« Traité des évolutions et allures » : différence entre les versions

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Les considérations qui guident le manœuvrier dans une
évolution dépendent en majeure partie de l’état du temps ;
quand le temps est beau et la mer peu houleuse, le manœuvrier tâche d’évoluer vite et sûrement ; quand le vent est
fort, la conservation des voiles tient une grande place dans
ses préoccupations ; enfin, quand la mer est dangereuse, il a
en vue de préserver le navire du choc des lames.
 
Avant d’entrer dans le détail des évolutions, il est bon de
poser les principes sur lesquels toutes les évolutions s’appuient, c’est-à-dire de faire connaître les différentes impulsions évolutives que reçoit le bâtiment dans le cours d’une
évolution. Il y en a de deux sortes : celles imprimées par les
voiles et celles qui résultent des modifications des pressions
de la carène de la part de l’eau, suivant les mouvements
imprimés au bâtiment. Les premières se voient ; on sait que
l’effort du vent sur une voile a pour direction la normale à la
voile ; de façon qu’en voyant agir une voile, on voit par le fait
la force qui sollicite le bâtiment ; on la voit en direction par l’orientement
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de la voile et on eu mesure la grandeur par la force du vent que l’on ressent.
 
Les impulsions évolutives qui agissent sur la carène par
le fait du mouvement du bâtiment sont moins apparentes ;
cependant, comme il est impossible de comprendre une évolution sans se rendre compte de ces impulsions, il faut que
tous les élèves y portent leur sérieuse attention.
 
Elles font lofer ou elles font arriver suivant le sens du
mouvement ; leur énergie dépend de la vitesse et peut toujours se comparer à l’énergie des forces évolutives imprimées par les voiles.
 
Elles font lofer quand le bâtiment marche en avant et dérive, elles font arriver quand le bâtiment marche en arrière
et dérive, avec la même vitesse en avant ou en arrière, elles
croissent avec la dérive ; avec la même dérive, elles croissent
avec la vitesse en avant ou en arrière. Celles qui font arriver
sous l’influence de la dérive et de la marche en arrière ont
une énergie toujours plus grande que celle de l’action évolutive des voiles et du gouvernail, tandis que l’action évolutive
de la carène qui fait lofer sous l’influence de la dérive et de
la marche en avant peut être vaincue par l’action évolutive
des voiles et celle du gouvernail. Ces principes régissent
toutes les évolutions et jouent un rôle principal dans toutes
les allures.
 
Faut-il les démontrer ? Nous ne le pensons pas, car les lois
de résistance des fluides ne sont pas assez connues pour que
le raisonnement puisse donner une idée exacte de leur grandeur ; mieux vaut exercer les élèves à les voir et à juger de
leur grandeur par les effets produits.
 
Cependant il est évident que, sous l’influence de la marche en avant et de la dérive, c’est la joue sous le vent qui est
la partie du bâtiment la plus pressée par le fluide ; d’où résulte la tendance à lofer. De même, sous l’influence de la
marche en arrière et de la dérive, c’est la hanche sous le
vent qui est la partie du bâtiment la plus pressée par le
fluide, d’où résulte la tendance à arriver. Mais ces considérations
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ne rendent pas compte de la grandeur de ces influences. Ayant la même dérive, la tendance à lofer avec une vitesse en avant est moins grande que la tendance à arriver
avec une égale vitesse en arrière ; cela provient de la différence qu’il y a entre les formes de l’avant et celles de l’arrière.
 
Mais comme nous ne connaissons pas assez les lois de
résistance des fluides pour mesurer exactement le jeu de ces
forces dans les différents mouvements, nous ne pouvons
nous rendre compte de la grandeur de ces actions évolutives
qu’en les voyant agir et en mesurant les effets qu’elles produisent.
 
Nous allons donc nous efforcer de faire ressortir aux yeux
des élèves ces actions évolutives des résistances de carène, et
nous n’abandonnerons ce point de vue si important, pour
en envisager d’autres, que quand les élèves auront acquis
une grande sûreté de coup d’œil dans ce genre d’observation.
 
En premier lieu, nous prendrons le bâtiment à sec de toile,
les feux allumés ; nous choisirons un jour de jolie brise, mer
plate, pour exécuter sous les yeux des élèves ce que nous
allons décrire.
 
Toutes les voiles serrées, la machine stopée, le bâtiment
tombera en travers à cause des actions évolutives des résistances de carène. En effet, le bâtiment étant arrêté, si la
brise vient de quelques quarts de l’avant du travers, l’effet du
vent sur le gréement, la mâture et la coque sera de faire ciller et de faire dériver : donc le bâtiment abattra. Les élèves
le verront et constateront que, sous l’influence de la dérive et
de la marche en arrière, le bâtiment abat. Le bâtiment étant
arrêté, si la brise vient de quelques quarts de l’arrière du travers, l’effet du vent sur le gréement, la mâture et la coque
sera de faire dériver et de faire aller de l’avant : donc le bâtiment lofera. Les élèves le verront et constateront que, sous
l’influence de la dérive et de la marche en avant, le bâtiment
lofe. C’est un fait d’expérience que tout bâtiment à sec de
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/378]]==
toile tombe en travers. Et en effet, il ne peut pas être dans
une autre position sans prendre de la vitesse soit en avant,
soit en arrière, et, dans les deux cas, il est rappelé par les
propriétés évolutives qu’il acquiert vers le vent du travers.
 
Le bâtiment laissé à lui-même dérivera, à peu de chose
près, par le travers. Partons de cette position initiale ; si nous
mettons la machine en avant sans toucher la barre, nous
verrons le bâtiment venir au vent aussitôt qu’il aura pris un
peu d’erre ; comme nous n’aurons rien changé aux choses
existantes, que nous aurons seulement ajouté à ces choses de
la vitesse en avant, il nous sera rendu évident que, sous l’influence de la dérive, la marche en avant fait lofer. Repartons
de la position initiale et mettons la machine en arrière ; nous
verrons le bâtiment arriver ; les mêmes considérations que
dans le cas précédent nous rendent évident que, sous l’influence de la dérive, la marche en arrière fait arriver.
 
Il est bon de s’assurer que ce n’est pas la force imprimée
au bâtiment par l’hélice qui fait évoluer. Partons de la position initiale et mettons la machine en avant ; nous verrons
le bâtiment prendre de l’erre et venir au vent ; mais avec la
barre nous pourrons contre-balancer le mouvement d’olofée ;
nous pourrons donc, grâce à la barre, obtenir une vitesse
en avant sans mouvement giratoire. Ce point obtenu, nous
renverserons brusquement la machine, en même temps que
nous dresserons la barre ; pendant un certain temps, à cause
de son inertie, le bâtiment marchera en avant ; nous pourrons alors constater que, le mouvement de la machine étant
en arrière, sous l’influence de la marche en avant et de la
dérive, le bâtiment lofe. Il n’y a donc pas lieu d’attribuer à
la poussée de l’hélice les propriétés évolutives que le bâtiment sous vapeur acquiert soit par la marche en avant, soit
par la marche en arrière. Nous recommencerons les deux
premières expériences en accélérant le mouvement de la machine et nous verrons que les actions évolutives dues, aux
résistances de la carène augmentent avec la vitesse. Puis
nous recommencerons encore ces expériences après avoir
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bordé, à l’aide des écoutes du vent, les goélettes, les focs et
la brigantine dans le sens de la quille, et nous constaterons
que les actions évolutives dues aux résistances de carène
augmentent avec la dérive.
 
Quand nous aurons l’ait cette leçon, tous les élèves seront
convaincus. Mais les phénomènes nautiques demandent à
être vus un grand nombre de fois et de points de vue différents pour être exactement appréciés ; aussi devons nous
compter sur les positions d’équilibre pour achever de les
éclairer. Les positions d’équilibre ont cela de bon que les
élèves manœuvrent eux-mêmes ; ils créent, en brassant, les
différents mouvements du bâtiment, desquels résultent les
actions évolutives dues aux résistances de carène ; ils voient
donc bien si l’action évolutive qu’ils ont voulu faire naître
en créant tel mouvement se produit comme ils l’ont prévu.
Aussi est-il bon que tous les élèves prennent et modifient,
''tous'', ''plusieurs'' ''fois'', les deux positions d’équilibre vent dedans
et vent dessus.
 
<center>'''Positions d’équilibre vent dedans et vent dessus.'''</center>
 
Pour comprendre une évolution, il faut savoir mesurer
des yeux les causes qui la favorisent et celles qui lui font
obstacle. Par conséquent, il faut savoir distinguer où est la
position d’équilibre, et quelles sont les forces qui agissent
dans cette position. Souvent tout le secret de l’évolution
consiste à dépasser par l’impulsion donnée cette position où
le navire tend à se placer et à rester ; on franchirait mal cet
obstacle si l’on ne connaissait pas d’avance le moment où il
se présentera et la difficulté qu’il y aura à le surmonter.
 
Prenons, par exemple, le virement de bord vent devant
par petite brise, mer plate.
 
Si l’on fait venir le bâtiment en ralingue, et que l’on
tâche de gouverner à ce cap, la chose sera facile tant que le
bâtiment aura de la vitesse ; mais, au fur et à mesure que la
vitesse se perdra, la tendance à abattre augmentera, et, pour
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maintenir le bâtiment dans cette position, il faudra mettre
de plus en plus de barre dessous. Bientôt toute la barre s’y
trouvera et n’aura plus assez d’action pour balancer la tendance à arriver ; le bâtiment abattra et mettra le vent dans
les voiles. Aussitôt qu’il aura repris un peu d’erre, la barre le
rappellera au vent où de nouveau il perdra sa vitesse. Après
quelques oscillations de plus en plus petites, il prendra un
cap auquel la tendance à arriver sera exactement contre-balancée par l’effet de la barre. Il aura dans cette position le vent dans les voiles, mais sous un angle très aigu.
 
On comprend que, si en louvoyant dans une rade, dans le
but de diminuer le nombre des bordées, on avait serré le
vent jusqu’à un angle voisin de cette position d’équilibre,
on ne pourrait plus virer vent devant au moment où il faudrait le faire. Beaucoup d’accidents ont eu lieu parce que le
bâtiment n’a pas viré alors que le temps était si beau qu’on
croyait l’évolution certaine.
 
Étudions donc cette position d’équilibre dans une mer
tout à fait plate : le bâtiment est orienté au plus près, et
prend le vent sous un angle très aigu. La barre est toute
dessous.
 
Les effets du vent sur la coque, le gréement et les mâts
sont de faire culer, de faire dériver et de faire abattre.
 
Les effets du vent sur les voiles sont de faire aller de l’avant, de faire dériver et de faire abattre, car le centre de
gravité de la voilure est en avant du centre de gravité du
bâtiment.
 
Les deux forces pour faire abattre s’ajoutent et dépendent
de la force du vent dans le moment même.
 
Les deux forces pour faire dériver s’ajoutent aussi. Mais
comme la dérive est une vitesse donnée au bâtiment, la
dérive du moment dépend du vent de l’instant qui précède.
 
Les deux effets pour faire culer et aller de l’avant se combattent ; mais, dans cette position, c’est l’effort qui pousse en
avant qui l’emporte ; le bâtiment marche en avant et dérive.
Sous ces deux influences, la pression de la joue sou
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s le vent imprime une tendance à lofer qui s’ajoute à l’effet du gouvernail pour combattre la tendance à arriver déterminée par
la position des voiles.
 
Mais il faut remarquer que la vitesse en avant qu’une
force imprime à un bâtiment n’a acquis toute sa grandeur
qu’au bout de plusieurs minutes de son action ; donc, si le
vent n’est pas régulier, la tendance à arriver ne sera jamais
imprimée par un vent égal à celui qui détermine la tendance
à lofer ; elle sera toujours plus grande pendant que la brise
fraîchira, et plus petite pendant que la brise mollira. La position d’équilibre sera donc bien plus difficile à franchir
pendant que la brise fraîchira, d’où il résulte que si l’on a
à virer de bord alors qu’on gouverne très près, il faut attendre la fin d’une risée pour envoyer vent devant. Mais comme
cette fin de risée peut arriver trop tard, il est prudent, pour
peu que la brise soit inégale, si l’on est obligé de virer à un
endroit donné, de gouverner bon plein afin de donner une
grande influence au gouvernail par la vitesse acquise.
 
Si, au lieu d’être dans une rade, le bâtiment est à la mer,
et si la brise a une certaine force, il faudra faire entrer en
ligne de compte la mer soulevée par le vent. La mer ayant
la même direction que le vent frapperait la joue du vent,
augmenterait la tendance à abattre et diminuerait la vitesse
en avant ; le bâtiment abattrait donc ; il recevrait alors le
vent sous un angle moins aigu, et reprendrait de la vitesse
jusqu’à se retrouver de nouveau, après quelques oscillations,
dans une position d’équilibre un peu plus arrivée que la précédente. Ainsi, plus la mer grossira, plus l’angle sous lequel
le vent frappera les voiles sera grand.
 
Si, maintenant on diminue la surface de voilure, les efforts
pour faire aller de l’avant et dériver diminueront ; les pressions de la joue sous le vent qui font lofer diminueront aussi,
et le bâtiment abattra jusqu’à ce que l’effet des voiles restantes ait suffisamment crû, par l’augmentation de l’incidence
du vent, pour équilibrer les tendances à arriver. Le bâtiment prendra donc une nouvelle position d’équilibre plus
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arrivée que la précédente. Toute diminution de voiles, sans
changer la position du centre de voilure, aura donc pour
effet une arrivée dans la position d’équilibre.
 
La diminution de voiles et l’augmentation de la mer ayant
l’une et l’autre pour effets de rendre la position d’équilibre
plus arrivée, le virement de bord vent devant sera rendu
plus difficile quand la brise aura assez fraîchi pour obliger à
diminuer de toile et quand la mer proportionnée à la brise
aura eu le temps de se former. Pour mesurer cet accroissement de difficulté dans le virement de bord, il faut voir de
combien la position d’équilibre s’est rapprochée de l’allure
que l’on tient ; l’augmentation de la dérive en est un indice,
la nouvelle position de la barre en est un autre, la diminution de vitesse achève de vous éclairer.
 
L’état de la mer et la surface de voilure ne sont pas les
seules choses à étudier dans la position d’équilibre, le vent
dans les voiles. Il faut encore se rendre compte de ce que
devient la position d’équilibre quand le balancement des
voiles change.
 
Si le bâtiment est rendu plus mou par la nouvelle disposition des voiles sans que la surface de voilure soit changée,
son premier mouvement sera d’abattre ; l’effort du vent dans
les voiles en sera accru, ce qui en augmentera la dérive de
la vitesse et l’augmentation des pressions de la joue sous le
vent viendra équilibrer le nouveau balancement des voiles.
 
Rendre le bâtiment plus mou, a donc pour résultats de
faire croître la vitesse et de faire prendre au bâtiment un cap
plus arrivé. En gardant la barre droite, on réussit à faire
gouverner à dix quarts, mais je ne crois pas que l’on puisse
dépasser ce point.
 
Si l’on modifiait l’équilibre des voiles dans le sens inverse,
c’est-à-dire si l’on rendait le bâtiment plus ardent, la vitesse
diminuerait et le cap de la position d’équilibre serait plus au
vent. Mais ici l’on ne peut pas pousser aussi loin que dans
l’autre cas le changement d’équilibre de la voilure, car si
l’on dépassait une certaine mesure, le bâtiment ne trouverait
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/383]]==
plus de position d’équilibre ; pour qu’en effet cette position
soit possible, il faut que le bâtiment sans vitesse soit mou ;
en d’autres termes, si le bâtiment vient au vent alors qu’il n’a
pas de vitesse eu avant, la position d’équilibre n’existe pas.
Cette considération mérite quelques développements sans
lesquels on ne comprendrait pas certains effets qui se manifestent en panne et à la cape.
 
Quand un bâtiment est accidentellement arrêté, et qu’il est
soumis à un couple et à une force, il obéit plus rapidement
au couple qu’à la force ; un exemple de ce fait se trouve dans
presque tous les appareillages ; les voiles de l’avant sont
masquées et brassées pour faire abattre d’un bord ; quand
l’ancre dérape, le bâtiment tourne et cule très peu.
 
Considérons le bâtiment orienté au plus près, ayant plus
de voiles derrière que devant, dans une proportion telle que,
si le bâtiment était arrêté, il loferait et supposons la barre
droite. Si le bâtiment est assez près du vent pour que la
poussée en avant imprimée par les voiles soit justement
équilibrée par l’effet du vent sur le gréement, la mâture et
la coque, il ne culera pas, mais il dérivera. Partons de cette
position initiale pour suivre les mouvements du bâtiment,
le balancement des voiles est tel qu’il en résulte un couple
qui fait lofer ; le bâtiment se rangera donc dans le vent.
Une fois ce mouvement commencé, la force qui pousse à culer l’emporte sur la poussée en avant des voiles ; le bâtiment
obéit lentement à cette force, et avant qu’elle ait imprimé
une vitesse en arrière suffisante, le couple qui fait lofer aura
rangé le bâtiment dans le vent jusqu’à mettre les voiles en
ralingue. En ce moment, le couple d’olofée s’évanouit, et le
bâtiment n’est plus sollicité que par une force qui fait dériver, et une force qui hale à culer ; rien ne venant les équilibrer, le navire, au bout d’un certain temps, obéit à leur
influence ; il cule et il dérive, donc il abat ; sa vitesse en
arrière croît jusqu’au moment où il passe par le cap de la
position initiale. Ici il faut admettre un axiome de marine
que chacun peut voir tous les jours, c’est que l’énergie du
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couple d’abatée créé par la dérive et la marche en arrière,
dépasse de beaucoup l’énergie de tout couple que l’on pourra
produire avec les voiles. Le bâtiment dont nous avons commencé à suivre les mouvements abattra donc jusqu’à ce qu’il
ait perdu sa vitesse en arrière ; or, cette vitesse avait atteint
son maximum quand le bâtiment passa par la position que
nous avons appelée initiale ; le bâtiment arrêté aura donc un
cap plus arrivé que celui de la position initiale, d’où il suit
qu’il prendra de la vitesse en avant et lofera. Cette vitesse
croîtra jusqu’au moment où l’on passera de nouveau par le
cap de la position initiale, et le bâtiment continuera à se
ranger dans le vent ; mais cette fois il faut ajouter aux premières influences celle de la vitesse en avant dont il est
animé, et qui détermine avec la dérive un couple énergique
pour faire lofer. Ainsi, le bâtiment trop ardent ne trouvera
pas de position d’équilibre parce que les couples d’olofée et
d’arrivée agiront alternativement et non en même temps ;
pour qu’il en trouvât une, il faudrait que dans cette position
toutes les forces du bâtiment s’équilibrassent et que si l’une
d’elles venait à croître accidentellement, celle qui lui est
opposée crût en même temps ; mais nous voyons par l’examen
que nous venons de faire des mouvements d’un bâtiment trop
ardent qu’il n’en est pas ainsi ; le couple d’arrivée se produit quand le couple d’olofée a cessé d’exister, et le couple
d’olofée ne reprend d’influence que quand l’autre à son tour
s’est évanoui.
 
Il n’en est pas de même quand le bâtiment est mou, car la
vitesse en avant, qui fait croître la tendance à lofer, est créée
par une arrivée. De même, si une olofée accidentelle écarte
le bâtiment mou de la position d’équilibre, il y sera tout
naturellement rappelé par le changement de vitesse qu’entraînera cette embardée accidentelle.
 
Des considérations qui précèdent on peut tirer les conclusions : que, dans la position d’équilibre le vent dedans,
plus le navire sera mou, plus il marchera ; que si l’on a intérêt à aller moins vite, il faut rendre le bâtiment plus
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/385]]==
ardent ; qu’un rayon de barre dessous procure le même résultat qu’une diminution de voilure pour ce qui est de la vitesse,
qu’enfin, si l’on veut que le bâtiment aille le moins vite possible, c’est-à-dire n’ait pas du tout de vitesse en avant, il faut
qu’il ne soit pas mou du tout. Mais comme il ne peut pas non
plus être ardent, l’on voit que le moment où il faut cesser
de le rappeler au lof est difficile à trouver. Cependant, il
ressort encore des considérations précédentes qu’on est
averti que le bâtiment est trop mou quand il marche et trop
ardent quand il embarde.
 
Avec toutes les voiles dessus, la position d’équilibre le
vent dedans, sans marcher, est une limite que, dans la pratique, on n’atteindra jamais ; la moindre cause accidentelle
ferait prendre le vent dessus ; la brise refusant d’un quart
masquerait les voiles ; la brise adonnant d’un quart ferait
prendre assez d’erre pour masquer les voiles et peut-être
virer. Mais elle devient très facile quand on augmente la
force en arrière en masquant une voile, car alors l’angle
d’incidence du vent dans les voiles pleines devient plus
grand et augmente le champ des tâtonnements ; c’est ce que
l’on appelle la panne. Elle devient aussi très facile quand
on a diminué, dans une grande proportion, la surface de voilure, car alors l’effet du vent sur le gréement fournit la
force en arrière que l’on demande à un hunier masqué dans
la panne ; c’est ce que l’on nomme la cape.
 
La position d’équilibre pour un bâtiment qui n’est pas
orienté au plus près dépend des mêmes considérations, mais
l’angle d’incidence du vent dans les voiles sera diminué par
deux causes : 1° l’effort du vent sur le gréement, la mâture
et la coque, aura une moins grande influence pour faire culer ; 2° l’effort du vent dans les voiles aura une plus grande
composante halant en avant. Il en résulte qu’au fur et
à mesure que l’on sera plus fermé, les voiles seront de
plus en plus près d’être eu ralingue, et le cap du bâtiment
se rapprochera de plus en plus de la perpendiculaire du
 
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/386]]==
vent.
 
Passons maintenant à la position d’équilibre le vent sur
les voiles du côté des écoutes.
 
Cette position dépend de l’axiome cité plus haut : un
bâtiment qui cule et dérive abat nécessairement ; donc, tant
que l’effort du vent sur les voiles le fera culer, le bâtiment abattra. De plus, le centre de gravité des voiles étant
sur l’avant du centre de gravité du bâtiment, l’effet latéral
du vent sur les voiles fournit un couple qui fait abattre.
Quand l’angle d’incidence du vent sur les voiles sera assez
diminué pour que le vent ait prise sur le gréement, l’effet du
vent sur le gréement et sur la coque poussera en avant. Puisque le bâtiment doit abattre tant qu’il cule, il est évident
que la force qui pousse en avant finira par l’emporter, et la
marche dans cette position d’équilibre ne pourra être qu’en
avant. Quand le bâtiment marchera en avant, par l’effet de
la vitesse et de la dérive il lofera ; mais alors sa vitesse en
avant diminuera, car l’angle du vent et des voiles augmentera et le couple d’abalée augmentera en même temps.
D’où il résulte que, dans cette position d’équilibre, le bâtiment marchera en avant de la quantité voulue pour que
l’augmentation des pressions de la joue sous le vent équilibre
le couple d’abatée provenant de la position des voiles.
 
Pour s’assurer que c’est bien là une position d’équilibre
stable, il suffît de voir l’effet produit par une embardée accidentelle. Supposons que le bâtiment soit venu accidentellement d’un quart au vent ; l’effet du vent sur les voiles ayant
crû, le couple d’abatée sera- augmenté et la vitesse en avant
diminuée ; ces deux effets de l’embardée agiront ensemble
pour rappeler le bâtiment dans sa position d’équilibre. Si
l’embardée a été produite sous le vent, le couple d’abatée
aura diminué et la vitesse augmenté ; le bâtiment sera donc
encore rappelé vers la position d’équilibre. La position d’équilibre existera donc avec une petite vitesse en avant, quelle
que soit l’orientation des voiles.
 
De ce que la vitesse sera en avant, on peut toujours conclure que l’angle d’incidence du ’vent sur les voiles sera
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petit ; la conséquence de cette déduction est que plus les
voiles sont orientées, plus le cap du bâtiment sera arrivé ;
cette remarque est utile à faire pour se guider dans les
évolutions où il y a à culer ; elle montre que, dans ces
évolutions, on rencontrera la position d’équilibre d’autant
plus près du vent arrière que l’on aura orienté davantage les
vergues en masquant.
 
La manière de faire cette leçon aux élèves est bien simple.
Par un beau temps, le bâtiment étant au plus près, on fait
gouverner en ralingue jusqu’à ce que le bâtiment prenne de
lui-même la position d’équilibre ; la barre est alors toute
dessous. Après avoir attiré l’attention de l’élève qui commande dans le moment, sur la dérive et la vitesse en avant
d’où résulte le couple d’olofée, on redresse peu à peu la
barre jusqu’à ce que le bâtiment prenne une nouvelle position d’équilibre, la barre droite. Là, on fera remarquer à
l’élève que le bâtiment est plus arrivé que la première fois,
que par conséquent la force qui fait dériver est plus grande,
d’où il suit que le couple d’olofée a du augmenter ; il faut en
effet qu’il en soit ainsi puisque la barre ne fournit plus de
couple d’olofée.
 
Gardant la barre droite, on changera la surface de voilure,
puis le balancement des voiles, et chaque fois on leur fera
tirer les conséquences de ces changements au point de vue
du couple d’olofée et du cap du bâtiment. Ayant à la fois
sous les yeux les causes et les effets produits, les élèves
arriveront très promptement à bien saisir le pourquoi et le
comment des choses.
 
Passons à la position d’équilibre le vent dessus.
 
On peut encore là faire aux élèves une délicieuse leçon
sans fatiguer l’équipage. Le bâtiment étant au plus près
toutes voiles dessus, sans toucher aucune manœuvre on
met la barre dessous ; le bâtiment vire et prend de lui-même
la position d’équilibre le vent dessus. Cette étude est encore
plus intéressante que la première, car l’esprit ne saisit pas tout
de suite la nécessité de la marche en avant dans cette position
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/388]]==
d’équilibre et de cette nécessité la conséquence si importante que l’angle du vent et des voiles est toujours très petit.
Après avoir arrêté leur esprit sur les conséquences de la
petitesse de cet angle, il sera bon de fermer un peu les
vergues pour leur montrer que la position d’équilibre s’écarte du vent arrière quand les voiles sont moins orientées.
Puis, avec la même orientation, diminuer graduellement
de voiles et leur montrer qu’à chaque -suppression de voile
le cap revient au lof.
 
En attirant bien l’attention des élèves sur les variations
du couple d’olofée, ils sortiront de cette leçon avec une intelligence déjà très grande de tout ce qui guide le manœuvrier dans les évolutions.
 
<center>'''Virements de bord vent devant.'''</center>
 
Commençons par le virement de bord vent devant sans se
servir de la barre. Le bâtiment tient le plus près, la barre
droite ; pour obtenir ce résultat et conserver au bâtiment une
jolie vitesse, on a dû le plus souvent fermer un peu les phares
de l’arrière et filer le gui afin de créer par le balancement
des voiles un couple d’abatée assez fort pour empêcher que
le couple d’olofée, résultant de la vitesse en avant et de la dérive, ne rappelle le bâtiment au vent ; par le fait, le bâtiment
est dans une position d’équilibre. Le problème consiste donc
à diminuer les couples d’abatée et à augmenter ceux d’olofée
dans la plus grande proportion possible. En orientant derrière, en bordant le gui, en halant bas le foc et en choquant
les boulines devant, on change le balancement des voiles
qui, au lieu de produire un couple d’abatée, produit un
couple d’olofée ; le bâtiment viendra donc dans le vent, mais
il est probable qu’il ne virera pas. Pour assurer cette évolution, il faut augmenter dans la plus grande proportion possible le couple d’olofée résultant de la dérive et de la marche
en avant et tâcher d’obtenir pour dépasser le point critique
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/389]]==
un mouvement giratoire rapide, afin que, par son inertie
dans ce mouvement, le bâtiment continue à tourner, alors
que le couple d’olofée des voiles s’est évanoui. Or, le couple
d’olofée provenant des résistances de carène ne peut augmenter qu’avec la vitesse, et la vitesse ne peut augmenter
qu’avec une arrivée. Il faudra donc, quand on voudra faire
cette manœuvre, filer le gui et fermer davantage les phares
de l’arrière ; aussitôt une abatée se produira ; on la suivra
des yeux avec grande attention. Bientôt on verra le mouvement de rotation s’arrêter, puis, quelques instants plus tard,
un mouvement d’olofée naîtra ; cela indiquera que par l’effet
de l’augmentation de vitesse le couple d’olofée de la carène
a augmenté. On choisira ce moment pour choquer un peu
l’écoute du foc, orienter les phares de l’arrière et border le
gui. En raison de ce nouvel arrangement des voiles, la vitesse, qui a déjà crû, croîtra encore, la dérive sera ainsi un
peu augmentée et l’on verra le bâtiment venir au vent de
plus en plus rapidement. Quand on s’apercevra que la vitesse giratoire ne croîtra plus, on halera bas le foc ; si l’on
porte toutes les voiles du plus près et si la mer est belle, il
est très probable que le bâtiment virera ; s’il y a indécision,
on pourra de bonne heure choquer les bras de l’avant et la
boulinette, mais dans tous les cas il sera bon de le faire un
peu avant de lever les lofs.
 
Cette manœuvre ne peut se faire que par un très beau
temps ; mais elle est très propre à faire sentir aux élèves ce
qui facilite et ce qui empêche un virement de bord. Il est
certain que si l’on prenait dans un virement de bord ordinaire
toutes les précautions que l’on vient de prendre, on n’en
manquerait jamais.
 
''Virer'' ''de'' ''bord'' ''vent'' ''devant'', — Gomme on vient de le voir
dans la manœuvre précédente, tout le secret du virement de
bord vent devant consiste à franchir le cap de la position
d’équilibre avec la plus grande vitesse possible et avec le
mouvement giratoire le plus rapide que l’on pourra. Cette
remarque augmente encore d’importance quand on fait agir
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/390]]==
le gouvernail, dont toute la puissance vient de la vitesse.
Dans beaucoup de cas, il est avantageux de mettre la barre
dessous eu douceur ; c’est quand la position d’équilibre est
loin du cap que l’on tient, car une trop grande inclinaison
du gouvernail casse l’erre ; si donc, dans ce cas, l’on mettait
de suite toute la barre dessous, on franchirait la position
d’équilibre avec moins d’erre que si l’on y était venu avec
moins de barre. Mais une fois la position d’équilibre presque
atteinte, il faut mettre toute la barre dessous, car il faut
franchir cette position avec la plus grande vitesse giratoire
possible. Si l’allure que l’on tient au moment où il est ordonné d’envoyer vent dedans est rapprochée de la position
d’équilibre, il ne faut pas hésiter à mettre toute la barre
dessous et à haler bas le foc ; il sera même bon, surtout avec
un navire très long, de choquer la boulinette un peu avant
que les voiles ralinguent, car, nous le répétons, il est important de franchir la position d’équilibre avec la plus grande
vitesse giratoire possible.
 
Il ressort de ces considérations que le manœuvrier doit
toujours chercher à envoyer vent devant avec une vitesse
qui assure l’évolution ; ici nous n’avons plus besoin de fermer
derrière pour déterminer une abatée ; quelques rayons de
barre obtiennent le même résultat ; mais si l’on détermine
une abatée à l’aide du gouvernail, il ne faut pas, aussitôt
que l’abatée s’est produite, envoyer vent devant : on n’aurait
réussi qu’à casser l’erre du bâtiment par le jeu du gouvernail ;
il faut attendre que la vitesse du bâtiment ait augmenté.
Comme nous l’avons vu en traitant de la position d’équilibre,
le vent dedans, si la brise n’est pas uniforme, il faut envoyer
vent devant pendant qu’elle décroît ; mais si, la bordée étant
limitée, l’on est obligé de virer quand on sera rendu à tel
endroit, bien que la brise soit inégale, le manœuvrier devra
prévoir qu’il sera peut-être obligé d’envoyer vent devant au
commencement d’une risée ; cela devra l’engager à gouverner bon plein, de façon à avoir à cet instant le plus d’erre
qu’il sera possible.
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/391]]==
 
Ces principes admis, il ne reste qu’à parler de la manœuvre des voiles pendant l’évolution.
 
Il est avantageux de haler bas le foc quand la brise est
assez fraîche pour le faire battre.
 
Il est avantageux de carguer le foc quand la brise est assez
faible pour ne pas faire affaler l’écoute.
 
Il est avantageux de filer simplement l’écoute du foc quand
la brise est assez fraîche pour bien affaler l’écoute et ne l’est
pas assez pour le faire battre.
 
Dans le premier cas, le foc, cargué ou non, battrait et donnerait des secousses nuisibles à l’évolution. Dans le deuxième
cas, le foc non cargué serait dans les conditions d’un foc
bordé plat et nuirait à l’évolution ; cargué, il ne présentera
pas de surface au vent et sera tout prêt à être bordé sur
l’autre bord. Dans le troisième cas, le foc présentera moins
de surface au vent que s’il est cargué, et si l’on a la précaution de peser la cargué ara moment où il devra parer l’étai
du petit mât de hune, il sera tout prêt à être bordé sur l’autre
bord.
 
On lève les lofs quand l’évolution est assurée ; c’est le
coup d’œil du manœuvrier qui en détermine le moment,
mais il faut les lever aussitôt que l’évolution est assurée,
afin d’avoir le plus de temps qu’il est possible pour se préparer à changer derrière. A bord des bâtiments courts, le
moment de changer derrière est très rapproché de l’instant
où l’on doit lever les lofs, à cause de la grande vitesse avec
laquelle le bâtiment tourne ; il est bon, sur ces bâtiments,
quand la brise n’est pas assez fraîche pour faire battre la mi- saine, de lever le lof de misaine sous le vent, en filant l’écoute du foc ; cela donne du monde pour le faux grand bras
et la bouline du grand hunier.
 
Il faut changer derrière quand on est vent de bout ; en
adoptant cette règle, on est assuré de ne jamais se tromper.
Étant vent de bout, le petit hunier reçoit le vent dans une
position oblique par rapport à sa normale et renvoie tout le
vent du côté des amures que l’on va prendre ; les fil
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/392]]==
ets de vent qui tangentent la ralingue avant du petit hunier ne sont
pas dérangés dans leur course, tandis que les filets de vent
dont la direction tangente la ralingue sous le veut du petit
hunier sont renvoyés sous le veut par le vent du hunier, et
arrivent à la hauteur du grand mât beaucoup plus écartés du
milieu que les filets de vent qui viennent de l’autre bord ;
par conséquent, au moment où le grand hunier est carré
pendant qu’on le change, il reçoit plus de vent du côté des
anciennes amures que de l’autre, ce qui fait qu’il change
tout seul, quand on change derrière alors qu’on est bien
droit vent de bout.
 
Si l’on changeait un peu avant d’être droit vent de bout,
le phare de l’arrière se changerait encore plus facilement ;
c’est une chose que l’on doit faire pour venir au secours des
bras de l’équipage quand la brise est faible, qu’il n’y a pas
de mer du tout, et que l’évolution se fait franchement. Mais
.on comprend qu’en raison de l’aide que vous apporte le vent
pour changer derrière quand on change tôt, on ferait des
avaries si la brise était fraîche ; car elle imprimerait à la
grand’vergue un mouvement de rotation trop rapide pour une
masse pareille ; l’aide du vent, par brise fraîche, est déjà
trop grande quand on est bien vent de bout.
 
Il ne faut pas changer trop tard, car, si l’on attendait
d’avoir dépassé le vent de bout, le grand hunier carré recevrait plus de vent du côté des amures que l’on prend que de
l’autre ; on ne pourrait le changer qu’en exerçant une grande
force sur les bras.
 
Dans la mesure du possible, avant de passer aux bras de
devant, on amure et on borde la grand’voile. Quand un équipage est exercé et que la brise n’est pas trop fraîche, on a le
temps de bien établir la grand’voile et d’orienter derrière
avant que le moment soit venu de changer devant.
 
On change devant quand le bâtiment est à ''sept'' quarts.
Changer plus tôt serait s’exposer à garder trop longtemps
le vent sur les voiles de l’avant, alors que le phare de l’avant
encore masqué aurait pour effet de faire lofer ; le bâtiment
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/393]]==
reviendrait au vent, reprendrait de Terre beaucoup plus lentement et il suffirait dans ce moment que la brise jouât d’un
quart pour faire revenir complètement et obliger de contrebrasser devant.
 
Si, par la rapidité de l’évolution et les difficultés qui peuvent se présenter dans cette manœuvre, on était amené à
changer fort tard, il faudrait tenir bon les bras de l’avant
aussitôt que le vent serait dedans ; on attendrait alors que
le mouvement d’olofée fût commencé pour brasser davantage.
 
La misaine doit s’amurer pendant que l’on brasse devant.
Mais si, à cause de la rapidité de l’évolution ou de la faiblesse
de l’équipage, on avait changé devant avant que la grand’voile
fût amurée, il faudrait amurer les basses voiles, orienter
partout et, en dernier lieu, border les basses voiles. Il faudrait
amurer les basses voiles d’abord, parce que l’on ne peut pas
bien orienter un phare si l’on n’a pas, à l’aide de l’amure de
la basse voile, annihilé l’apiquage naturel que prennent les
vergues de ce phare sous l’influence de l’itague du vent du
hunier ; pour le phare du grand mât, les bras du grand hunier et du grand perroquet viennent encore augmenter cet
apiquage. Il faut orienter avant de border les basses voiles,
parce que l’on présente au vent, dans les bonnes conditions,
une plus grande surface de voilure en orientant les phares
qu’en bordant les basses voiles, et ces deux opérations se font
aussi rapidement l’une que l’autre. La voilure ainsi rétablie,
on appuie les bras du vent et l’on se tient prêt à exécuter un
autre virement de bord.
 
Il est avantageux de border le foc de bonne heure afin
de ne pas laisser aux voiles masquées toute la tâche d’opérer
l’abatée ; l’influence du foc est donc de diminuer le mouvement d’acculée.
 
Quand on vire de bord par une brise très fraîche, ayant
les perroquets dessus, il faut amener les perroquets alors
que les voiles portant encore reçoivent le vent sous un angle
très aigu.
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/394]]==
 
Il est impossible de prévoir tous les cas qui peuvent se
présenter, mais en comprenant bien ce qui précède, on peut
toujours voir le meilleur parti à prendre.
 
Le manœuvrier ne doit jamais oublier de faire entrer en
ligne de compte, dans les influences favorables ou nuisibles
d’un virement de bord, la direction de la houle ; presque toujours, en mer, on a une houle autre que celle du vent ; il
faut voir sa direction et se rendre compte de la manière dont
elle frappera le bâtiment quand il sera au cap de la position
d’équilibre ; si elle doit faciliter révolution, le virement de
bord est assuré ; si, au contraire, elle doit s’y opposer, on aura
là un obstacle très puissant à vaincre, et il faudra se. précautionner en imprimant au bâtiment, à l’aide d’une abatée, la
plus grande vitesse possible.
 
<center>'''Virements de bord lof pour lof.'''</center>
 
La manière de manœuvrer les voiles dans les virements
de bord lof pour lof dépend du but que l’on se propose. Souvent on désire virer le plus rapidement possible ; il y a des
cas où la considération majeure est de perdre le moins possible au vent ; entre ces deux systèmes, on manœuvre d’habitude de manière à virer rapidement tout en perdant peu.
 
Le bâtiment est au plus près du vent toutes voiles dessus ;
beau temps ; l’ordre est donné de virer de bord lof pour lof.
Tout d’abord on cargue la brigantine et la grand’voile ; cette
première opération du virement de bord lof pour lof convient
à tous les bâtiments. Puis, si l’on a à manœuvrer un bâtiment court dont les couples d’évolution résultant du balancement des voiles ont une grande action, on ralinguera derrière et l’on mettra toute la barre au vent. Si, au contraire,
l’on a à manœuvrer un bâtiment long dont les couples d’évolution des voiles ont peu d’action, on conservera toujours le
vent dans les voiles de l’arrière ; c’est aussi ce que l’on fera
quand le bâtiment sera peu voilé, car, dans ces deux cas,
c’est la barre qui fait évoluer le plus rapidement, si l’on a
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/395]]==
soin d’entretenir la vitesse, en conservant le vent dans les
voiles ; pour la même raison, on suivra le vent avec les voiles
de l’avant, de façon à les conserver toujours un peu plus
orientées qu’il ne faudrait pour imprimer la plus grande vitesse, sans cependant s’écarter beaucoup de l’orientation favorable à la marche.
 
Ainsi, dans les deux cas que nous envisageons, bâtiments
courts et bâtiments longs, on manœuvrera de façons différentes. Dans le premier cas, on viendra jusqu’au vent arrière
sans toucher aux voiles de l’avant, en conservant les voiles
de l’arrière en ralingue jusqu’au vent de travers et légèrement gonflées jusqu’au moment où elles se trouveront orientées au plus près pour l’autre bord. Dans le deuxième cas,
on arrivera au vent arrière en manœuvrant tous les bras,
tenant toujours les voiles de l’arrière plus fermées que l’angle
d’orientation favorable à la marche, et les voiles de l’avant
plus ouvertes que cette orientation. Dans les deux cas, on
arrivera au vent arrière avec le phare de l’avant brassé
carré et le phare de l’arrière orienté au plus près pour l’autre
bord.
 
Si l’on a la misaine dessus, le foc se cargue quand on a
abattu de six quarts. Dans les deux cas, aussitôt que l’on a
dépassé le vent arrière, on établit la grand’voile et la brigantine, après quoi l’on se porte aux bras de l’avant. Dans
les deux cas, on attend que les voiles de l’avant soient presque en ralingue pour commencer à les brasser, mais à partir
de ce moment on suit le vent avec les bras, de façon à avoir
les voiles établies et le foc bordé pour le plus près quand
on arrive à ce cap. Puis on amure les basses voiles, on oriente
au plus près et l’on borde les basses voiles comme dans le
virement de bord vent devant.
 
''Par'' ''brise'' ''fraîche''. — Le bâtiment a tout ce qu’il peut porter avec un ris aux huniers, les perroquets, les basses voiles,
le grand foc et la brigantine.
 
Pour le bâtiment court, on carguera les basses voiles d’abord, puis le virement de bord lof pour lof commencer
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/396]]==
a : on carguera la brigantine, on ralinguera derrière, et seulement
alors on mettra la barre au vent, toute ; on aura du monde
sur les bras de devant et sur la cargue du foc. On carguera
le foc et on commencera à brasser devant quand on sera à
trois quarts du vent arrière ; on bordera le foc quand on sera
vent arrière, et la brigantine quand on l’aura dépassé. L’évolution une fois commencée se fait avec une grande rapidité,
ce qui oblige d’avoir du monde sur les bras de devant. La
difficulté qu’il y aurait à border le foc à sept quarts du vent
fait qu’on le borde vent arrière si l’on n’a pas un très grand
intérêt à venir au vent avec toute la rapidité possible.
 
Avec le bâtiment long, on manœuvrera comme avec un
bâtiment court par un beau temps, c’est-à-dire qu’on ne touchera au phare de l’avant qu’après avoir amarré les bras de
derrière ; mais on conservera toujours du vent dans les voiles
de l’arrière ; on ne carguera pas la misaine. L’évolution se
fait assez lentement pour brasser successivement les phares,
ce qui donne du monde pour manœuvrer la misaine. Le foc
est changé et bordé vent arrière.
 
''Par'' ''grande'' ''brise''. — On a deux ris aux huniers, la grand’voile avec un ris, la misaine, le petit foc et l’artimon. Dans
les deux cas, pour le bâtiment court et pour le bâtiment long,
on cargue les basses voiles d’abord, puis l’artimon, et l’on
vire sous les huniers par la seule influence de la barre en
suivant le vent avec les bras ; cependant les bras de l’arrière
doivent toujours avoir une assez grande avance sur ceux de
l’avant. Le petit foc est changé et bordé vent arrière ; si l’on
n’a pas beaucoup de monde, on ne borde l’artimon que quand
la voilure est rétablie et orientée.
 
Ce serait ici qu’il faudrait parler du virement de bord lof
pour lof à la cape, mais il vaut mieux attendre d’avoir parlé
de l’allure elle-même.
 
''En'' ''perdant'' ''le'' ''moins'' ''possible'', ''tout'' ''en'' ''conservant'' ''la'' ''vitesse'' ''en''
''avant''. — Il n’est pas possible de préciser à l’avance les manœuvres à faire ; tout dépend des qualités d’évolution du
bâtiment. Tel bâtiment très sensible aux couples résultant de
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/397]]==
l’action des voiles virera presque aussi rapidement et dans
un bien moindre espace, si, pendant qu’on cargue la grand’voile et la brigantine, on gouverne en ralingue ; car il arrivera pour ce bâtiment que l’erre sera cassée quand on commencera à le faire tourner ; naturellement très sensible aux
couples d’évolution des voiles, il le sera d’autant plus qu’il
aura moins de vitesse. Un bâtiment court qui vient de perdre
son erre comme nous l’avons dit, qui retombe faute d’erre,
qui se trouve alors sollicité par tout le phare de l’avant et
les focs bordés plats, et dont les voiles de l’arrière sont avec
grande attention conservées en ralingue, acquiert un mouvement de rotation tellement rapide, que la manœuvre en
est saisissante d’intérêt.
 
Si, au contraire, on a à manœuvrer un bâtiment long qui
tourne lentement, il se pourrait qu’il fût obligé, pour évoluer,
de reprendre la vitesse qu’il aurait perdue, car ces bâtiments
obéissent plus à leur barre qu’à leurs voiles. En ce cas, on
aurait perdu du temps et l’on ferait probablement un tour
plus grand en manœuvrant comme le bâtiment court qu’en
virant de bord avec la barre en conservant les voiles orientées pour le vent pendant tout le cours de l’évolution. C’est
au manœuvrier qui connaît son bâtiment qu’il appartient de
décider cette question. A première vue, il semblerait que le
couple d’évolution des voiles de l’avant dût avoir plus d’action sur un bâtiment long que sur un bâtiment court ; mais
si l’on y regarde de près, on verra que le centre de gravité
des voiles de l’avant, en y comprenant les focs, se trouve
sur une verticale passant par l’étrave pour les bâtiments
courts et sur une verticale passant à 10 ou 12 mètres en
arrière de l’étrave sur les bâtiments longs. Or, même dans
le cas où le mât de misaine occuperait la même position par
rapport à l’étrave, le bâtiment long tournerait moins vite par
la raison que l’impulsion du couple n’aurait crû sur le bâtiment long que comme la longueur, tandis que la résistance
au mouvement de rotation de chaque élément du plan longitudinal immergé aurait crû comme le cube de la longueur ;
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/398]]==
car la vitesse effective de chaque élément pour une vitesse
angulaire donnée est fonction de la longueur, la résistance
de l’élément est fonction du carré de la vitesse, et la résistance au mouvement de rotation est la résistance de l’élément multipliée par la distance de cet élément à l’axe.
 
<center>'''Virer lof pour lof en culant.'''</center>
 
Parmi les nombreux cas qui peuvent se présenter, nous
en choisirons deux. Dans le premier cas, le bâtiment marche
soit au plus près, soit vent de travers, avec une jolie vitesse,
quand on aperçoit des dangers devant ; le but que l’on se
propose est, en première ligne, d’arrêter le bâtiment, puis
de lui faire prendre les autres amures sans s’avancer plus
loin sur la route que l’on suivait. On suppose la mer libre
sous le vent.
 
Dans le deuxième cas, le bâtiment n’a pas de vitesse ; il
vient de manquer à virer ; la mer n’est pas libre devant ni
sous lèvent ; l’objectif principal, dans ce cas-ci, est de prendre
les autres amures par un mouvement lof pour lof, en perdant
le moins possible au vent.
 
''Premier'' ''cas''. — Le premier commandement à faire est de
mettre la barre dessous à bloc ; en même temps, faire porter
tout le monde sur les bras du vent, masquer partout et filer
en bande le gui et les écoutes des focs, puis diviser son
monde entre les lofs et les bras, lever les lofs et rectifier les
bras. Le phare de l’avant devra être brassé carré, les bras de
derrière devront être brassés pour que leurs voiles soient en
ralingue quand le bâtiment sera à dix quarts. Aussitôt qu’on
le pourra, on carguera la brigantine, et dans cette position
on attendra que le bâtiment abatte. Quand le bâtiment aura
perdu son erre, on bordera les focs plats et l’on brassera devant pour faire abattre comme dans un appareillage. Sous l’influence du phare de l’avant et des focs, le bâtiment abattra
rapidement ; il arrivera ainsi à dépasser le cap à dix quarts
du vent avant de prendre de l’erre. Aussitôt que l’on verra son
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/399]]==
mouvement de rotation diminuer, on changera le phare de
l’avant, on mettra la barre au vent et l’on achèvera un virement de bord lof pour lof ordinaire. Si la brise n’est pas
très fraîche, on laisse la grand’voile sur ses lofs ; si la brise
est assez fraîche pour la faire battre, on la cargue quand elle
entre en ralingue.
 
La description de cette manœuvre ne contente pas l’esprit
par la raison que le point de départ n’est pas bien défini. Il
y a des dangers devant ! Ils sont assez près pour que l’on
craigne d’envoyer simplement vent devant ! Cependant, si la
mer est plate et l’allure bon plein, quand on aura cassé l’err
du bâtiment, on aura couru de l’avant tout autant que si l’on
avait envoyé vent devant, et il faudra encore courir de l’avant
pour achever le virement de bord lof pour lof. Aussi cette
manœuvre ne doit être employée que quand le bâtiment tient
une allure voisine de la position d’équilibre, car, dans ce
cas, il manquerait peut-être à virer après avoir beaucoup
couru ; tandis que les voiles masquées l’arrêteront court.
 
Le deuxième cas ne présente pas d’indécision et satisfait
l’esprit. Le point de départ est bien défini ; le bâtiment vient
de manquer à virer ; il y a des dangers devant et sous le
vent ; il est à trois ou quatre quarts du vent ; ses voiles ralinguent, il ne va plus de l’avant et il a commencé un mouvement d’abatée. Nous supposons le foc halé bas ; les lofs
sont levés, ou bien les hommes sont rangés sur les cargue-points des basses voiles ; s’ils ne sont pas levés, on lève les
lofs, puis on fait passer tout le monde aux bras du vent et
l’on change partout ; le perroquet de fougue est tout de suite
orienté autant que possible ; on laisse agir un instant le phare
du grand mât dans une position presque carrée, puis on
l’oriente autant que possible. Le phare de l’avant se manœuvre pour qu’il soit toujours masqué, tout en faisant naître
et grandir le plus tard possible son influence d’abatée. On
hale l’écoute du gui au vent dans la mesure du possible. Le
bâtiment abat et prend de l’erre en culant jusqu’à la position
d’équilibre ; quand il y arrive, on cargue la brigantine, on
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/400]]==
change et l’on oriente devant. Sous l’impulsion du phare de
l’avant, le bâtiment déjà à douze quarts du vent, ayant en ce
moment sa plus grande vitesse en arrière, abat rapidement ;
si la mer est plate, il dépasse le vent arrière avant de prendre
de la vitesse en avant. On borde alors la brigantine et l’on
manœuvre les bras de l’avant pour que tout vienne en aide
à un mouvement d’olofée rapide.
 
Il est à remarquer que toute cette évolution se fait sans foc,
alors que sa partie importante est une abatée. Cela se comprend : le foc, s’il agissait avant que l’on atteigne la position
d’équilibre, empêcherait le bâtiment de prendre de la vitesse
en arrière en le laissant moins longtemps sous l’influence
des voiles masquées ; or, la vitesse en arrière est le point
capital de l’évolution, car sans elle on ne dépasserait la position d’équilibre que quand le bâtiment irait de l’avant, le
cap sur les dangers. Le foc, mis quand on change devant,
serait abrité par la misaine ; il est donc préférable de ne pas
s’en servir, à moins que l’on ne fasse cette manœuvre pour
exercice avec les basses voiles carguées, auquel cas le foc
bordé bien plat vient en aide aux voiles de l’avant quand on
les change. La barre joue un rôle insignifiant jusqu’au moment où l’on a dépassé le vent arrière, car jusqu’à ce moment le bâtiment n’a eu de vitesse qu’en arrière et cette vitesse a été petite. Cependant, comme il ne faut négliger
aucun moyen d’action, on se servira du gouvernail pour modérer l’abatée avant que l’on ait atteint la position d’équilibre et pour l’accélérer dès qu’on y arrivera ; car il faut
passer par la position d’équilibre avec la plus grande vitesse
eu arrière et la plus grande vitesse de rotation que l’on
pourra.
 
Comme on le voit, cette manœuvre repose entièrement sur
l’énergie du couple d’abatée provenant des résistances de
carène sous l’influence de la marche en arrière et de la dérive. La position d’équilibre vent dessus fait bien comprendre
cette manœuvre ; plus on a de toile, plus le cap de cette position d’équilibre est arrivé ; plus on est brassé, pl
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/401]]==
us aussi le cap de la position d’équilibre est arrivé. Il ne faut donc
pas, dans cette évolution lof pour lof en culant, carguer les
basses voiles, et il faut orienter les vergues le plus possible.
Cependant il est bon de ne pas se presser d’orienter le phare
du grand mât quand ou vient de masquer. Eu agissant ainsi,
la force à culer de ce phare sera plus grande pendant un certain temps, et la force qui fait dériver moindre. La dérive
étant moindre, le couple d’abatée sera moins énergique et
le bâtiment aura plus de temps pour prendre de la vitesse en
arrière.
 
<center>'''Allures.'''</center>
 
''1er'' ''Principe''. — La dérive unit à la marche ; c’est un fait
d’expérience. Quand deux bâtiments naviguent de conserve,
par la facilité que l’on a d’apprécier les plus petites différences dans la marche provenant des modifications de l’orientement, on arrive très rapidement à trouver l’angle de
meilleure orientation. Que l’on applique le calcul à cet angle
des vergues, on verra qu’il est très éloigné de l’angle qui
donne la plus grande force en avant ; mais la force qui fait
dériver est aussi beaucoup moindre. On voit aussi ce principe se manifester sur les bâtiments dont on a diminué la
dérive par l’adjonction d’une fausse quille.
 
''2e'' ''Principe''. — Les courants de formation de la houle font
embarder quand on prend la houle obliquement ; ils rendent
l’allure du grand largue dangereuse quand la mer est forte.
Pour deux houles d’égale grandeur, ils sont d’autant plus
forts que la mer est moins profonde. Ce sont là des faits d’expérience que l’on peut voir en petit chaque jour, en considérant le mouvement de va-et-vient des petits corps flottant à
la surface d’une mer houleuse. Les courants de formation de
la houle que nous ressentons marchent dans le sens de la
propagation des ondes sur les sommets, et dans le sens opposé dans le creux.
 
3e ''Principe''. — Une lame se change en houle en traversant
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/402]]==
une eau en remous. On peut s’en convaincre en voyant les
lames se transformer en houle quand elles arrivent dans le
remous que laisse un bâtiment à la cape.
 
''Plus'' ''près''. — Il y a peu à dire sur l’allure du plus près quand
il fait beau temps. Les bras du vent doivent être raides quand
la brise n’est pas égale ; mais les deux bras d’une vergue ne
doivent jamais être raides ensemble quand il y a du tangage.
C’est dans cette allure que la dérive est la plus forte ; il faut
donc éviter de l’augmenter en gouvernant la barre dessous
si l’on tient à faire de la route. En louvoyant dans une rade
sans mer, un vaisseau gagne autant au vent en virant à onze
quarts qu’en virant à douze ; l’expérience en a été faite souvent par les escadres. Les petits navires très fins, par jolie
brise, virent à dix quarts et gagnent plus qu’en virant à douze
et même à onze quarts.
 
Au fur et à mesure que l’on diminue de voiles, on porte
moins près. La mer que l’on prend par la joue du vent diminue la vitesse en avant et augmente la dérive ; les tangages
diminuent la vitesse en avant, le fardage qui reste le même
se trouve augmenté par rapport à la surface de voilure. Toutes
les forces nuisibles sont augmentées ; la dérive croîtrait
dans une grande proportion si l’on tentait de gouverner aussi
près du vent que quand on a toutes voiles dehors ; il n’y a
donc pas lieu de fatiguer le gréement en voulant orienter
beaucoup les vergues de hune quand on a des ris.
 
''Cape''. — Quand on arrive à n’avoir plus que les huniers au
bas ris, la grand’voile avec deux ris, la misaine un ris, le petit
foc et l’artimon, il faut commencer à se préoccuper de l’état
de la mer. Le bâtiment est à sept quarts, il a deux quarts de
dérive, ce qui détermine au vent à lui une couche de remous
qui le préserve du choc des lames. Mais, si le temps augmente encore, cette couche de remous ne sera plus assez
large, il faudra l’élargir ; on le fait tout naturellement en
diminuant de toile, ce qui augmente l’angle de dérive ; on
se débarrasse de la grand’voile et du petit hunier et l’on se
trouve en cape courante ; on porte toujours à sept quarts, mais
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/403]]==
on a quatre quarts de dérive. S’il arrive que, le temps augmentant encore, le bâtiment ne soit pins suffisamment préservé du choc des lames, on cargue la misaine et l’on se
trouve en cape. Il y a après cela la cape sèche : c’est quand
le vent est trop fort pour que l’on puisse porter aucune voile ;
la cape sèche ne peut pas être modifiée par l’intelligence du
manœuvrier ; elle est ce que l’ingénieur l’a faite en construisant et en mâtant le bâtiment. Si les mâts sont placés par
rapport au plan longitudinal de telle sorte que la cape sèche
soit trop ardente, le bâtiment ne sera pas de ceux qui peuvent
affronter un gros mauvais temps. Cependant, s’il était à vapeur, il pourrait tenir une cape’ très près du vent ; mais cette
allure demande une surveillance qui dépasse les facultés de
l’homme ; car pendant chaque rafale il faut augmenter la
vitesse de la machine de la quantité voulue, et ralentir dans
les moments de calme relatif ; sans cela, on perdrait souvent
l’abri de son remous.
 
La cape est la position d’équilibre le vent dedans sans vitesse en avant. Comme nous l’avons vu en traitant la position d’équilibre, si le bâtiment est mou, il ira de l’avant :
c’est ce que l’on nomme cape courante ; on la dit d’autant
plus courante que l’on marche davantage. Si, au contraire, le
bâtiment est ardent quand il n’a pas de vitesse en avant, il ne
trouvera pas de position d’équilibre et embardera continuellement. Les embardées sont ce qu’il y a de plus à craindre à
la cape ; ce point est très important, aussi allons-nous revoir
cette partie de la position d’équilibre, en l’appliquant au navire à la cape.
 
Le but de la cape est de créer entre le navire et les lames
un obstacle qui met à l’abri du choc des lames. Une lame
qui traverse une couche d’eau en remous se change en houle ;
or, le navire en dérivant laisse au vent à lui une couche de
remous aussi épaisse que son tirant d’eau ; il sera donc abrité
du choc des lames s’il parvient à conserver le remous qu’il
fait entre la mer et lui ; il suffit pour cela de dériver à peu
près dans le lit du vent. En suivant un navire à la cape trop
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/404]]==
ardent, nous allons voir qu’il perd l’abri de son remous ; il
est trop ardent, c’est-à-dire que le navire lofe quand il est
étale. Appelons cap initial celui auquel le bâtiment reçoit des
voiles une poussée en avant égale à la poussée en arrière du
vent sur le gréement, la mâture et la coque ; supposons le bâtiment au cap initiai sans vitesse ; il lofera. Peu après, les
forces à culer l’emporteront sur les autres, le bâtiment culera. A cause de la dérive et de la marche en arrière, il abattra, mais sa vitesse en arrière croîtra jusqu’au moment où il
repassera par le cap initial. Il passera donc par ce cap ayant
une grande vitesse d’abatée qui ne sera amortie que quand
le bâtiment sera beaucoup plus arrivé que le cap initial.
Alors il repartira en avant, mais comme les couples dus aux
résistances de carène sont moins énergiques pour faire lofer
que pour faire arriver, le bâtiment parcourra une courbe
plus tendue ; il restera plus longtemps sous l’influence des
forces qui poussent en avant. Dans cette position, on le verra
prendre de l’erre, laisser loin derrière lui son remous protecteur, et quand il repassera de nouveau par le cap initial, il
n’aura plus d’abri de la part du remous, il sera animé d’une
grande vitesse et courra à la rencontre des lames. Cette situation est des plus périlleuses, aussi doit-on l’éviter, et fort
heureusement c’est la chose du monde la plus facile ; il suffit
de rendre le navire moins ardent.
 
Les formes de nos bâtiments et surtout le placement des
mâts ne sont plus soumis à aucune règle ; il en résulte que
l’expérience que nous acquérons sur un bâtiment ne peut
plus nous servir sur un autre. Mais heureusement, pour
trouver la meilleure cape, tout se réduit à deux règles simples
s’il en fut. Le bâtiment trop ardent embarde, le bâtiment
trop mou marche ; du premier coup d’œil on voit si le bâtiment embarde. S’il n’embarde pas, on n’a qu’à voir où reste
le remous pour être fixé sur le bon balancement des voiles ;
si le remous reste trop de l’arrière pour protéger le bâtiment, la cape est trop molle ; elle est au contraire très bonne
si le remous reste par le travers ou un peu sur l’arrière du
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/405]]==
travers. Tout cela est donc fort simple, mais il faut que les
élèves s’habituent à le voir.
 
Le virement de bord lof pour lof à la cape se fait par le
moyen de la barre. Si l’on est à la cape sous les goélettes,
on cargue celles de derrière, puis on met la barre au vent.
On change le foc et les goélettes de l’avant quand on est
presque vent arrière, et si la mer est trop forte, on ne remet
celles de l’arrière que quand on est revenu à sept quarts, car
il peut se faire que l’on soit obligé d’interrompre le mouvement d’olofée pour parer une lame.
 
Si l’on est à la cape sous une voile carrée du grand mât,
soit le grand hunier, soit la grand’voile, il faut déventer la
voile avant de mettre la barre au vent. La voile déventée, la
dérive se trouve dans l’instant diminuée, d’où naissent deux
avantages : le couple d’olofée provenant des résistances de
carène est moins fort, et le bâtiment, sous l’influence d’une
dérive moindre, prendra plus facilement de la vitesse. Déventer une voile quand on est à la cape n’est pas une chose
aussi simple qu’elle le paraît. On se guide sur ces deux
points de repère : il ne faut pas que la voile ralingue beaucoup, mais il faut assez brasser pour que les bras ne fassent
plus que peu de force. Si c’est la grand’voile que l’on veut
déventer, c’est en choquant l’écoute que l’on doit le faire.
En choquant l’écoute, la vergue se brasse seule, on n’a qu’à
embraquer les bras.
 
Pour virer de bord sous la grand’voile, on commence par
carguer l’artimon s’il est dessus, puis on range du monde sur
les fonds de grand’voile et les faux grands bras, quelques
hommes sont prêts à choquer l’écoute et l’amure, et l’on a
du monde pour changer le foc. Les hommes ainsi distribués, on attend que le bâtiment fasse une légère embardée
sous le vent ; on met alors la barre au vent en choquant l’écoute de grand’voile ; aussitôt le bâtiment abat. On suit le
mouvement d’abatée en brassant la grand’vergue, choquant
l’écoute et l’amure de façon que la grand’voile fasse dériver
aussi peu que possible. Quand on a dépassé le vent du travers,
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/406]]==
ou pèse les fonds de grand’voile, non pas à bloc, mais
assez pour diminuer beaucoup la surface de la voile ; puis on
se porte à l’écoute et à l’amure de revers que l’on pèse à
mesure que le brassage de la grand’vergue le permet. Vent
arrière on change le petit foc, puis l’on continue à brasser
la grand’vergue, à peser l’amure et l’écoute, et l’on ne mollit
les fonds qu’à la demande de l’amure et de l’écoute. La
grand’voile se trouve amurée quand on est à sept quarts et
l’on prolonge l’olofée, pour mettre l’écoute à poste. A la cape
sous la grand’voile, on a deux ris dans cette voile, quelquefois un seul.
 
Si l’on est à la cape sous le grand hunier, on ne met la
barre au veut que quand la voile est déventée, et l’on suit
tout le mouvement avec les bras du grand hunier, de façon
à ne les laisser jamais travailler beaucoup. Le petit foc est
changé vent arrière, et si la mer est très forte, on ne met
l’artimon que quand on est à sept quarts.
 
Autant que possible, on commence le virement de bord à
la cape après le passage d’une grosse lame sur l’avant ; on
arrive ainsi assez facilement au vent arrière. Rendu à ce
point, on devra bien étudier l’état de la mer et se donner
pour but à atteindre de repasser par la position du vent du
travers sans avoir rencontré de grosse lame. On sera peut-être obligé de gouverner un instant vent arrière pour bien
choisir le moment de venir au lof. De même, quand on passe
par la position du grand largue en venant au lof, si l’on voit
qu’une grosse lame va vous atteindre, il faut changer la barre
pour recevoir, autant que possible, la lame par l’arrière. La
position du grand largue présente un grand danger en ce
sens que l’on prend la lame en biais ; que, quand l’arrière
est soumis au courant de formation de la houle qui marche
dans le sens du vent, l’avant est dans le creux, soumis à un
courant inverse, de façon que le navire est précipité en travers par une force irrésistible, sans qu’il ait de remous au
vent à lui. Comme ce n’est qu’une grosse lame qui détermine ce mouvement malgré le gouvernail, c’est une grosse
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/407]]==
lame que le navire reçoit en plein par le travers sans aucune
protection.
 
''Panne''. — La panne fait encore partie des allures du plus
près.
 
Comme la cape, la panne est la position d’équilibre le vent
dedans, sans vitesse en avant ; ici la force à culer est obtenue
en masquant un des huniers. Il est inutile de répéter ce que
nous venons de dire pour la cape trop ardente ; on n’a pas à
craindre, il est vrai, d’être capelé par la mer ; mais la panne
se prend chaque fois que l’on amène un canot à la mer, et
il y aurait de grands inconvénients, pour faire cette opération, à ce que le bâtiment tînt mal’la panne. Quand la panne
est trop ardente, le navire. embarde ; quand elle ne Test pas
assez, il marche. Ces deux principes établis, on peut toujours
se guider pour trouver la meilleure panne.
 
Il y a deux pannes : la panne sous le petit hunier et la
panne sous le grand hunier. La panne sous le petit hunier
est un peu plus stable que celle sous le grand hunier, mais
il faut pour cela que le petit hunier soit beaucoup contre-brassé. La raison en est en ceci que le couple d’arrivée des
voiles augmente quand le bâtiment lofe, et diminue quand
il abat. C’est le contraire qui se produit dans la panne sous
le grand hunier. L’influence des couples provenant des résistances de carène est tellement grande, que cet équilibre
plus stable des voiles ne modifie que très peu la fixité de la
panne.
 
''Vent'' ''de'' ''travers''. — Un bâtiment trop ouvert quand il est
vent du travers ne marche pas autant que le comporte la
brise. L’expression consacrée pour exprimer cet état du bâtiment est qu’il est bridé ; il est en effet bridé par la dérive.
 
Un navire vent du travers reçoit le vent apparent de 15 à
20 degrés sur l’avant du travers ; la quille de ce bâtiment
fait donc un angle de 70 à 75 degrés avec le vent qui influence les voiles. Appliquant à ce chiffre le calcul qui donne
la meilleure orientation des vergues, on trouve que, pour
que la force qui haie en avant soit la plus grande po
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/408]]==
ssible, il faut que les vergues fassent avec la quille un angle de
28 degrés. Cependant, avec cette orientation le navire ne
marche pas. Il est bridé. Si l’on prend cette orientation pour
point de départ et que l’on ferme, la force qui haie en avant
diminue, mais la force qui fait dériver diminue bien plus
rapidement. Il en résulte un fait d’expérience : quand on
ferme un navire trop ouvert, ce que l’on gagne en le débridant est plus considérable que ce que l’on perd dans la force
en avant.
 
L’expérience ne peut pas donner le chiffre pour le meilleur
angle d’orientation, parce qu’il varie d’un navire à l’autre.
Il dépend de la manière dont le bâtiment résiste à la dérive.
Un bâtiment qui a proportionnellement une grande surface
de plan longitudinal immergée doit orienter beaucoup.
 
Le vent du travers est une allure qui permet une très
grande marche, parce que la mer influence peu les résistances
à l’avant. De plus, sous cette allure le bâtiment gouverne
très bien si l’orientation est bonne. La barre, sous cette
allure, est ce qui guide le mieux pour orienter convenablement.
 
Le bâtiment trop ouvert est trop ardent.
 
L’allure du vent de travers se conserve encore quand le
temps est déjà bien mauvais, mais au fur et à mesure que le
temps est devenu plus mauvais, on a diminué de toile plus
que ne le comporte la conservation de la mâture et l’on a
fermé les vergues davantage. Un bâtiment sous le grand hunier au bas ris, le petit foc et l’artimon, peut gouverner vent
du travers filant six nœuds et dérivant seulement de 20 degrés ; mais le grand hunier est brassé presque carré ; il faut
que le temps soit bien mauvais pour obliger une frégate à
quitter cette allure. En passant le cap Horn, allant dans
l’Ouest, on trouve souvent des vents variant du S.-O au N.-O. ;
quand le mauvais temps dure, on utilise cette allure pour
gagner dans l’Ouest en mettant à profit les variations du
vent.
 
Vent du travers, les bonnettes sont-elles utiles ou nuisi
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/409]]==
bles ? C’est là une question controversée. Il est très probable que les bonnettes sont nuisibles toutes les fois qu’elles
obligent à orienter plus qu’on ne le ferait sans elles. A ce
compte, les bonnettes sont nuisibles vent du travers, et le
sont encore à près de dix quarts.
 
Un bâtiment à hélice poussé à la fois par sa machine et
par ses voiles a intérêt à orienter beaucoup.
 
''Grand'' ''largue''. — Sous l’allure du grand largue, le bâtiment est très ardent quand il est trop ouvert. Il faut donc,
en ce cas, pour le tenir en route, gouverner avec la barre d’un
bord ; mais le bâtiment prenant les lames en biais, les filets
d’eau qui pressent le gouvernail ont leur vitesse et leur direction influencées par les courants de formation de la houle ; le gouvernail changeant à chaque instant de place, par rapport à la houle, la houle changeant à chaque instant de grandeur, il devient tout à fait impossible de trouver un angle
convenable de barre ; cet angle Sera beaucoup trop grand
quand le gouvernail sera dans le creux de la houle, et
beaucoup trop petit quand le gouvernail sera sur le sommet de la même houle. D’où il suit qu’il est très important d’orienter sa voilure de telle sorte que le bâtiment gouverne avec aussi peu de barre que possible ; pour cela, il
faut bien se garder de trop ouvrir. Encore sous cette allure
la barre est un parfait conseiller ; si le bâtiment embarde
beaucoup, c’est qu’il est mal orienté ; le meilleur timonier
ne saurait pas tenir en route un bâtiment grand largue mal
orienté. Les courants de formation de la houle n’agissent
pas seulement sur le gouvernail ; ils prennent le bâtiment
en biais et agissent différemment sur chacune de ses parties ;
tantôt ils le font venir sur tribord, tantôt sur bâbord, suivant la manière dont ils influencent l’arrière et l’avant ; ils
compliquent la tâche du timonier et la rendent tout à fait
impossible si le manœuvrier n’a pas bien orienté ses voiles.
 
Les embardées que font faire les courants de formation de
la houle sont d’autant plus grandes que la mer est plus forte ;
quand il fait mauvais temps, elles deviennent dangereuses,
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/410]]==
car le bâtiment peut être précipité en travers d’une crête de
grosse lame. Ainsi, dans tous les temps, qu’il fasse beau ou
qu’il fasse mauvais, on a intérêt à orienter avec grand soin
quand on est grand largue. Quand il fait beau temps, les
bonnettes aident à balancer convenablement la voilure ; quand
il fait mauvais, on serre le phare d’artimon, s’il le faut, pour
empêcher le bâtiment d’être ardent ; on ne cherche pas à
rendre le bâtiment mou pour lui amoindrir les chances d’être
précipité en travers, on cherche à le rendre bien gouvernant.
Si on le rendait mou, on augmenterait les chances d’être
précipité en travers, car on le tiendrait en route avec de la
barre dessous et quand les courants de formation de la houle
agiraient dans un certain sens sur le gouvernail, cette inclinaison de la barre aurait pour résultat de lancer le bâtiment
dans le vent.
 
Au fur et à mesure que l’allure est plus arrivée, on ferme
les vergues davantage ; quand le veut est encore à deux
quarts ou deux quarts et demi de l’arrière, les vergues sont
carrées et le point de grand’voile au vent cargué. S’il arrive
que les bonnettes de l’arrière déventent celles de devant, il
y a avantage à les supprimer, car elles déventent une surface
de voilure plus grande qu’elles.
 
C’est toujours un contre-sens que d’avoir des bonnettes
derrière sans en avoir devant, à moins que celles de l’arrière
soient sous le vent.
 
L’allure du grand largue par mauvais temps présente des
dangers, mais au fur et à mesure que le bâtiment laisse porter, l’action des courants de formation de la houle diminue
en même temps que diminue l’angle de la direction de la
houle et de la quille. De telle sorte qu’un bâtiment qui ne
tiendrait plus à onze quarts pourrait être tranquille à treize.
 
''Vent'' ''arrière''. — Par petite brise, beau temps, plus on met
de toile dehors, mieux cela vaut, à moins que le vent étant
tout à fait de l’arrière, le perroquet de fougue ne vienne à déventer le grand hunier. On voit alors ce phénomène très curieux d’une toute petite voile, le perroquet de fougue, en déventant
==[[Page:Guyou, Mottez - Théorie du navire, suivi de Traité des évolutions et allures, 1887.djvu/411]]==
une très grande, le grand hunier. Les filets de vent
qui passeraient où est le perroquet de fougue, s’il n’était pas
là, sont obligés de le contourner ; ils prennent un mouvement
latéral et dévient les filets de vent qui auraient de chaque
bord passé assez près de la voile ; il en résulte que le perroquet de fougue fait un remous beaucoup plus grand que lui,
dans lequel le grand hunier tout entier peut se trouver enveloppé. Dans ce cas, il est avantageux de serrer les voiles du
mât d’artimon. C’est ce phénomène qui rend plus avantageux
de recevoir du vent dans les bonnettes de l’avant que dans
celles de l’arrière quand le phare de l’avant est à moitié abrité
par celui de l’arrière ; car les filets de vent qui se dérangent
dans leur course pour contourner la voile rencontreront devant une voile qui ne fait rien, le petit hunier, tandis qu’ils
auraient rencontré derrière une voile pleine à laquelle rien
ne peut être ajouté.
 
Par mauvais temps, on doit régler la toile sur le bien-gouverner ; le bâtiment est abrité du choc des lames, un peu par
sa vitesse et principalement par son remous ; en augmentant
la toile et par conséquent la vitesse, on agit bien tant que le
bien-gouverner n’en souffre pas ; mais aussitôt que de fortes
embardées se produisent, l’abri du remous est compromis ;
on a trop de toile !
 
=== Notes ===
<references />
 
[[Catégorie:1873]]
[[Catégorie:Maritime]]