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L’accusée avoue tout. Dès son arrestation elle raconta sans difficulté au commissaire de police que la veille déjà elle avait voulu en finir avec sa petite belle-fille qu’elle exécrait en haine du père, son mari. Mais l’arrivée de ce dernier l’avait empêchée d’agir. Le jour suivant, dès que le père fut parti travailler, elle ouvrit la fenêtre et ordonna à la petite de monter sur l’appui et de regarder dans la rue. L’enfant obéit, peut-être avec plaisir, curieuse de savoir ce qu’elle verrait ainsi, mais dès qu’elle fut montée, la belle-mère la prit par les pieds et la jeta dans le vide. Après quoi, la criminelle ferma la fenêtre, s’habilla et s’en fut au commissariat pour raconter se qu’elle avait fait. C’est bien simple, trop simple n’est-ce pas ? Pourtant il y a là quelque chose de fantastique. On a souvent accusé nos jurés d’acquitter avec une facilité révoltante. Je me suis même indigné de certains de ces acquittements. Cependant, quand j’ai lu la condamnation — deux ans et huit mois de travaux forcés, — j’ai pensé qu’il aurait, peut-être, fallu acquitter la malheureuse. On avait un légitime motif d’indulgence : l’état de grossesse de l’accusée.
L’accusée avoue tout. Dès son arrestation elle raconta sans difficulté au commissaire de police que la veille déjà elle avait voulu en finir avec sa petite belle-fille qu’elle exécrait en haine du père, son mari. Mais l’arrivée de ce dernier l’avait empêchée d’agir. Le jour suivant, dès que le père fut parti travailler, elle ouvrit la fenêtre et ordonna à la petite de monter sur l’appui et de regarder dans la rue. L’enfant obéit, peut-être avec plaisir, curieuse de savoir ce qu’elle verrait ainsi, mais dès qu’elle fut montée, la belle-mère la prit par les pieds et la jeta dans le vide. Après quoi, la criminelle ferma la fenêtre, s’habilla et s’en fut au commissariat pour raconter se qu’elle avait fait. C’est bien simple, trop simple n’est-ce pas ? Pourtant il y a là quelque chose de fantastique. On a souvent accusé nos jurés d’acquitter avec une facilité révoltante. Je me suis même indigné de certains de ces acquittements. Cependant, quand j’ai lu la condamnation — deux ans et huit mois de travaux forcés, — j’ai pensé qu’il aurait, peut-être, fallu acquitter la malheureuse. On avait un légitime motif d’indulgence : l’état de grossesse de l’accusée.


Tout le monde sait qu’une femme, pendant la grossesse, et surtout quand elle est enceinte de son premier enfant, est fréquemment sujette à des troubles bizarres, soumise à des influences inexplicables, souvent terribles. En admettant même qu’il n’en soit ainsi que rarement, il doit être suffisant que le fait ''puisse' se produire pour que les jurés prennent en considération l’état de santé de la femme criminelle.
Tout le monde sait qu’une femme, pendant la grossesse, et surtout quand elle est enceinte de son premier enfant, est fréquemment sujette à des troubles bizarres, soumise à des influences inexplicables, souvent terribles. En admettant même qu’il n’en soit ainsi que rarement, il doit être suffisant que le fait ''puisse'' se produire pour que les jurés prennent en considération l’état de santé de la femme criminelle.


Le docteur Nikitine, qui a examiné la coupable, a déclaré que, selon lui, la Kornilova avait commis son crime consciemment. Il a bien voulu admettre qu’elle fût excitée et malade.
Le docteur Nikitine, qui a examiné la coupable, a déclaré que, selon lui, la Kornilova avait commis son crime consciemment. Il a bien voulu admettre qu’elle fût excitée et malade.