« Insoumission à l’école obligatoire/8 » : différence entre les versions

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==Contre l’assujetissement du sexe mineur==
 
L’amour a raison. Le temps qu’on lui consacre est le seul qu’on ne
perde pas. La vie et la mort lui sont relatives.
Il est question ici du temps, de notre quatrième dimension. Tu vois
comme filent les années. La jeunesse ravissante s’évanouit comme un
charme. Je n’ignore pas que ce discours est démodé ni qu’il sied de ne
prendre du mot « jeunesse » que ses qualités abstraites, au demeurant
aimables à tout âge. Je n’ai que faire de ces convenances de rat. Je ne
parle de la jeunesse, comme de l’enfance, que du simple point de vue
physique et n’en connais pas d’autre. Je dis qu’indéniablement la chair n’est
pas toujours aussi subtile qu’en ses jeunes années, que les mouvements
perdent peu à peu leur grâce étrange et que la beauté ensuite n’est plus
qu’elle-même.
Alors, Marie, comment aurais-je eu la cruauté de te cloîtrer tant et
tant d’heures au long de tant et tant d’années, au si joli matin de ta vie ?
Aime, joue, nage, cours, patine, danse. Un temps viendra peut-être
pour t’asseoir à une table et étudier. Plus tard.
En tes grandes vacances, jouis de chaque saison, sois libre à toi-même,
à tes amies et amis. Il est si délicieux d’avoir tout le temps. Petite fille,
prends-le afin qu’il ne te prenne et sois disponible aux passions.
Que ce soit l’amour d’une chose ou d’un être, qu’il soit unique ou
multiple, il exige toujours du temps. Le temps scolaire dévore la liberté
d’aimer. Tombe-t-on amoureux que les notes en pâtissent. Ils sont bien
petits ceux qui lors savent s’organiser pour ne pas faire baisser la
moyenne.
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Certes il est possible d’aimer avec sa seule tête. C’est bien un peu
dommage. L’amour en sa gloire fait pétiller le sang et l’eau de notre
corps, bouleverse notre sexe et nous brûle de toutes ses laves. En son
vertige, il nous rougit, nous pâlit, nous vrille. L’amour en sa lumière nous
accorde l’accord, la vraie vie.
Et cela comme une aspiration vient au monde avec le premier cri. Le
corps veut de l’amour aussitôt qu’il est né.
Et le désir croît et le désir embellit.
Ton corps de petite enfant, si gai, sensuel, tranquille, affectueux, ton
corps, je l’ai aimé comme on aime les corps. Marie, mon amour, je ne
saurai jamais ce que c’est qu’être mère, je sais ce que c’est qu’être ta mère,
cela inclut le désir, mais cela est aussi, sans jamais en faire l’économie,
au-delà du désir.
Cependant, tu le sais bien, mon enfant lectrice, le désir est très loin
de ce qu’on croit. Je me tais. Tu as toujours été pudique et je ne dirai rien
en ce chapitre qui puisse offenser ta délicatesse.
Tu es aujourd’hui une adolescente, le temps est venu d’une certaine
séparation. Tout est bien, ma grande. Nous avons joyeusement, candidement,
profité du corps l’une de l’autre ; d’autres plaisirs nous attendent.
Va, très chère, va. Je t’aime.
L’interdiction qu’on fait aux enfants et adolescents d’avoir une vie
amoureuse et sexuelle est l’une des plus surprenantes qui soient. Que
craint-on ? Qu’ils n’aiment le plaisir ? Qu’étant amoureux ils ne se
soucient plus de se socialiser mais uniquement de s’individualiser,
qu’ainsi ils ne soient plus gouvernables ? Sans doute, sans doute…
Les enfants sont interdits d’amour, entre eux (« à cet âge-là, c’est du
vice ») comme avec les adultes (« ils se font forcément baiser ; la loi
protège leur naïveté »).
Une théorie psychanalytique voudrait que les astucieux pédagogues
profitent d’une période d’abstinence sexuelle pour faire « apprendre » les
enfants. La nature ainsi ferait le lit de la culture.
Peut-être en effet y a-t-il des enfants abstinents et chastes. Que ce
soit « naturel » me semble une tout autre histoire. On peut vouloir la
chasteté pour des raisons excellentes. On peut aussi – qu’on m’arrête si
je dis une bêtise – s’y trouver contraint par la force des choses. La force
des choses, en l’occurrence, c’est la force de la pression sociale exigeant
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le refoulement total de la sexualité de l’enfant. On ne relâche la pression
que lorsque l’enfant a eu le temps de devenir son propre flic. On
remarque à juste titre que souvent l’adolescent est gauche dans son
corps, mal dans sa peau. Je me demande comment il pourrait s’y sentir
bien. Dans Journal d’un éducastreur1, un instituteur rendait compte de la
prétendue période de latence que les scientifiques situent entre l’âge de
cinq ans et la puberté. L’idée extravagante perdure selon laquelle les
marmots disposeraient d’un sexe endormi. Endormi pourquoi et
comment ? Pour mieux aller à l’école, mon enfant ! Et Celma de publier
les rédactions d’enfants écrites sous forme de « textes libres », plus libres
qu’ailleurs sans doute. On en fit des gorges chaudes…
Je ne doute pas que les enfants aient sans doute des tas de choses
aussi intéressantes à faire que l’amour. Ce qui est capital, ce n’est pas la
sexualité, c’est la possibilité d’être soi. Ce qui interdit une part de soi
interdit l’harmonie de l’ensemble.
Officiellement, la majorité sexuelle est fixée à quinze ans, l’émancipation
n’y change rien. Ceux qui oseraient aimer quelqu’un de plus jeune
tomberaient sous le coup de la loi. L’article 331 du Code pénal considère
qu’il y a attentat à la pudeur quand il y a relation sexuelle sans violence
avec un mineur de moins de quinze ans. Mais les adultes ont aussi le
moyen de punir l’amour sans même qu’il y ait eu relation physique.
D’abord par l’article 334-2 qui vise « l’incitation de mineurs à la débauche2
» et surtout par l’article 356 concernant le « détournement de
mineurs » (héberger pour une nuit un mineur de moins de dix-huit ans
constitue en effet un délit).
Le Code pénal, comme toujours, est l’objet d’une surenchère dans
les codes de la bienséance : bien peu de gens oseraient téléphoner à un
petit copain de leur enfant pour sortir seul avec lui au cinéma ou au
restaurant. Ses parents trouveraient louche qu’on s’intéresse à leur
gamin. Un monsieur célibataire viendrait inviter Madame seule que
Monsieur en prendrait le même ombrage. Les parents réagissent en
propriétaires jaloux : « Ciel ! Mon mari ! » a son très exact équivalent
dans : « Ciel ! Papa ! » L’enfant ou l’adolescent surpris en train de faire
l’amour risque, comme la femme adultère, au mieux d’être chassé de
chez lui, au pire d’être tué (les tribunaux seront compréhensifs), plus
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1– Journal d’un éducastreur, Jules Celma, Champ Libre, 1971.
2– J’ai horreur des notes (ça fait: « Je vous dis le dixième de ce que je sais sur la question ;
d’ailleurs, si je voulais, je pourrais développer ceci par exemple…»), mais je ne résiste
pas au plaisir de glisser cette information : le Code parle d’« excitation à la débauche ».
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couramment d’être battu ou (et) de supporter une scène qui durera de
quelques semaines à quelques années.
Je n’ai pas l’intention de te parler plus longtemps des lois ni de ce
qu’il faut en savoir pour les retourner contre l’adversaire. Un guide pour
les dix – dix-huit ans, très bien fait, offre des informations, des astuces,
des idées, mais surtout une intelligente complicité à celles et ceux qui
veulent voir par eux-mêmes avant que d’obéir aux consignes ; Ni vieux
ni maîtres1 ne donne pas l’itinéraire, c’est une carte précise, on en fait ce
qu’on veut.
Libération sexuelle ou pas, demeure l’idée que l’amour corrompt la
jeunesse. Dans l’esprit de plus d’un, le sexe est de l’ordre des saloperies.
Il convient de préserver les enfants des turpitudes adultes. Les humains
« bien élevés » ont connu la honte avant l’amour. Honte de quoi ? Ils ne
savent. Péché originel, subséquemment feuille de vigne. Vieux mythe
passionnant : d’avoir goûté aux fruits de l’arbre de la connaissance fait
que l’homme, devenu rival de Dieu, perd son innocence.
L’enfant ne sait pas, il est donc innocent, décrètent les vieux qui, par
« innocent » entendent « irresponsable et demeuré ». Il faut garder la
jeunesse du vrai savoir (alors on lui donne du savoir « placebo » pour
canaliser ses curiosités) afin qu’elle ne rivalise avec ses aînés que sur des
sujets sans grand intérêt.
Les lois contre l’amour n’ont jamais protégé les jeunes (celles contre
les violences seraient les seules conséquentes si les lois avaient jamais
servi à quoi que ce fût). Elles ne sont qu’une tentative des adultes de
retarder le plus possible le moment où l’enfant découvrira la vérité sur
l’absurdité de l’autorité parentale et sur la fameuse honte, pauvre secret
des corps malheureux ; car celui qui aime d’amour se découvre comme
un être n’ayant de comptes à rendre à personne. Il est libre. Et l’aimé le
délivre de toute honte archaïque.
Mineurs, majeurs, ces distinctions sont scandaleuses. Nous savons
tous très bien qu’il y a les crétins et les autres, et que l’âge jamais n’a
donné plus de cervelle à quelqu’un. Le savant et écrivain allemand
Lichtenberg (1742-1799) que j’ai pris plaisir une fois ou l’autre à citer
est tombé passionnément amoureux d’une petite marchande de fleurs
ambulante. Elle avait douze ans, il l’installa en maîtresse chez lui. Que
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1– Ni vieux ni maîtres, Claude Guillon et Yves Le Bonniec, Alain Moreau, nouvelle
édition, 1984.
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dissertent les censeurs autant que ça leur chante au sujet de « la pression
immonde sur un enfant qu’exerce un adulte amoureux », mais qu’ils laissent
les gosses tranquilles ! Je parie que de tout temps les enfants ont reçu
davantage de raclées pour les punir d’avoir aimé que de raclées d’amants
impatients. C’est quand même le comble, cette protection de la jeunesse
contre les « abus » de pouvoir des adultes par les gens du pouvoir ! Un
rien suspect, non ?
« Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s’éprennent. »
(Arthur Rimbaud, Chanson de la plus haute tour)
Il est délicieux de faire l’amour. Comment serait-il jamais trop tôt ou
trop tard pour en profiter ? Les voluptés sexuelles des années bubble-gum
n’ont rien à envier aux jouissances glorieuses des années « où l’on sait ».
Au contraire, dans la mesure où notre civilisation a choisi l’étroitesse du
génital au mépris du reste. Les enfants, c’est bien connu, font l’amour
sous ses formes multiples avec toute leur chair, toute leur conscience.
C’est cette souveraineté qu’on leur refuse : un petit môme qui jouirait de
la vie par chacun de ses atomes, qui, métaphysicien, ne cesserait de dire
« pourquoi », bref un enfant qu’on n’aurait pas « élevé » serait un danger
absolu pour la société.
Ce n’est pas l’enfant en soi qui est porteur d’une vie différente, mais
l’individu « non élevé ». Car en amour comme en pouvoir, les enfants
peuvent se montrer cruels et sauvages (les enfants en désir de Tamina,
dans Le Livre du rire et de l’oubli de Kundera, la violent, la brutalisent,
l’humilient) et rien ne peut me laisser supposer que des enfants sans
adultes seraient moins brutaux, plus raffinés ou plus aimants que dans
notre société dominée par l’âge dit mûr. Qu’on imagine une société
d’enfants et, comme dans Sa majesté des mouches de William Golding,
on ne peut que réinventer les abominations de notre monde (pas en pire
d’ailleurs – contrairement à ce que disent les langues blettes – mais tout
à fait semblables).
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Dans les lieux où adultes et enfants ont tenté de vivre une autre vie,
fondée sur le refus des autorités (qu’elles vinssent des petits ou des
grands), l’amour a forcément été au centre de la théorie et de la pratique.
Que n’a-t-on dégoisé là-dessus ! « On savait déjà que ça n’était pas bien
sérieux, mais si, en plus, c’est pervers et polymorphe!…» écrivait Jules
Chancel, railleur devant toute la littérature consacrée aux anti-écoles.
Faux problème que celui de la pédophilie, dès lors qu’on se refuse à
distinguer ce que serait une majorité sexuelle et qu’on estime donc tous
les enfants « assez grands » pour savoir avec qui ils ont envie d’avoir des
relations. Faux problème mais vraies tracasseries. Bien des lieux de
remise en question des rapports adultes-enfants se sont cassé la figure
et en tout cas la tête là-dessus. Non parce que ces espaces seraient une
« réserve d’enfants » bien tentante pour les pédophiles, mais parce que
des gens qui veulent soustraire les enfants à l’école ne peuvent penser
qu’en termes d’amour et de liberté.
La question de savoir si des pédophiles profitent de ces lieux parce
que les parents sont supposés « cool » mais surtout parce que des
mômes à qui on fout une certaine paix sont alertes, beaux, perspicaces,
bref qu’ils ont du charme, ne me semble pas un sujet de réflexion fort
passionnant. Profiter de cette aubaine n’est, a priori, pas plus ni moins
répugnant que profiter, quand on est prof, de la curiosité intellectuelle
des mômes pour leur faire ingurgiter n’importe quoi. Selon les degrés de
la filouterie et de la complicité des filoutés, les choses sont légères ou
lourdingues. Mais je n’ai rien à dire là-dessus.
Par contre, il m’intéresse infiniment de voir combien, dans une
perspective de considération réelle d’un être particulier différent de tous
les autres, quel que soit son âge, la relation, dès qu’elle existe, ne peut
qu’être bouleversante. De fait, l’amour chavire grands et petits sans se
préoccuper du sexe ni des années, et ce qui est vrai dans ces lieux de
rejet de l’école l’est dans tous les autres, antipsychiatriques, communautaires,
etc., où l’on a refusé la normalisation – du moins tant qu’on
la refuse. N’importe quelle association de gens qui se font confiance
provoque à l’estime, à l’affection, à la liberté. Comment les histoires
d’amour n’y écloraient-elles pas ?
Chaque fois que des adultes ont désiré vivre des rapports authentiques
avec les enfants, ces rapports ne pouvaient qu’être « désocialisés »,
sinon « asociaux », bref uniques. C’est pourquoi tu comprends que j’aie
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du mal à « généraliser ». Mais je tiens à montrer que, bon an mal an, une
cohérence traverse les âges et les pays dès qu’on s’est opposé à l’école
obligatoire, c’est-à-dire depuis sa création. Impossible d’envisager une
anti-école sans vivre différemment l’amour avec les enfants.
Schmid, qui « dénonce » dans Les Maîtres-Camarades et la pédagogie
libertaire ce qu’il considère comme une grave erreur et qui réussit à nous
rendre proches et sympathiques ceux-là qu’il méprise, écrit en 1936 des
phrases qu’on jurerait avoir lues dans les journaux de 1974 à 1984.
Ayant renoncé à toute autorité, écrit-il en substance, il fallait au
« maître-camarade » faire valoir autrement son influence afin de réaliser
ses buts (Schmid et tous les Schmid de notre époque ne peuvent, eux,
concevoir la relation qu’utilitariste) et pour cela passer par l’amour.
Alors, sans scrupules excessifs, il amalgame les uns et les autres
(reconnaissant cependant que les concernés, à Hambourg, avaient
longuement discuté entre eux de ce thème et que les avis pouvaient être
différents) ; il rappelle que Wyneken, l’un des fondateurs de ces antiécoles,
avait été condamné en 1921 à une année de prison pour des
délits sexuels commis contre deux de ses élèves. On sait pourtant que
les témoignages ont été fort douteux et que Wyneken, sans jamais renier
ses options personnelles, a toujours affirmé sa totale innocence dans
cette affaire. Mais il était nécessaire à Schmid d’en appeler aux procédures,
faute d’une vision claire de ce qui pouvait réellement se passer entre
grands et petits dans ces lieux. Il s’insurge particulièrement contre l’un
de ces professeurs contestataires, Kurt Zeidler, qui affirme en effet en
1919 que l’amour des enfants ne saurait être cet amour bienveillant et
désintéressé que les pédagogues ont toujours exalté « qui aime l’enfant
dans ses bonnes qualités et dans une image idéale qu’on se fait de lui et
vers laquelle on le contraint d’aller et de se développer », mais qu’il est
un attachement fort et intime entre le maître et l’élève.
Rien en fait de très nouveau chez Zeidler qui préconise un amour tendre
mais « pur et spirituel », platonique. La pédérastie spartiate importée à
Athènes n’avait d’adeptes que dans la frange aristocratique de la
société, frange dont était issu Platon. Le commun des Grecs n’a jamais
caché son hostilité à ces moeurs, d’ailleurs très codifiées. Platon fait de
Socrate un homme qui se plaît en compagnie des beaux jeunes gens ;
Xénophon, également disciple de Socrate, n’hésite pas à dire dans son
Banquet à lui que Platon « calomnie » son maître. Jamais il n’est allé de soi,
à Athènes, que la pédagogie passe par l’amour sexuel, si « spiritualisé »
soit-il.
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Schmid atteint des sommets lorsqu’il se réfère à « monsieur Freud,
fondateur d’une théorie psychologique moderne », qui voit dans l’homosexualité
une « fixation de la libido à des formes affectives enfantines ».
Schmid ne s’embarrasse pas de subtilités ; les maîtres-camarades, en
optant pour une attitude libertaire, étaient infantiles, la preuve : « Ils
affirmaient la nécessité de rapports d’amour avec les enfants. » Dès lors,
sa démonstration est facile : l’éducation libertaire est une « aberration
infantile ». (Cette analyse pénétrante ne te rappelle rien ? Ne croirait-on
pas par exemple un article sur l’affaire du Coral* ?)
Les derniers mots de son livre permettent un éclairage bien cru sur
les idées – tout à fait actuelles – qu’il défend : « Surtout [l’éducateur] doit
aimer l’enfant non seulement pour ce qu’il est, mais davantage encore
pour ce qu’il est capable de devenir. [L’amour pédagogique] fait donc de
l’éducateur non pas un camarade de l’enfant, mais son ami – plus précisément
: l’ami du “meilleur moi” de l’enfant1. »
Ce que des gens comme lui ne pourront jamais comprendre, c’est
qu’on peut parler d’amour sans avoir en tête de baiser ou de se laisser
baiser et qu’on peut aussi faire l’amour sans se poser des questions
d’employé de mairie sur le sexe ou l’âge de ceux et celles qu’on aime. La
vie est simple ; la vie n’est pas simplette.
Ce qui semble à ces messieurs équivoque chez ceux qui aiment les
enfants avec qui ils ont choisi de vivre, ce peut être éventuellement la
pédérastie mais, en fait, c’est plutôt rare. L’équivoque pour eux réside
simplement dans le fait de pouvoir considérer l’enfant comme un être à
part entière. On ne devrait pas. Tomkiewicz, dans l’avant-propos du livre
de Korczak, Comment aimer un enfant, brocarde certains psychologues et
analystes qui, « dès qu’ils entendent parler d’amour dans une relation
thérapeutique ou pédagogique, […] vous accusent d’avoir plein de
motivations, de pulsions inconscientes et sombres », et Tomkiewicz
d’ajouter que leurs soupçons ne sont d’ailleurs pas délirants, sinon ceux
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* Le « Coral », un lieu de vie se réclamant de l’antipsychiatrie, créé en 1977 par Claude
Sigala, fut accusé en 1982 d’alimenter en enfants et jeunes handicapé-es un réseau de
pédophiles. Le scandale, gigantesque, éclaboussa diverses personnalités politiques.
Sigala, qui défendait publiquement la possibilité de relations amoureuses ou sensuelles
avec des enfants ou des handicapé-es, fut incarcéré pendant plusieurs mois et traité
avec ignominie par l’ensemble des médias. Il fallut attendre 1989 pour que l’accusation
de pédophilie soit classée sans suite – et cette fois dans le plus grand silence médiatique.
Ce scandale signifia l’arrêt en France, non pas des relations pédophiles, mais de toute
réflexion libre sur ce sujet.
1– Le Maître-Camarade et la pédagogie libertaire, op.cit.
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qui veulent s’occuper d’enfants « deviendraient rapidement des policiers
et des bureaucrates ».
J’ai bien envie de parler de Korczak. Sa beauté, à mes yeux, vient
justement de ses doutes et de sa fin pitoyable, alors qu’il ne croit plus à ce
qu’il fait et sombre dans la dépression. C’est cela qui me le rend crédible.
Avec lui, jamais il n’est question du sexe des enfants. Certes parce qu’il
apparaît singulièrement pudique. Mais pas seulement : l’enfant est un
tout et parler en adulte de l’amour des enfants, c’est déjà leur passer sur
le corps. Korczak n’a pas ce discours ; il est tout en nuances. Il reconnaît
qu’on est ordinairement « plus sensible à un petit voyou gai qu’à une
gamine un peu empotée » ; lorsqu’il en perçoit les effets sur lui, il admet
que des enfants ont plus de charme que d’autres, mais il réagit comme
n’importe quel être un peu raisonnable qui veut davantage des uns et
des autres que les apparences. Face à la tendresse qu’on a vis-à-vis des
enfants, il pourrait même sembler bien prude lorsqu’il dit que celles et ceux
qui embrassent les leurs satisfont ainsi leur sensualité : « Serions-nous à
ce point dépourvus de sens critique que nous prendrions pour de l’amitié
les caresses dont nous accablons les enfants ? Ne comprenons-nous
donc pas qu’en serrant l’enfant dans nos bras, nous cherchons à nous
réfugier dans les siens, pour fuir les heures de souffrance, d’abandon1? »
Mais ce qu’il dénonce, ce n’est pas notre demande par rapport aux
enfants, c’est l’inconscience de faire peser notre fardeau de tout son
poids sur l’amour, en brutes que nous sommes.
La loi du plus fort, qu’elle soit maternelle, ou juridique, ou pédérastique,
demeure la loi.
Korczak dit par ailleurs que si une mère avide des baisers de son
enfant n’en conçoit aucun doute sur les émotions qu’elle éprouve, alors
qu’elle fasse comme bon lui semble. Ce que réclame Korczak, dans ses
rapports avec les êtres, quel que soit leur âge, c’est la droiture.
On ne peut remettre en question toute forme d’éducation sans voir
en un être la souveraineté de son désir. Tout son désir sur le monde. La
seule question qu’on peut alors lui poser reste celle-ci : fais-je partie de
ton monde ?
Je ne veux pas être réductrice par rapport à la sexualité. Elle importe
moins qu’on ne dit, plus qu’on ne pense. Je ne suis pas étonnée que ce
qu’on a appelé les écoles parallèles ait donné prise à toutes sortes d’agitations
journalistico-policières dans les têtes.
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1– Le Droit de l’enfant au respect, op.cit.
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Personnellement, j’ai une grande aversion pour les libérés ; mais
j’aime qu’on se sache enchaîné, qu’on le refuse et qu’on cherche à briser
ses entraves. Les enfants, tu le sais, ma fille amie, ne sont pas plus libres
dans leur tête que les adultes. Très vite, ils sont moulés dans les plâtres
classiques. Ils ont eux aussi à prendre leurs vraies distances par rapport
au monde tel qu’il leur fut imposé à la naissance. Comment réapprendre
l’amour ? Comment inventer des relations non codifiées ? L’adolescent
prend conscience de l’horreur qui l’attend dans la « vie active », mais toute
rébellion le jette dans une solitude telle qu’il se console en socialisant à
mort dans son groupe à lui, qui, bien entendu, a ses lois, ses colifichets,
ses enfermements.
L’amour des pédagogues, parents ou professeurs, pour les enfants
n’est guère plus dégagé des carcans. La sinistre Suzanne Ropert déjà
trop citée en est lamentable lorsqu’elle évoque ses sombres jalousies.
Elle représente la loi, elle le dit mais aussi elle veut être aimée, et exclusivement.
Les pédophiles ne sont ni plus ni moins affranchis que les autres. Ce
qui me les rend souvent sympathiques, c’est que pour braver les interdictions,
les censures, les contrôles, les humiliations, la prison, il leur
faut au moins de la passion.
Cependant, il est assez déplaisant que les soi-disant amants des
enfants soient en fait pratiquement toujours des pédérastes. Infiniment
peu de petitefillophiles. Les nymphettes dont on parle parfois sont des
femmes nubiles mais peu d’amants et d’amantes de gamines tout
enfantines. Les petits garçons sont davantage recherchés, c’est clair.
Enfin, « c’est clair »… Façon de parler… Pourquoi le corps des petites
filles n’est-il pas habituellement perçu comme désirable ? L’enfant en tant
que tel passe pour asexué (n’est sexué que s’il est mâle, of course) et la
femme n’est pas supposée avoir de sexualité propre. Enfant et femme :
zéro plus zéro égale zéro. La petite fille n’existe pas vraiment. Si l’enfant
n’est qu’un futur adulte, la fille impubère est doublement inexistante.
On entend dire fréquemment d’un garçon : « Il est beau, cet enfant »,
d’une fille : « Qu’est-ce qu’elle sera belle, plus tard ! » On trouve ça « tout
naturel ». Et j’en devine qui s’exaspèrent, à l’heure où il sied d’avoir
« dépassé le féminisme ». (D’accord les branchés, je suis salement démodée :
si j’avais voulu ne pas être ridicule, j’aurais scolarisé ma môme depuis
belle lurette, voté en 81, été désespérée quand c’était l’époque et « repris
le dessus » en 83 en chantant «Vive la crise ! ». Mais je suis lente et
lourde ; on s’en sera aperçu.)
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Tu sais, ma douce, que j’ai la malencontreuse infirmité de ne pas
savoir d’emblée faire la distinction entre un homme et une femme. Je
prends pour une femme celle ou celui qui veut qu’on la ou le prenne pour
telle, mais à mes yeux simplets le sexe n’est pas une caractéristique à
laquelle les êtres seraient réduits. Quand je suis avec un enfant, c’est
pareil et cela m’énerve que les pédérastes réduisent un enfant à son
membre viril.
Vieille histoire, certes. Vieux malentendu… Socrate parle bien à
Phèdre par exemple de la beauté du jeune garçon, mais le discours qu’il
tient sur l’amour, le désir, la passion et surtout, je crois, sur la vénération,
ce discours n’est pas enfermé dans une homosexualité. La plaisante image
des petites ailes qui, en poussant à l’âme, provoquent des démangeaisons
comme lorsqu’on fait ses dents correspond à un élan amoureux qui est
tout à la fois désir, transformation, émotion. Platon, par la bouche de
Socrate, exprime d’ailleurs dans ce dialogue une certaine répugnance
pour celui qui « cédant à l’aiguillon du plaisir […] poursuit une volupté
contre nature1». L’amour dont il est ici question est au-delà des distinctions
entre hommes et femmes ; la brûlure, l’incomparable tourment, la
nostalgie violente (« car jadis l’âme était tout ailes ») sont vécus dans la
racine de l’être ; les mortels et les dieux sont ici égaux ; il n’y a plus, en
l’état amoureux, de conditions, qu’elles soient féminine, humaine,
enfantine ou divine. L’amour sans conditions, l’amour sans condition, le
seul amour.
Il est beau ce passage où Platon écrit encore que l’intimité d’un
homme trop raisonnable, « gâtée par une sagesse mortelle », condamne
l’âme du triste amant à « cette bassesse que la foule décore du nom de
vertu et la fera rouler, privée de raison, autour de la terre et sous la terre
pendant neuf mille années ». Aimer raisonnablement est bien criminel en
effet… L’amour n’admet pas la petitesse.
Désirer un enfant parce qu’il est un garçon ou désirer une femme
parce qu’elle est une femme (et dans ce dernier cas qu’on soit homme
hétérosexuel ou femme homosexuelle) relève d’un même préjugé.
L’amour est bien parcimonieux qui s’en tient au seul genre. N’avons-nous
pas toutes et tous ce désir d’aimer dans le plus grand déploiement de
notre vie ?
Que cette longue parenthèse sur la pédérastie et l’amour des petits
garçons n’égare personne. Je mets les points sur les i parce que trop de
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1– Phèdre, Platon, XXI, 250d.
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gens, sous couvert de défendre la pédophilie, font semblant d’ignorer que,
neuf fois sur dix, pédophilie et pédérastie se confondent. Et je n’aurais
pas eu la veulerie de passer sous silence la misogynie de la plupart des
pédérastes. Les femmes à l’ordinaire se taisent là-dessus, s’inclinant devant
l’adage hideux : « Charbonnier est maître chez soi » ; l’homosexualité
masculine, ce n’est pas leur truc.
De quoi je me mêle ? On n’a jamais pu me faire accroire que la machinerie
sociale fonctionnait sur des systèmes autonomes. Tout se tient et
si j’ai le pessimisme de constater que toutes les pièces du système voient
leur force décuplée par la solidarité des autres, j’ai aussi l’optimisme bien
fondé de savoir combien en m’attaquant à n’importe quel rouage je les
attaque tous. Je défendrai avec ardeur – je l’ai fait – telle passion entre tel
adulte et tel petit garçon, mais je ne peux pas cautionner l’amour en
général des messieurs pour les garçons pas plus que celui des femmes
ou celui des hétérosexuels. Il n’y a pas d’amour en général. Il n’y a pas
de « principes » à défendre. Toute histoire amoureuse est singulière.
Ce qui ne m’empêche pas de prendre parfois fait et cause dans telle
situation où il s’agit de débusquer les principes des autres et j’ai dit de
ma voix la plus claire ce que je pensais des ordures qui ont dégoisé sur
l’affaire du Coral. Il est notoire que là, on a tout confondu avec un acharnement
purulent.
N’importe qui ayant mis un jour les pieds dans un « lieu de vie » sait que
réellement y circule la vie, le désir, l’amour. Dans Visiblement, je vous aime1,
Claude Sigala s’explique relativement bien sur cette tendresse sans laquelle
les lieux de vie ne seraient que des unités d’une psychiatrie de secteur.
Je ne mets pas en doute, moi, que Claude Sigala et ses amis aient
voulu réellement éviter à des enfants psychotiques l’horreur sans nom
des institutions auxquelles on les condamnait. Pourquoi ? Parce qu’ils
ont été bouleversés par des êtres bouleversants. L’amour circule au
Coral, pas l’amour béni des éducateurs pour « ces pauvres créatures qui
ont bien besoin d’affection », mais l’amour.
Caresses ? Sexualité ? N’est-ce pas la moindre des choses ? Et Sigala a
parfaitement raison de dire que l’habituelle « réserve » des spécialistes
d’enfants est un viol. S’il fallait protéger les enfants, ce n’est pas contre
l’amour mais contre le manque d’amour qu’il faudrait s’élever. Le non-désir,
le refus de tendresse font sur cette planète autant de mal que le viol. Et
pourtant, c’est vrai que le viol est une torture inqualifiable.
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1– Visiblement, je vous aime, Claude Sigala, Le Coral, 1980.
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Alors, bien sûr, le policier qui sommeille en tout cochon clame : « Où
sont vos limites ? » et Sigala ne joue pas au plus malin, il répond
humblement et nettement : « Ne vous faites pas d’idées, il y en a. Mais
nous ne définissons pas la perversité à partir de la même loi ou du
même langage.
« Nos limites sont celles de chacun et celles du groupe.
« Lorsque nous sentons et savons la destruction possible d’un
d’entre nous ou du groupe ou des bêtes ou des légumes, nous en
discutons. »
Sigala admet qu’il existe de par le monde des « sales folies face à
toutes les désespérances », mais des femmes adultes se font violer et on
n’en tire pas l’absurde conclusion qu’il faille interdire l’amour entre
hommes et femmes. L’amour dégoûtant, c’est l’amour institutionnalisé,
contrôlé par la D.D.A.S.S., l’amour sans désir, l’amour sans amour.
« Nous ne sommes pas de nouveaux H.P. “new look” adaptés à tel ou tel
handicap », écrit-il encore au sujet de la patience. Et il est indubitable en
effet qu’à partir du moment où quelqu’un se montre « patient » avec
quelqu’un, c’est qu’il n’aime plus vraiment.
Moins de trois ans après la sortie de ce livre, éclate « l’affaire du Coral »,
une histoire de fous où s’affrontent deux discours : « Nous aimons les
enfants, donc nous les respectons » et : «Vous aimez les enfants, donc
vous ne les respectez pas. » Les sépulcres blanchis se sont ouverts et on
fut renversé par l’odeur fétide qui s’en est dégagée. Christian Colombani
qui « couvrit l’affaire » dans Le Monde dépassa les bornes et je ne sais ce
qu’on doit admirer le plus de la fourberie ou de l’habileté qu’il déploya à
cacher sa haine dans les papiers gras d’une quintessence de journalisme
« « objectif » ». L’article du 19 novembre 1982, je le tiens à la disposition
des étudiants de toutes les écoles de journalisme comme le modèle
parfait d’un article de persiflage ; entre autres, il y a ce passage sur l’antipsychiatrie
et les lieux de vie : « Suffit-il en effet de s’opposer pour se
poser, de renverser quelques données de la psychiatrie pour faire naître
une nouvelle thérapeutique, de “vivre avec” et de “donner de l’amour”
pour venir à bout d’une psychose, de nier enfin toute compétence
professionnelle pour fonder le bienfait de la vie au grand air ? “Désormais
dans le Midi, il arrive souvent qu’on fasse du handicapé comme on
faisait naguère du mouton”, estime M. Jean-Louis Zanda, secrétaire
général de la Revue du changement psychiatrique et social – Transitions. »
Il est bien bon, M. Zanda, de prêter sa bouche au discours du reptile.
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Je n’ai pas envie, Marie, de gloser sur les commentaires retenus par les
soins de Colombani et dont Le Monde ne fut pas avare, ils se suffisent à
eux-mêmes :
« En aucun cas je ne peux admettre l’existence de rapports sexuels
entre un mineur et un adulte exerçant des responsabilités à son égard.
L’ensemble des travailleurs sociaux, à juste titre, condamnera fermement
de telles attitudes qui ne peuvent être qualifiées de “pédagogiques” ou
“thérapeutiques”. Je suis très ferme sur ce point. […]. Écouter, être
présent trouvent leur limite naturelle dans la loi et dans le respect véritable
des difficultés de l’enfant. […] mais, encore une fois, ni par écrit ni en
paroles on ne peut admettre aucune justification à une réponse d’ordre
sexuel à une demande d’enfant. » Ça, c’est de Georgina Dufoix, secrétaire
d’État chargée de la Famille.
M. H. Menou, de Charenton, « rappelle une évidence qui ne l’est pas
pour tout le monde » (sic) : « Si le sexe et l’institution ne font pas
toujours bon ménage, l’interdiction du rapport sexuel entre l’adulte et
l’enfant ne repose pas seulement sur des considérations éthiques, elle tient
compte des bases thérapeutiques inhérentes à l’institution psychiatrique
visant à valoriser le transfert au détriment du passage à l’acte. »
On croit rêver. Juste pour rire, cette phrase relevée le même jour, le
26 décembre 1982 : « ce qui nous semble important, indispensable, c’est
que le fait que les éducateurs accueillent des enfants ou adolescents ne
soit pas pour eux un moyen de traiter leur affectivité, pour ne pas dire leur
problématique. » (??) Ce sont de bons et loyaux éducateurs qui s’expriment
si joliment. Et tout ça nous mène droit à cette proposition très constructive
issue des quarante-sept membres de la collectivité pédagogique de
Vercheny dans la Drôme :
« Qu’un programme de recherche en sciences humaines soit mis en
place et que soit créé un vaste secteur d’innovations sociales doté d’une
direction spécifique, rassemblant les initiatives les plus variées, suivies
avec soin, jouissant des libertés suffisantes, assujetties à des obligations
rigoureuses. »
Ils sont vraiment timbrés les travailleurs sociaux ! Ces gens-là me
tuent, te tuent. Ce sont des maquereaux qui protègent l’enfance.
Froidement.
Ils veillent au grain : l’amour est interdit parce que l’enfant doit rester
sous la coupe des autorités légales, seule possibilité de survie de la
société qui ne peut se reproduire qu’en exigeant de ses membres la
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soumission. L’amour n’est pas plus fort que la mort mais il est aussi fort,
et la mort que représentent nos vertueux pédagogues craint forcément
le désir, la tendresse et la « bonne intelligence » qui peut en résulter.
À côté de ça, dans Le Monde de l’éducation de mai 1983, sous le titre
« Séduire ses élèves, ce n’est pas les abuser… » (les guillemets, on s’en
doute, figurent dans le journal – des fois qu’on pourrait croire que Le
Monde a quelque idée sur cette question), apparaît le jeu brillant des
professeurs honnêtes, innocents et badins. Quel charme dans ce flirt
collectif ! Quelle élégance dans l’air de ne pas y toucher ! En vrac, je
relève : « De mon côté, je suis spontanément attirée par certains élèves,
parce qu’ils sont mignons, ou parce qu’ils ont l’air débrouillards […]. On
minaude un peu. J’aime ces moments-là […] » « J’aime bien voir mes
élèves amoureux. Ils sont mignons, ça m’amuse, je retrouve mon adolescence.
Je me sens un peu témoin, un peu complice […]. » « Toute parole
est sensuelle, celle du prof de philo particulièrement. Cela s’exprime par
un regard, une posture du corps, un aparté, une façon de manier l’humour
aussi, une certaine liberté de ton. J’espère mettre dans mes rapports avec
mes élèves de la délicatesse et de la connivence. Celle-ci est là aussi pour
se substituer au refus trop cassant, quand une fille me drague un peu.
Ça m’arrive, et de plus en plus, à mesure que je vieillis. Séduire ses
élèves, ce n’est pas les abuser en instaurant une relation de pouvoir.
C’est simplement les aimer, pour pouvoir leur apprendre quelque chose.
Se faire aimer pour qu’ils aient envie d’apprendre […]. »
Autres sons de cloche (vraiment ?), ces deux autres : « Je ne mendie
pas leur affection. Au début de l’année, je suis agressive, presque froide.
Sans doute pour me préserver, pour ne pas d’emblée avoir l’air du “prof
sympa”. Au bout d’un trimestre je fonds. Mais je reste sur mes gardes
[…]. Si on a une relation trop intime, le travail en prend un coup. » Et
enfin, candide : « Il arrive que des filles tombent amoureuses de moi. L’an
dernier, l’une d’elles m’a fait une déclaration. On a parlé ensemble : je lui
ai expliqué qu’on ne pouvait avoir, elle et moi, qu’une relation amicale.
Pourquoi est-ce que cela arrive ? J’ai certainement une part de responsabilité.
Inconsciemment, je dois laisser cette possibilité ouverte […]. »
Nous en conclurons qu’il y a séduire et séduire, la bonne cause (l’enseignement),
la mauvaise (le plaisir). Je m’en voudrais de fixer mes
pensées sur ces pages comme des papillons sur un tableau. Je ne crois
pas davantage à la pure sainteté qu’à la pure saloperie. Quand je parle
de séduction et de désir, je n’ignore pas que tout s’interpénètre dans la
sexualité du monde, là où se marie la pensée à toute forme de l’existence.
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J’essaie de t’écrire, petite fille, et de te rendre intelligibles mes interrogations,
mais je crains bien un peu, en faisant des phrases, d’être une
phraseuse. Il m’est nécessaire pour réfléchir d’organiser mes idées,
cependant l’essentiel m’échappe et ces quelques observations ne sont
que les premiers coups de pioche qui débroussaillent mon terrain, et non
une construction intellectuelle permettant à l’une ou l’autre de poser les
pieds sur les marches sûres d’un escalier…
Être ému veut dire être remué, bouger. Et comment ne clamerais-je pas
le toujours profond événement d’être un moment touché par l’existence
de quelqu’un ? Je connais le bonheur d’être séduit et les doux malheurs
enchantés. Je tiens à te dire, petite grande, qu’en ce chapitre, s’il m’arrive
de critiquer des attitudes que je trouve sournoises, je demeure volontairement
silencieuse quant à ce qui se passe amoureusement entre un
enfant et un adulte. Car je n’ai rien à dire de ce secret entre deux êtres
qui dépassent l’âge, le sexe, les connivences ou répulsions de leur milieu
pour se trouver.
Mais peut-être puis-je ici te faire un tout petit cadeau. Pas grand-chose,
la vision fugitive d’une histoire qui ne fut même pas une histoire.
Je passais dans un lieu de jeunes dits inadaptés. En arrivant, je
remarque tout de suite un enfant au bord de l’adolescence qui regarde le
vide. Jamais je ne saurai s’il était aveugle. Longs cheveux châtains autour
d’un visage étrange, à l’affût, pas beau sans doute, mais qui immédiatement
me paraît exprimer une profonde intelligence, un désespoir lucide.
Rien de ce que mes hôtes me racontent ne peut plus m’intéresser, je suis
déjà dans cet émoi connu, goûtant à la fois le plaisir de cette rencontre
imprévue et m’inquiétant de l’absurde possibilité qu’elle se limite à mon
seul regard posé sur un regard fermé.
Soudain intimidée, je me demande si l’enfant me permettra ou non
de l’approcher. Peut-être a-t-il onze ou douze ans ; ses gestes sont nus,
précis ; il reste à l’écart de tous, hautain et détaché.
L’air de rien (pourquoi ?) je cherche auprès d’un adulte à avoir
quelques renseignements. J’apprends que l’enfant psychotique s’appelle
Clémence.
L’après-midi, j’accompagne le groupe en forêt. Je vais d’un gosse à
l’autre mais, fréquemment, je regarde Clémence. Qu’a-t-elle de différent
des autres ? Elle n’est ni plus ni moins sauvage. Tous, pour moi qui n’ai
pas l’habitude de leur monde verrouillé, sont attirants, clos sur des
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mystères dont je pressens qu’ils concernent des parts de moi très
profondes.
Je ne sais pas encore si Clémence peut parler quand je lui demande
si elle veut bien que je m’asseye à côté d’elle.
« Oui, viens là. »
Je m’enfonce lentement dans une conversation qui durera au moins
une heure. À travers des phrases hachées, entrecoupées parfois de ses
petits cris, nous parlons de l’eau, de la nervure des feuilles, de sa mère,
de la neige, de ses mains, des règles. De plus en plus troublée, je m’aventure
en cette parole insolite. Mais j’entends qu’on bat le rappel, il faut
partir ; j’en éprouve tristesse et agacement. Je rejoins les éducateurs et
les autres enfants. Une petite fille de six ans, avec de grands jappements,
se jette dans mes bras. Un éducateur me dit : « Ne te laisse pas faire, tu
vas te faire bouffer. » Je réponds que ça ne me coûte rien, que je ne reste
que deux jours, mais un de ses collègues dit plus fermement : « Il faut
penser à l’enfant ; toi, tu ne fais que passer mais elle peut beaucoup trop
investir en toi. »
O.K. boys ! Je saisis. Mais il n’empêche que Clémence est à quelques
pas et que j’ai des envies d’enlèvement.
Au réfectoire, elle vient s’asseoir près de moi. Je me sens fondre.
Cependant, elle ne répond que par le mot « moi » aux questions que je
pose.
À la fin du repas, je la suis. Je voudrais lui dire bonsoir, juste bonsoir.
Mais pas devant tout le monde. En bas de l’escalier, face à elle, je ne sais
plus ce que je suis venue faire. Nous restons silencieuses, je la regarde
dans les yeux. « Tu me vois ? » « Moi. » Je passe doucement ma main sur
son visage. Mon coeur bat très fort. Je monte. Elle se couche, je ferme les
volets. Dans l’obscurité je n’ose l’embrasser, je murmure « bonne nuit,
Clémence » et me dirige très lentement vers la porte. Là, elle m’arrête :
« Caresse ! » je suis éperdue et n’obéis pas tout de suite, elle réitère son
ordre, froidement. La seule chose que je sais, c’est que partout ailleurs,
en tant que femme, en tant que mère, j’ai l’autorisation de câliner les
enfants. Ici non. Ici, l’institution dit que c’est trop grave, que je suis
adulte et responsable, oncques dois comprendre le rôle « socialisant »
exigible de toute personne « saine d’esprit » amenée à fréquenter ces
enfants. Le but de l’institution est clair : intégrer les enfants, éventuellement
comme rebuts, et récupérer, parmi les paumés suicidaires mal dans
leur peau, des éducateurs, le tout dans une morale qui, sous le moderne
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prétexte de n’en être pas une, se veut cynique : est interdit ce que les
codes sociaux interdisent. Il n’en reste pas moins que le bien suprême
est la vie en société et le mal l’a-socialisation. La morale retombe sur ses
pattes.
« Caresse ! » Je m’approche du lit, chavirée. Je passe une main tremblante
sur ses cheveux, ses joues, sa bouche. Elle répète « moi… moi…
moi…» et le son très doux m’est une étreinte. Elle se tait finalement et
je la quitte sans avoir osé poser en son visage un baiser.
Inquiète, énervée, dans mon lit je pense à Clémence. La nuit est
d’une grande dureté cette nuit-là.
Au matin, dans la salle des douches, j’ai à laver les petits.
Clémence arrive, nue. Son corps est maladroit, sans miséricorde,
comme sourd. Je n’ai d’yeux que pour elle. J’en oublie de rincer les
cheveux d’Yves qui profite de ma distraction pour avaler sereinement
les paquets de mousse qu’il ramasse dans ses mains. Clémence… Je
reste à genoux, vide, inutile, sur la faïence savonneuse. Le cri d’un
enfant me réveille.
La journée est un supplice : je ne sais plus comment m’approcher
d’elle. Peur du gendarme. Les éducateurs, je m’en doute, ne permettront
pas que je passe cette journée auprès d’elle. Que diraient les parents ? Ils
l’ont placée là pour la « mettre à l’abri ». En aucun cas, je ne dois troubler
l’enfant. Je ne lui dirai donc pas qu’elle m’est belle, je ne lui dirai pas que
j’ai envie de la revoir ni que j’ai besoin qu’elle me parle encore.
Le soir arrive et l’heure de mon départ. J’embrasse ceux des enfants
qui en ont envie. Je m’applique à abandonner Clémence, je l’embrasse
placidement, je me sens grossière.
Dans le train, je ne peux lire ni rêver. Je ne pense pas, je bois la honte
de ma prudence.
Tu vois, Marie, je ne vaux pas grand-chose et si j’ai eu parfois
quelques petits courages face aux lois, j’ai bien souvent baissé la tête
devant des censeurs médiocres et imbéciles. Cependant de ces remords-là
aussi je noue ma colère et ma révolte. Rien ne se perd.
Je m’inquiète de ce que les mères parlent si peu d’amour. On le fait
tellement pour elles. Elles se sont laissé dire que l’amour maternel était
naturel, puis qu’il était culturel, moderne et artificiel. Imperturbables,
elles continuent d’accoucher, d’adopter ceux dont elles ont accouché ou
les autres, de bercer, de beurrer les tartines, de tresser les cheveux, de
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découper du sparadrap, de donner la main et de dire « couvre-toi bien ».
Et puis elles hurlent si leur enfant meurt et tout le monde comprend
qu’une mère hurle si son enfant meurt. C’est naturel ou culturel, mais
en tout cas c’est « dans la norme ».
Louées soient les mères qui n’aiment pas leurs enfants, car elles sont
singulières. Louées soient celles qui les aiment, car elles sont singulières.
De toute façon, celles qui n’aiment pas comme celles qui aiment sont
a-normales. Mais que ne le clamons-nous pas ?
Les mères sont en général des femmes. On l’oublie. Cela veut dire que
souvent elles craignent de mal maîtriser une parole qu’elles comparent,
avec un sentiment d’infériorité, au discours qu’on tient sur elles. Ce
discours savant, celui des psychologues, des sociologues et des universitaires,
qu’il soit ou non adopté par quelques intellectuelles, ne tient
pas compte de l’histoire incroyable qui leur est arrivée à chacune : elles
auront vécu quelques années avec quelqu’un d’unique au monde, qui les
aura d’emblée considérées comme uniques au monde, attendant les
premières semaines pratiquement tout d’elles et d’elles seules. On n’a
qu’une mère, c’est aussi simple que ça. Bonne ou mauvaise, vivante ou
morte, notre mère a été la première autre, la première séparée. Elle a été
notre première faim.
Et nous avons connu beaucoup d’autres faims. Nous les reportons
entre autres sur nos propres enfants. Ou sur ceux qu’on n’a pas.
La plupart des pédérastes établissent une rivalité entre eux et les
mères. Elles, elles auraient tous les droits. Péché d’envie tout à fait
compréhensible ; il est vrai qu’à peu près n’importe quelle femme peut
se permettre de sourire ou d’adresser la parole à un enfant qu’elle ne
connaît pas ; pareille sollicitude de la part d’un homme est « mal vue ».
De leur côté, les poules considèrent qu’il faut être un renard pour aimer
leurs poussins. « La pédophilie, c’est un truc de mecs parce que c’est
restrictif par rapport au corps », dit Leïla Sebbar1. Certes beaucoup de
pédérastes sont obnubilés par l’acte sexuel. Tout simplement au même
titre que beaucoup de non-pédérastes. On peut regretter d’être dans
une civilisation où l’amour en sa sexualité est très souvent « restrictif
par rapport au corps ». Mais il y a des exceptions. Par ailleurs, je suis
d’accord avec Jean-Pierre K. disant que c’est un peu trop facile pour les
mères (hommes ou femmes) d’affirmer que la sexualité des enfants
serait justement non génitale. Les mômes ne font pas l’amour comme
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1– Le Pédophile et la maman, Leïla Sebbar, Stock, 1980.
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les grands qui ont « appris », mais, quand ils désirent parvenir à l’orgasme,
filles ou garçons savent très bien reconnaître le lien entre sexe et plaisir.
Cependant il est pénible de constater que le débat sur la pédophilie est
réduit à une affaire d’organes. L’érotique enfantine, dit Jean-Pierre, est
différente de celle des adultes, et si la sexualité est dépouillée de tout
l’affectif et du sensuel où ils baignent, les enfants la nient et la tournent
en dérision. Ce qui ne les empêche nullement de s’enchanter d’une
rencontre sexuelle si elle a lieu « d’aventure ». Mais ni l’enfant ni
personne ne supporte sans tristesse d’être habituellement traité en
objet sexuel (si ce n’est volontairement, par jeu et de temps en temps).
Objets, les enfants le sont pour certains pédérastes mais bien plus
fréquemment pour certains parents. Alors que tel discours sur la « libération
de l’enfant » le désigne aux « amateurs » comme une denrée d’accès
plus commode, les rangs se resserrent autour des parents propriétaires
« donc désintéressés » (!). Eux ne regardent voluptueusement le corps de
leurs enfants qu’inconscients ou gelés de culpabilité. Ils ont une grande
peur d’éprouver du désir. Ils attendent de leurs mômes une même
réserve. Qu’ils n’ont pas. D’où la sempiternelle histoire. Et la frustration
d’il y a si longtemps…
Le mot « pédophilie » est l’une des sept mille souricières de notre
langage. Il faut refuser d’y entrer. S’il y a des gens qui n’aiment caresser
que les jeunes garçons ou que les femmes, ou que les batraciens, ça les
regarde ; ils ne savent peut-être pas ce qu’ils perdent. Mais quant aux
rapports sexuels entre adultes et enfants, ils sont la moindre des choses
dès que l’amour circule ; pas plus une bricole anodine qu’obligatoire,
mais un des possibles de tout plaisir d’aimer.