« Revue des Romans/Horace Walpole » : différence entre les versions

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<div style="text-align:center">'''WALPOLE''' (Horace), littérateur anglais.</div>
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'''LE CHÂTEAU D’OTRANTE''', ''in-12, réimprimé sous le titre d’Isabelle et Théodore, 2 vol. in-12, 1797''. — Le Château d’Otrante n’est pas seulement remarquable comme roman rempli d’intérêt, mais encore comme le premier essai d’une fiction moderne fondée sur les anciens romans de chevalerie. Riche des connaissances acquises dans ses recherches sur les antiquités du moyen âge ; inspiré, comme il nous l’apprend lui-même, par la construction romantique de son manoir gothique moderne, Walpole résolut de donner au public un exemple du style gothique appliqué à la littérature de notre âge. Son but, dans le Château d’Otrante, a été d’unir le merveilleux des aventures et le ton imposant de la chevalerie des anciens romans au développement de caractères et au contraste de sentiments et de passions que l’on trouve ou que l’on espère trouver dans le roman moderne ; d’offrir le tableau de la vie domestique et des mœurs privées dans les siècles de la féodalité, et d’animer ce tableau par l’action d’un merveilleux auquel la superstition de l’époque croyait avec une foi aveugle. Celui à qui, lors
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de sa première jeunesse, il est arrivé de passer une nuit solitaire dans un de ces anciens manoirs que la mode des temps modernes n’a pas dépouillés de leurs ameublements, a sans doute éprouvé que les gigantesques et bizarres figures à peine visibles dans les tapisseries usées ; le battement lointain des portes qui le séparent des vivants ; la profonde obscurité qui enveloppe les voûtes en ruine ; les portraits presque effacés d’anciens chevaliers renommés pour leur valeur, et peut-être pour leurs crimes ; les sons variés et confus qui troublent l’horreur silencieuse d’une demeure à peu près abandonnés ; enfin, le sentiment qui nous reporte aux siècles du régime féodal ou de la superstition papale, tout se réunit pour exciter une sensation de respect surnaturel, si ce n’est de terreur. Par l’exactitude scrupuleuse d’une fable dans laquelle le costume du temps serait observé avec une attention particulière, Walpole se proposait de produire cette même association d’idées qui prépare l’esprit du lecteur à des prodigues en harmonie avec les croyances et les sentiments des personnages mis en scènes. Son tyran féodal, sa demoiselle dans la détresse, son ecclésiastique résigné, mais toujours noble ; le château avec ses donjons, ses trappes, ses oratoires et ses galeries ; les incidents du jugement ; la procession des chevaliers et le combat ; en un mot, la scène, les acteurs et l’action, forment les accompagnements de ses spectres et de ses miracles. L’époque éloignée et superstitieuse des événements que l’auteur invente, l’art avec lequel il dispose ses décorations gothiques, ce ton soutenu et en général imposant des mœurs du temps, préparent par degré à accueillir favorablement des prodigues qui, quoique impossibles dans aucun temps, ont été crus universellement dans celui où l’action est placée. Ce qu’il y a de plus frappant dans le Château d’Otrante, c’est la manière dont les diverses apparitions merveilleuses sont liées entre elles, et tendent toutes à l’accomplissement de la prophétie qui annonce la chute de la maison de Manfred. Un tyran féodal n’a peut-être jamais été mieux représenté que par le caractère de Manfred ; il a le courage, l’artifice, la duplicité et l’ambition d’un chef barbare de ces temps d’ignorance, avec des moments de remords et de retour aux sentiments de la nature, qui font que l’on conserve quelque intérêt pour lui, quand son orgueil est humilié et sa race éteinte. Le moine pieux et la patiente Hippolyta contrastent heureusement avec ce prince orgueilleux et tyrannique. Théodore est le jeune héros obligé des romans, mais la douce Matilda est plus intéressante que ne le sont ordinairement les héroïnes de ces sortes d’ouvrages.
 
On admire dans ce roman un style pur et précis, l’heureuse alliance d’une influence surnaturelle avec des intérêts purement
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humains, l’art de reproduire le langage et les mœurs de la féodalité par des caractères fortement dessinés et bien développés, enfin, une unité d’action qui produit des scènes touchantes et imposantes tour à tour.
 
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