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crûment « l’asile de toute mauvaiseté ». Mais Pétrarque déclarait qu’«un ami de la tranquillité et de la vertu » ne pouvait se trouver mieux en aucune ville. Va pour la tranquillité ; les gondoles ne font pas de bruit. La vertu c’est autre chose. En tous cas par sa diplomatie habile mais fourbe, par l’égoïsme de sa politique, par l’absence de scrupules de ses procédés, le gouvernement vénitien s’était fait détester des nombreuses victimes de ses intrigues. En 1466 le duc de Milan le disait sans ambages aux ambassadeurs de Venise et, vers le même temps, le pape Jules {{rom-maj|ii|2}} déclarait à l’un d’eux qu’il voulait ramener sa patrie « à l’état d’un village de pêcheurs » ; à quoi le vénitien répondit : « Et nous, Saint Père, si vous n’êtes pas raisonnable, nous ferons de vous un petit curé ». Un jour vint où une ligue formidable qu’on a appelée la ligue de Cambrai (1508) se noua entre l’empereur d ’Allemagne, les rois de France et d’Aragon, le pape, les ducs de Ferrare et de Mantoue. Venise fut battue et se replia dans ses lagunes comme elle l’avait fait cent cinquante ans plus tôt (1358) lorsque les Génois avec l’appui des Hongrois lui avaient fait courir un péril intense. Dans ces moments-là les Vénitiens ne manquaient ni de courage ni de constance ; ils laissaient passer l’orage et vaillamment préparaient leur revanche sur la destinée.
crûment « l’asile de toute mauvaiseté ». Mais Pétrarque déclarait qu’«un ami de la tranquillité et de la vertu » ne pouvait se trouver mieux en aucune ville. Va pour la tranquillité ; les gondoles ne font pas de bruit. La vertu c’est autre chose. En tous cas par sa diplomatie habile mais fourbe, par l’égoïsme de sa politique, par l’absence de scrupules de ses procédés, le gouvernement vénitien s’était fait détester des nombreuses victimes de ses intrigues. En 1466 le duc de Milan le disait sans ambages aux ambassadeurs de Venise et, vers le même temps, le pape Jules {{rom-maj|ii|2}} déclarait à l’un d’eux qu’il voulait ramener sa patrie « à l’état d’un village de pêcheurs » ; à quoi le vénitien répondit : « Et nous, Saint Père, si vous n’êtes pas raisonnable, nous ferons de vous un petit curé ». Un jour vint où une ligue formidable qu’on a appelée la ligue de Cambrai (1508) se noua entre l’empereur d’Allemagne, les rois de France et d’Aragon, le pape, les ducs de Ferrare et de Mantoue. Venise fut battue et se replia dans ses lagunes comme elle l’avait fait cent cinquante ans plus tôt (1358) lorsque les Génois avec l’appui des Hongrois lui avaient fait courir un péril intense. Dans ces moments-là les Vénitiens ne manquaient ni de courage ni de constance ; ils laissaient passer l’orage et vaillamment préparaient leur revanche sur la destinée.
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La fortune de Venise pourtant commençait à déchoir non pas tant du fait des Turcs qui la chassaient peu à peu de ses positions dans la Méditerranée orientale que par suite de la découverte d’une route maritime vers les Indes. Le voyage de Vasco de Gama (1498) contournant l’Afrique et doublant le cap de Bonne espérance provoqua une révolution économique aussi soudaine que profonde. La différence entre le prix de revient des marchandises venues par mer et celui des mêmes marchandises ayant suivi la voie de terre était telle que rien ne pouvait la compenser. Dès 1502 Lisbonne devenait le grand marché des denrées orientales et, l’audace des Portugais croissant avec leurs succès, ils placèrent des navires à l’entrée de la mer Rouge pour achever d’arrêter le commerce de transit avec Venise par {{corr|l’Egypte|l’Égypte}}. Il eut fallu percer l’isthme de Suez. Venise y songea (1504) mais elle ne sut point convaincre le sultan {{corr|d’Egypte|d’Égypte}} de la valeur d’une telle mesure peu accessible à la mentalité musulmane. Lisbonne ironiquement invita Venise à venir se ravitailler chez elle et les marchands allemands désertant l’Adriatique s’y transportèrent en effet.
La fortune de Venise pourtant commençait à déchoir non pas
tant du fait des Turcs qui la chassaient peu à peu de ses
positions dans la Méditerranée orientale que par suite de la
découverte d’une route maritime vers les Indes. Le voyage de
Vasco de Gama (1498) contournant l’Afrique et doublant le cap de
Bonne espérance provoqua une révolution économique aussi
soudaine que profonde. La différence entre le prix de revient des
marchandises venues par mer et celui des mêmes marchandises
ayant suivi la voie de terre était telle que rien ne pouvait la
compenser. Dès 1502 Lisbonne devenait le grand marché des
denrées orientales et, l’audace des Portugais croissant avec leurs
succès, ils placèrent des navires à l’entrée de la mer Rouge pour
achever d’arrêter le commerce de transit avec Venise par l’Egypte.
Il eut fallu percer l’isthme de Suez. Venise y songea (1504) mais
elle ne sut point convaincre le sultan d’Egypte de la valeur d’une
telle mesure peu accessible à la mentalité musulmane. Lisbonne
ironiquement invita Venise à venir se ravitailler chez elle et les marchandsallemands
désertant l’Adriatique s’y transportèrent en effet.


Venise se débattit longtemps et glorieusement contre le mauvais sort. Lorsque les Turcs lui eurent enlevé Chypre, ce fut
Venise se débattit longtemps et glorieusement contre le mauvais sort. Lorsque les Turcs lui eurent enlevé Chypre, ce fut