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je ne voulus pas laisser refroidir. Je montai résolument à la chambre de Salcède, j’ouvris sans frapper et sans prendre aucune précaution : j’étais ivre. M. de Salcède était couché dans son alcôve. Il crut que j’étais Ambroise et me dit :

— Ta as oublié quelque chose ?

J’eus peur ; je me sentis dégrisé tout à coup. Je murmurai une réponse inarticulée en imitant le fausset enroué d’Ambroise. Je ne sais ce qu’il comprit, mais il y fut trompé et se retourna sur son lit en disant :

— Cherche, mon ami, cherche !

Un instant encore, et sa respiration égale et forte m’attestait qu’il dormait profondément. Je m’approchai et le regardai. Je voulais savoir s’il était encore capable d’inspirer l’amour.

Au premier coup d’œil, je crus voir un montagnard aussi authentique, c’est-à-dire aussi inculte qu’Ambroise ou Michelin. Il dormait tout vêtu, et ses habits de velours à côtes, ce velours marron, chéri des Auvergnats, avait pris la teinte cotonneuse et indéfinissable qui le caractérise dès qu’il a éprouvé la moindre usure. Ses gros souliers ferrés tout poudreux étaient par terre, mais ses bas et son linge irréprochables trahissaient le soin de sa personne, caché sous les dehors du paysan. Il avait toujours la taille fine dans sa ceinture de laine rouge ; aucun embonpoint précoce n’avait envahi ce beau corps élancé dont l’élégance m’a-