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pédante. Sans doute, il conduisit plus d’une fois Shakspeare aux théâtres qui bordaient la rive.

« Je vivais content, dit-il ; content, je suais et ramais. Là, comme la vague, ma bourse avait flux et reflux. La chère était bonne, grâce aux chers honoraires, et le plaisir me faisait insouciant des soucis. »

Taylor imprimait ses œuvres à ses frais, séparément, et par brochures peu volumineuses, qu’il distribuait aux voyageurs, attendant en retour une doulce rénumération. Il suppléa ainsi avec succès au discrédit où était tombé, sous le règne de Jacques, son état de batelier. Une longue paix avait laissé s’accroître le nombre des mariniers de la Tamise, qui, jusque-là, avaient alimenté les équipages des vaisseaux de guerre ; et les compagnies théâtrales s’étant établies du côté de la rivière le plus habité, le nombre des passagers en avait diminué d’autant. Il y avait donc à la fois plus de bras et moins de besogne. Pourtant Taylor ne chôma pas. Un de ses patrons, le comte de Holdernesse, obtint pour lui une place de la munificence du roi, et le lieutenant de la tour lui fit don de son droit de prélever deux bouteilles de cuir noir, ou bombardes de vin (contenant six gallons), sur chaque vaisseau chargé de liquides qui entrait dans la Tamise. C’était pour le poète une joyeuse récolte.

« Je gardai la place près de dix ans, dit-il, et glanai du sang du grand Bacchus, et de France et d’Espagne. Peu de vaisseaux pouvaient esquiver ma visite, et mes deux bou- teilles et moi revenions fréquemment tous trois pleins et contens. »

La veine du poète bon vivant s’ouvrait pour toutes circon- stances. Il n’était pas plus exclusif dans le choix de ses héros que dans celui de ses vins. Si quelque personnage célèbre mourait, Taylor envoyait l’élégie aux héritiers ; son épitha- lame ne manquait à aucun mariage : de tout il faisait vers et argent. Ses extraits d’histoire sont rimes, vaille que vaille, et la conspiration des poudres lui fournit une suite de stances, allignées sur quatorze pieds, pour foudroyer l’Eglise de