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MADAME DE STAEL. 875

furieuse de bonheur pour elle et pour les autres ; de là, pour les autres, la pitié, l’appel énergique à la justice, la haine de l’oppression ou du despotisme ; pour elle, l’expression violente de l’individualité, la révolte contre toutes les contraintes et les limites ; elle veut le plus possible se développer en tout sens ; elle veut jouir d’elle-même. Mais la suprême jouissance, c’est de jouir de soi en autrui, de voir sa perfection reflétée dans une âme qui s’en éprend : elle veut donc être, se développer, afin d’être digne d’être aimée. Là est le bonheur, et ce n’est que faute de ce bonheur qu’elle se rabattra sur la gloire : elle le fera dire à Corinne, et elle est Corinne. Mais elle aura peine à en prendre son parti ; aucune de ses expériences ne vaincra son optimisme sentimental. Le désaccord de son rêve et des réalités n’aboutira qu’à fortifier la disposition romanesque qui est en elle. Clarisse Harlowe et Werther ont transporté sa jeunesse ; Walter Scott charmera ses derniers jours : à travers toute son existence, elle persistera à croire que le roman a raison contre la vie, et que la vérité, c’est le roman. Par un hasard singulier, sa foi fut récompensée : elle finit par se reposer dans un amour absurde et un mariage ridicule, qui fut heureux.

sont Mme Récamier, Mme de Beaumont, B. Constant, C. Jordan, Fauriel. On y fait à Bonaparte une guerre d’épigrammes ; on cabale avec Bernadotte et Moreau ; on souhaite hautement la chute du régime nouveau. Bonaparte finit par éclater ; et en octobre 1803, Mme de Staël reçoit ordre de se tenir à 40 lieues de Paris. Elle s’en va visiter l’Allemagne, puis revient à Coppet, trop tard pour assister à la mort de Necker : de là elle va en Italie. En 1805, elle est de retour à Coppet, où elle écrit Corinne, dont le succès est immense. Tout ce que Napoléon ne domine pas, anciens amis et amis nouveaux. Français et étrangers, Barante, Elzéar de Sabran, Monti, Sismondi, Bonstetten, G. Schlegel, le jeune Guizot la visitent ou séjournent auprès d’elle. On cause et on joue la comédie. Elle retourne en Allemagne en 1807 ; après ce voyage, elle se convertit à la religion. Elle écrit son livre de l’Allemagne, dont toute l’édition française est détruite par la police impériale ; elle-même reçoit ordre de sortir du territoire français (1810). Elle est surveillée et comme internée à Coppet. On lui défend de recevoir ses amis ; Mme Récamier, Mathieu de Montmorency sont exilés ; les Schlegel expulsés. Elle s’évade en 1812 et se réfugie à Pétersbourg, puis en Suède, et de là en Angleterre. La Restauration l’attriste par le tour qu’elle prend. Elle meurt en 1817, ayant à peu près achevé ses Considérations sur la Révolution française. Elle avait épousé en 1811 M. de Rocca, beaucoup plus jeune qu’elle.

Éditions : De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, an VIII, 2 vol. in-8 ; Delphine, roman, 1802 ; Corinne, roman, 1807 ; de l’Allemagne, Londres, 1813 ; Considérations sur la Révolution française, publ. par le duc de Broglie et le baron de Staël, 1818 ; Dix années d’exil (publ. par le baron de Staël, 1821) ; éd. P. Gautier, 1904. Œuvres complètes. Paris, Didot. 3 vol. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution, éd. J. Vienol, 1906. — A consulter : Lady Biennerhassett, Mme de Staël et son temps, trad. Dietrich, Paris, 1890,3 vol. ; A. Sorel, Mme de Staël, coll. des Gr. Écriv. français, 1890 ; F. Brunetière, Évolution de la critique, VI leçon ; Faguet, Politiques et moralistes du XIXe siècle, 1re série, 1891 ; Dejob, Mme de Staël et l’Italie, avec une bibliographie de l’influence française en Italie, 1890 ; E. Ritter, Notes sur Mme de Staël, 1899. P. Gautier, Mme de Staël et Napoléon, 1903.