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les rochers, disperse leurs glaces éternelles, <small><font color="darkred">(5, 160)</font></small> saisit les chaînes en s’affermissant sur un pied, et se dresse de toute sa hauteur pour les desceller. Le Caucase retentit de l’énorme secousse ; ses sommets tombent, entraînant après eux les sapins, qui s’abattent sur les fleuves et qui en arrêtent le cours. Un craquement pareil à celui des nuées que déchire la foudre de Jupiter, ou de la terre quand Neptune en ébranle les cavités profondes, répand la terreur sur toute l’étendue des côtes de l’Euxin, chez l’Hibère, voisin de l’Arménie, et sur les flots agités jusqu’en leurs abîmes. Les Argonautes craignent de nouveau le choc des Cyanées. Cependant ils entendent de plus près le bruit des chaînes, le fracas des rocs qui roulent de monts en monts, et les cris affreux du Titan, pendant qu’Hercule le détache. Mais ignorant la cause de ce bouleversement, (car qui d’entre eux eut pu croire qu’Alcide fût dans ces montagnes, et conserver l’espérance de le retrouver ?) ils poursuivent leur route, regardant avec étonnement les débris des rochers, le rivage jonché de neige, et, au-dessus de ces ruines, l’ombre immense d’un oiseau qui se débattait contre la mort, et dont le sang noir dégouttait en pluie dans les airs.
les rochers, disperse leurs glaces éternelles, <small><font color="darkred">(5, 160)</font></small> saisit les chaînes en s’affermissant sur un pied, et se dresse de toute sa hauteur pour les desceller. Le Caucase retentit de l’énorme secousse ; ses sommets tombent, entraînant après eux les sapins, qui s’abattent sur les fleuves et qui en arrêtent le cours. Un craquement pareil à celui des nuées que déchire la foudre de Jupiter, ou de la terre quand Neptune en ébranle les cavités profondes, répand la terreur sur toute l’étendue des côtes de l’Euxin, chez l’Hibère, voisin de l’Arménie, et sur les flots agités jusqu’en leurs abîmes. Les Argonautes craignent de nouveau le choc des Cyanées. <small><font color="darkred">(5, 169)</font></small> Cependant ils entendent de plus près le bruit des chaînes, le fracas des rocs qui roulent de monts en monts, et les cris affreux du Titan, pendant qu’Hercule le détache. Mais ignorant la cause de ce bouleversement, (car qui d’entre eux eut pu croire qu’Alcide fût dans ces montagnes, et conserver l’espérance de le retrouver ?) ils poursuivent leur route, regardant avec étonnement les débris des rochers, le rivage jonché de neige, et, au-dessus de ces ruines, l’ombre immense d’un oiseau qui se débattait contre la mort, et dont le sang noir dégouttait en pluie dans les airs.


L’onde se colorait des feux plus rapprochés du soleil, et le jour, à son déclin, montrait aux héros fatigués le rivage tant désiré de la Colchide, et la vaste embouchure par où le Phase mêle ses eaux immenses à celles de la mer. Tous à la fois ont reconnu les lieux ; certains indices, les nations qu’ils ont successivement dépassées, tout les leur signale. Ils gouvernent vers le fleuve. En même temps Pallas, éblouissante de lumière, et Junon, arrêtent leurs chevaux ailés.
L’onde se colorait des feux plus rapprochés du soleil, et le jour, à son déclin, montrait aux héros fatigués le rivage tant désiré de la Colchide, <small><font color="darkred">(5, 180)</font></small> et la vaste embouchure par où le Phase mêle ses eaux immenses à celles de la mer. Tous à la fois ont reconnu les lieux ; certains indices, les nations qu’ils ont successivement dépassées, tout les leur signale. Ils gouvernent vers le fleuve. En même temps Pallas, éblouissante de lumière, et Junon, arrêtent leurs chevaux ailés.


Jason voguait déjà dans les eaux du fleuve, quand il vit sur ses rives verdoyantes un massif de peupliers qui entouraient une éminence. Au centre s’élevait le tombeau de Phrixus. Près de lui, une statue en marbre de Paros figurait Hellé, sa malheureuse sœur, partagée entre la crainte de sa marâtre et celle de la mer, et n’osant poser ses mains sur le Bélier. Jason alors donne l’ordre d’arrêter et d’amarrer le vaisseau, comme s’il fût entré dans le port de Pagase, dans le fleuve de sa patrie ; puis, prenant une coupe de vin, il fait des libations suivant le rit consacré, évoque l’ombre de Phrixus, et prononce ces paroles :« Par nos communs aïeux, ô Phrixus, par nos communs dangers, sois, je t’en conjure, mon guide et mon appui dans ces lieux. Vois que de mers parcourues, que de tempêtes essuyées ! Sois-nous donc propice, et souviens-toi de ta patrie. Toi aussi, dont ce cénotaphe attend en vain la dépouille, déesse de la mer, entends nos vœux ; sois la compagne d’un guerrier issu du même sang que toi. Quand traverserai-je de nouveau tes flots ? Quand la toison d’or reverra-t-elle Sestos et ton fatal détroit ? Et vous, forêts, vous, campagnes de la Colchide dont je suis l’hôte aujourd’hui, et où la précieuse toison brille suspendue à son arbre sacré, soyez-nous accessibles. Pour toi, fils du dieu qui féconde la nature, toi qui prends ta source sous l’astre glacé de Calisto, si tu permets, ô Phase, que mon vaisseau, ouvrage de Pallas, mouille dans tes eaux paisibles, tu ne manqueras dans ma
Jason voguait déjà dans les eaux du fleuve, quand il vit sur ses rives verdoyantes un massif de peupliers qui entouraient une éminence. Au centre s’élevait le tombeau de Phrixus. Près de lui, une statue en marbre de Paros figurait Hellé, sa malheureuse sœur, partagée entre la crainte de sa marâtre <small><font color="darkred">(5, 190)</font></small> et celle de la mer, et n’osant poser ses mains sur le Bélier. Jason alors donne l’ordre d’arrêter et d’amarrer le vaisseau, comme s’il fût entré dans le port de Pagase, dans le fleuve de sa patrie ; puis, prenant une coupe de vin, il fait des libations suivant le rit consacré, évoque l’ombre de Phrixus, et prononce ces paroles : « Par nos communs aïeux, ô Phrixus, par nos communs dangers, sois, je t’en conjure, mon guide et mon appui dans ces lieux. Vois que de mers parcourues, que de tempêtes essuyées ! Sois-nous donc propice, et souviens-toi de ta patrie. Toi aussi, dont ce cénotaphe attend en vain la dépouille, <small><font color="darkred">(5, 200)</font></small> déesse de la mer, entends nos vœux ; sois la compagne d’un guerrier issu du même sang que toi. Quand traverserai-je de nouveau tes flots ? Quand la toison d’or reverra-t-elle Sestos et ton fatal détroit ? Et vous, forêts, vous, campagnes de la Colchide dont je suis l’hôte aujourd’hui, et où la précieuse toison brille suspendue à son arbre sacré, soyez-nous accessibles. Pour toi, fils du dieu qui féconde la nature, toi qui prends ta source sous l’astre glacé de Calisto, si tu permets, ô Phase, que mon vaisseau, ouvrage de Pallas, mouille dans tes eaux paisibles, tu ne manqueras dans ma