« La Divine Comédie (trad. Lamennais)/Le Purgatoire/Chant XXXII » : différence entre les versions

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[[ro:Divina Comedie/Purgatoriul/Cântul XXXII]]
 
 
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Tant étaient mes yeux lises et attentifs pour étancher une soif de dix ans <ref>Béatrice était morte en 1290, et Dante est supposé faire son voyage en l’an 1300.</ref>, qu’étaient tous mes autres sens ; et ne se souciaient d’aucun autre objet <ref>Littéralement : « Et les yeux d’ici et de là avaient un mur de non se coucier. » On peut juger, par cet exemple, combien la bizarrerie des métaphores, jointe à la concision elliptique, rend quelquefois obscure la pensée de Dante.</ref> les yeux absorbés dans la splendeur sainte, qui les attirait avec l’antique rets, lorsque par force me firent tourner le visage vers ma gauche ces Déesses, qui me dirent que je regardais trop fixement.
 
Et cet éblouissement qu’éprouvent les yeux que le soleil vient de frapper, me priva quelque temps de la vue : mais après qu’elle se fut un peu raffermie, je dis un peu par rapport à l’abondante lumière dont je m’étais par force éloigné, je vis qu’à droite la glorieuse armée s’était
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retournée, et s’en allait ayant en face les sept flammes <ref>Les sept Chandeliers.</ref> et le soleil.
 
Comme sous les boucliers pour se sauver une bande tourne le dos, et sur soi volte avec l’étendard, avant que tout ordre ait pu se changer, cette milice du céleste royaume, qui précédait, défila toute, avant que le timon ployât le char <ref>C’est-à-dire : l’inclinât en une direction différente.</ref>. Puis, près des roues, se replacèrent les Dames, et le Griffon mut le char béni, de manière cependant que pas une penne ne s’agita.
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La belle Dame qui m’avait tiré au passage <ref>A l’aide de qui j’avais passé le fleuve Léthé.</ref>, et Stace et moi, nous suivions la roue qui trace son ornière dans un arc plus étroit. Ainsi traversant la haute forêt, vide par la faute de celle qui crut le serpent, un chant angélique réglait le pas. Peut-être avions-nous parcouru trois fois l’espace d’un trait de flèche, lorsque Béatrice descendit. Je les ouïs tous murmurer : « Adam ! » puis ils entourèrent un arbre dépouillé de fleurs et de feuillage en tous ses rameaux. Sa chevelure, qui s’étend d’autant plus que plus elle s’élève, serait par sa hauteur admirée des Indiens dans leurs forêts. « Heureux es-tu, Griffon, que point de cet orbre ton bec ne détache le fruit doux au goût ; car ensuite tristement se tord le ventre. » Ainsi autour de l’arbre robuste crièrent tous les autres ; et l’animal biforme : « Par là se conserve la semence de tout juste <ref>Selon d’autres, ''la'' ''semence'' ''de'' ''tout'' ''ce'' ''qui'' ''est'' ''juste''.</ref>. » Et se tournant vers le timon qu’il avait tiré <ref>Il se tourna, la tête vers le timon, tandis qu’en tirant le char il était dans la position contraire.</ref>, il amena le char au pied de l’arbre veuf, il l’y laissa lié <ref>Suivant une autre interprétation, ''laissé'' ''lié'' ''à'' ''lui'' ''ce'' ''qui'' ''était'' ''de'' ''lui''. Ce que l’on explique en disant que ''l’arbre'' ''veuf'' est la Rome païenne soumise au seul pouvoir des Empereurs, et que le Griffon est Jésus-Christ qui, en instituant le pouvoir spirituel des Pontifes romains, lie au pouvoir temporel ce nouveau pouvoir « qui dérive de lui. »</ref> avec un de ses rameaux.
 
Comme nos plantes, lorsque dessus tombe la grande lumière <ref>La lumière du soleil.</ref> mêlée à celle qui rayonne derrière la célèbre ''lasea'' <ref>La ''
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lasca'' est un poisson aux écailles brillantes et argentées. Ici, il signifie le signe des Poissons, qui suit dans le Zodiaque relui du Délier. Le sens est donc que « comme, lorsque le soleil est dans le Bélier, — c’est-à-dire au printemps,— les plantes se gonflent, etc. »</ref>, se gonflent, et chacune d’elle ensuite se revêt de nouvelles couleurs, avant que le Soleil ait conduit ses coursiers sous un autre Signe ; ainsi s’ouvrant, l’arbre dont les branches étaient nues auparavant, se revêtit de nouveau d’une couleur moins semblable à celle des roses qu’à celle des violettes.
 
Je n’entendis point, et ici-bas ne se chante l’hymne que cette troupe alors chanta ; et je n’en soutins pas jusqu’au bout l’harmonie.
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Si je pouvais retracer comment, à l’ouïr de Syrinx <ref>Au récit de l’histoire de Syrinx. Junon, jalouse d’Io, l’avait mise sous la garde d’Argus, dont cent yeux veillaient incessamment. Jupiter ayant chargé Mercure d’enlever la jeune nymphe, celui-ci tua Argus,après l’avoir endormi en lui racontant l’histoire de Syrinx.</ref>, s’assoupirent les yeux impitoyables, les yeux auxquel le plus veiller coûta si cher <ref>''Le'' ''veiller'' ''plus'' que les autres hommes ''coûta'' ''cher'' à Argus, que Mercure tua faute de pouvoir surprendre sa vigilance.</ref>, comme un peintre qui dessine d’après un modèle, je peindrais comment je m’endormis ; mais le fasse qui bien saura représenter le sommeiller.
 
Je passe donc au moment où je me réveillai, et je dis que pour moi déchira le voile du sommeil une vive splendeur et une voix qui m’appela : « Lève-toi, que fais-tu ? » Tels que, conduits pour voir les fleurs du pommier, qui de son fruit rend les anges avides, et entretient dans le ciel un festin perpétuel, Pierre et Jean et Jacques <ref>Lors de la transfiguration de Jésus-Christ sur le Thabor.</ref>, assoupis, se réveillèrent à la parole par laquelle furent rompus des sommeils plus profonds <ref>Allusion à la résurrection de Lazare, et aux paroles de Jésus-Christ en cette occasion : Notre ami Lazare dort, mais je vais le réveiller. — Joann. XI, 11.</ref>, et virent leur troupe diminuée de Moïse et d’Elie, et de leur maître la robe changée ; tel me réveillai-je et je vis, debout au-dessus de moi, cette Dame pieuse, qui auparavant le long du fleuve avait guidé mes pas ; et plein de trouble, je dis : — Où est Béatrice ? Et elle : « Vois-la,
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sous le feuillage nouveau, assise sur sa racine <ref>La racine de l’arbre.</ref>. Vois la compagnie qui l’entoure <ref>Les trois Vertus théologales et les quatre Vertus cardinales.</ref> : à la suite du Griffon les autres s’en vont en haut, chantant un hymne plus doux et d’un sens plus profond. » Je ne sais si son parler fut plus étendu, parce que dans mes yeux déjà était celle qui m’empêchait d’être attentif à autre chose.
 
Elle était seule assise sur la vraie terre <ref>La terre, telle qu’elle sortit des mains de Dieu, et que le péché n’avait pas souillée.</ref>, comme une garde laissée près du char, que j’avais vu lier par l’animal biforme. Un cercle autour d’elle formaient les sept nymphes ; ayant en main ces lumières qui sont à l’abri de l’Auster <ref>Le vent du midi, le sirocco.</ref> et de l’Aquilon. « Tu séjourneras ici un peu de temps dans la forêt, puis sans fin tu seras avec moi citoyen de cette Rome dont le Christ est Romain <ref>C’est-à-dire : Seigneur.</ref>. Cependant pour le bien du monde, qui vit mal, tiens maintenant les yeux fixés sur le char ; et ce que tu verras, de retour là, écris-le. » Ainsi parla Béatrice, et moi qui devant ses commandements étais prosterné, où elle voulait j’attachai l’attention et les yeux.
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Jamais d’un mouvement si rapide, lorsqu’il pleut, d’une nuée épaisse ne descendit le feu, du point le plus éloigné, que je vis descendre l’oiseau de Jupiter <ref>Selon les interprètes, les persécutions des Empereurs romains figurés par l’Aigle.</ref>, à travers l’arbre, brisant non seulement les fleurs et les feuilles, mais l’écorce même ; et de toute sa force il frappa le char, qui ploya comme un navire en fortune, battu par les flots tantôt à bâbord, tantôt à tribord.
 
Ensuite je vis s’élancer vers l’intérieur du véhicule triomphal un renard <ref>Suivant les uns, le Pape Anastase, intrus par ruse dans le siège pontifical, et qui tomba dans l’erreur de Photin ; suivant d’autres, Arius ; et, suivant d’autres encore, Julien l’Apostat.</ref> qui paraissait à jeun de toute bonne pâture. Mais en lui reprochant ses laides fautes, ma Dame le fit fuir aussi vite que le permirent ses os décharnés. Puis,
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par où d’abord il était venu, je vis l’aigle descendre dans l’arche du char, et la laisser jonchée de ses plumes <ref>Les donations faites à l’Eglise romaine par les Empereurs chrétiens, et spécialement par Constantin.</ref>. Et telle qu’elle sort d’un cœur affligé, j’ouïs une voix du ciel, qui disait : « O ma nacelle, combien mal elle se charge <ref>A cause de tous les vices, de toutes les corruptions qu’engendrèrent ces donations.</ref> ! » Puis il me sembla qu’entre les roues du char la terre s’ouvrait, et j’en vis sortir un dragon <ref>L’avarice, selon le sentiment le plus général.</ref>, qui dans le char enfonça sa queue, et, comme la guêpe qui retire l’aiguillon, ramenant à soi la queue maligne, la relira et s’en alla joyeux. Ce qui resta d’intact, comme de gazon se recouvre une terre vivace, peut-être à bonne et pure intention, de la plume offerte se recouvrit, et en furent couverts l’une et l’autre roue et le timon, en moins de temps qu’un soupir ne tient la bouche ouverte. La machine sainte ainsi transformée, de ses parties sortirent des têtes, trois sur le timon, et une à chaque coin <ref>Nul accord sur ce que représentent ces sept Têtes ; les uns disent les sept sacrements, d’autre les sept péchés capitaux. La première opinion est évidemment insoutenable ; la diversité des sentiments prouve, au reste, combien ces obscures catégories sont incertaines.</ref>.
 
Les premières avaient des cornes comme des bœufs ; mais les quatre autres avaient une seule corne au front ; jamais on ne vit monstre semblable.
 
Pleine de sécurité, comme une forteresse sur une haute montagne, assise dessus m’apparut une courtisane éhontée <ref>La cour de Rome, et spécialement Boniface VIII.</ref>, promenant autour ses yeux hardis, et comme pour qu’elle ne lui fût point enlevée, je vis à côté d’elle un géant <ref>Philippe le Bel.</ref>, debout ; et quelquefois ils se baisaient. Mais ayant vers moi tourné son regard errant et convoiteux, ce féroce amant la flagella de la tête jusqu’aux pieds. Puis, plein de soupçon et transporté de colère, il délia le monstre <ref>Le char qui figure le siège apostolique, lequel fut transféré en France par Philippe Le Bel, après l’élection simoniaque de Clément V.</ref>, et le traîna dans la
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forêt, si avant qu’à ma vue elle déroba <ref>Littéralement : Que seule elle me fait un bouclier contre, etc. Le mot bouclier est pris ici dans le sens d’un obstacle qui empêche de voir.</ref> la courtisane et la nouvelle bête.