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LAMB. — On reproche à la critique de refroidir et de décourager la verve des poètes. Si quelqu’un peut se plaindre d’elle, c’est bien Charles Lamb, que la ''Revue d’Edimbourg'' a traité avec une extrême dureté. Il avait publié quelques poésies dont les critiques écossais donnèrent au public l’idée la plus défavorable. Alors, abandonnant le Parnasse, Lamb s’est condamné à la prose, et ses essais, publiés sous le nom ''d’Elia'', lui ont valu une réputation durable <ref> Lamb ne peut se classer au nombre des poètes. Parmi les écrivains anglais, il n’en est peut-être pas un seul qui n’ait essayé de ''presser'', comme dit Montaigne, ''la sentence aux pieds nombreux de la poésie''. Lamb a donc fait des vers comme tout le monde en fait ; mais le vrai caractère poétique manque à Charles Lamb, dont les essais en ce genre furent assez malheureux pour justifier la sévérité des critiques. La ''Revue d’Edimbourg'' avait-elle si grand tort de dire à lord Byron que ses imitations d’Ossian manquaient de nouveauté ; à Wordsworth, que son ''Ane perdu'' ne comportait pas une solennité de ton aussi majestueuse ; à Walter Scott, que son vers de huit pieds, si facile à construire, l’entraînait à une diffusion et une redondance malheureuse de paroles inutiles ; à Charles Lamb, que sa poésie, copiée sur le type du XVI{{e}} siècle, manquait d’actualité et d’abandon ? Cette puissance et cette rigueur d’examen accompagnent toujours et encouragent, au lieu de le rabaisser, l’essor des littératures vraiment fortes. <br />
==='''LAMB'''===

On reproche à la critique de refroidir et de décourager la verve des poètes. Si quelqu’un peut se plaindre d’elle, c’est bien Charles Lamb, que la ''Revue d’Edimbourg'' a traité avec une extrême dureté. Il avait publié quelques poésies dont les critiques écossais donnèrent au public l’idée la plus défavorable. Alors, abandonnant le Parnasse, Lamb s’est condamné à la prose, et ses essais, publiés sous le nom ''d’Elia'', lui ont valu une réputation durable <ref> Lamb ne peut se classer au nombre des poètes. Parmi les écrivains anglais, il n’en est peut-être pas un seul qui n’ait essayé de ''presser'', comme dit Montaigne, ''la sentence aux pieds nombreux de la poésie''. Lamb a donc fait des vers comme tout le monde en fait ; mais le vrai caractère poétique manque à Charles Lamb, dont les essais en ce genre furent assez malheureux pour justifier la sévérité des critiques. La ''Revue d’Edimbourg'' avait-elle si grand tort de dire à lord Byron que ses imitations d’Ossian manquaient de nouveauté ; à Wordsworth, que son ''Ane perdu'' ne comportait pas une solennité de ton aussi majestueuse ; à Walter Scott, que son vers de huit pieds, si facile à construire, l’entraînait à une diffusion et une redondance malheureuse de paroles inutiles ; à Charles Lamb, que sa poésie, copiée sur le type du XVI{{e}} siècle, manquait d’actualité et d’abandon ? Cette puissance et cette rigueur d’examen accompagnent toujours et encouragent, au lieu de le rabaisser, l’essor des littératures vraiment fortes. <br />
Lamb est, comme prosateur, l’écrivain le plus original de cette époque. C’est de la simplicité dans la profondeur, de l’originalité dans la naïveté ; quelque chose de Montaigne et de Sterne, de Labruyère et d’Addisson ; un mélange de qualités et de nuances dont l’effet est à la fois piquant, pathétique et nouveau. Il écrit peu, et chacun de ses Essais est le résultat d’une sensibilité originale, vive, mêlée à on travail de style d’autant plus admirable qu’il est simple.</ref>. Comme poète, il a imité le style énergique et suranné des contemporains de la reine Élisabeth. On peut lui reprocher peu d’élévation et de poésie idéale ; mais
Lamb est, comme prosateur, l’écrivain le plus original de cette époque. C’est de la simplicité dans la profondeur, de l’originalité dans la naïveté ; quelque chose de Montaigne et de Sterne, de Labruyère et d’Addisson ; un mélange de qualités et de nuances dont l’effet est à la fois piquant, pathétique et nouveau. Il écrit peu, et chacun de ses Essais est le résultat d’une sensibilité originale, vive, mêlée à on travail de style d’autant plus admirable qu’il est simple.</ref>. Comme poète, il a imité le style énergique et suranné des contemporains de la reine Élisabeth. On peut lui reprocher peu d’élévation et de poésie idéale ; mais