« Dialogues des morts/Dialogue 24 » : différence entre les versions

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Platon et Aristote.
 
Critique de la philosophie d' Aristote, solidité des
idées éternelles de Platon.
 
Aristote.
 
Avez-vous oublié votre ancien disciple ? Ne
me connoissez-vous plus ?
Platon.
 
Je n' ai garde de reconnoître en vous mon
disciple. Vous n' avez jamais songé qu' à paroître
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faire tomber dans l' oubli tous ceux qui vous
ont précédé.
 
Aristote.
 
C' est que j' ai dit des choses originales, et
que je les ai expliquées fort nettement. Je n' ai
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sublime, je ne suis point tombé dans le galimatias ;
je n' ai point donné dans les idées éternelles.
 
Platon.
 
Tout ce que vous avez dit étoit tiré des livres
que vous avez tâché de déprimer. Vous
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malgré moi, comme une règle véritable
redresseroit une ligne tortue que j' aurois tracée.
 
Faute de remonter aux idées qui sont les premières
et les simples notions de chaque chose,
vous n' avez point eu de principes assez fermes,
et vous n' alliez qu' à tâtons.
 
Aristote.
 
Y a-t-il rien de plus clair que ma morale ?
Platon.
 
Elle est claire, elle est belle, je l' avoue ;
votre logique est subtile, méthodique, exacte,
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pour accoutumer les esprits à se payer de mots
et à croire entendre ce qu' ils n' entendent pas.
 
C' est en cette occasion que vous auriez eu
grand besoin d' idées claires pour éviter le
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est déterminé. Avec ce jargon un homme se
croit grand philosophe, et méprise le vulgaire.
 
Les épicuriens venus après vous ont raisonné
plus sensément que vous sur le mouvement
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nous voyons. Au moins leur physique explique
plusieurs choses d' une manière vraisemblable.
 
Il est vrai qu' ils n' ont jamais remonté jusqu' à
l' idée et à la nature de ces petits corps ; ils
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écoles où vous aurez régné long-temps, et qui
feront tomber de bien haut votre réputation.
 
Aristote.
 
Je voulois cacher mes principes, c' est ce
qui m' a fait envelopper ma physique.
 
Platon.
 
Vous y avez si bien réussi que personne ne
vous entend ; ou du moins si on vous entend,
on trouve que vous ne dites rien.
 
Aristote.
 
Je ne pouvois rechercher toutes les vérités,
ni faire toutes les expériences.
 
Platon.
 
Personne ne le pouvoit aussi commodément
que vous : vous aviez l' autorité et l' argent
d' Alexandre. Si j' avois eu les mêmes avantages,
j' aurois fait de belles découvertes.
 
Aristote.
 
Que ne ménagiez-vous Denys le tyran, pour
en tirer le même parti ?
Platon.
 
C' est que je n' étois ni courtisan ni flatteur :
mais vous, qui trouvez qu' on doit ménager
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trop ambitieuses ?
Aristote.
 
Hélas ! Il n' est que trop vrai. Ici-bas même,
si quelquefois il se rappelle le temps de sa
confiance pour moi, d' autres fois il ne daigne
plus me reconnoître, et me regarde de travers.
 
Platon.
 
C' est qu' il n' a point trouvé dans votre
conduite la pure morale de vos écrits. Dites la
vérité, vous ne ressembliez point à votre
magnanime.
 
Aristote.
 
Et vous, n' avez-vous point parlé du mépris
de toutes les choses terrestres et passagères,
pendant que vous viviez magnifiquement ?
Platon.
 
Je l' avoue ; mais j' étois considérable dans
ma patrie. J' y ai vécu avec modération et honneur.
 
Sans autorité ni ambition, je me suis fait révérer des
grecs. Le philosophe venu de Stagire, qui veut tout
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personnage qui en bonne philosophie doit être fort
odieux.
 
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