« De la production de la sécurité » : différence entre les versions

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Cependant, après de longs siècles de souffrances, les lumières s’étant peu à peu répandues dans le monde, les masses qu’étouffait ce réseau de priviléges commencèrent à réagir contre les privilégiés, et à demander la ''liberté,'' c’est-à-dire la suppression des monopoles.
 
Il y eut alors de nombreuses transactions. En Angleterre, par exemple, que se passa-t-il&#8239;? La race qui gouvernait le pays et qui se trouvait organisée en compagnie (la féodalité), ayant à sa tête un directeur héréditaire (le roi), et un Conseil d’administration également héréditaire (la Chambre des lords), fixait, à l’origine, au taux qu’il lui convenait de fixer, le prix de la sécurité dont elle avait le monopole. Entre les producteurs de sécurité et les consommateurs il n’y avait aucun débat. C’était le régime du ''bon plaisir''. Mais, à la suite des temps, les consommateurs, ayant acquis la conscience de leur nombre et de leur force, se soulevèrent contre le régime de l’arbitraire pur, et ils obtinrent de débattre avec les producteurs le prix de la denrée. A cet effet, ils désignèrent des délégués qui se réunirent en ''Chambre des communes'', afin de discuter la quotité de l’<s></s>''impôt,'' prix de la sécurité. Ils obtinrent ainsi d’être moins pressurés. Toutefois, les membres de la Chambre des communes étant nommés sous l’influence immédiate des producteurs de sécurité, le débat n’était pas franc, et le prix de la denrée continuait à dépasser sa valeur naturelle. Un jour, les consommateurs ainsi exploités s’insurgèrent contre les producteurs et les dépossédèrent de leur industrie. Ils entreprirent alors d’exercer eux-mêmes cette industrie et ils choisirent dans ce but un directeur d’exploitation assisté d’un conseil. C’était le communisme se substituant au monopole. Mais la combinaison ne réussit point, et, vingt ans plus tard, le monopole primitif fut rétabli. Seulement les monopoleurs eurent la sagesse de ne point restaurer le régime du bon plaisir&#8239;; ils acceptèrent le libre débat de l’impôt, en ayant soin, toutefois, de corrompre incessamment les délégués de la partie adverse. Ils mirent à la disposition de ces délégués divers emplois de l’administration de la sécurité, et ils allèrent même jusqu’à admettre les plus influents au sein de <!--Page 284-->leur conseil supérieur. Rien de plus habile assurément qu’une telle conduite. Cependant les consommateurs de sécurité finirent par s’apercevoir de ces abus, et ils demandèrent la réforme du Parlement. Longtemps refusée, la réforme fut enfin conquise, et, depuis cette époque, les consommateurs ont obtenu un notable allégement de leurs charges.
leur conseil supérieur. Rien de plus habile assurément qu’une telle conduite. Cependant les consommateurs de sécurité finirent par s’apercevoir de ces abus, et ils demandèrent la réforme du Parlement. Longtemps refusée, la réforme fut enfin conquise, et, depuis cette époque, les consommateurs ont obtenu un notable allégement de leurs charges.
 
En France, le monopole de la sécurité, après avoir, de même, subi des vicissitudes fréquentes et des modifications diverses, vient d’être renversé pour la seconde fois. Comme autrefois en Angleterre, on a substitué à ce monopole exercé d’abord au profit d’une caste, ensuite au nom d’une certaine classe de la société, la production commune. L’universalité des consommateurs, considérés comme actionnaires, ont désigné un directeur chargé, pendant une certaine période, de l’exploitation, et une assemblée chargée de contrôler les actes du directeur et de son administration.
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Or, pour modifier ou refaire la société, il faut nécessairement être pourvu d’une ''autorité'' supérieure à celle des différentes individualités dont elle se compose.
 
Cette autorité qui leur donne le droit de modifier ou de refaire à leur guise la société, de disposer comme bon leur semble des personnes et des propriétés, les gouvernements de monopole affirment la tenir de Dieu lui-<!--Page 285-->même &#8239;; les gouvernements communistes, de la raison humaine manifestée dans la majorité du peuple souverain.
 
Mais cette autorité supérieure, irrésistible, les gouvernements de monopole et les gouvernements communistes la possèdent-ils véritablement &#8239;? Ont-ils, en réalité, une autorité supérieure à celle que pourraient avoir des gouvernements libres &#8239;? Voilà ce qu’il importe d’examiner.
 
== VIII. ==
 
S’il était vrai que la société ne se trouvât point ''naturellement'' organisée &#8239;; s’il était vrai que les lois en vertu desquelles elle se meut dussent être incessamment modifiées ou refaites, les ''législateurs'' auraient nécessairement besoin d’une autorité immuable, sacrée. Continuateurs de la Providence sur la terre, ils devraient être respectés presque à l’égal de Dieu. S’il en était autrement, ne leur serait-il pas impossible de remplir leur mission &#8239;? On n’intervient pas, en effet, dans les affaires humaines, on n’entreprend pas de les diriger, de les régler, sans offenser journellement une multitude d’intérêts. ÀA moins que les dépositaires du pouvoir ne soient considérés comme appartenant à une essence supérieure ou chargés d’une mission providentielle, les intérêts lésés résistent.
 
De là la fiction du droit divin.
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Cette fiction était certainement la meilleure qu’on pût imaginer. Si vous parvenez à persuader à la foule que Dieu lui-même a élu certains hommes ou certaines races pour donner des lois à la société et la gouverner, nul ne songera évidemment à se révolter contre ces élus de la Providence, et tout ce que fera le gouvernement sera bien fait. Un gouvernement de droit divin est impérissable.
 
ÀA une condition seulement, c’est que l’on croie au droit divin.
 
Si l’on s’avise, en effet, de penser que les conducteurs de peuples ne reçoivent pas directement leurs inspirations de la Providence même, qu’ils obéissent à des impulsions purement humaines, le prestige qui les environne disparaîtra, et l’on résistera irrévérencieusement à leurs décisions souveraines, comme on résiste à tout ce qui vient des hommes, à moins que ''l’utilité'' n’en soit clairement démontrée.
 
Aussi est-il curieux de voir avec quel soin les théoriciens du droit divin s’efforcent d’établir la ''surhumanité'' des races en possession de gouverner les hommes.
 
Écoutons, par exemple, M. &nbsp;Joseph de Maistre &#8239;:
 
« &#8239;L’homme ne peut faire de souverains. Tout au plus il peut servir d’instrument pour déposséder un souverain et livrer ses États à un autre souverain déjà prince. Du reste, il n’a jamais existé de famille souveraine dont on puisse assigner l’origine plébéienne. Si ce phénomène paraissait, ce serait une époque du monde.
 
« &#8239; &#8239;Il est écrit &#8239;: ''C’est moi qui fais les souverains''. Ceci n’est point une phrase d’église, une métaphore de prédicateur &#8239;; c’est la vérité littérale, <!--Page 286-->simple et palpable. C’est une loi du monde politique. Dieu fait les rois, au pied de la lettre. Il prépare les races royales, il les nourrit au milieu d’un nuage qui cache leur origine. Elles paraissent ensuite couronnées de gloire et d’honneur ; elles se placent<ref>''Du principe générateur des constitutions politiques''. – Préface.</ref>. »
 
D’après ce système, qui incarne la volonté de la Providence dans certains hommes et qui revêt ces élus, ces oints d’une autorité quasi-divine, les sujets n’ont évidemment aucun droit ; ils doivent se soumettre, sans examen, aux décrets de l’autorité souveraine, comme s’il s’agissait des décrets de la Providence même.