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forte et plus substantielle, c’est l’existence atténuée et plus faible du simple possible qui va devenir la réalité même, et vous ne vous représenterez plus alors l’objet comme inexistant. En d’autres termes, et si étrange que notre assertion puisse paraître, il y a plus, et ''non pas'' moins, ''dans l’idée d’un objet conçu comme « n’existant pas » que dans l’idée de ce même objet conçu comme « existant », car l’idée de l’objet « n’existant pas » est nécessairement l’idée de l’objet « existant », avec, en plus, la repré­sentation d’une exclusion de cet objet par la réalité actuelle prise en bloc''.
forte et plus substantielle, c’est l’existence atténuée et plus faible du simple possible qui va devenir la réalité même, et vous ne vous représenterez plus alors l’objet comme inexistant. En d’autres termes, et si étrange que notre assertion puisse paraître, il y a plus, et ''non pas'' moins, ''dans l’idée d’un objet conçu comme « n’existant pas » que dans l’idée de ce même objet conçu comme « existant », car l’idée de l’objet « n’existant pas » est nécessairement l’idée de l’objet « existant », avec, en plus, la représentation d’une exclusion de cet objet par la réalité actuelle prise en bloc''.


Mais on prétendra que notre représentation de l’inexistant n’est pas encore assez dégagée de tout élément imaginatif, pas assez négative. « Peu importe, nous dira-t-on, que l’irréalité d’une chose consiste dans son expulsion par d’autres. Nous n’en voulons rien savoir. Ne sommes-nous pas libres de diriger notre attention où il nous plaît et comme il nous plaît ? Eh bien, après avoir évoqué la représentation d’un objet et l’avoir supposé par là même, si vous voulez, existant, nous accolerons simplement à notre affirmation un « non », et cela suffira pour que nous le pensions inexistant. C’est là une opération tout intellectuelle, indépendante de ce qui se passe en dehors de l’esprit. Pensons donc n’importe quoi ou pensons tout, puis mettons en marge de notre pensée le « non » qui prescrit le rejet de ce qu’elle contient : nous abolissons idéale­ment toutes choses par le seul fait d’en décréter l’abolition. » — Au fond, c’est bien de ce prétendu pouvoir inhérent à la négation que viennent ici toutes les difficultés et toutes les erreurs. On se représente la négation comme exacte­ment symétrique de l’affirmation. On s’imagine que la négation, comme l’affirmation, se suffit à elle-même. Dès lors la négation aurait, comme l’affir­mation, la puissance de créer des idées, avec cette seule différence
Mais on prétendra que notre représentation de l’inexistant n’est pas encore assez dégagée de tout élément imaginatif, pas assez négative. « Peu importe, nous dira-t-on, que l’irréalité d’une chose consiste dans son expulsion par d’autres. Nous n’en voulons rien savoir. Ne sommes-nous pas libres de diriger notre attention où il nous plaît et comme il nous plaît ? Eh bien, après avoir évoqué la représentation d’un objet et l’avoir supposé par là même, si vous voulez, existant, nous accolerons simplement à notre affirmation un « non », et cela suffira pour que nous le pensions inexistant. C’est là une opération tout intellectuelle, indépendante de ce qui se passe en dehors de l’esprit. Pensons donc n’importe quoi ou pensons tout, puis mettons en marge de notre pensée le « non » qui prescrit le rejet de ce qu’elle contient : nous abolissons idéalement toutes choses par le seul fait d’en décréter l’abolition. » — Au fond, c’est bien de ce prétendu pouvoir inhérent à la négation que viennent ici toutes les difficultés et toutes les erreurs. On se représente la négation comme exactement symétrique de l’affirmation. On s’imagine que la négation, comme l’affirmation, se suffit à elle-même. Dès lors la négation aurait, comme l’affirmation, la puissance de créer des idées, avec cette seule différence