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de trois mille hommes portant des vases remplis d’or tandis que deux cent cinquante chariots promenaient les statues, les objets d’art enlevés aux temples, aux monuments publics, aux collections privées. De tels spectacles étaient bien faits pour tourner la tête du peuple, l’incliner à la vanité et à la paresse, l’inciter à réclamer de ses dirigeants qu’ils le nourrissent et l’amusent. ''{{lang|la|Panem et circenses}}'', du blé et des représentations, ce sera désormais l’éternelle devise des foules romaines.
de trois mille hommes portant des vases remplis d’or tandis que deux cent cinquante chariots promenaient les statues, les objets d’art enlevés aux temples, aux monuments publics, aux collections privées. De tels spectacles étaient bien faits pour tourner la tête du peuple, l’incliner à la vanité et à la paresse, l’inciter à réclamer de ses dirigeants qu’ils le nourrissent et l’amusent. ''{{lang|la|Panem et circenses}}'', du blé et des représentations, ce sera désormais l’éternelle devise des foules romaines.


Qu’était-il ce peuple qui emplissait les rues de Rome ? Ramenés à la vie, les grands ancêtres ne l’eussent certainement pas reconnu. Des vrais Romains, des « hommes libres » selon la formule d’autrefois, on n’en voyait plus guère. Ceux qui restaient, pour la plupart servaient à l’armée. Dans cette ville en laquelle le monde méditerranéen reconnaissait maintenant sa capitale circulaient, par contre, des représentants de toutes les nations soumises et de tous les métiers, avouables ou non : les uns tendus vers l’aventure et le succès, les autres déchus et résignés à la vie médiocre, tous se drapant dans le même orgueil, légitime ou usurpé, du nom romain et confondus dans un culte unanime du moindre effort. Les mêmes sentiments, à peine atténués par
Qu’était-il ce peuple qui emplissait les rues de Rome ? Ramenés à la vie, les grands ancêtres ne l’eussent certainement pas reconnu. Des vrais Romains, des « hommes libres » selon la formule d’autrefois, on n’en voyait plus guère. Ceux qui restaient, pour la plupart servaient à l’armée. Dans cette ville en laquelle le monde méditerranéen reconnaissait maintenant sa capitale circulaient, par contre, des représentants de toutes les nations soumises et de tous les métiers, avouables ou non : les uns tendus vers l’aventure et le succès, les autres déchus et résignés à la vie médiocre, tous se drapant dans le même orgueil, légitime ou usurpé, du nom romain et confondus dans un culte unanime du moindre effort. Les mêmes sentiments, à peine atténués par l’expression plus nuancée, dominaient la haute classe. L’argent devenait le seul dieu ; le travail honnête et probe demeurait méprisé. Cicéron n’a-t-il pas écrit que « tout ouvrier exerce une profession vile et sordide car rien de noble ne peut sortir d’une boutique ou d'un atelier ». Prêter à des taux aussi élevés que possible constituait la principale source d’enrichissement sur place. Au loin, il y avait l’exploitation des nouvelles provinces. Jadis les territoires annexés étaient voisins ; on se bornait à les confisquer. Mais des « provinces » comme la Grèce, l’Afrique du nord, l’Espagne, il fallait bien les administrer, d’autant qu’elles contenaient des richesses bonnes à exploiter. Les mines espagnoles, par exemple, donnaient des bénéfices énormes. Polybe dit que quarante mille esclaves y travaillaient.… Or Rome ne possédait point d’agents spéciaux préposés par {{corr|l’Etat|l’État}} à la perception des impôts, des droits de douane, des produits des forêts, salines, etc… Pour tout cela, les censeurs s’adressèrent à des groupes de capitalistes. On procédait par voie d’adjudication donnant la préférence au plus offrant. Les compagnies adjudicataires cherchèrent à leur tour de gros bénéfices en pressurant les contribuables. C’est de là, finalement, que devait sortir la guerre civile. Entourés de tels exemples, les fonctionnaires envoyés dans les provinces conquises pour les gouverner « au nom du sénat
l’expression plus nuancée, dominaient la haute classe. L’argent
devenait le seul dieu ; Je travail honnête et probe demeurait
méprisé. Cicéron n’a-t-il pas écrit que « tout ouvrier exerce une
profession vile et sordide car r ien de noble ne peut sortir d’une
boutique ou d'un atelier >>. Prêter à des taux aussi élevés que
possible constituait la principale source d’enrichissement sur
place. Au loin, il y avait l’exploitation des nouvelles provinces.
Jadis les territoires annexés étaient voisins ; on se bornait à les
confisquer. Mais des (( provinces» comme la G rèce, l’Afrique
du nord, l’Espagne, il fallait bien les administrer, d’autant qu’elles
contenaient des richesses bonnes à exploiter. L es mines espagnoles,
par exemple, donnaient des bénéfices énormes. Polybe
dit que quarante mille esclaves y travaillaient. ... Or R ome n e
possédait point d ’agents spéciaux préposés par l’Etat à la perception
des impôts, des droits de douane, des produits des forêts,
salines, etc... Pour tout cela, les censeurs s’adressèrent à des
groupes de capitalistes. On procédait par voie d’adjudication
donnant la préférence au plus offrant. Les compagnies adjudicataires
cherchèrent à leur tqur de gros bénéfices en pressurant les
contribuables. C’est de là, finalement, que devait sortir la guerre
civile. Entourés de tels exemples, les fonctionnaires envoyés dans les provinces conquises pour les gouverner « au nom du sénat