« Le Pape » : différence entre les versions

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{{TitrePoeme’||[[Auteur:Victor Hugo|Victor Hugo]]|'''Le{{Personnage|LE PapePAPE|c}}'''<br><small>1878</small>}}
{{interprojet|nolink|w={{Personnage|LE PAPE|c}} (Hugo)}}
[[Catégorie:1878]]
[[Catégorie:Poèmes de Victor Hugo]]
[[Catégorie:Vatican]]
 
==__MATCH__:[[Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/19]]==
 
== '''Scène première ― Sommeil''' ==
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{{Personnage|LE PAPE|c}}, '' dans son lit.''
 
Ah ! je m’endors ! ― Enfin !
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Le sort est l’antre noir, l’âme est la lampe auguste ;
Dieu par la conscience inextinguible unit
L’innocence de l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} aux blancheurs du zénith.
Va, ta tête est au ciel par un rayon liée.
La vie est une page obscurément pliée
Que l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} en mourant lit et déchiffre en dormant.
Le sommeil est un sombre épanouissement.
Il est des voix, il est des pas, il est des ondes;
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Sous la sérénité du firmament vermeil.
 
Heureux l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} qui sent à travers son sommeil
Que les étoiles sont sur la terre levées
Pour protéger le faible et l’humble et leurs couvées,
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===LES ROIS ENTRENT===
<poem>
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 

<poem>Salut, Pape. Nous sommes
Les tout-puissants, lesLES roisROIS, les maîtres.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Salut, hommes.</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 
<poem>Prêtre, nous sommes rois.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
Pourquoi ?
<poem>Pourquoi ?</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 

<poem>Rois à jamais.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Et Dieu ?</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 

<poem>Tu sais qu’il est sur terre des sommets.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>De la hauteur de Dieu je ne vois qu’une plaine.</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 
<poem>Nous sommes grands, vainqueurs, forts.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Tout est l’ombre humaine.</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 
<poem>Nous sommes les élus.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
L’homme à l’homme est égal.
<poem>{{Personnage|L’HOMME|c}} à {{Personnage|L’HOMME|c}} est égal.</poem>
 
 
<poem>LES ROIS</poem>
 
<poem>Nous sommes ce que sont l’Horeb et le Galgal,
Ce qu’est le Sinaï par dessus les campagnes ;
Nous sommes une chaîne auguste de montagnes ;
Nous sommes l’horizon par Dieu même construit.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Les monts ont au front l’aube et lesLES roisROIS ont la nuit.
Dieu n’a pas fait lesLES roisROIS.</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 

<poem>N’es-tu pas roi toi-même ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Moi ! régner ! non !</poem>
 
 
{{Personnage|LES ROIS|c}}
 

<poem>Alors, qu’est-ce que tu fais ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>J’aime.</poem>
 
<center>*</center>
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===LE PAPE SUR LE SEUIL DU VATICAN===
 
 
<poem>
<poem>Je parle à la Cité, je parle à l’Univers.
 
Écoutez, ô vivants de tant d’ombre couverts,
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Il n’est sous le grand ciel impénétrable et doux
Qu’une pourpre, l’amour ; qu’un trône, l’innocence.
L’aube et l’obscure nuit sont dans l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} en présence
Comme deux combattants prêts à s’entre-tuer ;
Le prêtre est un pilote ; il doit s’habituer
A la lumière afin que son âme soit blanche ;
Tout veut croître au grand jour, l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}}, la fleur, la branche,
La pensée ; il est temps que l’aurore ait raison ;
Et Dieu ne nous a pas confié sa maison,
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Grandir l’ombre et tourner à contre-sens la sphère.
Je suis comme vous tous, aveugle, ô mes amis !
J’ignore l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}}, Dieu, le monde ; et l’on m’a mis
Trois couronnes au front, autant que d’ignorances.
Celui qu’on nomme un pape est vêtu d’apparences ;
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Sans savoir où le soir je poserai ma tête,
N’ayant rien que l’instant, et les instants sont courts ;
Je sais que l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} souffre, et j’arrive au secours
De tout esprit qui flotte et de tout cœur qui sombre ;
Je vais dans les déserts, dans les hameaux, dans l’ombre,
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Et d’aller, en semant des âmes, devant soi !
Je prends la terre aux rois, je rends aux Romains Rome,
Et je rentre chez Dieu, c’est-à-dire chez l’Homme{{Personnage|L’HOMME|c}}.
Laisse-moi passer, peuple. Adieu, Rome.</poem>
 
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===LE SYNODE D’ORIENT===
 
{{Personnage|{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}} D’ORIENT|c}}, ''tiare au front, en habits pontificaux ; les évêques l’entourent ; mitres et chapes d’or.''
 
 
<poem>

<poem>Chantez,
Allégresse et louange ! ô tribus, ô cités,
Chantez dans le vallon, chantez sur la montagne.
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Peuple, je suis l’apôtre, et je bénis les cieux.
 
''Entre un homme vêtu de bure noire, une croix de bois à la main.''</poem>
 
{{Personnage|L’HOMME|c}}
 
<poem>Bénir le ciel est bien, bénir l’enfer est mieux.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>L’enfer !</poem>
 
{{Personnage|L’HOMME|c}}
 

<poem>Oui, c’est-à-dire, ô prêtre, les misères.
Bénis cela. Bénis les pleurs, les cœurs sincères ;
Mais flétris, où le bien contre le mal combat ;
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Bénis les réprouvés, bénis les parias,
Et ce total des maux qui sur terre est la sommé
Des salaires. Bénis l’enfer.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Quel est cet homme?</poem>
 
{{Personnage|L’HOMME|c}}
 
<poem>Évêque d’Orient, l’évêque d’Occident
Te salue, et je suis ton frère. Sois prudent
Et sois pensif; car Dieu, sache-le, prêtre, existe.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>C’est vous, Père ! vêtu d’un linceul !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Je suis triste.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Vous le premier sur terre !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
Hélas!
<poem>Hélas!</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Triste de quoi ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>De la douleur de tous et de ta joie à toi.</poem>
 
''Il fait un pas et regarde fixement leLE PatriarchePATRIARCHE.''
 
<poem>Prêtre, on souffre ! et le luxe odieux t’environne !
Commence par jeter par terre ta couronne.
La couronne est gênante à l’auréole. Il faut
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Avec tes vanités, avec tes convoitises.
Frère, ne soyons pas des prêtres désastreux.
N’imitons pas les{{Personnage|LES roisROIS|c}} qui se volent entr’eux
Les Alsaces, les Metz, les Strasbourg, les Hanovres.
Prêtre, à qui donc as-tu pris ta richesse? Aux pauvres.
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Sache qu’au lit public les femmes s’habituent
Parce qu’il faut céder, se rendre, et vivre enfin,
Le riche ayant le vice et le{{Personnage|LE pauvrePAUVRE|c}} la faim.
Que te sert d’empiler sur des planches d’armoire
Du velours, du damas, du satin, de la moire,
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Plus d’éclairs, plus de voix, plus de bruits, plus de feux,
Plus de prodiges, noirs ou sereins, sur les grèves,
Sur les monts, dans les bois, que l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} n’a de rêves ;
Tandis qu’il est. cet être inconcevable-là.
Nous prêtres, nous vieillards, drapés d’un falbala,
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Prêtres, la croix de bois et la robe de bure,
Le front haut chez les{{Personnage|LES roisROIS|c}}, et pas d’autre courbure
Que le fléchissement des âmes devant Dieu !
Quoi ! les{{Personnage|LES roisROIS|c}} sont la roue et vous êtes l’essieu !
Le peuple est sous vos pieds, parce qu’il est la base,
Et vous faites rouler sur lui ce qui l’écrase !
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Oui, j’en avais sur moi, partout, sur mes habits,
Sur mon âme ; mais j’ai vidé cela bien vite
Chez les pauvres.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Seigneur et docteur, grand lévite,
Pape sublime, évêque illustre et souverain,
Les tables de la loi sont un livre d’airain ;
Nul n’y peut rien changer, pas même toi, mon père.</poem>
 
 
{{Personnage|UN ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Il faut que l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}} souffre afin que Dieu prospère ;
L’or du temple éblouit le{{Personnage|LE pauvrePAUVRE|c}} utilement.
Il faut la perle au dogme et l’astre au firmament;
Il faut que les vivants, foules, essaims; mêlées,
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Cette clarté leur est nécessaire en leur nuit.
Le temple opulent sert et l’autel pauvre nuit.
Il sied que le pasteur comme un soleil se lève.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Parlons des rois avec précaution ; leur glaive
Jette à peu près la même ombre que notre croix ;
Le temple a Dieu pour base et pour cime lesLES roisROIS ;
Dieu croule si lesLES roisROIS tombent.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 

<poem>La foule est faite
Pour le maître, qu’il soit soldat, juge ou prophète ;
Le prêtre est le premier des maîtres ; le second
C’est le roi.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Le soc dur fait le sillon fécond ;
Oui, déchirons! Ainsi l’on sème, ainsi l’on fonde ;
Et l’épi sera beau si la plaie est profonde.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Frère, Dieu n’a jamais voulu qu’on le comprît.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Le royaume des cieux est aux pauvres d’esprit;
Donc peu d’écoles, point de science, un seul livre.</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Les peuples ont pour loi d’être en bas et de suivre;
Et leur ascension est faite quand vers nous.
Ils montent les degrés dès temples à genoux,</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>La pensée en dehors du dogme est de l’ivraie.
C’est la justice juste et la vérité vraie
Que j’affirme. Anathème à l’hommeL’HOMME révolté !</poem>
 
 
{{Personnage|AUTRE ÉVÊQUE|c}}
 
<poem>Nous avons dans nos mains la terrible clarté.
Il faut que la lumière éclaire, ou qu’elle brûle.
Le prêtre est infidèle à son Dieu s’il recule
Et si, devant l’impie, il hésite à pencher
Le flambeau jusqu’au tas de paille du bûcher.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Ce qu’on nomme aujourd’hui liberté, c’est l’abîme.
Et c’est là que dit l’effrayant Kéroubime
Debout sur le mur noir de l’infini. Croyez.
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Voilà les vérités qui jaillirent du gouffre
Le jour où sur l’Horeb le tonnerre a brillé.
</poem>
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Frères, figurez-vous, ― je me suis réveillé !</poem>
LE PAPE
 
Frères, figurez-vous, ― je me suis réveillé !
 
{{Personnage|LES ÉVÊQUES|c}}
 
<poem>Qu’entendez-vous par là ?</poem>
LES ÉVÊQUES
 
Qu’entendez-vous par là ?
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
LE PATRIARCHE
<poem>Qu’est-ce que tu médites ?</poem>
 
Qu’est-ce que tu médites ?
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Je ne crois plus un mot de tout ce que vous dites !</poem>
LE PAPE
 
Je ne crois plus un mot de tout ce que vous dites !
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Quoi ! vous seriez l’horrible et vivant démenti
LE PATRIARCHE
De vos prédécesseurs glorieux ?</poem>
 
Quoi ! vous seriez l’horrible et vivant démenti
De vos prédécesseurs glorieux ?
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
LE PAPE
<poem>J’ai senti
Un mécontentement inquiétant dans l’ombre.</poem>
 
J’ai senti
Un mécontentement inquiétant dans l’ombre.
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Le pilote aveuglé, c’est le vaisseau qui sombre.
LE PATRIARCHE
 
Le pilote aveuglé, c’est le vaisseau qui sombre.
Ne changez pas de route! O Père, n’allez pas
Du côté de la nuit, du côté du trépas !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Je marche vers la vie.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Il faudra rendre compte.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Certes !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Songez au ciel. Vous en tombez.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>J’y monte.</poem>
 
 
les évêques
LES ÉVÊQUES
 
<poem>O sombre cécité !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Je vous dis que je vois.
J’étais sur un sommet doré, sur un pavois,
Dans l’encens, dans les chants et les épithalames.
Ligne 642 ⟶ 671 :
Être bon, m’arracher tous ces crimes du flanc,
Guider, sauver, guérir, supprimer les Sodomes,
Bénir, et rendre enfin Dieu respirable aux hommes !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Vous avez un devoir, foudroyer.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
Avertir.
<poem>Avertir.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Songez au Dieu vengeur.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Je songe au Christ martyr.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 
<poem>Roi...</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>La chaire changée en trône est impudique.
Pauvre et nu, Jésus règne ; et, roi, le prêtre abdique.
Prêtre, j’ai le roseau de Jésus à la main ;
Ligne 684 ⟶ 716 :
Du supplice et du meurtre, et ne veux point m’asseoir
Parmi ces rois sur qui tombe l’éternel soir.
J’aime ! je sens en moi la grande clarté vivre.</poem>
 
 
<poem>LES ÉVÊQUES</poem>
 
<poem>Guide-nous, mais suis-nous. Pour guider, il faut suivre.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Jamais. Je suis sorti, plein d’horreur et d’effroi,
De toute votre nuit ! Quoi ! l’on eût dit de moi :
Terre, cet homme avait la garde d’une idée,
Ligne 704 ⟶ 736 :
Que se doivent les cieux et les âmes, rapport
Et lien entre un mât frissonnant et le port,
Échange de lueur entre l’abîme et l’homme{{Personnage|L’HOMME|c}}.
Quoi ! parce que de vains simulacres qu’on nomme
Princes, maîtres, seigneurs, chefs, souverains, césars,
Ligne 735 ⟶ 767 :
L’aurore se levait, cet homme l’a vendue !
Il a prostitué l’étoile du matin !:
Non! non!</poem>
 
 
{{Personnage|LE PATRIARCHE|c}}
 

<poem>Vous blasphémez, Pape !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Prêtre hautain,
Sois humble! Autel doré, dédore-toi, rayonne !
Plaie au flanc du Christ, bouche auguste qu’on bâillonne
Ligne 760 ⟶ 794 :
Quoi ! plus de prêtres ! Quoi ! plus de temple ! ― L’abîme.
Tout disparaît. Jadis Babel ainsi croula.
Me voilà seul ! Plus rien que l’ombre.</poem>
 
 
{{Personnage|UNE VOIX AU FOND DE L’INFINI|c}}
 

<poem>Je suis là.</poem>
 
 
Ligne 772 ⟶ 807 :
 
===UN GRENIER===
 
<poem>
 
''L’hiver. Un grabat.''
Ligne 778 ⟶ 813 :
 
 
{{Personnage|LE PAUVRE|c}}
 
<poem>Je ne crois pas en Dieu.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''entrant.''
 

<poem>Tu dois avoir faim. Mange.</poem>
 
''Il partage son pain et en donne la moitié au pauvre.''
 
 
{{Personnage|LE PAUVRE|c}}
 
<poem>Et mon enfant ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Prends tout.</poem>
 
 
Ligne 803 ⟶ 840 :
 
 
{{Personnage|L’ENFANT|c}}, ''mangeant.''
 

<poem>C’est bon.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''au pauvre.''
 

<poem>L’enfant, c’est l’ange.
Laisse-moi le bénir.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAUVRE|c}}
 

<poem>Fais ce que tu voudras.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''vidant une bourse sur le grabat.''
 
<poem>Tiens, voici de l’argent pour t’acheter des draps.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAUVRE|c}}
 
<poem>Et du bois.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Et de quoi vêtir l’enfant, la mère,
Et toi, mon frère. Hélas ! cette vie est amère.
Je te procurerai du travail. Ces grands froids
Sont durs. Et maintenant parlons de Dieu.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAUVRE|c}}
 

<poem>J’y crois.</poem>
 
 
Ligne 845 ⟶ 887 :
 
 
==={{Personnage|LE PAPE|c}} AUX FOULES===
 
<poem>
 
<poem>A travers la douleur, l’angoisse, les alarmes,
Du fond des nuits, du fond des maux, du fond des larmes,
Venez à moi vous tous qui tremblez, qui souffrez,
Ligne 859 ⟶ 901 :
Je suis le serviteur de votre servitude,
Et de votre cachot je suis le prisonnier ;
Le premier chez les{{Personnage|LES roisROIS|c}}, parmi vous.le dernier.
Votre part est la bonne, elle est la plus auguste ;
Le riche a beau bien faire, être sage, être juste ;
Ligne 866 ⟶ 908 :
 
Je vous aime, et n’ai pas d’autre raison pour être,
Fils, le prêtre du-juge et le{{Personnage|LE jugeJUGE|c}} du prêtre.
Je ne suis qu’un pauvre homme appartenant à tous.
O souffrants, aidez-moi. Je tâche d’être doux.
Ligne 915 ⟶ 957 :
Qui naissent sur la terre à toute heure, en tout lieu,
Arriver avec tous les pauvres devant Dieu !
Venez, vous qu’on maudit ! Venez, vous qu’on méprise !</poem>
 
''Tous les misérables viennent autour de lui de tous côtés.''
 
 
{{Personnage|UN PASSANT|c}}
 
<poem>Qu’est-ce que tu fais là, vieillard ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Je thésaurise.</poem>
 
Je thésaurise.
</poem>
 
 
Ligne 935 ⟶ 978 :
 
===L’INFAILLIBILITÉ===
<poem>
 
 
Ah ! je suis l’Infaillible !
<poem>Ah ! je suis l’Infaillible !
 
Ah ! c’est moi qui vois clair !
Ligne 968 ⟶ 1 011 :
Malgré Pascal doutant et Voltaire niant,
Que Dieu peut-être aura moins d’inconvénient.
Donc son chien est leLE papePAPE, et je comprends qu’en somme,
L’aveugle étant le dieu, le clairvoyant soit l’hommeL’HOMME.
 
Dérision lugubre ! Insulte au firmament !
 
Donc leLE papePAPE jamais ne chancelle et ne ment ;
Donc jamais une erreur ne tombe de sa bouche ;
L’infaillibilité formidable et farouche
Ligne 990 ⟶ 1 033 :
Je suis l’autorité, je suis la certitude,
Et mon isolement, Dieu, vaut ta solitude ;
LeLE papePAPE est avec toi le seul être debout
Sur cet immense Rien que l’hommeL’HOMME appelle Tout ;
Tout n’est rien devant moi comme devant toi, Maître.
Je sais la fin, je sais le but, je connais l’Être ;
Ligne 1 004 ⟶ 1 047 :
Tu dois courber ton front énorme dans les cieux !
Le grand char étoile tourne sur deux essieux,
Dieu, leLE PapePAPE.
 
O soleils ! astres ! gouffres des êtres !
Ligne 1 018 ⟶ 1 061 :
 
===EN VOYANT PASSER DES BREBIS TONDUES===
<poem>
<poem>Les sombres vents du soir soufflent de tous côtés.
O brebis, ô troupeaux, ô peuples, grelottez.
Où donc est votre laine, ô marcheurs lamentables ?
Ligne 1 036 ⟶ 1 079 :
Votre laine n’est pas à vous, elle est aux maîtres,
Elle est à ceux pour qui’ le chien aboie, à ceux
Qui sont lesLES roisROIS, les forts, les grands, les paresseux !
A ceux qui pour servante ont votre destinée !
 
Ligne 1 045 ⟶ 1 088 :
Où donc sont ces bergers qu’on appelle les prêtres ?
Nul ne te défend, peuple, ô troupeau qui m’es cher,
Et l’on te prend ta laine en attendant ta chair.</poem>
 
''La nuit vient.''
 
<poem>Ils courent par moments; les coups inexorables
Pleuvent, et l’on croit voir, avec ces misérables,
La vérité, le droit, la raison, l’équité, ,
Ligne 1 073 ⟶ 1 116 :
C’est trop d’ombre. Oh ! pitié ! Des deux côtés des routes
Tout est brume, erreur, doute ; et le brouillard trompeur
Les glace et les aveugle ; ils ont froid, ils ont peur.</poem>
 
''L’obscurité redouble.''
 
<poem>De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ?
Allez, disparaissez à l’horizon sinistre.
Passe, ô blême troupeau dans la brume décru.
Ligne 1 092 ⟶ 1 135 :
Hélas ! met au delà de toutes les misères,
De tout ce qui gémit, saigne et s’évanouit,
Le morne effacement des errants dans la nuit !</poem>
 
 
Ligne 1 099 ⟶ 1 142 :
 
===PENSIF DEVANT LE DESTIN===
<poem>
<poem>Tout ce qui pense, vit, marche, respire, passe,
Va, vient, palpite, naît et meurt, demande grâce.
Il n’est pas sur la terre un homme qui n’ait fait
Ligne 1 120 ⟶ 1 163 :
Avance, c’est la nuit. Recule, c’est l’enfer.
Homme, il est Prométhée; ange, il est Lucifer.</poem>
 
 
 
Ligne 1 126 ⟶ 1 170 :
 
===ON CONSTRUIT UNE ÉGLISE===
<poem>
 
L’ARCHEVÊQUE
 
{{Personnage|L’ARCHEVÊQUE|c}}
Hommes qui bâtissez une église, il importe
 
<poem>Hommes qui bâtissez une église, il importe
D’en faire magnifique et superbe la porte
Pour que la foule y puisse entrer facilement ;
Ligne 1 144 ⟶ 1 188 :
Et la grandeur du lieu sur la grandeur de l’hôte ;
Que la crypte soit vaste et que la nef soit haute ;
Que l’hommeL’HOMME entende là passer confusément
La faute et le pardon, divin chuchotement ;
Que le saint-livre ouvert soit sur la sainte-table ;
Ligne 1 180 ⟶ 1 224 :
Épuiserait Golconde et n’y pourrait suffire ;
Prodiguez-y l’airain, le jaspe et le porphyre
Que n’atteint pas la rouille et né mord pas le ver.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>Et mettez-y des lits pour les pauvres l’hiver.</poem>
 
 
Ligne 1 192 ⟶ 1 236 :
 
===EN VOYANT UNE NOURRICE===
 
<poem>
<poem>Mère, je te bénis. La nourrice est sacrée.
Après l’éternité la maternité crée ;
Eve s’ajoute à Dieu pour compléter Japhet ;
Et l’hommeL’HOMME, composé d’âme et de chair, est fait
Du rayon de l’abîme et du lait de la femme.
L’ineffable empyrée est une vaste trame
Ligne 1 213 ⟶ 1 257 :
En ce monde où l’enfant sans l’astre est incomplet,
La goutte de lumière et la goutte de lait.
O bénédiction, sois à jamais sur l’hommeL’HOMME !</poem>
 
''Rêveur.''
 
<poem>Et pourtant, ô vivants, quand je songe à Sodome,
A Carthage, à Moloch, à tous vos noirs exploits,
A tous les attentats faits par toutes vos lois,
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Qu’on dressait la potence et qu’on creusait là fosse,
Cette femme avait dit au juge : Je suis grosse.
Et le{{Personnage|LE jugeJUGE|c}} avait dit : Soit. Alors, attendons.
― Oh ! si je ne sentais le ciel plein de pardons,
Comme je frémirais pour l’hommeL’HOMME et pour son âme ! ―
Qu’est-ce qu’on attendait ? ceci : que cette femme
Donnât la vie, afin de lui donner la mort.
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Écoutait dans la nuit le glas dire : Il le faut !
Et sentait dans son sein remuer l’échafaud.</poem>
 
 
 
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===UN CHAMP DE BATAILLE===
<small>DEUX ARMÉES EN PRÉSENCE</small>
<poem>
LE PAPE
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
J’ai peur. Je sens ici comme une âme terrible.
 
L’homme est la flèche, ô cieux profonds, l’homme est la cible !
<poem>J’ai peur. Je sens ici comme une âme terrible.
{{Personnage|L’HOMME|c}} est la flèche, ô cieux profonds, L’HOMME est la cible !
Mais quel est donc le bras qui tend cet arc affreux ?
Pourquoi ces hommes-ci s’égorgent-ils entr’eux ?
Quoi ! peuple contre peuple ! ô nations trompées !</poem>
 
''(S’avançant entre les deux armées.)''
 
<poem>De quel droit avez-vous les mains pleines d’épées ?
Que faites-vous ici ? Qu’est-ce que ces pavois ?
Que veulent ces canons ? Hommes que j’entrevois,
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A grands coups de bâton on vous mène à la gloire.
Vous donnez votre force inepte à vos bourreaux
LesLES roisROIS, comme en avant du chiffre les zéros.
Marchez, frappez, tuez et mourez, bêtes brutes !
Et vos maîtres, pendant vos exécrables luttes,
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D’où sort on ne sait quelle ombre extraordinaire
Font écouter à Dieu les conseils du tonnerre !</poem>
 
 
 
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===LA GUERRE CIVILE===
 
<poem>
''Autre champ de bataille. Rues et places publiques.''
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''apparaissant entre les combattants.''
 
<poem>Commencez par moi. ― Quoi ! pauvres, déshérités,
Votre sort vous accable, et vous le complétez
Par de la haine, ayant trop peu de la souffrance !
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Et si le ciel est pour la terre un ami sûr,
Si la vie est un fruit et non pas une proie,
L’hommeL’HOMME a pour droit, devoir et fonction la joie,
Le travail et l’amour ; et, quel que soit l’éclair
Qui pour un instant jette un orage dans l’air,
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Vous qui passez, pourquoi haïr celui qui passe ?
Accordez-vous les uns aux autres votre grâce,
Arrêtez ! Arrêtez ! Fraternité !</poem>
 
 
Ligne 1 509 ⟶ 1 555 :
 
 

<poem>Tout fuit.
Mais l’apôtre se sait écouté par la nuit ;
Et n’est-ce pas qu’il doit parler aux solitudes,
O Dieu, les profondeurs étant des multitudes ?</poem>
 
''(Il continue.)''</poem>
 
''(Il continue.)''
 
<center>*</center>
Ligne 1 521 ⟶ 1 567 :
 
===IL PARLE DEVANT LUI DANS L’OMBRE===
<poem>
<poem>Vivez, marchez, pensez, espérez, aimez-vous.
Nul n’est seul ici-bas. Tout a besoin de tous.
Riche, épargne leLE pauvrePAUVRE, et toi, pauvre, pardonne
Au riche, car le sort prête et jamais né donne,
Et l’équilibre obscur se refait tôt ou tard.
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===MALÉDICTION ET BÉNÉDICTION===
 
<poem>
<poem>Les malédictions sont sur les multitudes,
Les tonnerres profonds hantent les solitudes,
Rien n’est laissé tranquille en ce sombre univers.
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Hélas ! l’anxiété partout.
Que de rêves tombés ! Que de spectres debout !
L’hommeL’HOMME, en proie à la nuit dont le prêtre est complice,
Peut-être a devant lui l’échelle d’un supplice
Quand, sentant des degrés dans l’ombre, il dit : Montons.
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Le tragique Océan n’est pas plus torturé
Par les souffles confus du vent démesuré.
L’hommeL’HOMME, en ces profonds cieux qu’il nomme noirs royaumes,
Regarde un effrayant penchement de fantômes,
Et tremblé. L’inconnu lui jette des clameurs.
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Au Vatican le pâle et sanglant Dominique,
Tout menace. Partout les peuples sont maudits.
LesLES roisROIS seuls, noirs élus, sont dans des paradis,
Joyeux, superposés aux supplices des hommes ;
Les courtisans dorés sont les vils astronomes
Qui contemplent d’en bas lesLES roisROIS, ces faux soleils ;
Et lesLES roisROIS sont contents de vivre; et leurs sommeils,
Leurs réveils, et leurs lits de pourpre, et leurs carrosses,
Leurs trônes, leurs palais, leurs festins, sont féroces.
Ligne 1 685 ⟶ 1 731 :
Voir l’ombre d’une main bénissante sur eux ;
Il me sembla sentir quelqu’un de secourable.
Et je vis un rayon sur l’hommeL’HOMME misérable.
Et je levai mes yeux au ciel, et j’aperçus,
Là-haut, le grand passant mystérieux, Jésus.</poem>
 
 
 
Ligne 1 694 ⟶ 1 741 :
 
===EN VOYANT UN PETIT ENFANT===
<poem>
<poem>Il est le regard vierge, il est la bouche rose ;
On ne sait avec quel ange invisible il cause.
N’avoir pas fait de mal, ô mystère profond !
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Qu’est-ce que l’âme humaine, ô profond Dieu du ciel,
A fait de la candeur dont elle était vêtue ?</poem>
 
 
 
Ligne 1 764 ⟶ 1 812 :
 
===UN ÉCHAFAUD===
<poem>
 
 
''LE JUGE sur son siège. LE CONDAMNÉ lié de cordes.''
''{{Personnage|LE JUGE|c}} sur son siège. LE CONDAMNÉ lié de cordes.''
''LE BOURREAU, la hache à la main. Au fond la foule.''
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''regardant l’échafaud.''
<poem>Je ne comprends pas.</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}
 

<poem>Prêtre, écoute : un homme tue
Un autre homme.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}

<poem>Il commet un crime.</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}
 

<poem>C’est pourquoi
On le prend, on lui fait son procès, et la loi
Le tue. Est-ce clair ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Oui. La loi commet un crime.</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}
<poem>Qui te donne le droit de nous juger ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
L’abîme.
<poem>L’abîme.</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}
 
<poem>Prêtre, respect aux lois.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Juge, respect à Dieu.
Cet univers visible est un immense aveu
D’ignorance devant l’univers invisible.</poem>
 
 
{{Personnage|VOIX DANS LA FOULE|c}}
 
<poem>― Qu’il meure ! ― Il a tué ! ― Le talion ! ― La Bible !
― Le code ! ― Allons, bourreau, frappe. Va, compagnon !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''à l’assassin condamné.''
<poem>Toi qui donnas la mort, sais-tu ce que c’est ?</poem>
 
 
{{Personnage|L’ASSASSIN|c}}
 
Non.
<poem>Non.</poem>
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''au bourreau.''
 
Toi qui va la donner, le sais-tu ?
 
 
{{Personnage|LE BOURREAU|c}}
 

<poem>Je l’ignore.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''au juge.''
 
<poem>Et toi, sais-tu, devant ce ciel qu’emplit l’aurore,
Ce que c’est que la mort, juge ?</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}
 

<poem>Je ne sais pas.</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 
<poem>O deuil !</poem>
 
 
{{Personnage|LE JUGE|c}}

<poem>Qu’importe !</poem>
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}
 

<poem>Ainsi vous touchez au trépas,
Vous touchez à la hache, à la tombe, au peut-être !
Ainsi vous maniez la mort sans la connaître !
Vous êtes des méchants et des infortunés.
Dieu s’est réservé l’hommeL’HOMME et vous le lui prenez.
Vous n’avez pas construit et vous osez détruire !
O vivants ! vous n’avez d’autre droit que de dire
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Est-il une raison d’un autre crime, hélas ?
Faut-il, tristes vivants qui devez être las,
L’hommeL’HOMME ayant fait le mal, que la loi continue ?
De quel droit mettez-vous une âme toute nue,
Et faites-vous subir à cette nudité
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Ce dépouillement brusque est interdit au juge.
De quel droit changez-vous en écueil le refuge ?
L’hommeL’HOMME est aveugle et Dieu par la main le conduit ;
Dieu nous a mis à tous sur la face la nuit ;
Il ne nous a point faits transparents ; il nous couvre
Ligne 1 912 ⟶ 1 971 :
Je m’ignore, je suis pour moi-même voilé,
Dieu seul sait qui je suis et comment je me nomme.
L’arrachement du masque est-il permis à l’hommeL’HOMME ?
De quel droit faites-vous cette surprise à Dieu ?
Quoi ! vous mettez la fin de la vie au milieu !
Ligne 1 919 ⟶ 1 978 :
Ailleurs. Quel noir travail, ô pâles travailleurs !
Comprenez-vous ce mot épouvantable, ailleurs ?
Frémissez. Savez-vous le possible d’une âme ?</poem>
 
''(Montrant le condamné.)''
 
<poem>Cet homme a fait le mal pour nourrir une femme
Et des enfants sans pain ; mais vous, avez-vous faim ?
Vous le tuez. Pourquoi? Trouvez-vous bon qu’enfin
Ligne 1 939 ⟶ 1 998 :
Ce damné tombant là ? Vous représentez-vous
L’ouverture des mains terribles dans l’abîme ?
Horreur ! l’hommeL’HOMME interrompt le silence sublime,
Lui que Dieu mit sur terre afin qu’il attendît.
La justice d’en bas prend la parole et dit :
Ligne 1 950 ⟶ 2 009 :
Est-ce qu’il est à moi ? Qu’est-il ? Dieu seul le sait.
Tuer, sans pouvoir dire au juste ce que c’est,
L’hommeL’HOMME au-dessus duquel le ciel profond diffère.
Avez-vous bien pesé ce que vous allez faire ?
Vous figurez-vous, juge, et toi, peuple inclément,
Ligne 1 965 ⟶ 2 024 :
Tout l’infini frémit d’un atome qu’on touche.
N’est-il pas monstrueux de penser que la loi
Et l’hommeL’HOMME, en cette lutte où l’on sent de l’effroi,
Mêlent des quantités inégales de crime?
Vous êtes regardés par dessus l’âpre cime ;
Ligne 1 971 ⟶ 2 030 :
Vous avez des témoins attentifs dans les cieux ;
Ne les indignez pas, ne leur faites pas dire :
L’hommeL’HOMME tue au hasard. L’hommeL’HOMME, en proie au délire,
A dans de l’inconnu jeté de l’ignoré.
Ah ! c’est un attentat triste et démesuré
Ligne 1 978 ⟶ 2 037 :
D’accroître la stupeur du gouffre avec ce bruit,
La hache, et d’envoyer de l’ombre à de la nuit !</poem>
 
 
 
Ligne 1 984 ⟶ 2 044 :
 
===PENSIF DEVANT LA NUIT===
<poem>
<poem>La prière contemple et la science observe.
Quand, dans le cloître noir de la sainte Minerve,
Galilée abjurait, vaincu, qu’abjurait-il ?
Dieu. C’est Dieu qu’entrevoit de loin l’hommeL’HOMME en exil.
Des épaisseurs de nuit profonde nous entourent.
Les mondes par des feux échangés se secourent ;
Ligne 2 012 ⟶ 2 072 :
La justice, dit l’ombre. Aucun vent ne l’emporte.
C’est pourquoi, nous pasteurs, nous devons faire en sorte
Que l’hommeL’HOMME reste bon et sincère au milieu
De tous les changements d’équilibre de Dieu.</poem>
 
 
 
Ligne 2 020 ⟶ 2 081 :
 
===ENTRANT À JÉRUSALEM===
 
<poem>
<poem>Peuple, j’ai dit au Monde et j’ai dit à la Ville :
Plus de guerre étrangère et de guerre civile.
Plus d’échafaud. Devant le ciel bleu Liberté,
Ligne 2 050 ⟶ 2 111 :
Ayant diminué sur la terre le mal,
Vieillard pensif qui n’ai d’autre force que d’être
Chez les peuples un pauvre et chez lesLES roisROIS un prêtre,
Compagnon des douleurs, des exils, des grabats,
Je viens près de celui qui fit voir ici-bas
Toute la quantité de Dieu qui tient dans l’hommeL’HOMME ;
Je prends Jérusalem et je vous laisse Rome,
Jérusalem étant le véritable lieu.
Ligne 2 068 ⟶ 2 129 :
Et j’habite la vie, ô rois ! vous l’ossuaire.
Car la toute-puissance est un squelette noir.
L’hommeL’HOMME tend une main au mal, l’autre à l’espoir ;
Tantôt il court, tantôt il trébuche, et je mène
Et j’éclaire quiconque aide la marche humaine.
Ligne 2 093 ⟶ 2 154 :
Et devant l’infini plein d’invisibles yeux,
Les cœurs ne soient pas moins étoiles que les cieux.
Peuples, aimez-vous. Paix à tous.</poem>
 
 
LES HOMMES
 
{{Personnage|LES HOMMES|c}}
Sois béni, père.
 
<poem>Sois béni, père.</poem>
 
DIEU
 
{{Personnage|DIEU|c}}
Fils, sois béni.</poem>
 
<poem>Fils, sois béni.</poem>
 
 
== '''Scène deuxième ― Réveil''' ==
 
<poem>
''Le Vatican. ― La chambre du pape. ― Le matin.''
 
 
{{Personnage|LE PAPE|c}}, ''se réveillant.''
 

<poem>Quel rêve affreux je viens de faire !</poem>
 
 
{{interprojet|nolink|w=Le Pape (Hugo)}}
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[[Catégorie:Vatican]]