« Un capitaine de quinze ans/II/15 » : différence entre les versions

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À quelle planche de salut un malheureux ne se raccroche-t-il pas ! Quelle lueur d’espoir, si vague qu’elle soit, les yeux du condamné ne cherchent-ils pas à surprendre !
 
Il en avait été ainsi de Mrs. Weldon, et l’on comprendra ce qu’elle dut éprouver, lorsqu’elle apprit, de la bouche même d’Alvez, que le docteur Livingstone venait de succomber dans un petit village du Bangouéolo. Il lui sembla qu’elle était plus isolée que jamais, qu’une sorte de lien qui la rattachait au voyageur, et avec lui au monde civilisé, venait de se rompre. La planche de salut fuyait sous sa main, la lueur d’espoir s’éteignait à ses yeux. Tom et ses compagnons avaitavaient quitté Kazonndé pour la région des lacs. D’Hercule, pas la moindre nouvelle. Mrs. Weldon ne pouvait décidément compter sur personne... il lui fallait donc en revenir à la proposition de Negoro, en essayant de l’amender et d’en assurer le résultat définitif. Le 14 juin, au jour fixé par lui, Negoro se présentait à la hutte de Mrs. Weldon.
 
Le Portugais fut, comme toujours, ainsi qu’il le disait, parfaitement pratique. Il n’eut rien à céder d’ailleurs sur l’importance de la rançon que sa prisonnière ne discuta même pas. Mais Mrs. Weldon se montra très pratique aussi en lui disant :
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« Si vous voulez faire une affaire, ne la rendez pas impossible par des conditions inacceptables. L’échange de notre liberté contre la somme que vous exigez peut s’obtenir sans que mon mari vienne dans un pays où vous voyez ce qu’on peut faire d’un blanc ! Or, à aucun prix je ne veux qu’il y vienne ! »
 
Après quelque hésitation, Negoro se rendit, et Mrs. Weldon finit paspar obtenir que James Weldon ne s’aventurerait pas jusqu’à Kazonndé. Un navire le déposerait à Mossamédès, petit port de la côte au sud de l’Angola, ordinairement fréquenté par les négriers et très connu de Negoro. C’est là que le Portugais amènerait James W. Weldon, et, à une époque déterminée, les agents d’Alvez y conduiraient Mrs. Weldon, Jack et le cousin Bénédict. La somme serait versée à ces agents contre la remise des prisonniers, et Negoro, qui aurait joué vis-à-vis de James Weldon le rôle d’un parfait honnête homme, disparaîtrait à l’arrivée du navire. C’était un point très important qu’avait obtenu Mrs. Weldon. Elle évitait à son mari les dangers d’un voyage à Kazonndé, les risques d’y être retenu, après avoir versé la rançon exigée, ou les périls du retour. Quant aux six cents milles qui séparaient Kazonndé de Mossamédès, à les faire dans les conditions où elle avait voyagé en quittant la Coanza, Mrs. Weldon ne devait redouter qu’un peu de fatigue, et d’ailleurs, l’intérêt d’Alvez, – car il était dans l’affaire, – voulait que les prisonniers arrivassent sains et saufs.
 
Les choses ainsi convenues, Mrs. Weldon écrivit à son mari dans ce sens, laissant provisoirement à Negoro le soin de se poser en serviteur dévoué, qui avait pu échapper aux indigènes. Negoro prit la lettre, qui ne permettait pas à James Weldon d’hésiter à le suivre jusqu’à Mossamédès, et, le lendemain, escorté d’une vingtaine de noirs, il remontait vers le nord. Pourquoi prenait-il cette direction ? Negoro avait-il donc l’intention d’aller s’embarquer sur un des navires qui fréquentent les bouches du Congo et d’éviter par là les stations portugaises, ainsi que les pénitenciers dont il avait été l’hôte involontaire ? C’est probable. Ce fut, du moins, la raison qu’il donna à Alvez.
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« Moi, à sa place, je descendrais », pensait le digne savant.
 
Ce qui est plus vrai, c’est qu’à la place du cousin Bénédict, tout autre se fût appliqué une violente claque sur le front, afin d’écraser l’agaçant insecte, ou tout au moins de le mettre en fuite. Sentir six pattes se démener sur sa peau, sans parler de la crainte d’être piqué, et ne pas faire un geste, on conviendra que c’était tout bonnement de l’héroïsme. Le Spartiate se laissant dévorer la poitrine par un renard, le Romain gardant entre ses doigts des charbons ardents, n’étaient pas plus maîtres d’eux-mêmes que Cousincousin Bénédict, qui descendait incontestablement de ces deux héros.
 
L’insecte, après vingt petits circuits, arriva au sommet du nez. Il y eut là un instant d’hésitation qui fit affluer à son cœur tout le sang de cousin Bénédict,. L’hexapode remonterait-il au-delà de la ligne des yeux ou descendrait-il au-dessous ?
 
Il descendit. Cousin Bénédict sentit ses pattes velues se développer vers les bases de son nez. L’insecte ne prit ni à droite ni à gauche. Il demeura entre les deux ailes frémissantes, sur l’arête légèrement busquée de ce nez de savant, si bien disposé pour porter des lunettes. Il franchit le petit creux produit par l’usage incessant de cet instrument d’optique qui manquait tant au pauvre cousin, et il s’arrêta à l’extrémité même de son appendice nasal.