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Troublé, palpitant, plein d’espoir et de terreur, je restais le front caché dans mes mains, n’osant plus montrer mon visage, lorsqu’une voix s’éleva dans le silence de la rue, et, montant vers moi, m’adressa ces douces paroles :
Troublé, palpitant, plein d’espoir et de terreur, je restais le front caché dans mes mains, n’osant plus montrer mon visage, lorsqu’une voix s’éleva dans le silence de la rue, et, montant vers moi, m’adressa ces douces paroles :


—Il parait, Monsieur, que votre santé est meilleure ?
— Il parait, Monsieur, que votre santé est meilleure ?


Je tressaillis, je retirai ma tête de mes mains ; je regardai Cora, je ne pouvais en croire mes oreilles, d’autant plus que la voix était un peu rude, un peu mâle, et que je m’étais toujours imaginé la voix de Cora plus douce que celle de la brise d’avril caressant les fleurs naissantes. Mais comme je la contemplais d’un air éperdu, elle réitéra sa question dans des termes dont la douceur me fit oublier l’accent un peu indigène et le timbre un peu vigoureux de sa voix.
Je tressaillis, je retirai ma tête de mes mains ; je regardai Cora, je ne pouvais en croire mes oreilles, d’autant plus que la voix était un peu rude, un peu mâle, et que je m’étais toujours imaginé la voix de Cora plus douce que celle de la brise d’avril caressant les fleurs naissantes. Mais comme je la contemplais d’un air éperdu, elle réitéra sa question dans des termes dont la douceur me fit oublier l’accent un peu indigène et le timbre un peu vigoureux de sa voix.


—Je vois avec plaisir, dit-elle, que monsieur Georges se porte mieux.
— Je vois avec plaisir, dit-elle, que monsieur Georges se porte mieux.


Je voulus faire une réponse qui exprimât l’enthousiasme de ma reconnaissance ; mais cela me fut impossible : je pâlis, je rougis, je balbutiai quelques paroles inintelligibles ; je faillis m’évanouir.
Je voulus faire une réponse qui exprimât l’enthousiasme de ma reconnaissance ; mais cela me fut impossible : je pâlis, je rougis, je balbutiai quelques paroles inintelligibles ; je faillis m’évanouir.


A ce moment, l’épicier, le père de ma Cora, approchant son profil osseux de la fenêtre, lui dit d’un ton rauque, mais pourtant bienveillant :
À ce moment, l’épicier, le père de ma Cora, approchant son profil osseux de la fenêtre, lui dit d’un ton rauque, mais pourtant bienveillant :


—A qui parles-tu donc, mignonne ?
— À qui parles-tu donc, mignonne ?


—A notre voisin, M. Georges, qui est enfin convalescent et que je vois à sa fenêtre.
— À notre voisin, M. Georges, qui est enfin convalescent et que je vois à sa fenêtre.


—Ah ! j’en suis charmé, dit l’épicier, et, soulevant son bonnet de loutre : Comment va la santé, mon cher voisin ?
— Ah ! j’en suis charmé, dit l’épicier, et, soulevant son bonnet de loutre : Comment va la santé, mon cher voisin ?


Je remerciai avec plus d’assurance le père de ma bien-aimée. J’étais le plus heureux des mortels ; j’obtenais enfin un peu d’intérêt de cette famille naguère si farouche et si méfiante envers moi. Mais hélas ! pensais-je presque aussitôt, que me sert à présent d’être plaint et consolé ? Cora n’est-elle pas pour jamais unie à un autre ?
Je remerciai avec plus d’assurance le père de ma bien-aimée. J’étais le plus heureux des mortels ; j’obtenais enfin un peu d’intérêt de cette famille naguère si farouche et si méfiante envers moi. Mais hélas ! pensais-je presque aussitôt, que me sert à présent d’être plaint et consolé ? Cora n’est-elle pas pour jamais unie à un autre ?
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Jaloux de soutenir et de prolonger un entretien si précieux, je lui répondis par des compliments flatteurs sur la beauté des giroflées qui fleurissaient à sa fenêtre, sur la grâce mignonne et coquette de son chat qui dormait au soleil devant la porte, et sur la bonne exposition de sa boutique qui recevait en plein les rayons du soleil de midi.
Jaloux de soutenir et de prolonger un entretien si précieux, je lui répondis par des compliments flatteurs sur la beauté des giroflées qui fleurissaient à sa fenêtre, sur la grâce mignonne et coquette de son chat qui dormait au soleil devant la porte, et sur la bonne exposition de sa boutique qui recevait en plein les rayons du soleil de midi.


—Oui, oui, répondit l’épicier, au commencement du printemps les rayons du soleil ne sont point à dédaigner ; plus tard ils deviennent un peu trop bons….
— Oui, oui, répondit l’épicier, au commencement du printemps les rayons du soleil ne sont point à dédaigner ; plus tard ils deviennent un peu trop bons….


A cet entretien cordial et ingénu, Cora mêlait de temps en temps des réflexions courtes et simples, mais pleines de bon sens et de justesse ; j’en conclus qu’elle avait un jugement droit et un esprit positif.
À cet entretien cordial et ingénu, Cora mêlait de temps en temps des réflexions courtes et simples, mais pleines de bon sens et de justesse ; j’en conclus qu’elle avait un jugement droit et un esprit positif.


Puis, comme j’insistais sur l’avantage d’avoir la façade de son logis exposée au midi, Cora, inspirée par le ciel et par la beauté de son âme, dit à son père :
Puis, comme j’insistais sur l’avantage d’avoir la façade de son logis exposée au midi, Cora, inspirée par le ciel et par la beauté de son âme, dit à son père :


—Au fait, la chambre de M. Georges exposée au nord doit encore être assez fraîche dans ce temps-ci. Peut-être, si vous lui proposiez de venir s’asseoir une heure ou deux chez nous, serait-il bien aise de voir le soleil en face ?
— Au fait, la chambre de M. Georges exposée au nord doit encore être assez fraîche dans ce temps-ci. Peut-être, si vous lui proposiez de venir s’asseoir une heure ou deux chez nous, serait-il bien aise de voir le soleil en face ?


Puis elle se pencha vers son oreille, et lui dit tout bas quelques mots qui semblèrent frapper vivement l’épicier.
Puis elle se pencha vers son oreille, et lui dit tout bas quelques mots qui semblèrent frapper vivement l’épicier.


—C’est bien, ma fille, s’écria-t-il d’un ton jovial Vous plairait-il, monsieur Georges, d’accepter une chaise à côté de ma Cora ?
— C’est bien, ma fille, s’écria-t-il d’un ton jovial Vous plairait-il, monsieur Georges, d’accepter une chaise à côté de ma Cora ?


—O mon Dieu ! pensai-je, si c’est un rêve, faites que je ne m’éveille point.
— Ô mon Dieu ! pensai-je, si c’est un rêve, faites que je ne m’éveille point.


Une minute après, le généreux épicier était dans ma chambre et m’offrait son bras pour descendre. J’étais ému jusqu’aux larmes et je lui pressai les mains avec une effusion qui le surprit, tant son action lui paraissait naturelle.
Une minute après, le généreux épicier était dans ma chambre et m’offrait son bras pour descendre. J’étais ému jusqu’aux larmes et je lui pressai les mains avec une effusion qui le surprit, tant son action lui paraissait naturelle.