« Les Malthusiens » : différence entre les versions

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Le docteur Mathus était, en son vivant, ministre du saint Évangile, de mœurs douces, philanthrope, bon mari, bon père, bon bourgeois, croyant à Dieu autant qu’homme de France. Il mourut, le ciel lui fasse paix ! en 1834. On peut dire qu’il a le premier, sans s’en douter, réduit à l’absurde toute l’économie politique, et posé la grande question révolutionnaire, la question entre le travail et le capital.
 
Chez nous, où la foi à la Providence est restée vive, malgré l’indifférence
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du siècle, le Peuple dit, par manière de proverbe, et c’est en cela que nous nous distinguons de l’Anglais : ''Il'' ''faut'' ''que'' ''tout'' ''le'' ''monde'' ''vive'' ! — Et notre Peuple, en disant cela, croit être aussi bon chrétien, aussi conservateur des bonnes mœurs et de la famille, que feu Malthus.
 
Or, ce que le Peuple dit en France, les économistes le nient ; les gens de loi et les gens de lettres le nient ; l’Église, qui se prétend chrétienne, et de plus gallicane, le nie ; la presse le nie, la haute bourgeoisie le nie, le gouvernement, qui s’efforce de la représenter, le nie.
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Tout ce qui se fait, qui se dit, qui s’imprime aujourd’hui et depuis vingt ans, se fait, se dit et s’imprime en conséquence de la théorie de Malthus.
 
La théorie de Malthus, c’est la théorie de l’assassinat politique, de l’assassinat par philanthropie, par amour de Dieu. Il y a trop de monde au monde : voilà le premier article de foi de tous ceux qui, en ce moment, au nom du Peuple, règnent et gouvernent. C’est pour cela qu’ils travaillent de leur mieux à diminuer
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le monde. Ceux qui s’acquittent le mieux de ce devoir, qui pratiquent avec piété, courage et fraternité les maximes de Malthus, sont les bons citoyens, les hommes religieux ; ceux qui protestent, sont des anarchistes, des socialistes, des athées.
 
Le crime inexpiable de la révolution de février est d’avoir été le produit de cette protestation. Aussi, on lui apprendra à vivre à cette révolution qui promettait de faire vivre tout le monde. La tache originelle, indélébile de la République, c’est d’avoir été proclamée par le Peuple, anti-malthusien. C’est pour cela que la République est si particulièrement odieuse à ceux qui furent et qui veulent redevenir les complaisants et les complices des rois, ''grands'' ''mangeurs'' ''d’hommes'', disait Caton. On la monarchisera votre République, on lui fera dévorer ses enfans !
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Demandez à l’Académie des sciences morales. Un de ses membres les plus honorables, que je ne nommerai pas, bien qu’il s’honore de ses opinions, comme doit faire tout honnête homme, étant préfet de je ne sais quel département, s’avisa un jour, dans une proclamation, de recommander à ses administrés de ne plus faire autant d’enfans à leurs femmes. Grand scandale parmi les curés et les commères, qui traitèrent cette morale académique de morale de cochons ! Le savant dont je parle n’en était pas moins, comme tous ses confrères, un défenseur zélé de la famille et de la morale. Mais, observait-il, avec Malthus, au banquet de la nature, il n’y a pas de place pour tout le monde.
 
M. Thiers, membre aussi de l’Académie des sciences morales, disait dernièrement au comité des finances, que s’il était ministre, il se bornerait à ''traverser'' ''courageusement'', ''stoïquement'', ''la'' ''crise'', se renfermant dans les dépenses de son budget, faisant respecter l’ordre, et se gardant avec soin de toute innovation financière, de toute idée socialiste, telle que notamment le droit au
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travail, comme de tout expédient révolutionnaire. Et tout le comité d’applaudir.
 
En rapportant cette déclaration du célèbre historien et homme d’État, je n’ai nulle envie, on le sent bien, d’incriminer ses intentions. Dans la disposition actuelle des esprits, je ne réussirais qu’à servir l’ambition de M. Thiers, s’il lui en restait. Ce que je veux faire remarquer, c’est que M. Thiers, en s’exprimant de la sorte, témoignait, peut-être sans y penser, de sa foi à Malthus.
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Et le Peuple, sous la pression des baïonnettes, se consume lentement ; se meurt sans soupir et sans murmure : le sacrifice s’accomplit dans le silence. Courage ! travailleurs ; soutenez-vous les uns les autres : la Providence finira par vaincre la fatalité. Courage ! vos pères, les soldats de la République, étaient encore plus mal que vous aux siéges de Gênes et de Mayence.
 
M. Léon Faucher, combattant pour le cautionnement des journaux, pour le maintien des douanes sur la presse, raisonnait aussi comme Malthus. Le journal sérieux, disait-il, le journal qui mérite considération et estime, est celui qui s’établit au capital de 4 à 500,000 fr. Le journaliste qui n’a que sa plume est comme l’ouvrier qui n’a que ses bras. S’il ne trouve moyen de faire acheter ses services ou créditer son entreprise, c’est signe que l’opinion le condamne ; il n’a pas le moindre droit à prendre
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la parole devant le pays : au banquet de la publicité, il n’y a pas place pour tout le monde.
 
Écoutez Lacordaire, ce flambeau de l’Église, ce vase d’élection du catholicisme. Il vous dira que le socialisme est l’Antechrist. Et pourquoi le socialisme est-il l’Antechrist ? Parce que le socialisme est l’ennemi de Malthus, et que le catholicisme, par une transformation dernière, s’est fait malthusien.
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Le journalisme presque tout entier est infecté des mêmes idées. Que le ''National'', par exemple, nous dise s’il n’a pas toujours cru, s’il ne croit pas encore que le paupérisme, dans la civilisation, est éternel ; que l’asservissement d’une partie de l’humanité est nécessaire à la gloire de l’autre ; que ceux qui prétendent le contraire sont de dangereux rêveurs qui méritent d’être fusillés ; que telle est la raison d’état ? Car, si telle n’est pas la pensée secrète du ''National'', si le ''National'' veut sincèrement, résolument l’émancipation des travailleurs, pourquoi ces anathèmes, pourquoi cette colère contre les socialistes purs, contre ceux qui, depuis dix et vingt ans, demandent cette émancipation ?
 
Qu’ils daignent aussi, afin que le Peuple les connaisse, faire leur profession de foi économique, ces bohémiens de la littérature, aujourd’hui sbires du journalisme, calomniateurs à prix fixe,
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courtisans de tous tes privilèges, panégyristes de tous les vices, parasites vivant aux dépens d’autres parasites, qui ne parlent tant de Dieu que pour dissimuler leur matérialisme, de la famille que pour couvrir leurs adultères, et qu’on verrait, par dégoût du mariage, caresser des guenons, s’ils ne trouvaient plus de malthusiennes.
 
''Faites'' ''des'' ''filles'', ''nous'' ''les'' ''aimons'', chantent ces infâmes, en parodiant le poète. Mais abstenez-vous de faire des garçons : au banquet de la volupté, il n’y a pas de place pour tout le monde.
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Qui viendra me dire que le principe de Malthus n’est pas toute la contre-révolution ?
 
Et c’est pour avoir publié de telles choses, c’est pour avoir énergiquement signalé le mal,
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et cherché de bonne foi le remède, que la parole m’a été ôtée par ordre du gouvernement, du gouvernement qui représente la révolution !
 
C’est pour cela que j’ai vu passer sur moi, muet, le déluge des calomnies, des trahisons, des lâchetés, des hypocrisies, des outrages, des désertions et des défaillances de tous ceux qui haïssaient ou qui aimaient le peuple ! C’est pour cela que j’ai été, pendant un mois entier, livré aux chacals de la presse et aux chats-huants de la tribune ! Jamais homme, ni dans le passé, ni dans le présent, ne fut l’objet d’autant d’exécration que je le suis devenu, pour ce seul fait que je fais la guerre aux anthropophages.