« L’Héritier de village » : différence entre les versions

{{Titre|L'HéritierL’Héritier de village|[[Auteur:Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux|Marivaux]]|Comédie en un acte, en prose, représentée pour la première fois par les Comédiens-Italiens le 19 août [[:Category:1725|1725]]}}

''Blaise entre, suivi d'Arlequind’Arlequin en guêtres et portant un paquet. Claudine entre d'und’un autre côté. ''

Eh oui, note femme ; c'estc’est li-même en parsonne.

Eh ! à voir mourir mon frère, et je n'yn’y allais que pour ça.

Eh bian ! que ne finit-il donc, sans nous coûter tant d'alléesd’allées et de venues ? Toujours il meurt, et jamais ça n'estn’est fait : voilà deux ou trois fois qu'ilqu’il lantarne.

Eh ! il n'yn’y a rian de nouveau à ça ; ce sera queussi, queumi{{refl|1}}. Il faut considérer qu'ilqu’il était bian vieux qu'ilqu’il avait beaucoup travaillé, bian épargné, bian chipoté sa pauvre vie.

T'asT’as raison, femme ; il aimait trop l'usurel’usure et l'avaricel’avarice ; il se plaignait trop le vivre, et j'onsj’ons opinion que cela l'al’a tué.

Bref ! enfin le velà défunt. Parlons des vivants. T'esT’es son unique hériquier ; qu'asqu’as-tu trouvé ?

Eh, eh, eh ! baille-moi cinq sols de monnaie, je n'onsn’ons que de grosses pièces.

Eh eh eh ; dis donc, Nicaise, avec tes cinq sols de monnaie ! qu'estqu’est-ce que t'ent’en veux faire ?

Pour ce garçon qui apporte mon paquet depis la voiture jusqu'àjusqu’à cheux nous, pendant que je marchais tout bellement et à mon aise.

T'esT’es venu dans la voiture ?

T'asT’as baillé un écu ?

Oh ! bian noblement. Combien faut-il ? ai-je fait. Un écu, ce m'am’a-t-on fait. Tenez, le velà, prenez. Tout comme ça.

Cinq sols ! un héritier, cinq sols ! un homme de votre étoffe ! et où est la grandeur d'âmed’âme ?

Oh ! qu'àqu’à ça ne tienne, il n'yn’y a qu'àqu’à dire. Allons, femme, boute un sol de plus, comme s'ils’il en pleuvait.

Queu coq-à-l'ânel’âne ! velà cent mille francs avec cinq sols à cette heure !

C'estC’est que Monsieur Blaise m'am’a dit, par les chemins, qu'ilqu’il avait hérité d'autantd’autant de son frère le mercier.

Ça est çartain ? mais ne rêves-tu pas ? n'asn’as-tu pas le çarviau renvarsé ?

Je leur ons quasiment parlé ; j'onsj’ons été chez le maltôtier{{refl|3}} qui les avait de mon frère, et qui les fait aller et venir pour notre profit, et je les ons laissés là : car, par le moyen de son tricotage, ils rapportont encore d'autresd’autres écus ; et ces autres écus, qui venont de la manigance, engendront d'autresd’autres petits magots d'argentd’argent qu'ilqu’il boutra avec le grand magot, qui, par ce moyen, devianra ancore pus grand ; et j'apportonsj’apportons le papier comme quoi ce monciau du petit et du grand m'appartiantm’appartiant, et comme quoi il me fera délivrance, à ma volonté, du principal et de la rente de tout ça, dont il a été parlé dans le papier qui en rend témoignage en la présence de mon procureur, qui m'assistaitm’assistait pour agencer l'affairel’affaire.

Ah mon homme, tu me ravis l'âmel’âme : ça m'attendritm’attendrit. Ce pauvre biau-frère ! je le pleurons de bon cœur.

Hélas ! je l'onsl’ons tant pleuré d'abordd’abord, que j'enj’en ons prins ma suffisance.

Voilà déjà six sols que vous boutez dans ma poche, et j'attendsj’attends que vous les boutiez.

N'avezN’avez-vous plus rien à m'ordonnerm’ordonner, Monsieur ?

Monsieur ! ce garçon-là sait vivre avec les gens de notre sorte. J'auronsJ’aurons besoin de laquais, retenons d'abordd’abord ceti-là ; je bariolerons nos casaques de la couleur de son habit.

Prenons, retenons, bariolons, c'estc’est fort bian fait, mon poulet.

Ils sont encore plus bêtes que moi, profitons-en. ''(Tout haut.)'' Oh ! laissez-moi faire, Monsieur ; je suis admirable pour élever une fille ; je sais lire et écrire dans le latin, dans le français, je chante gros comme un orgue, je fais des compliments ; d'ailleursd’ailleurs, je verse à boire comme un robinet de fontaine, j'aij’ai des perfections charmantes. J'allaisJ’allais à mon village voir ma sœur ; mais si vous me prenez, je lui ferai mes excuses par lettre.

Serviteur très humble, très obéissant et très gaillard Arlequin ; c'estc’est le nom du personnage.

Eh morgué ! souvians-toi de la nichée des cent mille francs ; n'avonsn’avons-je pas des écus qui nous font des petits ? c'estc’est comme un colombier ; çà, allons, mon ami, c'estc’est marché fait ; tenez, velà noute maison, allez-vous-en dire à nos enfants de venir. Si vous ne les trouvez pas, vous irez les charcher là où ils sont, stapendant que je convarserons moi et noute femme.

Conversez, Monsieur ; j'obéisj’obéis, et j'yj’y cours.

Ah çà, Claudine, j'onsj’ons passé dix ans à Paris, moi. Je connaissons le monde, je vais te l'apprendrel’apprendre. Nous velà riches, faut prendre garde à ça.

C'estC’est bian dit, mon homme, faut jouir.

Ce n'estn’est pas le tout que de jouir, femme : faut avoir de belles manières.

Certainement, et il n'yn’y a d'abordd’abord qu'àqu’à m'habillerm’habiller de brocard, acheter des jouyaux et un collier de parles : tu feras pour toi à l'avenantl’avenant.

Le brocard, les parles et les jouyaux ne font rian à mon dire, t'ent’en auras à bauge, j'auronsj’aurons itou du d'ord’or sur mon habit. J'avonsJ’avons déjà acheté un castor avec un casaquin de friperie, que je boutrons en attendant que j'ayonsj’ayons tout mon équipage à forfait. Je dis tant seulement que c'estc’est le marchand et le tailleur qui baillont tout cela ; mais c'estc’est l'honneurl’honneur, la fiarté et l'espritl’esprit qui baillont le reste.

De l'honneurl’honneur ! j'enj’en avons à revendre d'abordd’abord.

Ça se peut bian ; stapendant de cette marchandise-là, il ne s'ens’en vend point, mais il s'ens’en pard biaucoup.

Oh bian donc, je n'enn’en vendrai ni n'enn’en pardrai.

Ça suffit ; mais je ne parle point de cet honneur de conscience, et ceti-là, tu te contenteras de l'avoirl’avoir en secret dans l'âmel’âme ; là, t'ent’en auras biaucoup sans en montrer tant.

Eh morgué, tu ne m'entendsm’entends point : c'estc’est que je veux dire qu'ilqu’il ne faut faire semblant de rian, qu'ilqu’il faut se conduire à l'aisel’aise, avoir une vartu négligente, se parmettre un maintien commode, qui ne soit point malhonnête, qui ne soit point honnête non plus, de ça qui va comme il peut ; entendre tout, repartir à tout, badiner de tout.

Tians, par exemple, prends que je ne sois pas ton homme, et que t'est’es la femme d'und’un autre ; je te connais, je vians à toi, et je batifole dans le discours ; je te dis que t'est’es agriable, que je veux être ton amoureux, que je te conseille de m'aimerm’aimer, que c'estc’est le plaisir, que c'estc’est la mode : Madame par-ci, Madame par-là ; ou êtes trop belle ; qu'estqu’est-ce qu'ouqu’ou en voulez faire ? prenez avis, vos yeux me tracassent, je vous le dis ; qu'enqu’en sera-t-il ? qu'enqu’en fera-t-on ? Et pis des petits mots charmants, des pointes d'espritd’esprit, de la malice dans l'œill’œil, des singeries de visage, des transportements ; et pis : Madame, il n'yn’y a, morgué, pas moyen de durer ! boutez ordre à ça. Et pis je m'avancem’avance, et pis je plante mes yeux sur ta face, je te prends une main, queuquefois deux, je te sarre, je m'agenouillem’agenouille ; que repars-tu à ça ?

Ce que je repars, Blaise ? mais vraiment, je te repousse dans l'estomacl’estomac, d'abordd’abord.

Ensuite je devians rouge, et je te dis pour qui tu me prends ; je t'appellet’appelle un impartinant, un vaurian : ne m'attaquem’attaque jamais, ce fais-je, en te montrant les poings, ne vians pas envars moi, car je ne sis pas aisiée, vois-tu bian ; n'yn’y a rien à faire ici pour toi, va-t'ent’en, tu n'esn’es qu'unqu’un bélître.

Nous velà tout juste ; velà comme ça se pratique dans noute village ; cet honneur-là qui est tout d'uned’une pièce, est fait pour les champs ; mais à la ville, ça ne vaut pas le diable, tu passerais pour un je ne sais qui.

Oh je vais te bailler le régime de tout ça. Quian, quand quelqu'unquelqu’un te dira : je vous aime bian, Madame, ''(il rit)'' ha ha ha ! velà comme tu feras, ou bian, joliment : ça vous plaît à dire. Il te repartira : je ne raille point. Tu repartiras : eh bian ! tope, aimez-moi. S'ilS’il te prenait les mains, tu l'appellerasl’appelleras badin ; s'ils’il te les baise : eh bian ! soit ; il n'yn’y a rian de gâté ; ce n'estn’est que des mains, au bout du compte ! s'ils’il t'attrapet’attrape queuque baiser sur le chignon, voire sur la face, il n'yn’y aura point de mal à ça ; attrape qui peut, c'estc’est autant de pris, ça ne te regarde point ; ça viant jusqu'àjusqu’à toi, mais ça te passe ; qu'ilqu’il te lorgne tant qu'ilqu’il voudra, ça aide à passer le temps ; car, comme je te dis, la vartu du biau monde n'estn’est point hargneuse ; c'estc’est une vartu douce que la politesse a bouté à se faire à tout ; alle est folichonne, alle a le mot pour rire, sans façon, point considérante ; alle ne donne rian, mais ce qu'onqu’on li vole, alle ne court pas après. Velà l'arrangementl’arrangement de tout ça, velà ton devoir de Madame, quand tu le seras.

Et drès que c'estc’est la mode pour être honnête, je varrons ; cette vartu-là n'estn’est pas plus difficile que la nôtre. Mais mon homme, que dira-t-il ?

Moi ? rian. Je te varrions un régiment de galants à l'entourl’entour de toi, que je sis obligé de passer mon chemin, c'estc’est mon savoir-vivre que ça, li aura trop de froidure entre nous.

Blaise, cette froidure me chiffonne ; ça ne vaut rian en ménage ; je sis d'avisd’avis que je nous aimions bian au contraire.

Nous aimer, femme ! morgué ! il faut bian s'ens’en garder ; vraiment, ça jetterait un biau coton dans le monde !

Hélas ! Blaise, comme tu fais ! et qui est-ce qui m'aimeram’aimera donc moi ?

Oh ! non ; je pense qu'ilqu’il n'yn’y a pas d'obligationd’obligation à ça ; stapendant je nous en informerons pour être pus sûrs ; mais il y a une autre bagatelle qui est encore pour le bon air ; c'estc’est que j'auronsj’aurons une maîtresse qui sera queuque chiffon de femme, qui sera bian laide et bian sotte, qui ne m'aimeram’aimera point, que je n'aimerain’aimerai point non pus ; qui me fera des niches, mais qui me coûtera biaucoup, et qui ne vaura guère, et c'estc’est là le plaisir.

Et moi, combian me coûtera un galant ? car c'estc’est mon devoir d'honnêted’honnête madame d'end’en avoir un itou, n'estn’est-ce pas ?

T'enT’en auras trente, et non pas un.

Oui, trente à l'entourl’entour de moi, à cause de ma vartu commode ; mais ne me faut-il pas un galant à demeure ?

T'asT’as raison, femme ; je pense itou que c'estc’est de la belle manière, ça se pratique ; mais ce chapitre-là ne me reviant pas.

Mon homme, si je n'onsn’ons pas un amoureux, ça nous fera tort, mon ami.

Je le vois bian, mais, morgué ! je n'avonsn’avons pas l'espritl’esprit assez farme pour te parmettre ça, je ne sommes pas encore assez naturisé gros monsieur ; tian, passe-toi de galant, je me passerai d'amoureused’amoureuse.

Faut espérer que le bon exemple t'enhardirat’enhardira.

Ça se peut bian, mais tout le reste est bon, et je m'ym’y tians ; mais nos enfants ne venont point ; c'estc’est que noute laquais les charche, je m'enm’en vais voir ça. Velà noute Dame et son cousin le Chevalier qui se promènent ; je vais quitter la farme de sa cousine ; s'ilss’ils t'accostentt’accostent, tians ton rang, fais-toi rendre la révérence qui t'appartientt’appartient, je vais revenir. Si le fiscal à qui je devais de l'argentl’argent arrive, dis-li qu'ilqu’il me parle.

Promenons-nous itou, pour voir ce qu'ilsqu’ils me diront.

Je suis de votre goût, Madame ; j'aimej’aime Paris, c'estc’est le salut du galant homme ; mais il fait cher vivre à l'aubergel’auberge.

Feu Monsieur Damis ne m'am’a laissé qu'unqu’un bien assez en désordre ; j'aij’ai besoin de beaucoup d'économied’économie, et le séjour de Paris me ruinerait ; mais je ne le regrette pas beaucoup, car je ne le connais guère. Ah ! vous voilà ; Claudine, votre mari est-il revenu, a-t-il fait nos commissions ?

Oh bian ! il n'yn’y a ici ni maître ni maîtresse.

Qu'ilQu’il est rustique, et qu'ilqu’il sent le terroir. Eh eh eh…

Cousine, pensez-vous qu'ellequ’elle me raille ?

Vous n'enn’en pouvez pas douter.

Eh donc je conclus qu'ellequ’elle est folle.

Vous n'yn’y songez pas, Chevalier, c'estc’est une impertinente qui perd le respect, et vous devriez la faire taire.

Moi, la faire taire ? arrêtez la langue d'uned’une femme ? un bataillon, encore passe !

Bon, mon mari ! est-ce que je nous soucions l'unl’un de l'autrel’autre ? J'avonsJ’avons le bel air, nous, de ne nous voir quasiment pas. Vous qui n'avezn’avez jamais quitté votre châtiau, cela vous passe, aussi bian que la vartu folichonne.

Cette vertu folichonne m'enchantem’enchante, son extravagance pétille d'inventiond’invention. Va, ma poule, va ; sandis ! je t'aimet’aime mieux folle que raisonnable.

Oh ! ceti là vaut trop ; ils font envars moi ce que j'onsj’ons fait envers mon homme, ils me croyont le çarviau parclus ; ne leur disons rian ; velà Blaise qui viant.

Voilà son mari. Maître Blaise, expliquez-nous un peu le procédé de votre femme. A-t-elle perdu l'espritl’esprit ? elle ne me répond que des impertinences.

Parsonne ne salue. ''(À Claudine.)'' Leur as-tu dit l'héritagel’héritage du biau-frère ?

Non, mais j'aij’ai bian tenu mon rang.

'''LE CHEVALIER''', ''d'und’un air sérieux. ''

J'examineJ’examine Blaise ; sa femme est folle, je le crois à l'unissonl’unisson.

Noute laquais, dites à ces enfants qu'ilsqu’ils se carrint.

En vérité, voilà l'aventurel’aventure la plus singulière que je connaisse.

Ah çà, vous dites comme ça, Madame, que Madame vous a dit des impartinences. Pour réponse à ça, je vous dirai d'abordd’abord que ça se peut bian ; mais je ne m'enm’en embarrasse point ; car je n'yn’y prends ni n'yn’y mets ; je ne nous mêlons point du tracas de Madame. C'estC’est peut-être que le respect vous a manqué. En fin finale, accommodez-vous, Mesdames.

Eh bien ! cousine, le vertigo n'estn’est-il pas double ? Voyons les enfants ; je les crois uniformes. Qu'enQu’en dites-vous, petite folle ?

Allez-y voir ; vous n'avezn’avez rien à me commander.

Partout le même timbre ! ''(À Arlequin.)'' Et toi, bélître ?

Je chante de même ; c'estc’est moi qui suis le précepteur de la famille.

Les velà bian ébaubis ; je m'enm’en vais ranger tout ça. Madame Damis, acoutez-moi ; tout ceci vous renvarse la çarvelle, c'estc’est pis qu'unequ’une égnime pour vous et voute cousin. Oh bian ! de cette égnime en veci la clef et la sarrure. J'avionsJ’avions un frère, n'estn’est-ce pas ?

Dans la voiture de l'autrel’autre monde.

La fin en est plus drôle. C'estC’est que, ne vous en déplaise, j'enj’en avons hérité de cent mille francs, sans compter les broutilles ; et voilà la preuve de mon dire, signé : Rapin.

J'allonsJ’allons porter le taffetas.

Sandis ! le galant homme dit vrai, cousine ; je connais ce Rapin et sa signature ; voilà cent mille francs, c'estc’est comme s'ils’il en tenait le coffre ; je les honore beaucoup, et cela change la thèse.

Il ne s'ens’en faut pas d'und’un sou. ''(À Blaise.)'' Monsieur, je suis votre serviteur, je vous fais réparation ; vous êtes sage, judicieux et respectable. Quant à Messieurs vos enfants, je les aime ; le joli cavalier ! la charmante damoiselle ! que d'éducationd’éducation ! que de grâces et de gentillesses !

Cela vous plaît à dire, et à nous de l'entendrel’entendre. Allons, enfants, tirez le pied, faites voute révérence avec un petit compliment de rencontre.

Monsieur, vos grâces l'emportontl’emportont sur les nôtres, et j'avonsj’avons encore plus de reconnaissance que de mérite.

Monsieur, je sis de l'opinionl’opinion de ma sœur ; ce qu'ellequ’elle a dit, je le dis.

On ne peut de répétitions plus spirituelles, vous m'enchantezm’enchantez, je n'enn’en ai point assez dit : cent mille francs, capdebious ! vous vous moquez, vous êtes trop modestes, et si vous me fâchez, je vous compare aux astres tous tant que vous êtes.

Quant à Madame, je la supplie seulement de me recevoir au nombre de ses amis, tout dangereux qu'ilqu’il est d'obtenird’obtenir cette grâce ; car je n'enn’en fais point le fin, elle possède un embonpoint, une majesté, un massif d'agrémentsd’agréments, qu'ilqu’il est difficile de voir innocemment. Mais baste, il m'arriveram’arrivera ce qu'ilqu’il pourra, je suis accoutumé au feu ; mais je lui demande à son tour une grâce. Me l'accorderezl’accorderez-vous, belle personne ? ''(Il lui prend la main qu'ilqu’il fait semblant de vouloir baiser.)''

Allons, vous n'êtesn’êtes qu'unqu’un badin.

Eh bian ! baisez ; ce n'estn’est que des mains au bout du compte.

Raccommodez-vous avec la cousine. Allons, Madame Damis, avancez ; j'aij’ai mesuré le terrain : à vous le reste. ''(Tout bas ce qui suit.)'' Ne résistez point, j'aij’ai mon dessein ; lâchez-lui le titre de Madame.

Mettez une accolade brochant sur le tout, je vous prie. Bon ! voilà qui est bien ; halte là maintenant ; je requiers la permission de dire un mot à l'oreillel’oreille de la cousine.

Le docteur a raison, je l'oubliaisl’oubliais. Eh bien ! va, je te trouve bouffon ; vante-toi de ma bienveillance, je t'ent’en honore, et ta fortune est faite.

Cousine, sentez-vous mon projet ? Cette canaille a cent mille francs ; vous êtes veuve, je suis garçon ; voici un fils, voilà une fille ; vous n'êtesn’êtes pas riche, mes finances sont modestes : les légitimes de la Garonne, vous les connaissez ; proposons d'épouserd’épouser. Ce sont des villageois : mais qu'estqu’est-ce que cela fait ? Regardons le tout comme une intrigue pastorale ; le mariage sera la fin d'uned’une églogue. Il est vrai que vous êtes noble ; moi, je le suis depuis le premier homme ; mais les premiers hommes étaient pasteurs ; prenez donc le pastoureau, et moi la pastourelle. Ils ont cinquante mille francs chacun, cousine, cela fait de belles houlettes. En voulez-vous votre part ? Eh donc ! Colin est jeune, et sa jeunesse ne vous messiéra pas.

Chevalier, l'idéel’idée me paraît assez sensée ; mais la démarche est humiliante.

Cousine, savez-vous souvent de quoi vit l'orgueill’orgueil de la noblesse ? de ces petites hontes qui vous arrêtent. La belle gloire, c'estc’est la raison, cadédis ; ainsi j'achèvej’achève. ''(À Blaise et à sa femme.)'' Monsieur et Madame Blaise, si ces aimables enfants voulaient se promener un petit tour à l'écartl’écart, je vous ouvrirais une pensée qui me paraît piquante.

Oh qu'ouiqu’oui ! vous ne teniez pas trop de compte de nous dans ce temps-là.

Oh ! des sottises, j'enj’en ai fait dans ma vie tant et plus ; oublions celle-là. Vous savez donc qui je suis : le cousin Damis avait épousé la cousine. J'aiJ’ai l'honneurl’honneur d'êtred’être gentilhomme, estimé, personne n'enn’en doute ; je suis dans les troupes, je ferai mon chemin, sandis ! et rapidement, cela s'ensuits’ensuit. Je n'ain’ai qu'unqu’un aîné, le baron de Lydas, un seigneur languissant, un casanier incommodé du poumon ; il faut qu'ilqu’il meure, et point de lignée ; j'auraij’aurai son bien, cela est net. D'unD’un autre côté, voilà Madame Damis, veuve de qualité, jeune et charmante ; ses facultés, vous les savez ; bonne seigneurie, grand château, ancien comme le temps, un peu délabré, mais on le maçonne. Or, elle vient de jeter sur Monsieur Colin un regard, que si le défunt en avait vu la friponnerie, je lui en donnais pour dix ans de tremblement de cœur ; ce regard, vous l'entendezl’entendez, camarade ?

Oh dame ! noute fils, c'estc’est une petite face aussi bien troussée qu'ilqu’il y en ait.

Oh ! il n'yn’y pas de mal à ça, Madame, ça est grandement naturel.

Oh ! pour ça, faut avouer que Colin est biau ; n'enn’en dit partout qu'ilqu’il me ressemble.

Oui, oui, Madame est prou gentille, mais je ne voyons rian de ça, moi, car ce n'estn’est que ma femme ; poursuivez.

Je vous disais donc que Madame a regardé Monsieur Colin, qu'ellequ’elle le parcourait en le regardant, et semblait dire : que n'êtesn’êtes-vous à moi, le petit homme ; que vous seriez bien mon fait ! Là-dessus je me suis mis à regarder Mademoiselle Colette ; la demoiselle en même temps a tourné les yeux dessus moi ; tourner les yeux dessus quelqu'unquelqu’un, rien n'estn’est plus simple, ce semble ; cependant du tournement d'yeuxd’yeux dont je parle, de la beauté dont ils étaient, de ses charmes et de sa douceur, de l'émotionl’émotion que j'aij’ai sentie, ne m'enm’en demandez point de nouvelles, voyez-vous, l'expressionl’expression me manque, je n'yn’y comprends rien. Est-ce votre fille, est-ce l'Amourl’Amour qui m'am’a regardé ? je n'enn’en sais rien ; ce sera ce que l'onl’on voudra ; je parle d'und’un prodige, je l'ail’ai vu, j'enj’en ai fait l'épreuvel’épreuve, et n'enn’en réchapperai point. Voilà toute la connaissance que j'enj’en ai.

Oui, pour qui les porte, j'enj’en conviens ; mais qui les voit en paie la façon, et je me serais bien passé que Monsieur Blaise eût donné copie des siens à sa fille.

Pardi tenez, j'avonsj’avons quasi regret d'avoird’avoir comme ça baillé note mine à nos enfants, pisque ça vous tracasse.

Homme d'honneurd’honneur, ce que vous dites est touchant ; mais il est un moyen.

Le titre de votre gendre me sortirait d'embarrasd’embarras, par exemple ; et moyennant le nom de bru, la cousine guérirait. Je vous ai dit le mal, je vous montre le remède.

Madame, êtes-vous d'avisd’avis que nous les guarissions ?

Belle-mère, ne bronchez pas ; je me retiens pour votre fille. Ne rebutez pas les descendants que je vous offre, prenez place dans l'histoirel’histoire.

Queu plaisir ! Oh bian je nous accordons à tout, pourveu que Madame n'aillen’aille pas dire que ce mariage n'estn’est pas de niviau avec elle.

Oh, morguenne ! tout va de plain-pied ici, il n'yn’y a ni à monter ni à descendre, voyez-vous.

Puisque vous avez découvert ce que je pensais, je n'enn’en ferai plus de mystère ; je souscris à tout ce que vous ferez, on sera content de mes manières. Je suis née simple et sans fierté, et votre fils m'am’a plu ; voilà la vérité.

Touchez là, mon gendre ; allons, ma bru, ça vaut fait ; j'achèteronsj’achèterons de la noblesse, alle sera toute neuve, alle en durera pus longtemps, et soutianra la vôtre qui est un peu usée. Pour ce qui est d'end’en cas d'àd’à présent, allez prendre un doigt de collation. Madame Claudine, menez-les boire cheux nous, et dites à noute laquais qu'ilqu’il arrive pour me parler ; je l'attendsl’attends ici. Faites itou avartir les violoneux, car je veux de la joie.

Parlons un peu seul ; car à cette heure que je sis du biau monde, faut avoir de grandes réflexions à cause de mes grandes affaires. Allons, rêvons donc, tout en nous promenant. ''(Il rêve.)'' Un père de famille a bian du souci, et c'estc’est une mauvaise graine que des enfants. Drès que ça est grand, ça veut tâter de la noce. Stapendant on a un rang qui brille, des équipages qui clochont toujours, des laquais qui grugeont tout, et sans ce tintamarre-là, on ne saurait vivre. Les petites gens sont bianheureux. Mais il y a une bonne coutume ; an emprunte aux marchands et an ne les paie point ; ça soutient un ménage. Stapendant il m'estm’est avis que je faisons un métier de fous, nous autres honnêtes gens… Mais velà noute fiscal qui viant ; je li devons de l'argentl’argent ; mais il n'yn’y a rian à faire, je savons mon devoir.

Serviteur, noute fiscal. Mais appelez-moi Monsieur Blaise ; ça m'appartiantm’appartiant.

Ah ! ah ! ah ! j'entendsj’entends ; votre fortune a haussé vos qualités. Soit, Monsieur Blaise, je me réjouis de votre aventure ; vos enfants viennent de me l'apprendrel’apprendre ; je vous en fais compliment, et je vous prie en même temps de me donner les cinquante francs que vous me devez depuis un mois.

Parce que ça n'estn’est pas daigne d'uned’une parsonne de ma compétence ; ça me tournerait à confusion.

Qu'appelezQu’appelez-vous confusion ? Ne vous ai-je pas donné mon argent ?

Eh bian oui, je ne vais pas à l'encontrel’encontre ; vous me l'avezl’avez baillé, je l'onsl’ons reçu, je vous le dois ; je vous ai baillé mon écrit, vous n'avezn’avez qu'àqu’à le garder ; venez de jour à autre me demander votre dû, je ne l'empêchel’empêche point ; je vous remettrons, et pis vous revianrez, et pis je vous remettrons, et par ainsi de remise en remise le temps se passera honnêtement ; velà comme ça se fait.

Mais, morgué ! boutez-vous à ma place. Voulez-vous que je me parde de réputation pour cinquante chétifs francs ? ça vaut-il la peine de passer pour un je ne sais qui en payant ? Pargué ancore faut-il acouter la raison. Si ça se pouvait sans tourner au préjudice de mon état, je le ferions de bon cœur ; j'onsj’ons de l'argentl’argent, tenez, en velà. Il m'estm’est bian parmis d'end’en bailler en emprunt, ça se pratique ; mais en paiement, ça ne se peut pas.

Oh oh, voici mon affaire. Il vous est permis d'end’en prêter, dites-vous ?

Effectivement le privilège est noble, et d'ailleursd’ailleurs il vous convient mieux qu'àqu’à un autre ; car j'aij’ai toujours remarqué que vous êtes naturellement généreux.

Eh eh, oui, pas mal, vous tornez bian ça. Faut nous cajoler, nous autres gros monsieurs ; j'avonsj’avons en effet de grands mérites, et des mérites bian commodes ; car ça ne nous coûte rian ; an nous les baille, et pis je les avons sans les montrer ; velà toute la çarimonie.

'''BLAISE''', ''lui donnant un petit coup sur l'épaulel’épaule. ''

Bien de l'honneurl’honneur à moi.

Chiquet à chiquet, dans quelques dizaines d'annéesd’années.

Bon bon, dans cent ans ; laissons cela. Mais vous avez l'âmel’âme belle, et j'aij’ai une grâce à vous demander, laquelle est de vouloir bien me prêter cinquante francs.

Vous velà payé, fiscal ? jarnigué ! ça est bian malhonnête à vous. Morgué ! ce n'estn’est pas comme ça qu'onqu’on triche l'honneurl’honneur des gens de ma sorte ; c'estc’est un affront.

Ah, ah, ah, l'originall’original homme, avec ses mérites qui ne lui coûteront rien !

Par la sanguienne ! il m'am’a vilainement attrapé là ; mais je li revaudrai.

Il me plaît que vous bailliez une petite leçon de bonne manière à nos enfants : dressez-les un petit brin selon leur qualité, à celle fin qu'ilsqu’ils puissent tantôt batifoler à la grandeur, suivant les balivarnes du biau monde ; vous ferez bian ça ?

Eh qu'ouiqu’oui ! j'aij’ai sifflé plus de vingt linottes en ma vie, et vos enfants auront bien autant de mémoire.

Papa, je n'ironsn’irons donc pas trouver la compagnie ?

Monsieur ! est-ce que ce n'estn’est pas mon père ?

N'importeN’importe, petit garçon, faites ce qu'onqu’on vous dit.

Écoutez tous deux ce qu'ilqu’il vous dira auparavant, et pis venez, quand vous saurez la politesse ; car je vous marie tous deux, voyez-vous !

Oh oh velà qui est bon ; j'aimej’aime le mariage, moi ; et je serai l'hommel’homme de qui ?

Tatigué ! que j'allonsj’allons rire !

Ce transport est bon, je l'approuvel’approuve ; mais le geste n'enn’en vaut rien, je le casse.

Laissez-moi me recueillir un moment. ''(À part.)'' Qu'estQu’est-ce que je leur dirai ? je n'enn’en sais rien, car pour du beau monde, je n'enn’en ai vu que dans les rues, en passant ; voilà tout le monde que je sais. N'importeN’importe, je me souviens d'avoird’avoir vu faire l'amourl’amour, j'entendisj’entendis quelques paroles, en voilà assez. ''(Tout haut.)'' Ah çà, approchez. Comme ainsi soit qu'ilqu’il n'estn’est rien de si beau que les similitudes, commençons doctement par là. Prenez, Monsieur Colin, que vous êtes l'amantl’amant de Mademoiselle Colette ; parlez-lui d'amourd’amour, et elle vous répondra ; voyons.

Oui, Monsieur, me voilà ! De quoi s'agits’agit-il ?

Il s'agits’agit, Mademoiselle, qu'ilqu’il y a bian des nouvelles.

C'estC’est que la biauté de votre parsonne… car il ne faut pas tant de priambule ; et c'estc’est ce qui fait d'abordd’abord que je vous veux pour femme. Qu'estQu’est-ce qu'ouqu’ou dites à ça ?

Je dis qu'ilqu’il en arrivera ce qu'ilqu’il pourra ; mais que voute discours me hausse la couleur, parce que je n'avonsn’avons pas la coutume d'entendred’entendre prononcer les choses que vous mettez en avant.

Ça est vrai, Mademoiselle ; mais vous serez pus accoutumée à la seconde fois qu'àqu’à la première, et de fois en fois vous vous y accoutumerez tout à fait. ''(À Arlequin.)'' Fais-je bien ?

J'aperçoisJ’aperçois quelque chose de rustique dans les dernières lignes de votre compliment.

Mais oui ; il m'estm’est avis qu'ilqu’il a d'abordd’abord galopé de l'amourl’amour au mariage.

C'estC’est que je suis hâtif ; mais j'iraij’irai le pas. Je ne dirai pas que vous serez ma femme ; mais ça n'empêcheran’empêchera pas que je ne sois votre homme.

Morgué ! c'estc’est que cette noce est friande, et mon esprit va toujours trottant enver elle.

Vous avez le goût d'uned’une épaisseur !…

Bon, bon ! laissons tout cela ; tenez je m'enm’en vas, je n'aimen’aime pas à être à l'écolel’école ; je parlerai à l'aventurel’aventure ; laissez venir Madame Damis ; pisqu'allepisqu’alle est veuve, alle me fera mieux ma leçon que vous. Adieu, mijaurée ; je vous salue, noute magister.

Velà une éducation qui m'am’a coûté bien de la peine ; achevons la vôtre, Mademoiselle. Premièrement, je crois qu'ilqu’il a raison, quand il vous appelle une mijaurée.

Eh pardi ! il n'yn’y a qu'àqu’à dire, je serai pus hardie ; car je me retians à cette heure-ci. Tenez, ce n'étaitn’était que mon frère qui m'enm’en contait, dame ! ça n'affriolen’affriole pas. Mais, Monsieur le Chevalier, c'estc’est une autre histoire ; sa mine me plaît ; vous varrez, vous varrez comme ça me démène le cœur. Voulez-vous que je lui dise que je l'aimel’aime ? ça me fera biaucoup de plaisir.

À l'endroitl’endroit où j'étaisj’étais une mijaurée.

Tout juste, et je concluais… mais je ne conclus plus rien ; j'ajouteraij’ajouterai seulement ce qui s'ensuits’ensuit. Quand les révérences seront faites, vous aurez une certaine modestie, qui sera relevée d'uned’une certaine coquetterie…

Je boutrai une pincée de chaque sorte, n'estn’est-ce pas ?

Ah ! j'entendsj’entends, je boutrai de ça qui ne dit rian et qui n'enn’en pense pas moins.

L'aimableL’aimable enfant ! elle entend ce que je lui dis ; et moi, je n'yn’y comprends rien. ''(Tout haut.)'' Le Chevalier continuera ; d'abordd’abord il ne sera que poli ; petit à petit il deviendra tendre.

Et moi qui le varrai venir, je m'avanceraim’avancerai à l'avenantl’avenant.

Je lui baillerai bonne espérance, et je pardrai mon cœur à proportion que j'auraij’aurai le sian.

Oh ! laissez-moi faire ; je saurai bien petit à petit manquer de courage, et pis en manquer encore davantage, et pis enfin n'enn’en avoir pus.

Il n'yn’y a plus d'enfantsd’enfants ! Mademoiselle, vous dira-t-il en vous abordant, vous voyez le plus humble des vôtres.

Que vous êtes aimable ! qu'onqu’on a de plaisir à vous contempler ! ajoutera-t-il, en penchant la tête. Qu'ilQu’il serait heureux de vous plaire, et qu'unqu’un cœur qui vous adore goûterait d'admirablesd’admirables félicités ! Ah ! ma chère Demoiselle, quel tas de charmes ! que d'appasd’appas ! que d'agrémentsd’agréments ! votre personne en fourmille, ils ne savent où se mettre… Souriez mignardement là-dessus. ''(Colette sourit.)'' Ah, ma déesse ! puis-je espérer que vous aurez pour agréable la tendresse de votre amant ?… Regardez-moi honteusement, du coin de l'œill’œil, à présent.

'''COLETTE''', ''l'imitantl’imitant. ''

Bon ! Ah ! qu'estqu’est-ce que c'estc’est que cela ? vous me lorgnez d'uned’une manière qui me transporte. Est-ce que vous m'aimeriezm’aimeriez ? Répondez. Je ne veux qu'unqu’un pauvre peit mot. Soupirez à présent.

Non, d'und’un soupir étouffé.

Tenez, tenez, le velà qui viant ; je parie qu'ilqu’il va me faire repasser ma leçon. Dame ! je sais où il faut me rendre, à cette heure.

Mon ami, tu fais ici la pluie et le beau temps ; fais durer le dernier, je t'ent’en prie ; je suis né reconnaissant.

J'aiJ’ai quitté la compagnie, je n'ain’ai pu, Mademoiselle, résister à l'enviel’envie de vous voir. J'aiJ’ai perdu mon cœur, une charmante personne me l'al’a pris, cela m'inquiètem’inquiète, et je viens lui demander ce qu'ellequ’elle en veut faire. N'êtesN’êtes-vous pas la recéleuse ? Donnez-m'enm’en des nouvelles, je vous prie.

Oh pisqu'ilpisqu’il a perdu son cœur, nous ne bataillerons pas longtemps. ''(Haut.)'' Monsieur, pour ce qui est de votre cœur, je ne l'avonsl’avons pas vu ; si vous me disiez la parsonne qui l'al’a prins, on varrait ça.

Non, Monsieur ; je n'avonsn’avons pas cet honneur-là.

Vous ne la connaissez pas ? Eh ! cadédis, je vous prends sur le fait ; vous portez les yeux de celle qui m'am’a fait le vol.

Je le vois venir le malicieux. ''(Haut.)'' Monsieur, c'estc’est pourtant mes yeux que je porte, je n'empruntonsn’empruntons ceux-là de parsonne.

Patience, eh qu'yqu’y voyez-vous ?

Eh mais, je m'ym’y vois.

Dame ! ce qui est fait est fait. Votre cœur est venu à moi, je ne li dirai pas de s'ens’en aller ; et on ne rend pas cela de la main à la main.

Me le rendre ! quand vous avez tiré dessus, quand vous l'avezl’avez incendié, qu'ilqu’il se portait bien, et que vous l'avezl’avez fait malade ! Non, ma toute belle, je ne veux point d'und’un incurable.

Ne vous effrayez point ; sans crier au meurtre, je trouve un expédient ; vous m'avezm’avez maltraité le cœur, faites les frais de sa guérison ; j'attendraij’attendrai, je suis accommodant, le vôtre me servira de nantissement, je m'enm’en contente.

Oui-da ! vous êtes bian fin ! si vous l'aviezl’aviez une fois, vous le garderiez peut-être.

Je vous le garderais ! vous sentez donc cela, mignonne ? une légion de cœurs, si je vous les donnais, ne paierait pas cette expression affectueuse ; mais achevez ; vous êtes naïve, développez-vous sans façon, dites le vrai ; vous m'aimezm’aimez ?

Oh ! ça se peut bian ; mais il n'estn’est pas encore temps de le dire.

Le mien, pouponne, savez-vous ce qu'onqu’on en dit dans le monde, le nom qu'onqu’on lui donne ? on l'appellel’appelle l'indomptablel’indomptable.

Il ne lui en reste pas une syllabe, vos beaux yeux l'ontl’ont dépouillé de tout ; je le renonce, et je plaide à présent pour en avoir un autre.

Gageons, ma poule, que l'affairel’affaire est faite.

Je crois que voici l'endroitl’endroit de le regarder tendrement. ''(Elle le regarde.)''

Je vous entends, mon âme, ce regard-là décide ; je triomphe, je suis vainqueur ; mais faites doucement, la victoire m'étourditm’étourdit, je m'égarem’égare, la tête me tourne ; ménagez-moi, je vous prie.

Oh ! pour ça, oui, vous me plaisez ; n'yn’y a que faire de patarafe à ça.

Jusqu'auJusqu’au revoir. Monsieur Colin, vous aime-t-on ?

Tâchons de bian dire. ''(Haut.)'' Madame, il est vrai que l'honneurl’honneur de voir voute biauté est une chose si admirable, que par rapport à noute mariage, dont ce que j'enj’en dis n'estn’est pas que j'enj’en parle car mon amitié dont je ne dis mot ; mais…, morgué tenez, je m'embarbouillem’embarbouille dans mon compliment, parlons à la franquette ; il n'yn’y a que les mots qui faisont les paroles. J'allonsJ’allons être mariés ensemble, ça me réjouit ; ça vous rend-il gaillarde ?

Il est vrai que je ne savons pas l'ostographel’ostographe ; mais morgué ! je sommes tout à fait drôle ; quand je ris, c'estc’est de bon cœur ; quand je chante, c'estc’est pis qu'unqu’un marle, et de chansons j'enj’en savons plein un boissiau ; c'estc’est toujours moi qui mène le branle, et pis je saute comme un cabri ; et boute et t'ent’en auras, toujours le pied en l'airl’air ; n'yn’y a que moi qui tiant, hors Mathuraine, da, qui est aussi une sauteuse, haute comme une parche. La connaissez-vous ? c'estc’est une bonne criature, et moi aussi ; tenez, je prends le temps comme il viant, et l'argentl’argent pour ce qu'ilqu’il vaut. Parlons de vous. Je sis riche, ous êtes belle, je vous aime bian, tout ça rime ensemble ; comment me trouvez-vous ?

Il ne vous manque qu'unqu’un peu d'éducationd’éducation, Colin.

Morgué ! l'appétitl’appétit ne me manque pas, toujours ; c'estc’est le principal ; et pis cette éducation, à quoi ça sart-il ? Est-ce qu'onqu’on en aime mieux ? Je gage que non. Marions-nous ; vous en varrez la preuve. Velà parler, ça.

Je crois que vous m'aimerezm’aimerez ; mais écoutez, Colin ; il faudra vous conformer un peu à ce que je vous dirai ; j'aij’ai de l'éducationl’éducation, moi, et je vous mettrai au fait de bien des choses.

Assez ! c'estc’est comme qui dirait beaucoup ; mais c'estc’est que la confusion vous rend le cœur chiche ; baillez-moi votre main que je la baise ; ça vous mettra pus en train. ''(Il lui baise la main.) ''

En vérité, l'Amourl’Amour est un grand maître ! il a déjà rendu ses simplicités agréables.

Bon ! velà une belle bagatelle voirement vous en varrez bian d'autresd’autres.

Eh bien mes amis, êtes-vous tous d'accordd’accord ?

Alle me trouve gaillard, et alle dit qu'allequ’alle est bian contente ; mais velà des violoneux.

Oui, c'estc’est une petite politesse que je faisons à ma bru, comme un reste de collation.

Et le contrat ? Sandis ! c'estc’est le repos de l'amourl’amour honnête ; où se tient le notaire ?

Il va venir ; divartissons-nous en l'attendantl’attendant ; (allons, violons, courage). ''(La fête se fait, et dans le milieu de la fête, on apporte une lettre à Blaise qui dit : )'' Eh velà le clerc de noute procureux ! Qu'estQu’est-ce, Monsieur Griffet ? qu'yqu’y a-t-il de nouviau ?

Tenez, mon gendre, dites-moi l'écriturel’écriture.

''J'aiJ’ai cru devoir vous avertir que Monsieur Rapin fit hier banqueroute, et que l'étatl’état dans lequel il laisse ses affaires fait juger qu'ilqu’il passe en pays étranger ; il doit à plusieurs personnes, et ne laisse pas un sol ; j'aij’ai pris toutes les mesures convenables en pareil cas, j'yj’y suis intéressé moi-même ; mais je ne vois nulle espérance. Mandez-moi cependant ce que vous voulez que je fasse ; j'attendsj’attends votre réponse, et suis…''

Blaise, mon ami, il ne me reste plus qu'àqu’à vous répéter ce que le procureur a mis au bas de sa missive ''(en lui rendant la lettre)'' : et suis…{{refl|6}} Car les articles de notre contrat sont passés en pays étranger ; actuellement ils courent la poste. Adieu, Colette, je vous quitte avec douleur.

Ma foi ! ce n'estn’est pas grand dommage ; mauvaise milice que tout cela, qui ne vaut pas le pain d'amunitiond’amunition.

Je t'entendst’entends, faquin.

Bonsoir, la cousine ; adieu, le cousin ; mes compliments à vos aïeux, à cause du bon sens qu'ilsqu’ils vous ont laissé.

Pardi ! c'estc’est une accordée de pardue ; tu me quittes, je te quitte, et vive la joie ! Dansons, papa.

Sieur Blaise, vous m'avezm’avez pris sur le pied de cent écus par an ; il y a un jour que je suis ici ; calculons, payez et je pars.

Et moi, je pense qu'ilqu’il y a encore du vin dans le pot et que j'allonsj’allons le boire. Allons, enfants, marchez. ''(À Arlequin.)'' Venez boire itou, vous ; bon voyage après, et pis, adieu le biau monde.