« La physique depuis vingt ans/Les grains d'électricité et la dynamique électromagnétique » : différence entre les versions

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Cette expression est égale, d'ailleurs, au rapport des unités électro-magnétique et électrostatique de quantité d'électricité, que la comparaison expérimentale de ces unités montre égale à la vitesse de la lumière. Il résulte de la combinaison de nos deux relations qu'une perturbation électromagnétique se propageant librement loin de toute matière dans une direction déterminée, avec la vitesse de la lumière, correspond à la production dans le milieu où elle passe d'un champ électrique et d'un champ magnétique perpendiculaires l'un à l'autre et perpendiculaires tous deux à la direction de propagation, c'est à dire transversaux par rapport à celle-ci. De plus, ces deux champs ont des intensités telles qu'ils représentent tous deux, au même point, la même énergie par unité de volume. Cette transversalité des ondes électromagnétiques explique immédiatement la transversalité des ondes lumineuses dont la découverte restera l'un des plus beaux titres de gloire de FRESNEL. Le développement ultérieur de la théorie de MAXWELL a permis de traduire en langage électromagnétique toute l'oeuvre de FRESNEL, de la compléter et de supprimer les obscurités qui pouvaient y rester. Mais la théorie de MAXWELL sous sa forme primitive, en dehors du fait déjà signalé qu'elle ne rend pas compte de la dispersion ni des lois de la propagation dans les corps en mouvement, était obligée de se limiter, comme l'oeuvre de FRESNEL elle-même, à l'étude de la propagation des ondes et laissait dans l'ombre la manière dont les ondes sont émises ou absorbées. Elle sait seulement que la matière est nécessaire pour cette émission et cette absorption, pour produire ou faire disparaitre les ondes que l'éther transmet. De manière plus générale, la théorie de MAXWELL ne nous renseigne pas sur le lien qui unit la matière à l'éther, et cette ignorance y est fondamentale. Elle commence avec les phénomènes statiques : nous voyons bien le champ créé par un corps électrisé autour de lui dans l'éther; nous voyous les lignes de force qui partent de ce corps ou y aboutissent suivant le signe de sa charge. Mais nous ne savons rien, dans cette théorie, sur sur les points d'attache, sur les extrémités par lesquelles ces lignes de force sont liées à la matière. De même, pour les courants, nous voyons les lignes de force du champ magnétique entourer un conducteur où passe le courant, nous voyons avec POYNTING le flux d'énergie circuler clans le vide ou dans l'isolant autour du conducteur parallèlement au courant, une partie de ce flux se perdre dans le conducteur lui-même en chaleur de JOULE, mais nous ignorons tout dans cette conception des effets mystérieux dont le conducteur est le siège. Enfin, dans le cas des ondes hertziennes ou lumineuses, nous ignorons pourquoi elles se propagent autrement dans les milieux matériels que dans le vide; pourquoi la matière les disperse, et surtout nous ignorons totalement pourquoi la matière est nécessaire à la production ou à la destruction de ces ondes, ce qui se passe à leur naissance et à leur mort. Le lien qui manquait ainsi entre la matière et l'éther, LORENTZ et LARMOR ont cherché à l'introduire avec l'électron ou l'atome d'électricité. LORENTZ surtout a poursuivi les conséquences de la présence dans toute matière de ces grains d'électricité en repos ou en mouvement dans l'éther immobile. On obtient ainsi, en appliquant à l'éther où sont plongés ces grains les lois antérieurement établies par MAXWELL, une synthèse admirable d'un grand nombre de phénomènes électromagnétiques et optiques. La comparaison avec les faits va nous montrer que les grains imaginés par LORENTZ sont identiques à ceux que la voie purement expérimentale rappelée au début a permis d'observer et de mesurer individuellement.
 
Les phénomènes statiques. — L'étude des émissions de charges électriques par la matière montre qu'il est possible d'extraire de celle-ci des électrons négatifs plus petits que les atomes, mais que les centres positifs sont toujours de l'ordre de grandeur des atomes ou des molécules. Il est vraisemblable que les édifices atomiques ou moléculaires ne peuvent s'électriser que par échange d'électrons négatifs, positivement quand l'édifice a perdu, et négativement quand il porte en excès quelques-uns de ces électrons, en nombre généralement très petit et égal à la valence de l'ion positif ou négatif ainsi constitué. Nous sommes ainsi conduits à admettre que les atomes, à l'état normal électriquement neutre, contiennent un nombre déterminé de corpuscules cathodiques. L'étude de l'absorption des rayons de RÖNTGEN pénétrants donne des raisons de penser que ce nombre est proportionnel ou peut-être même égal à la masse atomique correspondante, celle de l'atome d'hydrogène étant prise comme unité. Un fragment de matière est électrisé positivement quand il a émis quelques-uns des électrons qu'il contient à l'état normal et négativement quand il a reçu quelques électrons supplémentaires. Nous ignorons actuellement quelle peut être la structure des charges positives intérieures à l'atome : nous savons seulement que chaque atonie en con-tient une quantité équivalente à la charge totale des électrons négatifs qu'il renferme à l'état normal, c'est à dire un multiple entier de la charge atomique. Autrement dit, les lignes de force électriques présentes dans l'éther se terminent sur des électrons négatifs qui peuvent être libres ou engagée dans l'édifice atomique; ces lignes de force partent des régions positives mal connues intérieures aux atomes. Tant que tous les atomes sont électrique ment neutres, que chacun renferme son nombre normal d'électrons, chaque ligne de force reste limitée à l'atome qui contient ses deux extrémités. Si un électron quitte son édifice atomique, il tend dans l'espace intermédiaire les lignes de force dont il porte l'extrémité et qui partent de l'atome chargé positivement pour aboutir à distance sur l'électron ou les électrons négatifs perdus par l'atome, que ces électrons soient libres ou engagés dans un autre édifice atomique où ils sont en excès et qui se trouve ainsi chargé négativement. Chaque particule chargée, électron ou ion, est ainsi entourée d'une chevelure de lignes de force électriques tendues clans le milieu environnant et auxquelles elle exerce et subit des actions électriques à distance. Ces lignes de force ont leur autre extrémité dans une région matérielle plus ou moins éloignée et chargée du signe opposé à celui de la particule. Le flux d'induction électrique sortant d'une surface fermée tracée autour de la particule, ou flux correspondant à sa chevelure de lignes de force, a une valeur déterminée. Si la particule est un électron, ce flux est négatif et a la valeur qui correspond à la charge atomique. Si la particule est un ion, atome ou édifice moléculaire, ce flux est positif ou négatif et correspond à un multiple entier de la charge atomique. Une particule électrisée, isolée au repos, a sa chevelure disposée radialement et produit autour d'elle un champ électrique déterminé par la loi de COULOMB, diminuant en raison inverse du carré de la distance. Elle ne produit aucun champ magnétique. Si la particule est placée dans un champ électrique extérieur h, la superposition de sa chevelure à ce champ donne naissance à une force égale au produit de sa charge e par l'intensité du champ extérieur et dirigée comme celui-ci, avec un sens. variable selon le signe de la charge. C'est la force électrique (h*e). Une portion de matière est soumise à l'action d'un champ électrique extérieur h soit lorsqu'elle est placée au voisinage de corps électrisés produisant autour d'eux un champ électrostatique, soit lorsqu'elle est traversée par un rayonnement, par une perturbation se propageant librement dans laquelle le champ électrique h résulte, par induction, des variations de champ magnétique pendant la propagation. Dans un cas comme dans l'autre, les forces électriques exercées par ce champ, d'origine extérieure, tendent à communiquer un mouvement d'ensemble en sens opposé aux particules négatives présentes dans la portion de matière. Des effets analogues peuvent être dus à d'autres actions que celle d'un champ électrique : nous verrons que le mouvement de la matière dans un champ magnétique donne lieu, sur les particules électrisées qu'elle contient et emporte avec elle, à des forces électromagnétiques auxquelles sont dues des forces électromotrices induites par mouvement de la matière dans un champ magnétique. Ces forces s'ajoutent, lorsque ce champ magnétique est lui-même variable, aux forces produites par le champ électrique résultant de cette variation. De là, une double origine des phénomènes d'induction, par variation d'un champ magnétique et par mouvement de matière dans un champ constant. Les centres électrisés, électrons ou ions, sont également soumis à des actions de la part des atomes voisins, forces de cohésion ou d'autre nature. Si la matière est homogène autour d'une région déterminée, il ne reste de ces actions aucune tendance à un mouvement d'ensemble des centres présents dans la région considérée. Il en est autrement si la structure de la matière est hétérogène, par exemple au voisinage de la surface de séparation de deux milieux différents. D'où la production, indépendamment de tout champ électrique, de forces électromotrices d'hétérogénéité. Enfin, dans les conducteurs où existent des centres électrisés libres de se déplacer à travers la matière, il apparait un type particulier de forces électromotrices d'hétérogénéité dit à l'agitation thermique et qui joue un rôle essentiel clans la théorie des piles hydroélectriques ou thermoélectriques. On doit supposer, conformément aux conceptions fondamentales de la théorie cinétique, que les centres libres s'agitent, pour une température donnée du milieu, avec une énergie cinétique moyenne égale à celle d'une molécule gazeuse à la même température ; si les centres d'une espèce déterminée ne sont pas distribués uniformément clans le milieu, cette agitation tend à établir l'uniformité, c'est à dire à produire un déplacement d'ensemble des particules considérées des régions où elles sont plus nombreuses vers celles où elles le sont moins. Les différences de concentration en particules électrisées libres donnent donc lieu à une tendance à la diffusion et par suite à une force électromotrice puisque les particules considérées emportent leurs charges en se diffusant. Cette remarque est à la base de la théorie des piles de M. NERNST. Les diverses actions que je viens d'énumérer peuvent se superposer dans une même portion de matière en s'équilibrant ou non mutuellement. L'effet qu'elles produisent varie selon qu'elles s'exercent sur des particules liées chacune à une position d'équilibre ou sur des particules libres de circuler à travers la matière, soit entre les molécules, soit même à travers elles, s'il s'agit d'électrons. On doit supposer que les isolants contiennent exclusivement des particules liées : électrons liés aux atomes qui les renferment ou ions liés à la molécule. Une particule liée peut seulement osciller autour d'une position d'équilibre. Celle-ci change naturellement avec les actions extérieures qui s'exercent sur la particule. La présence d'un champ électrique, par exemple, a pour effet de déplacer dans un sens les positions moyennes des particules positives et en sens opposé celles des particules négatives. Il y a par suite polarisation de la substance isolante sous l'action d'un champ électrique ou de toute autre action tendant à produire un déplacement d'ensemble des centres électrisés. Cette polarisation suffit pour expliquer les propriétés électrostatiques des isolants matériels et la variabilité, d'un milieu à l'autre, du pouvoir inducteur spécifique de FARADAY. La conductibilité est due à la présence de centres électrisés libres, électrons dans les conducteurs métalliques et ions dans les électrolytes ou dans les gaz. L'étude des émissions cathodiques par les métaux soumis à diverses influences montre que tous les conducteurs métalliques contiennent les mêmes électrons négatifs ou corpuscules cathodiques libres de passer d'un atome à l'autre, indépendamment de ceux qui peuvent rester liés aux édifices atomiques. L'échange d'électrons libres entre deux conducteurs métalliques en contact ne se traduit par aucune modification de ceux-ci, par aucun changement de nature chimique, puisque ces électrons sont les mêmes dans tous les métaux, puisqu'ils n'ont pas d'individualité chimique. Dans les électrolytes, au contraire, généralement fluides, il existe des ions libres, atomes ou molécules électrisés mobiles : leur déplacement dans le milieu correspond à une circulation d'électricité accompagnée d'un transport de matière douée d'individualité chimique, d'où électrolyse. Il ne peut y avoir équilibre électrique dans un conducteur métallique ou électrolytique s'il n'y a pas en tout point du conducteur, compensation mutuelle entre les diverses actions qui tendent à produire un mouvement d'ensemble des centres électrisés, et ceci pour chaque espèce de centres libres. Si cet équilibre est réalisé, les particules possèdent uniquement un mouvement désordonné d'agitation thermique sans mouvement d'ensemble. Dans un conducteur homogène et en repos, la condition d'équilibre se réduit à l'absence de champ électrique en tout point intérieur : la surface seule dans ces conditions peut porter des charges, c'est à dire un excès ou un défaut d'électrons ou d'ions d'un signe par rapport à ceux de l'autre. Il est, d'ailleurs, facile de comprendre pourquoi le champ qui subsiste dans cette couche superficielle ne réussit pas, malgré sa tendance, à faire sortir du conducteur les centres électrisés en excès. D'autres actions, cohésion entre atome ou attraction d'un électron pour les atomes voisins, s'opposent au passage des centres libres du conducteur dans le vide ou dans l'isolant matériel. Si, cependant, l'agitation thermique à haute température ou l'intervention extérieure d'un rayonnement viennent augmenter suffisamment la force vive d'un électron ou d'un ion pour lui permettre de franchir l'obstacle superficiel, le conducteur émet autour de lui des centres électrisés en se déchargeant ou en se chargeant du signe opposé à celui des centres qu'il émet le plus abondamment.. Ce schéma correspond aux phénomènes d'EDISON et de HERTZ, aux émissions de charges par les conducteurs chauffés ou éclairés. De tels phénomènes, qui permettent d'extraire les électrons ou les ions libres des conducteurs ou de les étudier individuellement, sont venus apporter aux conceptions précédentes une éclatante confirmation. Si l'équilibre n'existe pas entre les diverses actions qui tendent à déplacer chaque espèce de centres électrisés libres, il se produit un mouvement d'ensemble des centres; il y a courant de conduction. Si la distribution des actions motrices à l'intérieur du conducteur est telle que ces actions dérivent d'un potentiel et peuvent par conséquent être équilibrées par un champ électrostatique, le courant de conduction produit une accumulation de charges, puis s'arrête lorsqu'il résulte de cette accumulation un champ statique équilibrant en chaque point les actions motrices. Si ces actions ne dérivent pas d'un potentiel ou si elles varient avec le temps, le courant se prolonge, continu ou variable selon les circonstances. Il en résulte des propriétés nouvelles que nous allons examiner maintenant.
 
Le centre électrisé en mouvement. — Tant qu'un centre électrisé reste immobile par rapport à l'éther, le champ électrique qui l'entoure reste invariable en tout point du milieu et, par conséquent, aucun champ magnétique n'est produit. Si, au contraire, un centre électrisé O de charge e est en mouvement (nous supposerons tout d'abord ce mouvement rectiligne et uniforme), le champ électrique qu'il produit en un point fixe du milieu tel que A varie avec le temps, augmente quand le centre électrisé s'approche, passe par un maximum quand le centre passe par le pied de la perpendiculaire abaissée du point A sur la trajectoire, puis diminue quand le centre s'éloigne. En même temps, sa direction change puisqu'elle est déterminée à chaque instant par la droite qui joint au point fixe A la position actuelle O du centre. Nous verrons que la chevelure de lignes de force électrique reste distribuée radialement et uniformément dans toutes les directions. pendant le mouvement uniforme comme au repos, tant que la vitesse du centre reste assez petite par rapport à la vitesse de la lumière, tant qu'elle ne dépasse pas quelques milliers de kilomètres par seconde. Le centre en mouvement uniforme emporte avec lui celte chevelure radiale. La variation en fonction du temps qui résulte de ce mouvement pour le champ électrique en tout point tel que A fixe dans l'éther, implique, nous l'avons vu, la production d'un champ magnétique, d'après la loi du courant de déplacement de MAXWELL. Le centre électrisé en mouvement va donc s'entourer d'un champ magnétique distribué en lignes de force circulaire tournant autour de la direction du mouvement. Pour obtenir la loi de distribution de ce champ, il suffit d'appliquer la loi du courant de déplacement de MAXWELL, au contour formé par une de ces lignes de force, en tout point de laquelle le champ magnétique a une même valeur H par raison de symétrie. Le résultat obtenu est le suivant : le champ magnétique au point A est perpendiculaire au plan qui passe par ce point, par la position actuelle O de la particule électrisée et par la direction de la vitesse ; il a pour valeur
 
(2) H = (e*v*sin(alpha))/(r^2).
 
Le champ magnétique ainsi produit est donc déterminé par la position actuelle de la particule ; il en résulte que sa distribution, que l'ensemble des lignes de force magnétiques, circulaires, comme celui des lignes de force électriques radiales, suit la particule dans son mouvement. Tout ce système de lignes de force électriques et magnétiques constitue ce que nous appellerons le sillage électromagnétique de la particule, sillage lié au centre et invariable par rapport à lui tant que la vitesse reste constante. Cette présence d'un champ magnétique accompagnant la particule électrisée en mouvement uniforme nous permet de comprendre comment la distribution du champ électrique peut se trouver modifiée quand la vitesse devient suffisamment grande, de même ordre que celle de la lumière. En effet, le champ magnétique produit en un point fixe A de l'éther par la particule en mouvement varie avec le temps à mesure que la particule s'approche, passe et s'éloigne, emportant avec elle son cortège de lignes de force. Cette variation de champ magnétique entraine, nous l'avons vu, la production d'un champ électrique induit qui se superpose au champ électrostatique donné par la loi de COULOMB pour en modifier la distribution. Une analyse plus détaillée montre que les lignes de force électriques restent radiales à distance du centre électrisé, mais que la chevelure se raréfie dans la direction de la vitesse et dans la direction opposée pour s'accumuler dans les directions perpendiculaires. Cette modification reste insignifiante tant que la vitesse n'est pas du même ordre que celle de la lumière. Les lignes de force électriques attachées au centre tendent, par conséquent, à se placer transversalement par rapport à la direction du mouvement pour y arriver de manière complète quand la vitesse atteint celle de la lumière. La distribution limite du champ ainsi atteinte représente d'ailleurs une énergie infinie, de sorte qu'une dépense de travail infinie serait nécessaire pour communiquer en régime permanent à une particule électrisée la vitesse de la lumière. Tout cela dérive immédiatement de l'application des lois fondamentales de MAXWELL au milieu éther qui entoure le centre électrisé, et tout ceci reçoit une confirmation remarquable du fait que les corpuscules cathodiques émis par les corps radioactifs sous forme de rayons p ont des vitesses. qui admettent effectivement la vitesse de la lumière comme limite supérieure qu'elles n'atteignent jamais tout en s'en rapprochant beaucoup.
 
Le courant de convection. — La loi fondamentale du courant de déplacement conduit donc à cette -conséquence qu'un corps électrisé en mouvement produit autour de lui un champ magnétique donné par la loi simple qu'exprime la formule (2), quand la vitesse n'est pas trop grande. Cette prévision a reçu, comme l'on sait, une confirmation expérimentale quantitative complète dans les expériences dites du courant de convection. Celui-ci nous apparaît comme une conséquence nécessaire de la loi du courant de déplacement de MAXWELL. C'est donc le courant de déplacement, la production d'un champ magnétique par variation d'un champ électrique, qui représente le phénomène simple et profond, bien qu'il ait été découvert le dernier par la voie compliquée rappelée an début, par l'intuition géniale de MAXWELL et la vérification expérimentale de HERTZ. Les expériences du courant de convection doivent être considérées comme vérifiant, d'une autre manière que les expériences bien connues de HERTZ sur les ondes, l'exactitude de la loi du courant de déplacement.
 
Le courant de conduction. — Du courant de convection nous allons enfin remonter au courant de conduction qui va nous apparaître ainsi comme constituant le cas le plus complexe de production d'un champ magnétique. Bien que, historiquement, il se soit présenté le premier, il nous apparaît maintenant comme une conséquence éloignée, mais directe, de la loi fondamentale et simple du courant de déplacement. Considérons un élément de courant de conduction constitué par une longueur dl d'un fil métallique ou d'un tube de petite section S plein d'électrolyte. L'existence d'un courant de conduction dans le sens de la longueur dl y consiste pour nous dans la circulation d'ensemble des particules électrisées, les positives dans un sens et les négatives généralement en sens opposé. Chacune de ces particules en mouvement représente un courant de convection dans la direction du mouvement. Pour obtenir le champ magnétique produit par l'élément de courant dl en un point A quelconque, il nous faut composer en ce point les champs magnétiques produits par toutes les particules en mouvement que contient dl. Si les mouvements de ces particules sont désordonnés, le résultat de cette composition est nul : seuls, les mouvements d'ensemble, les courants de conduction donnent à distance un champ magnétique total différent de zéro. Le point A étant supposé à distance r de l'élément de courant grande par rapport à dl, dans une direction qui fait l'angle a avec celle du courant, du mouvement d'ensemble des centres, un calcul facile donne pour le champ total la valeur
 
(i*dl*sin(alpha))/(r^2),
 
où i représente l'intensité du courant, c'est-à-dire la quantité d'électricité qui traverse par unité de temps la section du conducteur par suite du mouvement d'ensemble des particules à son intérieur. On retrouve ainsi la loi élémentaire pour laquelle LAPLACE a traduit les propriétés expérimentales des courants de conduction. La nature des particules électrisées, ions ou électrons, est indifférente, et nous comprenons pourquoi la loi de LAPLACE s'applique dans tous les cas, que le conducteur soit métallique ou électrolytique. Cette loi se trouve ainsi rattachée à la loi fondamentale du courant de déplacement. Enfin, nous verrons plus loin comment la production de champ magnétique par les aimants est due à la présence, dans les atomes ou molécules du milieu aimanté, de particules électrisées, d'électrons, qui circulent suivant des orbites fermées. On obtient ainsi une représentation immédiate et simple des courants particulaires d'AMPERE.
 
La force électromagnétique. — Le fait qu'une particule électrisée en mouvement produit un champ magnétique, c'est-à-dire exerce des actions sur des aimants ou d'autres courants placés au voisinage, a pour conséquence une réaction de l'aimant ou du courant voisin sur la particule. Bien que, de manière générale, les forces subies par les particules électrisées n'obéissent pas au principe d'égalité de l'action et de la réaction, nous pouvons raisonner ici de la manière suivante : Nous venons de voir que la particule électrisée en mouvement est équivalente, au point de vue des actions magnétiques qu'elle exerce, à un élément de courant de conduction tel que (i*dl) soit égal à (e*v). Si nous admettons que cette équivalence existe aussi pour les actions subies dans un champ magnétique extérieur, il en résulte qu'une particule électrisée de charge e, en mouvement avec la vitesse v dans un champ magnétique d'induction B et dans une direction faisant l'angle beta avec celle de B, est soumise à une force f perpendiculaire au plan de v et de B dans le sens indiqué par la règle des trois doigts de la main gauche : le pouce étant dans la direction de B, l'index dans celle de v, la forge agit dans la direction du médius si la particule est positive et en sens opposé si elle est négative. La grandeur de cette force est d'ailleurs
 
(3) f = B*e*v*sin(beta).
 
En appelant champ électromoteur la force ainsi produite sur l'unité de charge en mouvement, en l'absence de champ électrique, nous pouvons dire que le mouvement de vitesse v d'une charge électrique dans un champ magnétique d'induction B donne lieu à un champ électromoteur B*v*sin(beta) dirigé comme l'indique la règle des trois doigts. Si un champ électrique h existe en même temps, l'action totale sur l'unité de charge en mouvement est représentée par la résultante ou somme géométrique du champ électrique h et du champ électromoteur B*v*sin(beta). Des actions électromotrices d'hétérogénéité peuvent, en outre, s'ajouter aux deux champs précédents pour agir sur les particules électrisées libres dans les conducteurs. Sur les particules liées présentes aussi bien dans les isolants que dans les conducteurs, s'exercent enfin les actions individuelles qui maintiennent chacune au voisinage d'une position déterminée. Nous pouvons, dès maintenant, faire de ces résultats de nombreuses applications. Tout d'abord, la force exercée par un champ magnétique sur un élément de courant (i*dl) nous apparaît comme la résultante des forces électromagnétiques exercées par le champ sur les particules intérieures au conducteur et dont le mouvement d'ensemble correspond au passage du courant. Ces forces se transmettent à la masse du conducteur par les chocs continuels des particules électrisées contre les molécules. Tant que, en l'absence de courant, l'agitation thermique désordonnée existe seule, les forces électromagnétiques subies par les particules se compensent mutuellement sur l'ensemble du conducteur. Le mouvement régulier qui se superpose à l'agitation thermique lorsqu'un courant passe se traduit, au contraire, par une résultante perpendiculaire à la direction de l'induction magnétique et à celle du courant. On voit, de plus, que dans un conducteur où passe un courant, les forces électromagnétiques individuelles tendent en moyenne à déplacer les particules électrisées par rapport au conducteur dans la direction perpendiculaire au courant et au champ magnétique. Il en résulte une déviation des lignes de courant dans la direction indiquée, c'est à dire le phénomène de Hall.
 
Les phénomènes d'induction. — La même loi fondamentale exprimée par la formule (3) fait prévoir les phénomènes d'induction par déplacement d'un conducteur dans un champ magnétique fixe. Pour prendre le cas le plus simple, imaginons une barre conductrice l se mouvant avec la vitesse v perpendiculairement à sa longueur dans un champ magnétique d'induction B perpendiculaire au plan de l et de v. Les particules électrisées libres présentes dans la barre et auxquelles celle-ci doit sa conductibilité sont entraînées par elle avec la vitesse v et ce mouvement donne lieu sur chacune d'elles à une force correspondante au champ électromoteur (B*v) et dirigée suivant la longueur de la barre. Ces forces tendent à produire un courant dans celle-ci avec une force électromotrice (B*v*I) égale au travail que produit le champ électromoteur lorsque l'unité de charge se déplace d'un bout à l'autre de la barre. On comprend ainsi comment le mouvement d'un corps dans un champ:magnétique donne lieu à une action tendant à souffler dans un sens les particules négatives et en sens opposé les particules positives que la matière contient. Ces forces sont perpendiculaires à la direction du champ magnétique et à celle du mouvement. Elles polarisent le milieu s'il s'agit d'un isolant et peuvent produire un courant s'il s'agit d'un conducteur. La force électromotrice (B*v*l) ainsi obtenue est précisément égale au flux d'induction Phi coupé par la barre pendant l'unité de temps. On retrouve ainsi, dans ce cas particulier, la loi générale d'induction en d(Phi)/dt. L'application de la règle des trois doigts montre que le sens de cette force électromotrice est conforme à la loi de LENZ. Si la barre est isolée à ses deux extrémités, si le circuit dont elle fait partie n'est pas fermé, l'action électromotrice d'induction produit un faible déplacement des particules libres : les positives s'accumulent à une extrémité, les négatives à l'autre jusqu'à ce qu'il en résulte, en chaque point de la barre, un champ électrostatique -(B*v) faisant équilibre au champ électromoteur. Il se produit ainsi entre les extrémités une différence de potentiel égale à la force électromotrice, comme dans le cas d'une pile en circuit ouvert. Si le circuit de la barre est fermé et ne contient pas de force électromotrice antagoniste supérieure à la force électromotrice induite, un courant se produit dans le sens de celle-ci, les particules se mettent en mouvement d'ensemble sous l'action du champ électromoteur induit et la barre envoie de l'énergie électrique dans le reste du circuit. En même temps, il se développe à son intérieur de la chaleur de JOULE par suite de l'accroissement d'intensité des chocs dû à la superposition du mouvement d'ensemble à l'agitation thermique primitive. On voit aisément comment cette double dépense d'énergie est empruntée aux forces qui maintiennent la barre en mouvement : le courant qui s'y produit est d'un sens tel, comme l'indique la règle des trois doigts, qu'il se produit de la part du champ magnétique une force perpendiculaire à la barre en sens opposé à sa vitesse. Cette force résiste à celles qui maintiennent la barre en mouvement et le travail dépensé pour la vaincre se retrouve précisément sous forme d'énergie électrique dans le circuit. Notre barre fonctionne comme une génératrice de courant continu, transformant du travail mécanique en énergie électrique. Si le circuit renferme une force électromotrice antagoniste supérieure à (B*v*l), le courant circule en sens inverse de la force électromotrice induite et celle-ci, au lieu d'en fournir, consomme de l'énergie électrique empruntée aux actions qui produisent les forces électromotrices antagonistes. Cette énergie se retrouve en travail mécanique puisque, le sens du courant ayant changé, la force que subit la barre de la part du champ magnétique s'exerce dans le sens même du mouvement et fournit du travail au lieu d'en consommer. Notre barre fonctionne comme moteur électrique, comme transformateur d'énergie électrique en travail mécanique. La force électro-motrice induite résultant des forces électromagnétiques sur les particules de la.barre en mouvement, est l'intermédiaire par lequel se fait cette trans-formation. Le mécanisme précédent permet de comprendre ce qui se passe dans les fils de l'induit d'une dynamo en mouvement, dans les barres qui se meuvent en présence d'un champ magnétique permanent et dans lesquelles celui-ci tend à souffleries particules électrisées perpendiculairement à sa direction et à celle de la vitesse. Nous comprenons ainsi les phénomènes d'induction par mouvement de la matière dans un champ magnétique permanent. Les autres phénomènes d'induction, ceux auxquels donne lieu la variation dans le temps d'un champ magnétique s'expliquent par la production d'un champ électrique dû à cette variation. Les deux effets peuvent se superposer dans un corps en mouvement en présence d'un champ magnétique variable : il y a superposition au champ électromoteur résultant du mouvement, du champ électrique résultant de la variation de champ magnétique.
 
La pression de radiation. — Dans un tout autre ordre d'idées, nous pouvons comprendre aussi facilement l'origine de la pression de radiation, prévue par MAXWELL de manière très obscure parce qu'il ignorait l'existence du lien que nous connaissons maintenant entre l'éther où se propage une onde et la matière qui l'absorbe ou la réfléchit. Imaginons une lame métallique conductrice recevant sur une de ses faces une radiation électromagnétique, lumineuse par exemple. Nous supposerons la direction de propagation normale et, par conséquent, les plans d'onde parallèles à la lame. Nous avons vu plus haut que le plan d'onde contient un champ électrique et un champ magnétique perpendiculaires l'un à l'autre. Le champ électrique va donner lieu, dans la couche superficielle de la lame, à une nappe de courant, à un mouvement d'ensemble des particules électrisées libres auxquelles la lame doit sa conductibilité. Ce mouvement d'ensemble se produisant dans le champ magnétique de l'onde, il en résulte sur les particules des forces électromagnétiques perpendiculaires à la direction de la vitesse (parallèle au champ électrique) et à celle du champ magnétique, c'est à dire perpendiculaires au plan d'onde dans le sens même de la propagation. Autrement dit, une particule électrisée libre rencontrée par la radiation est mise en mouvement par celle-ci tout d'abord dans la direction de son champ électrique : le champ magnétique de l'onde exerce sur la particule ainsi mise en mouvement une force dirigée dans le sens de la propagation. La particule électrisée est poussée par la radiation dans la direction où celle-ci se propage. Toutes les petites forces ainsi produites dans la lame sont transmises au métal par l'intermédiaire des chocs et il en résulte une pression exercée par la radiation sur le conducteur. Le calcul établi sur cette base donne des résultats exactement d'accord avec les faits.
 
Les particules cathodiques et les émissions positives. — L'existence de la force électromagnétique est mise en évidence de manière particulièrement nette lorsqu'on passe du cas des courants dans les conducteurs, où l'expérience ne permet de voir que l'action globale de cette force sur un nombre immense de particules, au cas des rayons cathodiques ou des rayons de GOLDSTEIN où chaque particule émise se meut librement dans le vide sans être constamment gênée dans son mouvement par les chocs contre les molécules du milieu matériel. On sait que la lumière dont les rayons cathodiques sont déviés dans un champ magnétique vérifie que chacune des particules électrisées négativement qui constituent ces rayons est soumise à une force perpendiculaire à sa vitesse et au champ magnétique. L'exactitude de la formule (3) est vérifiée par la constance des résultats obtenus en utilisant cette formule pour mesurer le rapport e/m de la charge à la masse d'une particule. Elle exige, en effet, que la trajectoire d'une particule de vitesse v prenne dans un champ magnétique donné une courbure proportionnelle à (e/(m*v)). Dans un champ électrique donné perpendiculaire à la direction des rayons, la trajectoire est également déviée avec une courbure proportionnelle à (e/(m*(v^2))). La mesure des déviations magnétique et électrique permet donc d'obtenir séparément e/m et v. On sait comment ces mesures effectuées sur les diverses espèces d'émissions cathodiques : rayons des tubes de CROOKES, émission photoélectrique, émission négative des corps incandescents, et enfin rayons beta lents des corps radioactifs, ont conduit clans tous les cas à une même valeur du rapport e/m voisine de 1,77 X 10^(7) dans le système électromagnétique C. G. S. Ce résultat, joint au fait qu'une particule cathodique porte une charge égale en valeur absolue à celle d'un atome d'hydrogène dans l'électrolyse (pour lequel e/m a, d'après la loi de FARADAY, la valeur 9654 ou 10^(4) environ dans le même système d'unités), montre que la particule cathodique est 1800 fois moins inerte que l'atome d'hydrogène, quelle que soit la matière d'où proviennent les rayons cathodiques et le moyen employé pour les en faire sortir. Les particules positives qui constituent les rayons de GOLDSTEIN ou l'afflux positif dans les tubes de CROOKES, les rayons anodiques ou les rayons alpha des corps radioactifs, sont beaucoup plus inertes, beaucoup moins déviables à vitesse égale. Ce sont des atomes ou des molécules. privés d'un ou plusieurs des corpuscules cathodiques qu'ils renferment à l'état normal. Nous allons, en effet, trouver maintenant, en étudiant les phénomènes de rayonnement, de nouvelles raisons de croire à la présence de corpuscules cathodiques clans l'intérieur des atomes. Pour connaître leurs propriétés, pour mesurer leur charge et leur masse, il n'est pas nécessaire de les faire sortir plus ou moins violemment de l'édifice atomique : il va nous suffire d'examiner à distance le rayonnement qu'ils émettent et nous trouverons là encore des confirmations remarquables de nos conceptions.
 
III — LES PHÉNOMÈNES DE RAYONNEMENT
 
L'onde d'accélération. — Le fait fondamental dans la théorie de l'émission du rayonnement électro-magnétique par la matière consiste en ceci : Une particule électrisée dont le mouvement n'est pas uni-forme, qui subit une accélération, émet une onde qui se propage autour d'elle dans toutes les directions avec la vitesse de la lumière. C'est toujours là une conséquence des propriétés de l'éther électromagnétique, définies par les lois de MAXWELL et de HERTZ que j'ai rappelées au début. Nous n'avons envisagé, jusqu'ici, que les cas où les particules sont en repos, ou en mouvement uni-forme, et nous y avons déjà trouvé l'interprétation d'un grand nombre de phénomènes d'électrostatique et d'électromagnétisme. Le cas plus général où il existe une accélération, un changement de la vitesse de la particule, va nous introduire dans le domaine du rayonnement. Tant que la vitesse de la particule reste constante, nous avons vu que celle-ci emporte avec elle son sillage dans l'éther, son cortège de lignes de force électriques radiales et de lignes de force magnétiques circulaires. Tout cela représente, selon la conception de Faraday, une distribution d'énergie dans l'espace qui environne la particule. A vitesse constante, cette distribution d'énergie, variable d'ailleurs avec la vitesse, suit la particule dans son mouvement, reste localisée à son voisinage; aucune portion de cette énergie n'est rayonnée à distance. Il en est autrement quand la vitesse change. La comparaison suivante pourra nous donner l'image grossière de ce qui se produit le long des lignes de forces électriques, quand la particule à laquelle elles sont attachées subit une accélération. Imaginons, au milieu d'une enveloppe, une boule maintenue dans une position d'équilibre par des fils élastiques tendus dans toutes les directions entre sa surface et les parois de l'enveloppe. Ces fils, comparables à notre chevelure de lignes de force, restent rectilignes tant que le système tout entier est en repos ou en mouvement uniforme, mais si la boule subit, dans une direction déterminée, un choc par lequel sa vitesse se trouvera modifiée, en plus des déformations longitudinales, nous verrons, aussitôt après le choc, des ondes. transversales courir sur des fils tendus avec une vitesse déterminée par les propriétés de la matière qui les constitue. Ces déformations transversales auront la plus grande amplitude sur les fils tendus dans les directions perpendiculaires à celle du choc, et diminueront progressivement quand on passera aux fils dont la direction est parallèle au choc, pour s'annuler sur ces derniers. Les déformations longitudinales ne nous intéressent pas pour la comparaison : il ne saurait être question de donner un modèle mécanique reproduisant dans tous leurs détails les propriétés du milieu électromagnétique. Les nombreuses tentatives faites dans ce sens ont échoué complètement, à tel point que, comme nous le verrons, il semble beaucoup plus fécond de chercher une interprétation électromagnétique des propriétés mécaniques de la matière. Les déformations transversales de nos fils nous serviront tout simplement d'image visuelle pour les modifications du champ électrique qui vont courir le long des lignes de force avec la vitesse de la lumière, après que la particule électrisée aura subi une accélération. En effet, quand la particule se trouve secouée par un changement de vitesse, sa chevelure de lignes de force, primitivement rectiligne, subit une déformation et une onde transversale court dans toutes les directions avec la vitesse caractéristique du milieu, cette déformation s'affaiblissant avec la distance et variant avec la direction, depuis un maximum pour les lignes de force perpendiculaires à la direction de l'accélération, jusqu'à zéro pour les lignes de force parallèles à cette direction. Voici l'énoncé pris pour le cas où la vitesse de la particule est petite par rapport à celle de la lumière. Supposons qu'à l'instant t la particule électrisée située en O subisse une accélération gamma. La perturbation qui en résulte dans l'espace environnant se fera sentie au point A situé à distance r de O dans une direction faisant l'angle phi avec la direction de l'accélération, avec un retard r/V égal au temps nécessaire pour parcourir la distance r avec la vitesse V de la lumière dans le vide. Donc, à l'instant t + r/V, il se superposera au champ électrique radial, inversement proportionnel au carré de la distance, que produirait en A la particule en mouvement uniforme, un champ électrique transversal situé dans le plan passant par le point A et l'accélération, perpendiculaire à la distance OA dans le sens indiqué par la figure, inversement proportionnel à cette distance, et proportionnel au sinus de l'angle phi qu'elle fait avec la direction de l'accélération. Si e est la charge de la particule, ce champ a pour mesure, dans le système électromagnétique C. G. S.,
 
h = ((e*gamma)/r)*sin(phi).
 
En même temps, il se produit en A un champ magnétique également transversal par rapport à la direction de propagation OA, et perpendiculaire aussi au champ électrique précédent, c'est à dire perpendiculaire au plan de la figure vers l'avant si la charge e est positive, dans un sens tel que les trois directions, champ électrique, champ magnétique, propagation, sont disposées, au point de vue de leur sens, comme les trois premiers doigts de la main droite. La grandeur de ce champ magné-tique est telle qu'il représente, par unité de volume, la même énergie que le champ électrique correspondant. Autrement dit, il part du centre électrisé soumis à une accélération une perturbation se propageant sous forme d'une onde sphérique, dont le rayon croît avec la vitesse de la lumière, qui reste centrée sur le point où se trouvait la particule au moment de l'émission, et qui correspond en chaque point au passage d'un champ électrique et d'un champ magnétique situés dans le plan tangent à l'onde (onde transversale) et perpendiculaires l'un à l'autre dans ce plan. Le champ électrique est dirigé dans le sens opposé à la projection gamma*sin(phi) de l'accélération sur ce plan tangent. Cette opposition de sens correspond, comme nous allons voir, à la loi de LENZ pour ceux des phénomènes d'induction dont notre émission d'ondes va nous donner l'interprétation. La grandeur du champ électrique, comme celle du champ magnétique, est d'ailleurs proportionnelle à cette projection, c'est-à-dire qu'elle s'annule dans la direction de l'accélération pour laquelle phi est égal à zéro, et augmente avec cet angle pour devenir maximum dans les directions perpendiculaires à l'accélération. Ces champs, présents dans l'onde et liés à l'existence d'une accélération, se superposent à ceux qui correspondent à la vitesse actuelle de la particule. Ces derniers, variant en raison inverse du carré de la distance, diminuent beaucoup plus rapidement que les autres, à mesure qu'on s'éloigne de la particule ; de sorte qu'à grande distance de celle-ci l'onde d'accélération, dont les champs varient en raison inverse de la distance, subsiste seule. Ce fait peut encore s'exprimer sous une autre forme. Nous avons vu qu'une vitesse constante de la particule ne se traduit par aucun rayonnement d'énergie à distance : l'infini ignore l'existence d'une vitesse constante puisque l'énergie du sillage correspondant accompagne la particule et lui reste liée. Au contraire, l'onde d'accélération transporte à l'infini une énergie facile à calculer, par laquelle les points très éloignés sont prévenus du change-ment de vitesse. La particule rayonne, émet une radiation quand, et seulement quand, elle subit une accélération. Considérons, en effet, les ondes émises par la particule soumise à l'accélération gamma pendant le temps dt infiniment petit, compris entre t et t + dt, et cherchons comment seront distribuées à un instant ultérieur t + thêta les ondes ainsi rayonnées. La perturbation émise à l'instant t se trouve à l'instant t + thêta sur une sphère de rayon V*thêta centrée sur le point où la particule se trouvait à l'instant t. La perturbation émise à l'instant t + dt n'a eu pour se propager que le temps thêta - dt, et se trouve a l'instant thêta sur une sphère de rayon V*thêta - V*dt, centrée sur la position qu'avait la particule à l'instant t + dt. Comme la vitesse v de cette particule est toujours inférieure à celle de la lumière V, les deux sphères ne se coupent pas, puisque la distance v*dt de leurs centres est inférieure à la différence V*dt de leurs rayons. Ces sphères comprennent entre elles une couche ou pellicule dans laquelle se trouve à l'instant thêta, toute la perturbation rayonnée pendant l'élément de temps antérieur dt. Si la vitesse de la particule est petite par rapport à celle de la lumière, on peut considérer comme concentriques les deux sphères qui limitent la pellicule de rayonnement, et celle-ci a partout la même épaisseur V*dt. Si, au contraire, la vitesse de la particule est telle que son déplacement pendant le temps dt soit de même ordre que V*dt, c'est à dire si la vitesse de la particule est du même ordre que celle de la lumière, quoique inférieure, les deux sphères ne sont plus concentriques, et l'on voit facilement que l'épaisseur de la pellicule est moindre dans la direction du mouvement de la particule que dans la direction opposée. Dans le cas des vitesses faibles par rapport à celle de la lumière, nous avons plus haut quels sont les champ électrique et magnétique présents dans l'onde rayonnée ; par conséquent, nous pouvons calculer l'énergie qu'ils représentent par unité de volume en chaque point de notre pellicule. Cette densité, proportionnelle au carré du champ, varie donc en raison inverse du carré du rayon de la pellicule, à mesure que celle-ci se propage, puisque chacun des deux champs diminue en raison inverse de ce rayon. Le volume de cette pellicule, dont l'épaisseur reste constante, augmente lui-même comme le carré du rayon, de sorte que l'énergie totale présente dans l'onde est indépendante de ce rayon, et représente l'énergie émise sous forme de rayonnement par la particule pendant le temps dt et transportée à l'infini par l'onde. Un calcul simple donne pour cette énergie la valeur en unités électromagnétiques
 
(4) (2/3)*[(e^2)*(gamma^2)/V]*dt.
 
Le rayonnement de la particule par unité de temps est donc proportionnel au carré de sa charge et au carré de l'accélération qu'elle subit.
 
L'induction mutuelle. - Examinons maintenant quelques conséquences des résultats précédents. Ils contiennent tout d'abord l'explication des phénomènes d'induction mutuelle et de self-induction. Nous avons compris ce qui se passe dans une dynamo génératrice de courant, nous allons comprendre maintenant ce qui se passe dans un transformateur ou dans une bobine de RUHMKORFF, c'est à dire les phénomènes d'induction produits dans un circuit par les variations du courant qui passe dans un circuit voisin. Supposons placés, l'un à côté de l'autre, deux fils parallèles qui sont, par exemple, deux spires voisines d'un transformateur, l'une appartenant au circuit inducteur, l'autre au circuit induit. Le passage du courant inducteur correspond à une circulation dans le premier fil des particules électrisées libres auxquelles il doit sa conductibilité. La vitesse de ces particules dans la direction du fil est proportionnelle à l'intensité du courant, de sorte que toute variation de cette intensité correspond à une variation de vitesse, à une accélération subie par les particules. Il en résulte, au moment où l'intensité du courant inducteur varie, l'émission à partir du fil d'ondes d'accélération se propageant à distance par superposition des ondes émises individuellement par toutes les particules. On voit facilement qu'en un point voisin du fil cette superposition des ondes d'accélération donnera lieu, d'après les résultats indiqués plus haut, à un champ électrique parallèle au fil et dirigé en sens inverse si l'intensité augmente, ou dans le sens du courant si l'intensité diminue. Si le point considéré se trouve à l'intérieur d'un fil voisin appartenant au circuit induit, le champ électrique ainsi créé tendra à produire un courant et correspondra à l'existence d'une force électro-motrice induite, de sens opposé au courant inducteur, si celui-ci augmente, et dans le même sens que lui, s'il diminue. Lorsque le circuit induit est ouvert, cette force électromotrice se traduit par l'apparition d'une différence de potentiel entre ses extrémités, due à l'accumulation des charges déplacées par le champ électrique de l'onde, jusqu'à ce que résulte de cette accumulation un champ électrostatique équilibrant eu chaque point le champ électrique induit. Au contraire, le circuit induit étant fermé, un courant s'y produit dans le sens de la force électromotrice, et l'énergie qu'il représente est empruntée au circuit inducteur par une réaction sur lui du circuit induit, selon le mécanisme qu'on vient d'analyser. En effet, la production du courant induit implique une accélération des particules correspondantes et, par suite, l'émission par celles-ci d'ondes qui créent dans le circuit inducteur un champ électrique induit de sens opposé au courant inducteur. De là une force contre-électromotrice, réaction du circuit induit sur le circuit inducteur par l'intermédiaire de laquelle est empruntée au circuit inducteur
 
(à suivre)
 
Paul LANGEVIN