« Magnétisme et théorie des électrons » : différence entre les versions

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f = K/(r^2).
Donc, à moins que la force attractive ne varie rigoureusement en raison inverse du cube de la distance, on aura une variation nulle du rayon de l'orbite et une variation de vitesse angulaire -(H*e)/(2*m) indépendante des conditions du mouvement, vitesse ou rayon, qui est exactement celle fournie par la théorie ordinaire de l'effet Zeeman. On aboutit ainsi à une généralisation possible d'un important théorème de M. Larmor. Cet auteur a montré que les équations du mouvement d'un système d'électrons, supposés tous identiques, conservent en présence d'un champ magnétique la même forme qu'en l'absence de ce champ. Si l'on rapporte maintenant le mouvement à des axes tournant autour de la direction dit champ magnétique avec la vitesse angulaire -(H*e)/(2*m), il en résultera un changement -(H*e)/(4*Pi*m) dans la fréquence des radiations émises par le système dans l'éther fixe, mais seulement si les périodes conservent dans le mouvement par rapport aux axes mobiles, !a valeur qu'elles avaient avant l'établissement du champ magnétique dans le mouvement par rapport à des axes fixes. Ceci aura lieu si les périodes, comme dans le cas d'un système élastique, sont indépendantes des conditions initiales du mouvement; c'est le cas très particulier dans lequel on se place généralement. Mais on vient de constater que le même résultat subsiste ici dans le cas d'une loi d'action quelconque, parce que les forces électriques produites par induction au moment de l'établissement du champ magné-tique modifient les vitesses des électrons de manière qu'elles aient par rapport aux axes mobiles précisé-ment la valeur qu'elles avaient par rapport aux axes fixes, que les conditions initiales, comme la forme des équations différentielles, ne soient pas changées. La configuration du système (ici le rayon de l'orbite) n'est pas modifiée et tourne simplement tout entière autour de la direction du champ magnétique. Les vitesses absolues des électrons sont seules modifiées, et par suite l'intensité des courants particulaires, mais non leur forme. L'absence de modification dans la forme de l'orbite
Donc, à moins que la force attractive ne varie rigoureusement en raison inverse du cube de la distance, on aura une variation nulle du rayon de l'orbite et une variation de vitesse angulaire -(H*e)/(2*m) indépendante des conditions
conduit à assimiler les courants particulaires à des courants indéformables où l'intensité seule peut changer et de résistance nulle si l'on néglige le très faible amortissement dû à la radiation qu'implique l'accélération centrale nécessaire pour maintenir l'électron sur son orbite. Cette cause d'amortissement, si elle est sensible, est probablement compensée par le rayonnement qui vient de l'extérieur, dans le cas tout au moins où la molécule est en équilibre thermique avec le milieu. De plus, si l'on admet que l'inertie des électrons est tout entière électromagnétique, la force vive de ceux-ci n'est autre chose que l'énergie de self-induction du circuit, et les échanges d'énergie avec l'extérieur correspondent simplement aux changements de cette énergie. Cette self-induction est relativement énorme, puisque les variations d'intensité du courant particulaire sont toujours très faibles dans les champs les plus 'intenses. Elle aurait pour valeur, d'après
(17),
 
L = (4*(Pi^2)*(r^2)*m)/(e^2),
 
Or, si l'électron est assimilé à une sphère chargée de rayon a, on a pour sa masse électromagnétique aux faibles vitesses
 
m = 2*(e^2)/(3*a),
 
L = (8*(Pi^2)/3)*((r^2)/a),
 
a étant environ 10^(-13) centimètre. Pour deux circuits semblables dont les normales formeraient des angles Thêta et Thêta' avec la droite qui les joint et dont la distance finie R serait grande par rapport aux dimensions moléculaires, on aurait un coefficient d'induction mutuelle
 
M = [8*(Pi^2)*(r^4)/(R^3)]*[cos(thêta)*cos(thêta') - (1/2)*sin(thêta)*sin(thêta')],
 
c'est-à-dire au maximum
 
M = [8*(Pi^2)*(r^4)/(R^3)],
 
L/M = (R^3)/(a*(r^2)) > 10^(29)*(R^3),
 
r étant, comme nous l'avons vu, inférieur à 10^(-8). C'est dire l'énormité de L par rapport à M.
 
22. Je tiens enfin à insister sur ce fait que le phénomène de Zeeman est un des aspects de la modification diamagnétique. La possibilité que la propriété diamagnétique, comme l'effet Zeeman lui-même, soit une propriété générale de la matière, masquée simplement par le paramagnétisme ultérieur quand celui-ci existe, et dû à une cause profondément différente, ressort clairement de ce qui vient d'être dit. Cette possibilité avait été envisagée déjà par M. Curie, comme conséquence de son travail sur les variations du magnétisme avec la température. La généralité du phénomène de Zeeman fournirait ainsi une preuve indirecte de la généralité des phénomènes de diamagnétisme. En particulier, le diamagnétisme du fer, si fortement magnétique au total, se trouve démontré par ce fait que certaines raies du fer présentent le phénomène de Zeeman.
 
V. — L'ÉNERGIE MAGNÉTIQUE.
 
23. Cherchons à calculer la dépense d'énergie nécessaire pour produire la modification diamagnétique en nous plaçant par exemple dans le cas d'une molécule immobile pendant l'établissement du champ magnétique H. La force magnétique, perpendiculaire au déplacement, ne donne aucun travail; la force électrique Ex, Ey, Ez, donne pour un déplacement dx, dy, dz sur l'orbite le travail
 
e*(Ex*dx + Ey*dy + Ez*dz).
 
Pendant la durée tau d'une révolution, de l'ordre de 10^(-12) seconde, extrêmement courte par rapport à la durée d'établissement du champ par création de courants ou déplacement d'aimants, Ex, Ey, Ez, ne varieront pas sensiblement, et l'on pourra calculer le travail effectué tout le long de l'orbite par application du théorème de Stokes,
 
e*sum(Ex*dx + Ey*dy + Ez*dz) = e*sum(Sigma(gamma*(d(Ey)/dx - d(Ex)/dy)*dS,
 
la seconde intégrale étant étendue à toute la surface de l'orbite, gamma étant le cosinus directeur par rapport à l'axe des z de la normale à l'élément dS' d'une surface limitée par l'orbite. La condition de lenteur dans l'établissement du champ, toujours réalisée d'ailleurs dans les mesures de constantes magnétiques, devient superflue si l'on envisage simultanément un grand nombre de molécules où se trouvent des électrons occupant au même instant toutes les positions possibles sur les orbites correspondantes. L'équation d'induction (1)' donne pour le travail effectué pendant le temps tau d'une période, S étant la projection de l'orbite sur un plan normal à dH/dt:
 
-e*S*dH/dt,
 
Pendant le temps dt,
 
-[(e*S)/tau]*[dH/dt]*dt = -M*dH,
 
et pendant toute la durée d'établissement du champ
 
(9) W = -sum(((e*S)/tau)*dH) = -sum(M*dH),
 
si M est le moment magnétique du courant particulaire dans la direction dH. Ce travail, fourni pendant la création du champ H par le courant qui l'établit ou par l'aimant qu'on déplace, se transforme en énergie cinétique ou potentielle de l'électron qui produit le courant particulaire. Il représente l'énergie potentielle relative du courant particulaire et du champ H. Cette transmission d'énergie au courant particulaire est corrélative de la modification diamagnétique; ce sont là deux faces du même phénomène.
 
24. Si le moment magnétique initial du courant particulaire est M(0) en l'absence de champ extérieur, il devient, en présence du champ H,
 
M(0) + delta(M) = M(0) - [(e^2)*(r^2)(barre)/(4*m)]*H,
 
d'où
 
W = M(0)*H - [(e^2)*(r^2)(barre)/(8*m)]*(H^2),
 
Et pour la molécule tout entière de moment résultant M
 
W = M*H - (H^2)*Sigma[(e^2)*(r^2)(barre)/(8*m)].
 
Si les électrons négatifs jouent seuls un rôle important
 
W = M*H - ((e/m)^2)*(I/8)*(H^2),
 
I étant le moment d'inertie des électrons négatifs contenus dans la molécule, pris par rapport à un axe central parallèle au champ. Si le corps est purement diamagnétique, M est nul et l'on a simplement
 
W = -((e/m)^2)*(I/8)*(H^2),
 
c'est l'énergie mise en jeu dans le phénomène diamagnétique pur, qui se superpose toujours à celle que nous allons envisager maintenant dans le cas où le corps est paramagnétique, mais reste toujours faible par rapport à cette dernière.
 
25. Dans l'expression de l'énergie potentielle relative d'un courant particulaire et d'un champ extérieur on peut donc, en première approximation, lorsqu'il ne s'agit pas de corps purement diamagnétiques, considérer M comme constant et écrire
 
W = -MH.
 
Cette quantité, produit géométrique pris en signe contraire des deux vecteurs qui représentent le moment magnétique du courant particulaire et le champ extérieur, mesure l'énergie emmagasinée pendant l'établissement du champ sous forme d'énergie potentielle et cinétique de l'électron dont le mouvement produit le courant particulaire.
 
26. Cette énergie doit être restituée au moment où, par un procédé quelconque, suppression du champ ou déplacement de la molécule, on fait disparaître le champ extérieur qui traverse le courant particulaire. Quand la modification diamagnétique résulte non plus de l'établissement du champ H, mais d'un déplacement de la molécule par rotation ou translation, le travail -MH n'est plus fourni au courant particulaire par le champ extérieur puisque la force électromagnétique sur l'électron en mouvement est normale à la vitesse, niais par l'énergie cinétique du mouvement d'ensemble de la molécule, rotation ou translation, c'est-à-dire par l'énergie d'agitation thermique si la molécule appartient à un gaz et n'est solidaire d'aucune autre, ou par l'intermédiaire des actions mutuelles entre molécules, c'est-à-dire par le travail des forces extérieures qui produisent le déplacement, dans le cas des aimants par exemple, aucune autre source d'énergie n'étant présente. Le calcul direct justifie d'ailleurs cette prévision dans tous les cas.
 
27. On sait que, dans le cas d'induction par déplacement relatif de deux courants indéformables d'intensités i et i' et d'induction mutuelle M, les deux courants fournissent chacun par l'intermédiaire des forces électromotrices induites la même énergie i*(i')*dM ou encore reçoivent -i*(i')*dM. L'une de ces moitiés est empruntée à la cause qui produit, le déplacement (travail i*(i')*dM des forces électromagnétiques) et l'autre provient de la diminution d'énergie de volume emmagasinée dans le champ magnétique total. Ceci est vrai aussi bien des courants ordinaires maintenus par des piles que des courants particulaires, et l'on n'est pas plus en droit de considérer comme nulle l'énergie potentielle relative d'un courant et d'un aimant que celle de deux courants, puisque dans tous les cas chacun des deux systèmes absorbe par l'intermédiaire du phénomène d'induction une énergie -i*(i')*dM égale au travail mécanique des forces qui produisent le déplacement, et qu'on peut se servir dans tous les cas de cette égalité pour calculer la force électromotrice induite. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'autre système, courant ou aimant, absorbe une énergie égale provenant du champ magnétique total. Dons le cas d'un courant ordinaire cette énergie modifie la pile et dans le cas d'un aimant elle augmente l'énergie cinétique ou potentielle des électrons en mouvement dans les courants particulaires.
 
28. Les considérations précédentes s'éclairciront par l'examen de quelques cas particuliers. J'appellerai aimant un système permanent de courants particulaires rigidement liés les uns aux autres, incapables d'autres déplacements qu'un mouvement d'ensemble, et par conséquent de moment magnétique total invariable, à la modification diamagnétique près. J'appellerai milieu magnétique un système de molécules possédant chacune un moment résultant non nul, et capables de s'orienter individuellement sous l'action d'un champ extérieur. Les aimants réels participent h la fois des deux propriétés précédentes que je distingue pour la clarté de ce qui va suivre.
 
29. Aimant et circuit fixes. — Quand on fait varier l'intensité du courant dans une bobine fixe par rapport à un aimant, le moment magnétique des courants particulaires qui constituent celui-ci reste pratiquement invariable, et la bobine n'est le siège d'aucun autre phénomène d'induction que son induction propre. Le courant i qui la traverse doit donc fournir pour s'établir l'énergie (1/2)*L*(i^2) qui, en l'absence de l'aimant, serait consacrée tout entière à la production du champ magnétique qui accompagne le courant. Mais les courants particulaires de l'aimant ont été, pendant la création du courant qui a produit le champ H à travers eux, le siège d'un phénomène d'induction qui les a modifiés diamagnétiquement en leur fournissant, comme on l'a vu plus haut, l'énergie
 
W = -MH,
 
employée à accroître l'énergie cinétique et potentielle des électrons. Le champ magnétique total dû à l'aimant et au courant, au lieu d'augmenter de (1/2)*L*(i^2) au moment de l'établissement du courant, a augmenté seulement de (1/2)*L*(i^2) - W. La portion W du travail (1/2)*L*(i^2) fourni par la bobine a été transmise, comme nous l'avons vu, aux courants particulaires par les forces électromotrices induites au moment de la variation du champ H. Par le même mécanisme cette énergie sera restituée quand on coupera le circuit et l'étincelle de rupture correspondra à toute l'énergie (1/2)*L*(i^2). Le phénomène d'induction dans la bobine n'est modifié en aucune manière par la présence de l'aimant; seulement la forme sous laquelle est emmagasinée l'énergie (1/2)*L*(i^2) se montre différente. Il est facile de voir, par application de ce que j'ai dit à propos de l'inertie électromagnétique (18), comment la conception précédente peut se modifier légèrement.
 
30. Dans cette hypothèse, et en nous restreignant au cas d'orbites circulaires pour lesquelles, comme nous l'avons vu, le rayon n'est pas changé pendant la modification diamagnétique, l'énergie dW accumulée dans les courants particulaires pendant que cette modification se produit, prend uniquement la forme d'énergie de self-induction du courant particulaire. Dans le cas envisagé plus haut, l'énergie W cédée par le champ magnétique à l'aimant garderait par conséquent dans les courants particulaires la forme de champ magnétique, et l'énergie de self-induction du circuit (1/2)*L*(i^2) aurait tout entière encore, comme en l'absence de l'aimant, la forme magnétique. Sa répartition seulement serait changée puisque la portion W passerait dans l'énergie de self-induction des courants particulaires. On pourra faire des remarques analogues dans les autres cas d'induction étudiés.
 
31. Aimant mobile et courant constant. — Si l'on déplace l'aimant par rapport au circuit supposé traversé par un courant constant, l'accroissement d'énergie dW = -d(MH) emmagasinée dans les courants particulaires doit être fourni, ainsi que je l'ai dit (puisque H ne varie plus et qu'aucun champ électrique ne résulte plus de sa variation) par les forces qui produisent le déplacement relatif. D'autre part, le circuit est le siège d'un phénomène d'induction qui, d'après (27), lui fournit une énergie égale à la précédente provenant du champ magnétique total dont l'énergie (1/2)*L*(i^2) - W diminue aussi de dW.
 
32. Deux aimants mobiles. — Ce cas est analogue au précédent à ceci prés que cette dernière énergie dW au lieu d'être fournie à la pile qui produit le courant est fournie aux électrons de l'aimant qui remplace le circuit. On voit donc que, dans le déplacement relatif de deux aimants, leurs courants particulaires sont modifiés de telle manière que les électrons qui les constituent reçoivent la lente énergie dW pour les deux aimants. Une moitié dW est fournie par le travail des forces qui déplacent les aimants, l'autre moitié dW vient de la diminution d'énergie du champ magnétique total. Inversement quand les aimants s'attirent ils fournissent du travail, l'énergie magnétique du champ total augmente de la même quantité, toute cette énergie étant fournie par moitié par les deux aimants à cause de la modification que subissent leurs courants particulaires, l'énergie potentielle et cinétique des électrons qui produisent ces courants diminuant de la même quantité dans les deux aimants.
 
33. Aimantation par circuit fixe. — Si l'on aimante un milieu magnétique comme un barreau de fer doux par un courant d'intensité variable, les courants particulaires se déplacent sous l'action du champ H en même temps que celui-ci varie. W augmente de
 
dW = -d(MH) = -M*dH - H*dM.
 
La première partie -M*dH est fournie comme dans le cas de l'aimant par le champ électrique résultant de la variation de H et ne correspond à aucun phénomène d'induction dans le circuit. L'autre partie -H*dM, résultant du déplacement individuel des molécules dans le champ magnétique est fournie pendant le réarrangement qui suit l'établissement du champ par leur énergie cinétique moyenne ou par leurs actions mutuelles si le milieu magnétique n'est pas gazeux. Si l'aimantation parcourt un cycle fermé qui ramène les molécules dans la même position relative, l'énergie totale -sum(H*dM) n'a pu provenir que de l'agitation thermique, c'est-à-dire que le milieu a fourni une quantité de chaleur équivalente -sum(H*dM) ou a reçu +sum(H*dM), conformément à la loi connue du phénomène d'hystérésis. En même temps d'ailleurs, le déplacement relatif des molécules et du circuit a produit dans celui-ci un phénomène d'induction qui, d'après la loi générale, a mis en jeu la même énergie -H*dM de part et d'autre. La source qui fournit le courant a donc reçu -H*dM provenant de la diminution d'énergie magnétique du champ par suite du déplacement, c'est-à-dire que le long d'un cycle fermé d'aimantation elle fournit
 
+sum(H*dM),
 
c'est-à-dire l'équivalent de la chaleur dégagée dans le milieu. Dans un gaz magnétique cette chaleur est dégagée à mesure qu'elle est fournie, tandis que dans les autres milieux il n'y a équivalence que pour un cycle fermé. Nous suivons de la sorte à chaque instant l'énergie mise en jeu. On voit surtout clairement le rôle différent joué par les deux portions M*dH et H*dM. La première est fournie instantanément par le champ magnétique au moment de son accroissement. La deuxième partie est fournie par l'énergie cinétique ou potentielle d'ensemble des molécules et ne correspond à une variation de température moyenne qu'après le réarrangement nécessité par l'équilibre thermique.
 
34. Aimantation par déplacement d'un courant. — Supposons qu'on aimante le milieu magnétique en le déplaçant par rapport au circuit parcouru par un courant constant. La portion -H*dM est toujours fournie par l'énergie des molécules du milieu magnétique et la portion -M*dH par les forces qui produisent le déplacement relatif d'ensemble du milieu magnétique et du circuit. En même temps ce dernier est le siège d'un phénomène d'induction qui lui fournit -d(MH), c'est-à-dire une différentielle exacte, de sorte que si l'on fait parcourir au système un cycle fermé de déplacements ramenant à la position initiale, la pile qui produit le courant n'a rien dépensé et la chaleur d'hystérésis sum(H*dM) est égale à l'énergie -sum(M*dH) fournie par les forces qui ont produit le déplacement, puisque le système étant revenu à l'état initial on a :
 
sum(d(MH)) = 0 ou sum(H*dM) = - sum(M*dH).
 
35. Aimantation par déplacement d'un aimant. — Ce dernier cas est analogue au précédent à ceci près que le phénomène d'induction produit sur les courants particulaires qui constituent l'aimant, pendant le déplacement relatif, laisse après un cycle fermé l'aimant dans son état initial comme il laissait la pile qui produit le courant; Mais pendant le déplacement, les courants particulaires ont été le siège de modifications parcourant aussi un cycle fermé. J'ai donné ces quelques indications pour montrer combien les considérations précédentes permettent de préciser le mécanisme des actions mutuelles de courants et d'aimants.
 
36. Toutes les représentations établies précédemment pour les phénomènes magnétiques et diamagnétiques, y compris les échanges d'énergie, se réduisent, dans l'hypothèse où l'inertie est tout entière électromagnétique, au simple énoncé suivant : Dans leurs actions magnétiques, les courants particulaires se comportent à tous les points de vue comme des circuits indéformables, mais mobiles, de résistance nulle et d'énorme self-induction. On a le droit d'appliquer à ces circuits les lois de l'induction sous leur forme la plus simple, et l'on obtient ainsi une représentation complète de toits les faits du magnétisme et du diamagnétisme. En première approximation, les molécules sont formées par un ensemble rigide de semblables circuits pouvant avoir ou non un moment résultant différent de zéro.
 
VI. — LE PARAMAGNÉTISME ET LA LOI DE M. CURIE.
 
37. Considérons un corps faiblement magnétique à l'état gazeux, comme l'oxygène, par exemple, ses molécules ayant un moment magnétique non nul M et se déplaçant dans un champ magnétique uniforme H. Je me propose de calculer quelle sera sous l'influence d'orientation du champ H l'aimantation prise par le corps, c'est-à-dire le moment magnétique résultant des molécules contenues dans l'unité de volume après le réarrangement dont j'ai parlé plus haut (16). Si le moment magnétique d'une molécule, sensiblement invariable quand celle-ci se déplace, fait avec la direction du champ l'angle alpha, la molécule possède une énergie potentielle par rapport au champ égale au produit géométrique du moment et du champ supposés comptés ici en grandeur absolue, égale par jolie à
 
-MH*cos(alpha).
 
L'accroissement de cette énergie potentielle est emprunté initialement à l'énergie cinétique de rotation des molécules, exactement comme l'énergie potentielle de gravitation des molécules d'un gaz pesant est empruntée quand elles s'élèvent à leur énergie cinétique de translation; mais, comme nous l'avons vu, les inégalités qui en résultent dans la répartition de l'énergie cinétique entre les différentes orientations et les différents degrés de liberté du mouvement d'ensemble des molécules (rotation et translation) ne sont pas compatibles avec l'équilibre thermique, H en résulte au moment des chocs le réarrangement pendant lequel apparats la polarité paramagnétique, et qui fait correspondre à une variation de la température moyenne du milieu l'emprunt d'énergie magnétique à l'énergie d'agitation, égal d'après (33) à
 
-H*dM.
 
Si les molécules n'ont pas d'énergie potentielle relative d'orientation, comme dans le cas d'un gaz et vraisemblablement d'un liquide, pour maintenir le milieu à température constante, il faudra lui fournir, sous forme de chaleur, à chaque instant l'énergie -H*dM. Dans le cas d'un solide où les molécules ont une énergie potentielle d'orientation, cette chaleur ne sera fournie au total que dans le cas d'un cycle fermé (33). Dans le premier cas, les principes de la Thermodynamique permettent de retrouver en partant de ce dégagement de chaleur la loi établie expérimentalement par M. Curie. En effet, le moment magnétique M pris sous l'action du champ H sera, pour une masse donnée de substance, une fonction du champ H et de la température absolue T. Pendant une modification réversible dH, dT, on devra, d'après ce qui vient d'être dit, enlever une quantité de chaleur dont la portion qui dépend de H est
 
dQ = H*((dM/dH)*dH + (dM/dT)*dT).
 
En écrivant que dQ/T est une différentielle exacte, on obtient
 
H*(dM/dH) + T*(dM/dT) = 0,
 
équation aux dérivées partielles dont l'intégrale générale est
 
M = f(H/T).
 
En particulier, au début de l'aimantation où la susceptibilité peut être considérée comme constante à une même température,
 
M = k*H.
 
Il faut, pour que M soit de la forme trouvée, que k varie en raison inverse de la température absolue, conformément à la loi de M. Curie. La thermodynamique ne permet pas de trouver la forme de la fonction f. Nous allons y parvenir en étudiant, an point de vue de la Théorie cinétique des gaz, ce que doit être la répartition des molécules entre les diverses orientations à température uniforme, c'est-à-dire après le réarrangement thermique. Poursuivant l'analogie signalée plus haut entre le cas des molécules pesantes voisines de la Terre, et le cas des molécules aimantées placées dans un champ magnétique, nous pouvons remarquer que dans le cas d'un gaz qui tombe, analogue au cas d'un gaz ou l'on crée un champ magnétique, l'accélération de la pesanteur se fait sentir sur la composante verticale des vitesses moléculaires et qu'il en résulte une inégalité de répartition des vitesses incompatible avec l'équilibre thermique. D'où un réarrangement analogue à celui qui donne lieu au paramagnétisme et pendant lequel la température moyenne du gaz s'élève; pour le maintenir à température constante, il faudra lui enlever une quantité de chaleur équivalente (à volume constant) à la diminution d'énergie potentielle de gravitation. Imaginons une niasse de gaz contenue dans un récipient fermé et soustraite à l'action de la pesanteur : les molécules se répartiront de manière que la densité du gaz soit la même en tous points, de même qu'en l'absence d'un champ magnétique extérieur les molécules d'un gaz magnétique tel que l'oxygène ont leurs axes répartis uniformément dans toutes les directions. Si l'on vient à créer le champ de gravitation, les molécules prendront une accélération dirigée vers le bas et, en l'absence de chocs mutuels, chaque molécule aura une vitesse plus grande en bas qu'en haut du récipient; mais cette inégalité de vitesses est incompatible avec l'équilibre thermique, et un réarrangement aura lieu grâce aux chocs mutuels, à la suite duquel s'établit la répartition donnée par la formule du nivellement barométrique : le centre de gravité s'est abaissé et, pour maintenir le gaz à la température initiale, il faut lui enlever une quantité de chaleur équivalente au produit du poids du gaz par cet abaissement du centre de gravité. On déduirait d'un raisonnement thermodynamique analogue à celui qui précède, que cet abaissement du centre de gravité est inversement proportionnel à la température absolue. Après le réarrangement, dans une masse de gaz à température uniforme, la répartition des molécules se fait entre les diverses régions de manière que les molécules soient plus nombreuses là où l'énergie potentielle est la plus faible, c'est-à-dire aux points les plus bas dans le cas de la pesanteur. La loi suivant laquelle se fait cette répartition est la généralisation donnée par M. Boltzmann de la loi du nivellement barométrique. Le rapport des densités du gaz en deux points entre lesquels l'énergie potentielle d'une molécule varie de W est
 
exp(W/(r*T)),
 
e est la base des logarithmes népériens, T la température absolue du gaz et r la constante de l'équation des gaz parfaits rapportée à une molécule, constante telle, d'après la théorie cinétique, que (r*T) représente les 2/3 de l'énergie cinétique moyenne de translation, c'est-à-dire le double de l'énergie cinétique correspondant à chacun des trois degrés de liberté de cette translation. Or on sait qu'une molécule comme celle de l'oxygène possède en outre deux degrés de liberté pour la rotation, comme l'indique la valeur de C/c à chacun de ces degrés de liberté correspondant une énergie cinétique moyenne égale aussi à (r*T)/2 , donc égale à (r*T) pour toute la rotation. La répartition des molécules entre les diverses orientations sera déterminée par l'équilibre statique qui s'établira sous l'influence superposée de l'énergie potentielle magnétique -M*H*cos(alpha) et de l'énergie (r*T) d'agitation thermique, les molécules étant de préférence orientées dans les directions de moindre énergie potentielle, c'est-à-dire avec leur axe magnétique vers la direction du champ. Si l'on répartit les axes magnétiques entre les diverses directions, la densité par unité d'angle solide variera d'une direction à l'autre proportionnellement à
 
exp((M*H*cos(alpha))/(r*T)),
 
toutes les directions étant également probables si M ou H sont nuls. Le nombre des molécules dont l'axe magnétique est dirigé dans l'angle solide d(omega) sera par suite
 
dn = K*exp((M*H*cos(alpha))/(r*T))*d(omega).
 
Prenons pour élément d(omega) une zone d'ouverture d(alpha) autour de la direction du champ
 
d(omega) = 2*Pi*sin(alpha)*d(alpha),
 
alpha variant de 0 à Pi.
Si N est le nombre total des molécules, K est déterminé; on doit avoir en effet, en posant
 
(M*H)/(r*T) = a,
 
N = 2*Pi*K*sum(0...Pi)(exp(a*cos(alpha))*sin(alpha)*d(alpha) = 2*Pi*K*sum(-1...1)(exp(a*x)*dx),
 
N = [(2*Pi*K)/a]*[exp(a) - exp(-a)],
 
ou
 
K = (N*a)/(4*Pi*sh(a)).
 
Le moment magnétique total des N molécules est évidemment dirigé parallèlement au champ et est égal à la somme des projections sur cette direction des moments composants. Pour l'unité de volume supposée contenir N molécules, ce moment résultant représente l'intensité d'aimantation I :
 
I = sum(M*cos(alpha)*dn) = sum(-1...1)(2*Pi*M*K*x*exp(a*x)*dx.
 
Or
 
sum(-1...1)(x*exp(a*x)*dx) = 2*((ch(a))/a - (sh(a))/(a^2)),
 
d'où
 
I = MN*((ch(a))/(sh(a)) - 1/a).
 
Pour un nombre donné de molécules, une masse donnée du gaz, I est donc bien fonction seulement de a, c'est-à-dire de H/T conformément au résultat fourni par la Thermodynamique.
 
38. L'expression entre parenthèses est nulle en même temps que a, proportionnel à H, et tend vers l'unité quand a augmente indéfiniment, l'intensité d'aimantation tendant alors vers la valeur maximum I(0) = MN qui correspond à la saturation, à l'orientation parallèle au champ de tous les aimants moléculaires. Pour atteindre une fraction donnée de la saturation, c'est-à-dire pour donner à a une valeur déterminée, il faudra une intensité de champ H proportionnelle à la température absolue d'après la définition de a. La courbe d'aimantation d'un gaz magnétique à température constante, représentant I/(I(0)) en fonction de a, c'est-à-dire de H, serait donc représentée par la fonction
 
I/(I(0)) = (ch(a))/(sh(a)) - 1/a = f(H/T).
 
On voit que la susceptibilité magnétique ne sera constante et I ne pourra être proportionnel à H que pour des valeurs de a notablement inférieures à l'unité. L'absence dans cette courbe du point d'inflexion qui existe dans la courbe d'aimantation du fer tient à l'absence d'actions mutuelles entre les molécules. Utilisant les développements en série connus du cosinus et du sinus hyperboliques, on obtient en se limitant aux termes du premier degré par rapport à la quantité a, petite tant qu'on est loin de la saturation,
 
I = (MN/3)*a = [((M^2)*N)/(3*r*T)]*H,
 
correspondant à une susceptibilité magnétique
 
k = [((M^2)*N)/(3*r*T)],
 
inversement proportionnelle a la température absolue, comme le veut la loi obtenue expérimentalement par M. Curie. La théorie précédente et ce dernier résultat subsisteraient, conformément au résultat thermodynamique, dans le cas d'un milieu faiblement magnétique autre qu'un gaz polyatomique comme l'oxygène où l'énergie de rotation des molécules est connue en fonction de la température. Dans tous les cas, il suffit que cette énergie de rotation soit proportionnelle à la température absolue pour que la théorie subsiste. Le coefficient r seul devra être modifié. Toutes les substances magnétiques assez peu denses pour que les actions mutuelles entre molécules soient négligeables, comme les solutions étendues de sels ferriques, par exemple, devront avoir des courbes d'aimantation exactement semblables. Nous allons voir qu'il faudrait des champs extrêmement intenses pour atteindre, dans le cas des gaz, la région nettement incurvée de cette courbe.
 
39. Si toutes les molécules étaient orientées parallèlement, si le corps était aimanté à saturation, l'intensité d'aimantation serait
 
I(0) = MN;
 
(à suivre)
 
Paul LangevinLANGEVIN
 
Source: Annales de Chimie et de Physique