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{{tiret|l’An|gleterre.}} Ce serait se faire illusion que de croire que nous en sommes arrivés là. Il y a d’ailleurs dans la comparaison des budgets de la marine en Angleterre et en France, telle que l’a présentée M. Ward, de graves erreurs qu’il faut rectifier pour faire comprendre quelle différence il y a encore entre les sacrifices que l’Angleterre fait pour sa marine et la portion de fortune publique que nous y consacrons. Un travail très remarquable a été publié sur ce sujet dans les ''Annales maritimes'' de 1846. Or, il résulte, de l’examen des deux budgets, qu’après avoir déduit pour chacun d’eux les dépenses qui ne sont qu’accessoires à la marine, et qui ne sont pas communes à l’une et à l’autre, c’est-à-dire, dans le budget anglais, les correspondances, les pensions et divers services relatifs à d’autres ministères ; dans le budget français, le service colonial, l’artillerie et l’infanterie de marine, la gendarmerie et les chiourmes ; ces déductions faites, il reste pour le chiffre du budget anglais, en 1846, environ 150 millions, et, pour le budget français, 78 millions. Voilà les termes véritables de la comparaison, ceux sur lesquels il faut apprécier les efforts faits de part et d’autre. Si l’on considère, en outre, que nos arsenaux, par une conséquence même de l’étendue des côtes et de la position de la France sur deux mers, sont plus nombreux que ceux de l’Angleterre ; si l’on se rappelle que la marine anglaise est l’héritière d’une époque toute de gloire et de richesses, tandis que la nôtre succède à des désastres et à la ruine ; — si l’on fait attention que les soins que nous donnons à notre marine sont nouveaux, et que, pendant près de vingt ans, nous avons laissé cette marine effacée, amoindrie, au point d’en discuter l’existence, tandis que l’Angleterre n’a jamais cessé d’entretenir la sienne, on appréciera mieux l’état réel de nos forces navales et tout ce que le pays doit encore faire pour mériter les éloges que nous prodigue M. Ward. La constitution du budget de notre marine est désavantageuse à cette arme. Ce budget, chargé de dépenses accessoires pour près de 40 millions, parait plus considérable qu’il ne l’est réellement, et l’opinion, sans aller plus au fond, s’effraie des lourdes charges que lui montre le chapitre de la marine dans nos dépenses annuelles. C’est là un sentiment qu’il faut combattre. On ne saurait trop répéter que la dotation de notre marine est à peine la moitié de celle de la marine anglaise, et qu’avec cette dotation on doit satisfaire à un service actuel très actif, réparer la lésinerie du passé et préparer un avenir rassurant pour nos intérêts maritimes.
{{tiret2|l’An|gleterre.}} Ce serait se faire illusion que de croire que nous en sommes arrivés là. Il y a d’ailleurs dans la comparaison des budgets de la marine en Angleterre et en France, telle que l’a présentée M. Ward, de graves erreurs qu’il faut rectifier pour faire comprendre quelle différence il y a encore entre les sacrifices que l’Angleterre fait pour sa marine et la portion de fortune publique que nous y consacrons. Un travail très remarquable a été publié sur ce sujet dans les ''Annales maritimes'' de 1846. Or, il résulte, de l’examen des deux budgets, qu’après avoir déduit pour chacun d’eux les dépenses qui ne sont qu’accessoires à la marine, et qui ne sont pas communes à l’une et à l’autre, c’est-à-dire, dans le budget anglais, les correspondances, les pensions et divers services relatifs à d’autres ministères ; dans le budget français, le service colonial, l’artillerie et l’infanterie de marine, la gendarmerie et les chiourmes ; ces déductions faites, il reste pour le chiffre du budget anglais, en 1846, environ 150 millions, et, pour le budget français, 78 millions. Voilà les termes véritables de la comparaison, ceux sur lesquels il faut apprécier les efforts faits de part et d’autre. Si l’on considère, en outre, que nos arsenaux, par une conséquence même de l’étendue des côtes et de la position de la France sur deux mers, sont plus nombreux que ceux de l’Angleterre ; si l’on se rappelle que la marine anglaise est l’héritière d’une époque toute de gloire et de richesses, tandis que la nôtre succède à des désastres et à la ruine ; — si l’on fait attention que les soins que nous donnons à notre marine sont nouveaux, et que, pendant près de vingt ans, nous avons laissé cette marine effacée, amoindrie, au point d’en discuter l’existence, tandis que l’Angleterre n’a jamais cessé d’entretenir la sienne, on appréciera mieux l’état réel de nos forces navales et tout ce que le pays doit encore faire pour mériter les éloges que nous prodigue M. Ward. La constitution du budget de notre marine est désavantageuse à cette arme. Ce budget, chargé de dépenses accessoires pour près de 40 millions, parait plus considérable qu’il ne l’est réellement, et l’opinion, sans aller plus au fond, s’effraie des lourdes charges que lui montre le chapitre de la marine dans nos dépenses annuelles. C’est là un sentiment qu’il faut combattre. On ne saurait trop répéter que la dotation de notre marine est à peine la moitié de celle de la marine anglaise, et qu’avec cette dotation on doit satisfaire à un service actuel très actif, réparer la lésinerie du passé et préparer un avenir rassurant pour nos intérêts maritimes.


Dans la même séance, où M. Ward a proposé le budget de la marine, le commodore Napier a prononcé un discours où il n’a pas, suivant son habitude, ménagé les attaques contre l’amirauté. Ses critiques montrent que tout n’est pas non plus pour le mieux dans cette marine que l’on propose avec raison pour modèle, mais dont on s’exagère aussi trop souvent la perfection. La marine à vapeur, à laquelle les Anglais donnent un développement que nous devons imiter, est aussi pour eux un champ d’essais coûteux et quelquefois malheureux. Sir C. Napier nous apprend que plusieurs de leurs vapeurs, dont ils ont voulu augmenter la puissance en forçant le pouvoir des machines, sont devenus trop faibles pour les porter, et ne peuvent plus avoir un approvisionnement de charbon suffisant ; il nous dit que, sans avoir convenablement éprouvé l’effet du boulet sur les coques en fer qui n’y résistent pas, on a mis en construction, depuis 1840, trente-trois navires de cette espèce, et fait ainsi une fausse dépense de 50 millions ; il nous fait connaître enfin que la question de l’hélice, dont on attend avec impatience la solution en France, n’est encore qu’à l’état d’étude en Angleterre,
Dans la même séance, où M. Ward a proposé le budget de la marine, le commodore Napier a prononcé un discours où il n’a pas, suivant son habitude, ménagé les attaques contre l’amirauté. Ses critiques montrent que tout n’est pas non plus pour le mieux dans cette marine que l’on propose avec raison pour modèle, mais dont on s’exagère aussi trop souvent la perfection. La marine à vapeur, à laquelle les Anglais donnent un développement que nous devons imiter, est aussi pour eux un champ d’essais coûteux et quelquefois malheureux. Sir C. Napier nous apprend que plusieurs de leurs vapeurs, dont ils ont voulu augmenter la puissance en forçant le pouvoir des machines, sont devenus trop faibles pour les porter, et ne peuvent plus avoir un approvisionnement de charbon suffisant ; il nous dit que, sans avoir convenablement éprouvé l’effet du boulet sur les coques en fer qui n’y résistent pas, on a mis en construction, depuis 1840, trente-trois navires de cette espèce, et fait ainsi une fausse dépense de 50 millions ; il nous fait connaître enfin que la question de l’hélice, dont on attend avec impatience la solution en France, n’est encore qu’à l’état d’étude en Angleterre,