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Courses du bois de Boulogne
Le Monde illustré, n°3, 02/05/1857


Courses du bois de Boulogne.

Paris a inauguré dimanche un champ de courses qui n’a rien à envier à ceux de New-Market et d’Epsom

Ni le voile de vapeurs grisâtres qui avait caché l’azur éphémère de nos premiers beaux jours, ni la brise du nord-est qui soufflait piquante dans ce ciel frigide n’avaient pu arrêter le concours de spectateurs empressés d’assister à cette solennité : premières courses du printemps, comme les désignent le programme, auxquelles a fait défaut le printemps seul.

Cet hippodrome, dont l’enceinte n’embrasse pas moins de 62 hectares, étend sa vaste pelouse entre la lisière du bois de Boulogne et la rive droite de la Seine, dans un des plus riants paysages qu’offrent les environs de Paris. C’est, à l’horizon, estompés par la distance, Bellevue cachant, sous ses acacias, ses châtelets et ses cottages ; Meudon et ses pentes boisées ; Saint-Cloud et sa villa impériale ; plus près c’est, d’un coté, le fleuve, serrant dans ses bras humides ses îlots de glaïeuls, de saules et de peupliers, et de l’autre, au-dessous du mont Valérien montrant au delà des futaies sa tête guerrière, le bois, avec ses belles allées débouchant sur le turf et sa cascade aux roches moussues et aux eaux écumantes.

La ville de Paris a concédé, pendant vingt années, les terrains de ce champ de courses à la société pour l’Encouragement de l’élève des chevaux ; une des clauses de cette concession imposait à cette société l’obligation d’élever, sur les plans et sous la direction de deux architectes de la ville, MM. Davioud et Bailly, des tribunes monumentales dont les devis montaient à 300,000 francs.

La société a rempli cette obligation avec un empressement et un zèle qui lui ont mérité les suffrages les plus élevés. Ses constructions, dont les lignes pittoresquement encadrées de massifs de verdure, se découpent sur le fond vaporeux de ce beau site, sont d’un ensemble et d’un effet des plus gracieux. Le centre est occupé par la tribune impériale. Les habiles artistes ont su concilier, dans son ornementation comme dans sa structure, deux qualités qui trop souvent s’excluent : l’élégance et la richesse. De chaque côté s’étendent d’autres tribunes de 35 mètres de longueur, présentant six gradins intérieurs, surmontés de terrasses, et quatre gradins extérieurs à ciel ouvert ; ces terrasses sont elles-même garnies de gradins, où six cents spectateurs peuvent pendre place. Deux pavillons, contenant huit rangs de gradins couverts, complètent ces charmantes constructions, dont le développement total est de 250 mètres.

Un vaste emplacement a été ménagé en arrière : une partie en est dessinée en jardins, où s’alternent les gazons, les corbeilles de fleurs et les bouquets d’arbustes ; l’autre est affectée aux diverses dépendances d’un champ de courses : promenoir des chevaux ; enceinte où ils se tiennent, se sellent et se pèsent ; ring, ou parquet des parieurs ; cafés, enfin, pour les sportsmen et les jockeys. En avant, un terre-plein en pente douce sépare les tribunes de l’hippodrome, sur le fond gazonné duquel ont été tracées deus pistes : l’une, formant un ovale dans le sens de la rivière, présente un parcours de 1,900 mètres ; l’autre, en élargissement de la première, mesure une circonférence de 3,000 mètres.

C’était à l’inauguration de cette création nouvelle qu’était accourue assister cette foule. Dès deux heures, toute les places des tribunes étaient occupées. Le nombre des voitures qui se pressaient à l’entrée pour occuper l’intérieur de la pelouse était tel que l’ouverture des courses dut être retardée. Ce ne fut qu’à trois heures et demie que le signal du premier départ put être donné par M. de la Rochette.

Sept chevaux étaient engagés pour le premier prix, formé de 1.000 francs ajoutés à 100 francs d’entrée. Cinq seulement ont couru. Eclaireur, à M. Lupin, a été le vainqueur.

Miss Bird, à M. Eugène Daru, a gagné le second prix, dit prix des haras, et formé de 2,000 francs, plus les entrées de 100 francs comme au premier. Sur treize chevaux engagés, onze seulement sont partis.

Dix-neuf chevaux devaient prendre part à la troisième course : prix du cadran, 3,000 francs ; entrée, 300. Le vainqueur Nat, à M. de Perregaux, n’a eu que cinq concurrents ; Trouvère à M. de Lagrange, arrivé le second, a touché 600 francs sur les entrées.

Sur douze chevaux inscrits pour le prix de la ville de Paris : 6,000 francs, entrée, 200, huit se sont présentés : c’est Potocki, à M. Lupin. qui l’a remporté, battant d’une encolure Marville, à Mme de Fay. Marville a reçu deux tiers des entrées, dont un tiers a été attribué à Monarque, des écuries de M. de Lagrange, arrivé le troisième.

Le dernier prix, enfin, prix de Boulogne, 2,000 fr. plus 100 francs d’entrée, a été obtenu par Avron, à Mme de Fay ; sur douze concurrents il en avait conservé neuf.

À cinq heures et demie, cette foule nombreuse, équipages, cavaliers, piétons, sillonnait dans toute les directions le bois de Boulogne. Cette promenade unique venait d’ajouter un nouveau prestige à toutes les merveilles qui depuis quelques années en ont fait le plus beau parc du monde.

Fulgence Girard.