ». Par millions et millions, traqués, enlevés de force ou attirés par ruse, des noirs furent dirigés en lamentables caravanes vers la côte de Guinée où on les embarquait pour l’Amérique. Entassés à fond de cale<ref name=p11>La législation britannique tolérait cinq esclaves par trois tonneaux, mais on en chargeait souvent sept. Pour les transports de soldats on exigeait des armateurs, au minimum, un espace de deux tonneaux pour trois hommes.</ref> privés d’air, « épuisés par le manque d’aliments et d’eau pure » vingt-cinq pour cent environ périssaient pendant la traversée. Parfois pour alléger le navire on en jetait en masse à la mer. Un grand nombre mouraient encore à l’arrivée, de misère ou de mauvais traitements si bien que finalement à peine les trois huitièmes de ces infortunés étaient utilisables à destination. Que pareil forfait ait pu se commettre et se soit prolongé pendant près de trois siècles n’est pas le plus instructif. Ce qu’il faut observer c’est l’inconscience des oppresseurs. Il y eut sur les côtes de Guinée des compagnies anglaises, danoises, suédoises, prussiennes, hollandaises, italiennes, françaises, fonctionnant régulièrement. Le duc d’York (plus tard Jacques {{rom-maj|ii|2}} d’Angleterre) était actionnaire d’une compagnie fondée vers la fin du {{rom-maj|xvii|17}}{{e|me}} siècle. Au {{rom-maj|xviii|18}}{{e|me}} siècle les {{corr|vaissaux|vaisseaux}} négriers français recevaient une prime de quarante francs par tonne, leur commerce étant considéré comme d’intérêt national en raison des énormes bénéfices qu’on en retirait.
alluma celle des noirs du littoral et ceux-ci devinrent les pourvoyeurs de la traite ». Par millions et millions, traqués, enlevés de force ou attirés par ruse, des noirs furent dirigés en lamentables caravanes vers la côte de Guinée où on les embarquait pour l’Amérique. Entassés à fond de cale<ref name=p11>La législation britannique tolérait cinq esclaves par trois tonneaux, mais on en chargeait souvent sept. Pour les transports de soldats on exigeait des armateurs, au minimum, un espace de deux tonneaux pour trois hommes.</ref> privés d’air, « épuisés par le manque d’aliments et d’eau pure » vingt-cinq pour cent environ périssaient pendant la traversée. Parfois pour alléger le navire on en jetait en masse à la mer. Un grand nombre mouraient encore à l’arrivée, de misère ou de mauvais traitements si bien que finalement à peine les trois huitièmes de ces infortunés étaient utilisables à destination. Que pareil forfait ait pu se commettre et se soit prolongé pendant près de trois siècles n’est pas le plus instructif. Ce qu’il faut observer c’est l’inconscience des oppresseurs. Il y eut sur les côtes de Guinée des compagnies anglaises, danoises, suédoises, prussiennes, hollandaises, italiennes, françaises, fonctionnant régulièrement. Le duc d’York (plus tard Jacques {{rom-maj|ii|2}} d’Angleterre) était actionnaire d’une compagnie fondée vers la fin du {{rom-maj|xvii|17}}{{e|me}} siècle. Au {{rom-maj|xviii|18}}{{e|me}} siècle les {{corr|vaissaux|vaisseaux}} négriers français recevaient une prime de quarante francs par tonne, leur commerce étant considéré comme d’intérêt national en raison des énormes bénéfices qu’on en retirait.


L’esclavage, en tant qu’institution, achève de disparaître de la surface du monde. Peu à peu, selon les termes consacrés « le travail libre se substitue au travail servile ». Dans quelle mesure est-il libre ?..… La succession des faits que nous venons d’évoquer explique la survie au sein de la civilisation actuelle de ce qu’on peut appeler une « mentalité esclavagiste » c’est-à-dire un attachement persistant de la classe possédante au dogme de sa supériorité obligatoire et des droits qui en découlent. Cette mentalité qui comporte naturellement un dédain inconscient pour le travail manuel oriente les pouvoirs publics même malgré eux vers le renforcement ou la consolidation des privilèges au lieu qu’ils le soient vers le redressement dosé des injustices sociales inséparables de tout groupement humain civilisé. Il est vraisemblable que les instincts démocratiques se développant ne trouveront finalement satisfaction que dans un état de choses basé sur la limitation des fortunes privées, le service ouvrier imposé à tous et l’instruction intégrale assurée à chacun de ceux reconnus
L’esclavage, en tant qu’institution, achève de disparaître de la surface du monde. Peu à peu, selon les termes consacrés « le travail libre se substitue au travail servile ». Dans quelle mesure est-il libre ?..… La succession des faits que nous venons d’évoquer explique la survie au sein de la civilisation actuelle de ce qu’on peut appeler une « mentalité esclavagiste » c’est-à-dire un attachement persistant de la classe possédante au dogme de sa supériorité obligatoire et des droits qui en découlent. Cette {{corr|mentalit|mentalité}} qui comporte naturellement un dédain inconscient pour le travail manuel oriente les pouvoirs publics même malgré eux vers le renforcement ou la consolidation des privilèges au lieu qu’ils le soient vers le redressement dosé des injustices sociales inséparables de tout groupement humain civilisé. Il est vraisemblable que les instincts démocratiques se développant ne trouveront finalement satisfaction que dans un état de choses basé sur la limitation des fortunes privées, le service ouvrier imposé à tous et l’instruction intégrale assurée à chacun de ceux reconnus