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sang » (die den Dichtern aller Vœlker geläufige Vergleichung der Schönheit mit Schnee und Blut). Et Jacques Grimm admire « combien vient à propos un pareil témoignage pour ceux qui veulent se rendre raison de la diffusion incompréhensible et pourtant naturelle de cette poésie si simple des contes » (von der unbegreifichen und doch natürlichen Verbreitung der einfachen Märchenpoesie).

Comment Jacques Grimm aurait-il justifié, si on le lui avait demandé, son affirmation ? Comment aurait-il établi que « la comparaison de la beauté avec la neige et le sang » serait presque banale, ou tout au moins monnaie courante chez les poètes de tous les peuples ? nous n’en savons rien, et nous serions très obligé à quiconque nous apporterait, à l’appui de cette assertion, qui nous paraît gratuite, des citations de poètes non pas de tous les peuples, mais d’un seul peuple [1].

Sur tous les points, du reste, Jacques Grimm se paie de généralités et se garde de serrer de près la question. En effet, quand même la « comparaison de la beauté avec la neige et le sang » serait banale, non seulement chez les poètes de tout pays, mais aussi chez les prosateurs, l’épisode qui en est, d’après Grimm, « l’expression épique », l’épisode du chasseur et de son souhait à la vue d’un corbeau ou d’une pièce de gibier saignant sur la neige, n’a rien de banal, et ses détails précis montrent bien qu’il n’a pu être inventé à la fois dans l’Asie centrale et en Italie ou dans les pays celtiques (Jacques Grimm connaissait aussi des contes de ces derniers pays), sans parler d’autres régions que Grimm ne pouvait connaître à l’époque où il écrivait sa Préface au Pentamerone. La génération spontanée n’est pas plus possible ici qu’ailleurs, et, bon gré mal gré, il faut nécessairement en arriver à la thèse de l’importation d’un produit fabriqué, fabriqué, quels qu’en soient

  1. Nous savons parfaitement qu’une ballade écossaise (F. J. Child, The English and Scottisch Popular Ballads, Boston, 1884-1896, n° 96 E, 6) contient ces deux vers (dans le dialecte du pays) :

    The red that’s on my true-love’s cheek,
    Is like blood-drops on the snaw.

    (« Le rouge sur la joue de ma bien-aimée est comme des gouttes de sang sur la neige. »)

    Mais nous connaissons aussi une autre ballade celtique, une ballade irlandaise du xve siècle (A. Nutt, op. cit., p. 433), dans laquelle la beauté du héros Fraoch est ainsi décrite : « Sa chevelure était plus noire que le plumage du corbeau ; ses joues, plus rouges que le sang du veau (than blood of the calf) ;… sa peau plus blanche que la neige. » Ici le détail bizarre du « sang du veau » est une allusion évidente à la légende irlandaise de Deirdre, citée plus haut. Dans l’autre ballade ces « gouttes de sang sur la neige » nous paraissent une allusion à une autre forme celtique de l’épisode du sang sur la neige. Rien donc ici d’une comparaison poétique banale.