« Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne » : différence entre les versions

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<H3>INTRODUCTION</H3>
 
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<P>Toute peine vaut salaire. Les lois de l’équité demandent que dans une nation les citoyens soient récompensés ou punis à proportion des avantages qu’ils procurent ou des maux qu’ils font à leurs concitoyens. L’intérêt général exige que les hommes les plus utiles soyent les plus considérés ; que ceux qui sont inutiles soient honnis et méprisés, que ceux qui sont dangereux soient détestés et châtiés. C’est sur ces principes évidents que nous devons régler nos jugements. Les rangs, les prérogatives, les honneurs, les richesses sont des récompenses que la société, ou ceux qui la représentent, décernent aux personnes qui lui rendent les plus importants services, ou dont elle a le plus de besoin : si la société se trompait là-dessus, si elle accumulait les marques de sa reconnaissance sur des personnes indignes, inutiles ou dangereuses, elle se nuirait à elle-même, et sa conduite extravagante viendrait infailliblement de quelque opinion fausse ou de quelque préjugé. Ces principes sont de nature à n’être contestés par personne. Ils sont suivis dans toutes les nations, qui par les avantages qu’elles accordent semblent reconnaître toujours les avantages qu’elles reçoivent elles-mêmes, ou du moins qu’elles attendent. Elles rendent leurs hommages aux souverains, elles leur confient un pouvoir plus ou moins étendu, elles leur accordent des revenus et des subsides, parce qu’elles les regardent comme les sources du bonheur national, parce qu’elles veulent les dédommager des soins pénibles du gouvernement. Elles honorent les nobles et les grands parce qu’elles les regardent comme les défenseurs de l’État, comme des citoyens plus éclairés que les autres et capables de les guider en aidant le souverain dans les travaux de l’administration. Enfin ces nations montrent la vénération la plus profonde aux prêtres, parce qu’elles les regardent, avec raison, comme un ordre d’hommes choisis par la divinité même pour guider les autres dans la voie du salut, qui doit être l’objet des plus ardents désirs des peuples, lorsqu’ils sont assez sages pour sentir la préférence que méritent les biens éternels et durables sur les biens temporels et périssables de ce monde, qui n’est qu’un passage pour arriver à une vie beaucoup meilleure. La religion est un des plus grands mobiles des hommes. Les fausses religions, qui sont l’ouvrage de l’imposture, partagent avec la vraie, qui est l’ouvrage de la divinité, le droit de faire des impressions vives et profondes sur l’esprit des nations. Pénétrés de respect pour une divinité toujours incompréhensible, agités de craintes et d’espérances, en un mot religieux, tous les peuples de la terre ont regardé les prêtres comme les plus utiles des hommes, comme ceux dont les lumières et les secours leur étaient les plus nécessaires ; en conséquence dans tout pays le clergé constitua toujours le premier ordre de l’état ; il fut en droit de commander à tous les autres, il jouit des plus grands honneurs, il fut comblé de richesses, il eut un pouvoir supérieur même à celui des souverains, qui furent en tout temps obligés de fléchir le genou devant les ministres des puissances inconnues qui recevoient les adorations des peuples.
 
<P>Toute peine vaut salaire. Les lois de l’équité demandent que dans une nation les citoyens soient récompensés ou punis à proportion des avantages qu’ils procurent ou des maux qu’ils font à leurs concitoyens. L’intérêt général exige que les hommes les plus utiles soyent les plus considérés ; que ceux qui sont inutiles soient honnis et méprisés, que ceux qui sont dangereux soient détestés et châtiés. C’est sur ces principes évidents que nous devons régler nos jugements. Les rangs, les prérogatives, les honneurs, les richesses sont des récompenses que la société, ou ceux qui la représentent, décernent aux personnes qui lui rendent les plus importants services, ou
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dont elle a le plus de besoin : si la société se trompait là-dessus, si elle accumulait les marques de sa reconnaissance sur des personnes indignes, inutiles ou dangereuses, elle se nuirait à elle-même, et sa conduite extravagante viendrait infailliblement de quelque opinion fausse ou de quelque préjugé. Ces principes sont de nature à n’être contestés par personne. Ils sont suivis dans toutes les nations, qui par les avantages qu’elles accordent semblent reconnaître toujours les avantages qu’elles reçoivent elles-mêmes, ou du moins qu’elles attendent. Elles rendent leurs hommages aux souverains, elles leur confient un pouvoir plus ou moins étendu, elles leur accordent des revenus et des subsides, parce qu’elles les regardent comme les sources du bonheur national, parce qu’elles veulent les dédommager des soins pénibles du gouvernement. Elles honorent les nobles et les grands parce qu’elles les regardent comme les défenseurs de l’État, comme des citoyens plus éclairés que les autres et capables de les guider en aidant le souverain dans les travaux de l’administration. Enfin ces nations montrent la vénération la plus profonde aux prêtres, parce qu’elles les regardent, avec
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raison, comme un ordre d’hommes choisis par la divinité même pour guider les autres dans la voie du salut, qui doit être l’objet des plus ardents désirs des peuples, lorsqu’ils sont assez sages pour sentir la préférence que méritent les biens éternels et durables sur les biens temporels et périssables de ce monde, qui n’est qu’un passage pour arriver à une vie beaucoup meilleure. La religion est un des plus grands mobiles des hommes. Les fausses religions, qui sont l’ouvrage de l’imposture, partagent avec la vraie, qui est l’ouvrage de la divinité, le droit de faire des impressions vives et profondes sur l’esprit des nations. Pénétrés de respect pour une divinité toujours incompréhensible, agités de craintes et d’espérances, en un mot religieux, tous les peuples de la terre ont regardé les prêtres comme les plus utiles des hommes, comme ceux dont les lumières et les secours leur étaient les plus nécessaires ; en conséquence dans tout pays le clergé constitua toujours le premier ordre de l’état ; il fut en droit de commander à tous les autres, il jouit des plus grands honneurs, il fut comblé de richesses, il eut un pouvoir supérieur même à celui des souverains, qui furent en tout temps
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obligés de fléchir le genou devant les ministres des puissances inconnues qui recevoient les adorations des peuples.
 
 
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<P>Presqu’en tout temps et partout les prêtres ont été les maîtres des rois ; loin que le pouvoir souverain s’étendît sur les ministres du ciel, il fut obligé de lui céder ; les prêtres jouîrent de la grandeur, de la considération, de l’impunité. Souvent ils justifièrent leurs excès par les volontés des dieux, qui furent eux mêmes à leurs ordres ; en un mot le ciel et la terre furent forcés de leur obéir, et les souverains ne trouvèrent d’autre moyen d’exercer l’autorité qui leur avait été confiée, qu’en se soumettant eux-mêmes à l’autorité plus redoutable des ministres des dieux. Les prêtres des religions fausses que nous voyons répandues sur la terre jouissent donc, ainsi que les prêtres de la vraie religion, du pouvoir le plus illimité. Tout est bien reçu par les peuples, quand il est merveilleux ou lorsqu’il vient de la divinité ; ils n’examinent jamais rien d’après leurs prêtres, qui sont partout accoutumés à commander à leur raison et à subjuguer leur entendement. Ne soyons donc point surpris si nous voyons partout le sacerdoce
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jouir de privilèges immenses, de richesses inépuisables, d’une autorité toujours respectée, enfin du pouvoir même de mal faire sans en être puni. Nous le voyons en tout pays prescrire des rites, des usages, des cérémonies quelquefois bizarres, inhumaines, déraisonnables : nous le voyons tirer parti d’une foule d’inventions que sur sa parole l’on regarde toujours comme divines.
 
<P>Les prêtres ont sacrifié des hommes presqu’en tout pays. Il fallait rendre les dieux terribles pour que leurs ministres fussent et plus respectés et mieux récompensés. Ils ont introduit des usages religieux utiles à leurs plaisirs, à leur avarice et à leurs passions ; enfin ils ont commis des crimes aux yeux des peuples, qui sous le charme où ils étaient, bien loin de les punir, leur ont sû gré de leur excès et se sont imaginé que le ciel leur deviendrait plus propice à mesure que leurs prêtres seraient plus criminels.
 
<P>Chez les phéniciens Moloch demandait qu’on lui sacrifiât des enfants. On lui faisait des sacrifices semblables chez les carthaginois ; la déesse de la tauride voulait qu’on lui immolât les étrangers ; le dieu des mexicains exigeait des milliers de victimes humaines ; les druides chez les celtes sacrifiaient les prisonniers
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de guerre. Le dieu de Mahomet voulait qu’on étendît sa religion par le fer et par le feu, et par conséquent exigeait qu’on lui sacrifiât des nations entières. Enfin les prêtres du dieu vivant ont, comme de raison, plus fait périr d’hommes pour l’appaiser, que les prêtres de toutes les nations ensemble n’en ont jamais immolé.
 
<P>En effet, ce qui est abus et crime dans les fausses religions devient légitime et saint dans la vraie religion. Le dieu que nous adorons est, sans doute, plus grand et ne doit pas être moins redoutable que les faux dieux des païens ; ses prêtres ne doivent être ni moins respectés ni moins récompensés que les leurs. En conséquence nous voyons que les ministres de Jéhovah, sans s’amuser à fouiller dans les entrailles de quelques victimes, soit d’hommes soit d’animaux, ont tout d’un coup fait égorger des villes, des armées, des nations, en l’honneur de la vraie divinité ; ce fut, sans doute, pour prouver sa supériorité et pour nous pénétrer du saint respect qui est dû à ses ministres. Ainsi loin de leur faire un crime de ces sacrifices nombreux qu’ils ont faits ou causés sur la terre, ils doivent nous inspirer de hautes
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idées de notre dieu : loin de les blâmer de ces saintes persécutions, de ces saintes boucheries, de ces supplices inouïs, qui paraissent des atrocités et des crimes à des yeux prévenus, nous devons leur en savoir gré, nous devons admirer les notions merveilles et sublimes qu’ils nous donnent de notre dieu ; nous devons redoubler de soumission pour ses ministres qui nous apprennent sa grandeur et qui font de si grandes choses pour lui plaire. Il est vrai que l’humanité rebelle peut quelquefois se révolter contre des pratiques que la nature et la raison désapprouvent, mais nous savons que la nature est corrompue et que la raison nous trompe ; la foi seule nous suffit, et avec de la foi nos prêtres n’ont jamais tort.
 
<P>C’est donc par les yeux de la foi que nous devons considérer les actions de nos prêtres et alors nous trouverons toujours que leur conduite est juste, et que celle qui paraît criminelle ou déraisonnable est souvent l’effet d’une sagesse profonde, d’une politique prudente, et doit être approuvée par la divinité, qui ne juge point des choses comme les faibles mortels. En un mot avec beaucoup de foi nous ne verrons jamais dans les actions du clergé rien qui puisse nous scandaliser. Cela
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posé, il nous sera facile de justifier nos prêtres et nos évêques des prétendus excès que leur reprochent des hommes profanes et superficiels, ou des impies qui manquent de foi. On les accuse souvent d’une ambition démesurée ; on parle avec indignation des entreprises du sacerdoce contre la puissance civile ; on est révolté de l’orgueil de ces pontifes qui s’arrogent le droit de commander aux souverains eux-mêmes, de les déposer, de les priver de la couronne. Mais au fond est-il rien de plus légitime ? Les princes ainsi que leurs sujets ne sont-ils pas soumis à l’église ? Les représentants des nations ne doivent-ils point céder aux représentants de la divinité ? Est-il quelqu’un sur la terre qui puisse le disputer à ceux qui sont les dépositaires de la puissance du très-haut ?
 
<P>Rien n’est donc mieux fondé aux yeux d’un chrétien rempli de foi que les prétentions du sacerdoce. Rien n’est plus criminel que de résister aux ministres du seigneur ; rien n’est plus présomptueux que de vouloir se placer sur la même ligne qu’eux ; rien de plus téméraire que de prétendre les juger ou soumettre des hommes tout divins à des loix humaines. Les prêtres sont sous la juridiction de
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Dieu, et comme ce sont eux qui sont chargés de l’exercer, il s’ensuit que les prêtres ne peuvent être soumis qu’aux prêtres.
 
<P>Les relations de quelques voyageurs nous apprennent que sur la côte de Guinée les rois sont obligés de subir une cérémonie sacerdotale nécessaire à leur inauguration, et sans laquelle les peuples ne reconnaîtraient pas leur autorité. Le prince se met à terre, tandis que le pontife lui marche sur le ventre et lui met le pied sur la gorge, en lui faisant jurer qu’il sera toujours obéissant au clergé. Si le pontife d’un misérable fétiche exerce un droit si honorable, à plus forte raison quel doit être le pouvoir du souverain pontife des chrétiens, qui est le vicaire de Jésus-Christ en terre, le représentant du dieu de l’univers, le vice-régent du roi des rois.
 
<P>Tout homme bien pénétré de la grandeur de son dieu, doit être pénétré de la grandeur de ses prêtres ; autant vaudrait-il nier l’existence de ce dieu que de refuser les hommages qui sont dus à ses ministres ; celui qui désobéit aux ministres, chargés par un monarque d’exercer son autorité, est, sans doute, un rebelle qui résiste au monarque lui-même. L’on voit
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donc que rien ne doit être plus grand sur la terre qu’un prêtre, qu’un moine, qu’un capucin, et que les princes des prêtres sont les plus grands des mortels. Le curé est toujours le premier homme de son village, et le pape est, sans contredit, le premier homme du monde.
 
<P>Le salut est la seule chose nécessaire ; nous ne sommes en ce monde que pour l’opérer avec crainte et tremblement, nous devons craindre Dieu et trembler devant ses prêtres ; ils sont les maîtres du ciel, ils en possèdent les clefs, ils savent seuls le chemin qui y mène, d’où il suit évidemment que nous devons leur obéir préférablement à ces rois de la terre, dont le pouvoir ne s’étend que sur les corps, tandis que celui des prêtres s’étend bien au-delà des bornes de cette vie. Que dis-je ! Si les rois eux-mêmes ont, comme ils doivent, le désir de se sauver, il faut qu’ils se laissent aveuglément conduire par les guides et les pilotes spirituels, qui seuls sont en état de procurer le bonheur éternel à ceux qui se montrent dociles à leurs leçons. Il suit de là que les princes qui manquent de docilité à leurs prêtres manquent indubitablement de foi, et peuvent par leur exemple anéantir
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la foi dans l’esprit de leurs sujets. Mais comme sans foi il est impossible de se sauver, et comme la plus importante des choses est de se sauver, on doit en conclure que c’est au clergé à voir ce qu’il faut faire des princes qui sont indociles ou sans foi ; souvent il trouve qu’<EM>oportet unum mori pro populo</EM>, doctrine très déplaisante pour les rois, très nuisible à la société, mais dont les jésuites assûrent que l’église doit très bien se trouver, et que le très-saint père n’a jamais eu le courage de condamner. On voit donc que les princes sont en conscience et par intérêt obligés d’être toujours soumis au clergé ; les souverains n’ont de l’autorité dans ce monde que pour que l’église prospère : l’État ne pourrait être heureux si les prêtres n’étaient contents ; c’est, comme on sait, de ces prêtres que dépend le bonheur éternel, qui doit bien plus intéresser les princes eux-mêmes que celui d’ici bas. Ainsi leur autorité doit être subordonnée à celle des prêtres qui savent seuls ce qu’il faut faire pour arriver à la gloire. Le souverain ne doit donc être que l’exécuteur des volontés du clergé, qui n’est lui-même que l’organe des volontés divines. Cela posé, le prince ne remplit son devoir et
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ne doit être obéi que quand il obéit à Dieu, c’est-à-dire, à ses prêtres ; dès que ceux-ci le jugent nécessaire au bien de la religion il est de son devoir de tourmenter, de persécuter, de bannir, de brûler ceux de ses sujets qui ne travaillent point à leur salut, qui sont hors du chemin qui y conduit, ou qui peuvent contribuer à égarer les autres.
 
<P>En effet tout est permis pour le salut des hommes ; rien de plus légitime que de faire périr le corps pour rendre l’âme heureuse ; rien de plus avantageux à la politique chrétienne que d’exterminer de vils mortels qui mettent obstacle aux saintes vues des prêtres. Ainsi loin de reprocher à ceux-ci les cruautés salutaires qu’ils ont souvent employées pour ramener les esprits, on aurait dû leur permettre de redoubler, s’il est possible, ou du moins de rendre plus durables les rigueurs qu’ils font éprouver aux mécréants ; cela leur rendrait, sans doute, plus aimable la religion qu’on veut leur faire embrasser. Celui qui découvrirait un moyen de rendre les supplices des hérétiques plus longs et plus douloureux, ferait, sans doute un grand bien à leurs âmes, et mériterait très bien de l’église et de ses ministres. Ainsi loin
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de blâmer la sévérité que les ministres de la religion exercent ou font exercer par le bras séculier, c’est-à-dire, par les princes, les magistrats et les bourreaux sur ceux qu’ils ont dessein de ramener au giron de l’église, un bon chrétien devrait seconder leur zêle charitable et imaginer de nouveaux moyens, plus efficaces que les anciens, pour déraciner les erreurs et pour sauver les âmes.
 
<P>Que l’on cesse donc de reprocher à l’église ses persécutions, ses exils, ses prisons, ses lettres de cachet, ses tortures, ses bûchers. Plaignons-nous au contraire en voyant que toutes ces saintes rigueurs, employées dans tous les siècles, n’ont point eu l’effet desiré. Tâchons de découvrir quelques moyens plus sûrs d’extirper les hérésies, et surtout ne recourons jamais à la douceur ni à une lâche tolérance, qui, si elle est conforme à l’humanité, serait incompatible avec l’esprit de l’église ou avec le zêle dont un chrétien doit brûler ; avec l’humeur d’un dieu terrible ; avec le caractère de ses prêtres, qui pour obtenir nos respects et nos hommages doivent être encore plus terribles et plus inexorables que lui.
 
<P>C’est avec aussi peu de fondement que les impies reprochent aux ministres du seigneur ces
<P>C’est avec aussi peu de fondement que les impies reprochent aux ministres du seigneur ces querelles aussi intéressantes que sacrées, qui sont les causes les plus fréquentes des troubles, des divisions, des persécutions, des guerres de religion, des révolutions que l’on voit arriver ici bas. Ces aveugles ne voient-ils pas qu’il est de l’essence d’une église militante de combattre toujours ? S’ils avaient de la foi ils verraient, sans doute, que la providence pleine de bonté pour ses créatures, veut les sauver ; que les souffrances et les malheurs sont les vraies routes du salut ; que le bonheur et la tranquillité engourdiraient les nations dans une indifférence dangereuse pour l’église et ses ministres ; qu’il est de l’intérêt des chrétiens de vivre dans la misère, l’indigence et les larmes ; qu’il est de l’intérêt de la religion que ses prêtres se disputent, que leurs sectateurs se battent, que les peuples soient malheureux en ce monde pour être heureux dans l’autre. Toutes ces vues importantes se découvrent à ceux qui ont le bonheur d’avoir une foi bien vive ; rien n’est plus propre à remplir ces mêmes vues que les disputes opiniâtres des théologiens, qui, pour accomplir les projets favorables de la providence, nous donnent lieu d’espérer qu’ils se querelleront et qu’ils mettront leurs sectateurs aux prises jusqu’à la consommation des siècles.
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<P>C’est avec aussi peu de fondement que les impies reprochent aux ministres du seigneur ces querelles aussi intéressantes que sacrées, qui sont les causes les plus fréquentes des troubles, des divisions, des persécutions, des guerres de religion, des révolutions que l’on voit arriver ici bas. Ces aveugles ne voient-ils pas qu’il est de l’essence d’une église militante de combattre toujours ? S’ils avaient de la foi ils verraient, sans doute, que la providence pleine de bonté pour ses créatures, veut les sauver ; que les souffrances et les malheurs sont les vraies routes du salut ; que le bonheur et la tranquillité engourdiraient les nations dans une indifférence dangereuse pour l’église et ses ministres ; qu’il est de l’intérêt des chrétiens de vivre dans la misère, l’indigence et les larmes ; qu’il est de l’intérêt de la religion que ses prêtres se disputent, que leurs sectateurs se battent, que les peuples soient malheureux en ce monde pour être heureux dans l’autre. Toutes ces vues importantes se découvrent à ceux qui ont le bonheur d’avoir une foi bien vive ; rien n’est plus propre à remplir ces mêmes vues que les disputes opiniâtres des théologiens, qui, pour accomplir les projets favorables de la providence, nous donnent lieu d’espérer qu’ils se querelleront et qu’ils mettront leurs sectateurs aux prises jusqu’à la consommation des siècles.
 
 
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<P>Loin de reprocher, comme on fait, l’avarice et la cupidité aux ministres de l’église, ne devrait-on pas montrer la reconnaissance la plus sincère à des hommes qui se dévouent pour nous, qui se chargent de nos possessions, souvent acquises par des voies iniques, qui nous débarassent des richesses qui mettraient des obstacles infinis à notre salut ? C’est pour que les nations se sauvent que le clergé les dépouille ; il ne les plonge dans la pauvreté que pour les détacher de la terre et de ses biens périssables, afin de s’attacher uniquement aux biens durables qui les attendent en paradis, s’ils sont bien dociles à leurs prêtres et bien généreux à leur égard.
 
<P>Quant à l’inimitié pour la science dont on fait un crime au clergé, elle est formellement prescrite par l’écriture sainte ; la science enflerait les laïques, c’est-à-dire, les rendrait insolents et peu dociles à leurs guides spirituels ; les chrétiens doivent demeurer dans une enfance perpétuelle ; ils doivent rester toute leur vie sous la tutelle de leurs prêtres, qui ne voudront jamais que leur bien. La science du salut est la seule qui soit vraiment nécessaire ; pour l’apprendre il suffit de se laisser
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mener. Que deviendrait l’église si les hommes s’avisaient de raisonner ?
 
<P>Que dirons-nous des avantages inestimables qui résultent pour les hommes de la théologie ! De saints prêtres sont perpétuellement occupés à méditer pour les autres les éternelles vérités. À force de rêver et de se creuser le cerveau, ils parviennent à découvrir les idées sans lesquelles les nations vivraient dans les ténebres de l’erreur. À force de syllogismes ils viennent à bout d’éteindre pour toujours l’affreux bon sens, de dérouter la logique mondaine, de fermer la bouche à la raison, qui jamais ne doit se mêler des affaires de l’église. À l’aide de cette théologie les femmes mêmes sont à portée d’entrer dans les querelles de religion, et le peuple est au fait des vérités nécessaires au salut. À l’égard de la morale qu’on accuse les prêtres de pervertir, de changer en pratiques et en cérémonies, de mépriser eux-mêmes ou de ne point enseigner aux hommes ; ceux ci n’ont aucunement besoin d’une morale humaine, qui serait trop souvent incompatible avec la morale divine et surnaturelle. Les vertus chrétiennes que nos prêtres nous enseignent sont elles donc faites pour être comparées avec
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ces vertus chétives et méprisables qui n’ont pour objet que le bonheur de la société ? Cette société est elle donc destinée à être heureuse ici bas ? Ne lui vaut-il pas mieux d’avoir la foi qui la soumet aux prêtres, l’espérance qui la soutient dans les maux qu’on lui fait, la charité si utile au clergé ? N’est-ce donc pas assez pour se sauver d’être humble, c’est-à-dire, bien soumis ; d’être dévôt, c’est-à-dire, bien dévoué à tous les saints caprices de l’église, de se conformer aux pratiques qu’elle ordonne ; enfin d’être, sans y rien comprendre, bien zêlé pour ses décisions ? Les vertus sociales ne sont bonnes que pour des païens, elles deviendroient inutiles ou même nuisibles à des chrétiens ; pour se sauver ils n’ont besoin que de la morale de leurs prêtres ou de leurs casuistes, qui bien mieux que des philosophes savent ce qu’il faut faire pour cela. Les vertus chrétiennes, la morale évangélique, les pratiques de dévotion, les cérémonies sont d’un grand produit pour l’église ; les vertus humaines ou profanes ne lui donnent aucun profit et sont souvent très contraires à ses vues.
 
 
 
<P>Cela posé, quel est l’homme assez ingrat ou assez aveugle pour refuser de reconnaître
<P>Cela posé, quel est l’homme assez ingrat ou assez aveugle pour refuser de reconnaître les fruits que la société retire de ces prédications continuelles, de ces instructions réitérées que nous font des docteurs zêlés, dont la fonction pénible est de nous répéter sans cesse les mêmes vérités évangéliques, que le peu de foi des hommes les empêche de comprendre ? Depuis près de dix-huit siècles les nations sont prêchées et nous avons lieu de croire qu’elles le seront encore longtemps. Si l’on nous dit que malgré les efforts incroyables de nos prêtres et de nos saints moines on ne voit guères d’amendement, nous dirons que c’est un effet sensible de la providence qui veille toujours sur ses prêtres, et qui sent bien que si les hommes se corrigeaient, s’ils avaient des lois plus sensées, une éducation plus honnête, une morale plus intelligible, une politique plus sage, les prêtres ne nous seraient plus bons à rien. Il est, sans doute, entré dans les vues de la providence, que les hommes fussent toujours méchants pour que leurs guides spirituels eussent toujours le plaisir de les prêcher et d’être éternellement payés de leurs instructions éternelles.
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<P>Cela posé, quel est l’homme assez ingrat ou assez aveugle pour refuser de reconnaître les fruits que la société retire de ces prédications continuelles, de ces instructions réitérées que nous font des docteurs zêlés, dont la fonction pénible est de nous répéter sans cesse les mêmes vérités évangéliques, que le peu de foi des hommes les empêche de comprendre ? Depuis près de dix-huit siècles les nations sont prêchées et nous avons lieu de croire qu’elles le seront encore longtemps. Si l’on nous dit que malgré les efforts incroyables de nos prêtres et de nos saints moines on ne voit guères d’amendement, nous dirons que c’est un effet sensible de la providence qui veille toujours sur ses prêtres, et qui sent bien que si les hommes se corrigeaient, s’ils avaient des lois plus sensées, une éducation plus honnête, une morale plus intelligible, une politique plus sage, les prêtres ne nous seraient plus bons à rien. Il est, sans doute, entré dans les vues de la providence, que les hommes fussent toujours méchants pour que leurs guides spirituels eussent toujours le plaisir de les prêcher et d’être éternellement payés de leurs instructions éternelles.
 
<P>La politique mondaine et la morale profane sont, grâces à notre sainte religion, entièrement négligées : la première consiste
<P>La politique mondaine et la morale profane sont, grâces à notre sainte religion, entièrement négligées : la première consiste à s’entendre avec les prêtres, la seconde à se conformer exactement aux pratiques qu’ils ordonnent ; c’en est, sans doute, assez pour que la religion fleurisse et que l’église prospère. Aujourd’hui toute la politique consiste à se lier d’intérêts avec le clergé, et toute la morale consiste à l’écouter. Si les hommes s’avisaient un jour de songer sérieusement à la politique ou à la morale humaine, ils pourraient bien se passer de la religion et de ses ministres. Mais sans religion et sans prêtres que deviendraient les nations ? Elles seraient assurément damnées ; il n’y aurait plus chez elles ni sacrifices, ni couvents, ni expiations, ni pénitences, ni confessions, ni sacrements, ni aucunes de ces pratiques importantes ou de ces cérémonies intéressantes, dont depuis tant de siècles nous éprouvons les bons effets, ou qui font que les sociétés humaines sont si soumises au sacerdoce. Si les hommes allaient se persuader qu’il faut être doux, humains, indulgents, équitables, on ne verrait plus de discordes, d’intolérance, de haines religieuses, de persécutions, de criailleries, si nécessaires au soutien du pouvoir de l’église. Si les princes sentaient qu’il est utile que leurs sujets vivent dans l’union, que le bon sens et la justice exigent que l’on souffre que chacun pense comme il voudra pourvu qu’il agisse en honnête homme et en bon citoyen ; si ces princes au lieu du catéchisme allaient faire enseigner une morale intelligible, que serait-il besoin de disputes théologiques, de conciles, de canons, de formulaires, de profession de foi, de bulles, etc. Qui sont pourtant si nécessaires au bien de la religion, et si propres à exciter de saints tumultes dans les États ? Enfin si des êtres raisonnables s’avisaient jamais de consulter leur raison, que le sacerdoce a si sagement proscrite, que deviendrait la foi, sans laquelle nous savons que l’on ne peut être sauvé ? Tout cela nous prouve évidemment que l’église n’a nul besoin de cette morale humaine et raisonnable que l’on a la témérité d’opposer à la morale divine évangélique, et qui pourrait causer à la fois la ruine de la religion et du sacerdoce, dont on ne peut point se passer. Si les souverains consultaient la raison, l’équité, les intérêts futiles d’une politique terrestre, ils veilleraient à l’instruction des peuples, ils feraient des lois sages, ils rendraient leurs sujets raisonnables, ils seraient adorés chez eux : sur le pied où sont les choses, les princes, ennemis de l’idolâtrie, n’ont pas tant de peines à prendre ; il leur suffit d’être dévôts ou bien soumis aux prêtres, qui seuls doivent être adorés, pour que tout aille le mieux du monde ; l’autorité temporelle n’est en danger que quand l’église est mécontente, et dès lors, comme on sait, cette autorité ne peut plus être légitime. Quant aux mœurs religieuses des sujets, les seules qui soient nécessaires à l’église, les prêtres y pourvoiront toujours ; ils les confesseront, ils les absolveront, ils leur diront des messes, ils leur administreront des sacrements, et quand ils seront à la mort ils leur remettront facilement tous les crimes de leur vie, pourvu qu’ils soient bien généreux à l’endroit du clergé. Que peut-on désirer de plus que d’aller en paradis ? Les prêtres en ont les clefs, ainsi la morale des prêtres suffit, toute autre morale est inutile ou dangereuse ; elle anéantirait les absolutions, les indulgences, les expiations, les scrupules, les donations à l’église, en un mot toutes les choses qui contribuent à la puissance du sacerdoce, et à la gloire du dieu.
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à s’entendre avec les prêtres, la seconde à se conformer exactement aux pratiques qu’ils ordonnent ; c’en est, sans doute, assez pour que la religion fleurisse et que l’église prospère. Aujourd’hui toute la politique consiste à se lier d’intérêts avec le clergé, et toute la morale consiste à l’écouter. Si les hommes s’avisaient un jour de songer sérieusement à la politique ou à la morale humaine, ils pourraient bien se passer de la religion et de ses ministres. Mais sans religion et sans prêtres que deviendraient les nations ? Elles seraient assurément damnées ; il n’y aurait plus chez elles ni sacrifices, ni couvents, ni expiations, ni pénitences, ni confessions, ni sacrements, ni aucunes de ces pratiques importantes ou de ces cérémonies intéressantes, dont depuis tant de siècles nous éprouvons les bons effets, ou qui font que les sociétés humaines sont si soumises au sacerdoce. Si les hommes allaient se persuader qu’il faut être doux, humains, indulgents, équitables, on ne verrait plus de discordes, d’intolérance, de haines religieuses, de persécutions, de criailleries, si nécessaires au soutien du pouvoir de l’église. Si les princes sentaient qu’il est utile que leurs sujets vivent dans l’union,
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que le bon sens et la justice exigent que l’on souffre que chacun pense comme il voudra pourvu qu’il agisse en honnête homme et en bon citoyen ; si ces princes au lieu du catéchisme allaient faire enseigner une morale intelligible, que serait-il besoin de disputes théologiques, de conciles, de canons, de formulaires, de profession de foi, de bulles, etc. Qui sont pourtant si nécessaires au bien de la religion, et si propres à exciter de saints tumultes dans les États ? Enfin si des êtres raisonnables s’avisaient jamais de consulter leur raison, que le sacerdoce a si sagement proscrite, que deviendrait la foi, sans laquelle nous savons que l’on ne peut être sauvé ? Tout cela nous prouve évidemment que l’église n’a nul besoin de cette morale humaine et raisonnable que l’on a la témérité d’opposer à la morale divine évangélique, et qui pourrait causer à la fois la ruine de la religion et du sacerdoce, dont on ne peut point se passer. Si les souverains consultaient la raison, l’équité, les intérêts futiles d’une politique terrestre, ils veilleraient à l’instruction des peuples, ils feraient des lois sages, ils rendraient leurs sujets raisonnables, ils seraient adorés chez eux : sur le pied où sont les choses, les princes, ennemis de l’
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idolâtrie, n’ont pas tant de peines à prendre ; il leur suffit d’être dévôts ou bien soumis aux prêtres, qui seuls doivent être adorés, pour que tout aille le mieux du monde ; l’autorité temporelle n’est en danger que quand l’église est mécontente, et dès lors, comme on sait, cette autorité ne peut plus être légitime. Quant aux mœurs religieuses des sujets, les seules qui soient nécessaires à l’église, les prêtres y pourvoiront toujours ; ils les confesseront, ils les absolveront, ils leur diront des messes, ils leur administreront des sacrements, et quand ils seront à la mort ils leur remettront facilement tous les crimes de leur vie, pourvu qu’ils soient bien généreux à l’endroit du clergé. Que peut-on désirer de plus que d’aller en paradis ? Les prêtres en ont les clefs, ainsi la morale des prêtres suffit, toute autre morale est inutile ou dangereuse ; elle anéantirait les absolutions, les indulgences, les expiations, les scrupules, les donations à l’église, en un mot toutes les choses qui contribuent à la puissance du sacerdoce, et à la gloire du dieu.
 
<P>On nous dira peut être, que les prêtres montrent souvent beaucoup de mépris
<P>On nous dira peut être, que les prêtres montrent souvent beaucoup de mépris pour les vertus mêmes qu ils prêchent aux autres ; que l’on voit quelquefois des pontifes, des ecclésiastiques, des moines vivre dans le libertinage, et se livrer ouvertement à des vices que la morale chrétienne condamne ; en un mot tenir une conduite opposée à leurs leçons. Je réponds 1 que ce n’est point aux laïques à juger leurs prêtres, qui ne sont comptables de leurs actions qu’à eux-mêmes. Je réponds 2 que la charité veut que lorsqu’un prêtre commet le mal nous ne nous en apercevions jamais. Je réponds 3 qu’un prêtre en commettant quelque action qui nous parait criminelle peut souvent faire du bien, et nous le sentirions si nous avions plus de foi. Si, par exemple, un moine laisse ses sandales à la porte d’une femme, (comme il arrive en Espagne) son mari doit supposer qu’il travaille au salut de sa femme ; s’il les surprend en flagrant délit, il doit remercier Dieu qui veut ainsi l’éprouver ou l’affliger par l’entremise de l’un de ses serviteurs, qui se trouve par là lui rendre un très grand service à lui-même. D’ailleurs, si, par impossible, des prêtres manquaient de mœurs, il faut toujours se souvenir de faire ce qu’ils disent et non pas de qu’ils font. Il faut avoir de l’indulgence pour des hommes qui sont de chair et d’os comme les autres ; Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux laïques à se défier de leurs propres forces, puisque les prêtres eux-mêmes sont sujets à tomber. En un mot le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d’apercevoir les dérèglements du clergé ; le manteau de la charité est fait pour les couvrir. Tout chrétien qui sera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu’on ne puisse justifier, dans la conduite des ministres de l’église. Celui qui n’a pas bonne opinion des prêtres du seigneur devient bientôt un impie ; mépriser le clergé, c’est mépriser l’église ; mépriser l’église, c’est mépriser la religion ; mépriser la religion, c’est mépriser le dieu qui en est l’auteur. D’où je conclus que mépriser les prêtres c’est être un incrédule, un athée, ou, ce qui est encore pis, c’est être un philosophe. Il est évident qu’un homme qui pense ainsi sur le compte du clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon pere, bon mari, bon ami, bon soldat, bon magistrat, bon médecin etc. En un mot il n’est bon qu’à bruler, afin d’empêcher les autres d’imiter sa façon de penser.
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<P>On nous dira peut être, que les prêtres montrent souvent beaucoup de mépris pour les vertus mêmes qu ils prêchent aux autres ; que l’on voit quelquefois des pontifes, des ecclésiastiques, des moines vivre dans le libertinage, et se livrer ouvertement à des vices que la morale chrétienne condamne ; en un mot tenir une conduite opposée à leurs leçons. Je réponds 1 que ce n’est point aux laïques à juger leurs prêtres, qui ne sont comptables de leurs actions qu’à eux-mêmes. Je réponds 2 que la charité veut que lorsqu’un prêtre commet le mal nous ne nous en apercevions jamais. Je réponds 3 qu’un prêtre en commettant quelque action qui nous parait criminelle peut souvent faire du bien, et nous le sentirions si nous avions plus de foi. Si, par exemple, un moine laisse ses sandales à la porte d’une femme, (comme il arrive en Espagne) son mari doit supposer qu’il travaille au salut de sa femme ; s’il les surprend en flagrant délit, il doit remercier Dieu qui veut ainsi l’éprouver ou l’affliger par l’entremise de l’un de ses serviteurs, qui se trouve par là lui rendre un très grand service à lui-même. D’ailleurs, si, par impossible, des prêtres manquaient de mœurs, il faut toujours se souvenir de faire ce qu’ils disent et non pas de qu’ils font. Il faut avoir de l’indulgence pour des hommes qui sont de chair et d’os comme les autres ; Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux laïques à se défier de leurs propres forces, puisque les prêtres eux-mêmes sont sujets à tomber. En un mot le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d’apercevoir les dérèglements du clergé ; le manteau de la charité est fait pour les couvrir. Tout chrétien qui sera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu’on ne puisse justifier, dans la conduite des ministres de l’église. Celui qui n’a pas bonne opinion des prêtres du seigneur devient bientôt un impie ; mépriser le clergé, c’est mépriser l’église ; mépriser l’église, c’est mépriser la religion ; mépriser la religion, c’est mépriser le dieu qui en est l’auteur. D’où je conclus que mépriser les prêtres c’est être un incrédule, un athée, ou, ce qui est encore pis, c’est être un philosophe. Il est évident qu’un homme qui pense ainsi sur le compte du clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon pere, bon mari, bon ami, bon soldat, bon magistrat, bon médecin etc. En un mot il n’est bon qu’à bruler, afin d’empêcher les autres d’imiter sa façon de penser.
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d’os comme les autres ; Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux laïques à se défier de leurs propres forces, puisque les prêtres eux-mêmes sont sujets à tomber. En un mot le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d’apercevoir les dérèglements du clergé ; le manteau de la charité est fait pour les couvrir. Tout chrétien qui sera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu’on ne puisse justifier, dans la conduite des ministres de l’église. Celui qui n’a pas bonne opinion des prêtres du seigneur devient bientôt un impie ; mépriser le clergé, c’est mépriser l’église ; mépriser l’église, c’est mépriser la religion ; mépriser la religion, c’est mépriser le dieu qui en est l’auteur.
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D’où je conclus que mépriser les prêtres c’est être un incrédule, un athée, ou, ce qui est encore pis, c’est être un philosophe. Il est évident qu’un homme qui pense ainsi sur le compte du clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon pere, bon mari, bon ami, bon soldat, bon magistrat, bon médecin etc. En un mot il n’est bon qu’à bruler, afin d’empêcher les autres d’imiter sa façon de penser.
 
<P>Ces réflexions sommaires doivent suffire pour nous faire sentir les obligations immenses que nous avons au clergé ; je les récapitule en peu de mots. C’est à l’ambition si légitime des prêtres que nous devons les combats continuels du sacerdoce et de l’empire, qui, pour le bien de nos âmes, ont depuis tant de siècles désolé les États, dérouté la politique humaine, et rendu les gouvernements faibles et chancelants. C’est à la ligue du sacerdoce et de l’empire que les peuples en plusieurs pays sont redevables du despotisme, des persécutions, des saintes tyrannies
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qui ont dévasté pour la plus grande gloire de Dieu les plus florissantes contrées. C’est aux saintes querelles des prêtres entre eux que nous devons les hérésies et les persécutions des hérétiques ; c’est aux hérésies que nous devons la très sainte inquisition, ses buchers et ses tortures, ainsi que les exils, les emprisonnements, les formulaires, les bulles etc. Qui, comme on sait, remédient parfaitement aux erreurs et les empêchent de s’étendre. C’est au zêle du sacerdoce que nous devons les révolutions, les séditions, les guerres de religion, les régicides et les autres spectacles édifiants que la religion depuis dix-huit siècles procure à ses enfants chéris. C’est à la sainte avidité du sacerdoce que les peuples sont redevables de l’indigence heureuse, de ce découragement salutaire, qui étouffent l’industrie partout où les prêtres sont puissants. C’est à leur louable inimitié pour la science que nous devons le peu de progrès des esprits dans les connaissances mondaines et leurs progrès immenses dans la théologie. C’est à leur morale toute divine que nous devons l’heureuse ignorance où nous sommes de la morale humaine, qu’il serait bon d’oublier : c’est à leurs casuistes que nous devons cette morale merveilleuse et calculée qui nous rend à
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peu de frais les amis de Dieu : enfin c’est à leurs vices mêmes, à leurs saintes tracasseries que nous devons les épreuves qui nous conduiront au salut.
 
<P>Joignez à tout cela les prières ferventes, les instructions charitables, l’éducation merveilleuse dont depuis tant de siècles les nations recueillent visiblement les fruits, et vous reconnaitrez, mes frères, que vous ne sauriez trop faire pour des hommes qui se dévouent pour notre bien en ce monde, et à qui, suivant toute apparence, nous devrons un jour le bonheur éternel en échange de celui dont ils nous privent ici bas. Ainsi que tout bon chrétien se pénètre d’un respect profond pour les prêtres du seigneur ; qu’il sente les obligations immenses qu’il leur a ; que les princes les placent sur le trône à leurs côtés, ou plutôt qu’ils leur cèdent une place qui ne peut être plus dignement occupée ; qu’ils commandent également aux souverains et aux sujets ; que revêtus d’un pouvoir illimité, toutes leurs volontés soient reçues sans murmure par les nations dociles, ils ne peuvent jamais abuser de leur puissance, elle tendra toujours nécessairement au bien-être de l’église, qui ne sera jamais qu’une seule et même chose avec le clergé.
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qu’une seule et même chose avec le clergé.
 
<P>En effet ne nous y trompons pas, mes chers frères, l’église, la religion, la divinité même sont des mots qui ne désignent que le sacerdoce, envisagé sous différents points de vue. L’église est un nom collectif pour désigner le corps de nos guides spirituels ; la religion est le système d’opinions et de conduite imaginé par ces guides pour vous mener plus surement. À force de théologie la divinité s’est elle-même identifiée avec vos prêtres, elle ne réside plus que dans leur cerveau, elle ne parle que par leur bouche, elle les inspire sans cesse, elle ne les dément jamais.
 
<P>D’où vous voyez que vos prêtres sont ce que vous connaissez de plus sacré dans l’univers. Ces prêtres forment l’église ; l’église décide du culte et de la religion ; la religion est l’ouvrage de l’église dans laquelle Dieu ou l’esprit de Dieu ne peut se dispenser de résider. D’après ces vérités si frappantes, auxquelles l’incrédulité la plus audacieuse ne peut point se refuser, vous voyez que les droits du clergé sont vraiment des droits divins puisqu’ils ne sont que les droits de la divinité même. Les intérêts du clergé sont les intérêts
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de Dieu lui-même. Les droits, les intérêts, la cause du clergé ne peuvent se séparer de ceux de la divinité, qui réside en eux, de même que l’âme réside dans le corps, et s’affecte de tout ce qui fait impression sur ce corps. En un mot Dieu, la religion, l’église sont la même chose que les prêtres. C’est de cette trinité que résulte l’être unique que l’on nomme le clergé.
 
<P>En fixant ou simplifiant ainsi vos idées, mes très chers frères, tout le système de la religion se découvrira sans nuages à vos yeux. Vous comprendrez que le culte divin est l’hommage que le clergé juge nécessaire d’imposer aux nations ; vous sentirez que nos dogmes sont les opinions de ce même clergé ; vous verrez que la théologie est l’enchainement de ces mêmes opinions ; vous concevrez que les disputes du clergé sur les dogmes viennent du peu d’harmonie qui subsiste quelquefois entre Dieu, qui est l’âme de l’église, et les prêtres qui en sont le corps. Vous reconnaitrez que Dieu, la religion et l’église doivent changer d’avis quelquefois puisque le clergé est forcé d’en changer. Vous comprendrez qu’obéir à Dieu, à la religion, à l’église, c’est obéir au clergé, et par conséquent
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que regimber contre le clergé c’est se révolter contre le ciel ; en médire c’est blasphémer : le mépriser c’est être impie ; l’attaquer c’est s’en prendre à Dieu lui-même ; toucher à ce qui lui appartient c’est commettre un sacrilège ; enfin vous sentirez que ne point croire au clergé c’est être athée, c’est ne point croire en Dieu lui-même. Monarques ! Grands de la terre ! Nations ! Tombez donc en tremblant dans la poussière aux pieds de vos prêtres divins ; baisez les traces de leurs pas ; pénétrez-vous d’une sainte frayeur. Profanes ! Qui que vous soyez, rampez comme des insectes devant les ministres du très-haut ; ne levez jamais un front audacieux devant les maitres de votre sort ; ne portez jamais un œil curieux dans le sanctuaire redoutable, ni sur les importants mystères de vos guides sacrés ; tout ce qu’ils disent est vérité ; tout ce qu’ils ordonnent est utile et sage ; tout ce qu’ils exigent est juste, tout ce qu’ils enseignent sont des arrêts du ciel, ce serait un crime affreux de les examiner. Souverains ! Montrez l’exemple de l’obéissance, de la crainte, du respect le plus servile : sujets ! Quand vos prêtres l’exigent, forcez vos souverains à plier sous le joug. Princes de la terre, votre
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pouvoir dépend de votre soumission aux ministres du ciel ; tirez donc l’épée pour eux, exterminez pour eux, appauvrissez vos peuples pour les faire vivre dans la splendeur et l’abondance. Nations ! Dépouillez-vous vous-mêmes pour accumuler vos richesses périssables sur des hommes tout divins, à qui seuls la terre appartient ; sinon, redoutez la vengeance des ministres courroucés du dieu de la vengeance ; songez qu’il est en colère contre la race humaine ; songez que ses bienfaits ne sont dûs qu’aux prières de ses favoris, devant lesquels jamais vous ne pouvez trop vous abaisser. Enfin souvenez-vous toujours que ce n’est que par leurs recommandations et leur crédit que vous pourrez entrer dans le séjour de la gloire, et mériter l’éternelle félicité, qui seule est digne d’occuper vos pensées ; vous ne l’obtiendrez qu’en vous rendant malheureux ici-bas, qu’en y rendant vos prêtres heureux, qu’en vous soumettant sans examen à toutes leurs volontés : voilà le chemin du bonheur, que je vous souhaite, au nom du père, du fils et du saint-esprit.
 
<P>Ainsi soit-il.
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==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/37]]==
 
<DT>Aaron
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<DT>Abbayes
 
<DD>Asiles sacrés contre la corruption du siècle, qui dans des temps de foi vive, furent fondés et dotés par de saints brigands, et destinés à recevoir un certain nombre de citoyens ou de citoyennes très utiles, qui se consacrent à chanter, à manger, à dormir, le tout pour que leurs concitoyens travaillent avec succès.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/38]]==
concitoyens travaillent avec succès.
 
 
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<DT>Abraham
 
<DD>C’est le père des croyants. Il mentit, il fut cocu, il se rogna le prépuce et montra tant de foi que, si un ange n’y eût mis la main, il coupait la jugulaire à son fils, que le bon dieu, pour badiner, lui avait dit d’immoler : en conséquence Dieu fit une alliance éternelle avec lui et sa postérité, mais le fils
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/39]]==
de Dieu a depuis anéanti ce traité, pour de bonnes raisons que son papa n’avait point pressenties.
 
 
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<DT>Absurdités
 
<DD>Il ne peut y en avoir dans la religion ; elle est l’ouvrage du verbe ou de la raison divine, qui, comme on sait, n’a rien de commun avec la raison humaine. C’est faute de foi que les incrédules croient trouver des absurdités dans le christianisme ; or, manquer de foi, est, sans doute, le comble de l’absurdité.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/40]]==
Pour faire disparaître du christianisme toutes les absurdités il ne faut qu’y être habitué dès l’enfance et ne les jamais examiner. Plus une chose est absurde aux yeux de la raison humaine plus elle est convenable à la raison divine ou à la religion.
 
 
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<DT>Agnus-dei
 
<DD>Petits gâteaux de cire, bénis par le pape lui-même, et qui par conséquent ont reçu de la première main la vertu miraculeuse d’écarter les prestiges, les enchantements,
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les orages. Voilà pourquoi le tonnerre ne tombe jamais dans les pays qui sont pourvus de cette sainte marchandise.
 
 
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<DT>Âme
 
<DD>Substance inconnue, qui agit d’une façon inconnue sur notre corps que nous ne connaissons guère ;
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nous devons en conclure que l’âme est spirituelle. Or personne n’ignore ce que c’est que d’être spirituel. L’âme est la partie la plus noble de l’homme, attendu que c’est celle que nous connaissons le moins. Les animaux n’ont point d’âmes, ou n’en ont que de matérielles ; les prêtres et les moines ont des âmes spirituelles, mais quelques-uns d’entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu’ils font, sans doute, par pure humilité.
 
 
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==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/43]]==
 
<DT>Amour propre
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<DT>Ânes.
 
<DD>Animaux à longues oreilles qui sont patients et malins. Ils sont les vrais modèles des chrétiens, qui doivent se laisser bâter et porter la croix comme eux. Jésus monta un âne, qui ne lui appartenait point, lorsqu’il fit son entrée glorieuse dans Jérusalem, action
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par laquelle il voulût annoncer que ses prêtres auraient le droit de monter et de bâter les chrétiens et les chrétiennes jusqu’à la consommation des siècles. <EM>Cet article est de M Fréron.</EM>
 
 
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<DT>Annonciation
 
<DD>Visite de cérémonie d’un pur esprit lorsqu’il troussa son compliment à une vierge de Judée : il en résulta un marmot aussi grand que son papa, qui n’a pas laissé de faire un certain bruit dans le monde, sans celui que
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nous avons lieu d’espérer qu’il y pourra faire encore, si les hommes sont toujours aussi sages qu’ils l’ont été.
 
 
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<DT>Antiquité
 
<DD>Elle n’a jamais pu se tromper ; l’ancienneté est toujours une preuve indubitable de la bonté d’une opinion, d’un usage, d’une cérémonie, etc. Il est très important de ne rien innover ; les vieux souliers sont plus commodes que les neufs, les pieds n’y sont point gênés. Le clergé ne doit jamais démordre de ce qu’il a toujours pratiqué. L’église la plus vieille est la moins sujette à radoter.
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à radoter.
 
 
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<DT>Apôtres
 
<DD>Ce sont douze gredins fort ignorants, et gueux comme des rats d’église, qui composaient la cour du fils de Dieu sur la terre, et qu’il chargea
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du soin d’instruire tout l’univers. Leurs successeurs ont fait depuis une fortune assez brillante, à l’aide de la théologie, que leurs devanciers, les apôtres, n’avaient point étudié. D’ailleurs le clergé, comme la noblesse, est fait pour acquérir plus de lustre à mesure qu il s’éloigne de sa première origine, ou qu’il ressemble moins à ses devanciers.
 
 
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<DT>Appelants
 
<DD>Ce sont en France des jansénistes qui ont sagement appelé de la bulle <EM>unigenitus</EM> au futur concile général, qui décidera définitivement les disputes sur la grâce : suivant les dernières
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nouvelles on est sûr que ce concile se tiendra sans faute la veille du jugement dernier.
 
 
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<DT>Argent
 
<DD>Il est une source de crimes dans la société ; les prêtres doivent faire tous leurs efforts pour en soulager les fidèles, afin qu’ils marchent plus lestement dans la voie du salut. Jésus-
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Christ ne voulait pas que ses apôtres prîssent de l’argent, mais l’église a depuis bien changé tout cela ; aujourd’hui sans argent point de prêtres. Le tout pour accomplir cet ordre du lévitique chap xxvii v 18. <EM>Supputabit sacerdos pecuniam</EM>. Le prêtre comptera son argent.
 
 
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<DT>Assassinat
 
<DD>Cas prévôtal pour les laïques, mais privilégié pour les clercs ; ceux-ci,
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dans quelques contrées, jouissent du droit de voler et d’assassiner, sans pouvoir être repris par la justice ordinaire. D’ailleurs on sait que l’église jouit de droit divin du droit d’assassiner les hérétiques, les tyrans et les mécréants, ou du moins de celui de les faire assassiner par les laïques, vu qu’elle abhorre le sang.
 
 
Ligne 326 ⟶ 410 :
<DT>Attributs divins
 
<DD>Qualités inconcevables qu’à force d’y rêver les théologiens ont décidé devoir nécessairement appartenir à un être dont ils n’ont point d’idées. Ces qualités paraissent incompatibles à ceux qui manquent de foi, mais elles sont faciles à concilier quand on n’y réfléchit point. Les attributs négatifs dont la théologie gratifie la divinité nous apprennent qu’elle n’est rien de tout ce que nous pouvons connaître, ce qui est très propre à fixer idées.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/51]]==
est très propre à fixer idées.
 
 
Ligne 350 ⟶ 436 :
<DT>Avenir
 
<DD>C’est un pays connu des géographes spirituels, où Dieu paiera, sans faute,
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/52]]==
à leur échéance toutes les lettres de change que ses facteurs ou courtiers auront tirées sur lui : on n’a point appris jusqu’ici qu’il ait laissé protester les lettres de ses gens d’affaires ; elles sont, comme on sait, toujours payables à vue.
 
 
Ligne 374 ⟶ 462 :
<DT>Austérités
 
<DD>Moyens ingénieux que les chrétiens parfaits ont imaginés pour se tourmenter eux-mêmes ; afin de faire un grand plaisir au dieu de la bonté : il est toujours charmé de l’esprit que ses chers enfans montrent dans ces sortes d’inventions,
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/53]]==
les austérités ont de plus l’avantage de faire ouvrir de grands yeux à ceux qui sont témoins de ces merveilleuses folies ; elles paraissent très sages à tous ceux qui ont la simplicité de la foi.
 
 
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<DT>Autels
 
<DD>Ce sont les tables de Dieu, qui dégouté de tous les mets dont on le régalait autrefois, veut aujourd’hui que ses sacrificateurs lui servent son propre fils, qu’ils mangent ensuite eux-mêmes ou font manger à d’autres, en se réservant, comme de raison, la sauce. À la vue de ce repas friand la colère du père éternel est désarmée, il est l’ami de cœur de tous ceux qui lui viennent croquer son cher fils à sa barbe. L’autel dans un sens figuré est toujours opposé au trône ; ce qui signifie que les prêtres donnent souvent de la tablature aux souverains. Néanmoins quand l’église est attaquée, il est bon de crier que l’on sappe et le trône et l’autel ; cela rend l’église intéressante, cela fait que le souverain se croit en conscience obligé d’entrer dans sa querelle et de s’intéresser pour elle, même contre ses propres intérêts. Quand les princes ont bien de la foi, il est aisé de leur faire
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/54]]==
entendre que quand on en veut aux prêtres, c’est à eux-mêmes que l’on en veut.
 
 
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==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/55]]==
 
<DT>Babel (tour de)
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<DT>Bâtards
 
<DD>Ce sont des vauriens dont les parents n’ont point payé l’église pour acquérir le droit de coucher ensemble. En
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/56]]==
conséquence de la sage jurisprudence introduite par le péché originel, les bâtards doivent être punis de la faute de leurs pères ; on les prive des avantages dont jouissent les enfans de ceux qui ont payé pour coucher.
 
 
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<DT>Bénédictions
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/57]]==
 
<DD>Charmes, enchantements, cérémonies magiques par lesquelles les ministres du seigneur, en levant deux doigts en l’air et en marmottant de saintes conjurations, évoquent le tout-puissant et le forcent à lâcher le robinet de ses grâces sur les hommes et sur les choses ; ce qui leur fait sur le champ changer de nature, et ce qui remplit surtout le gousset du clergé. Quand une chose est bénite elle est sacrée, elle cesse d’être profane, on ne peut plus y toucher sans sacrilége, sans profanation, sans mériter d’être brûlé.
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<DT>Bible
 
<DD>Livre très saint, inspiré par l’esprit de Dieu, qui contient tout ce qu’un chrétien doit savoir et pratiquer. Il est à propos que les laïques ne le lisent jamais ; la parole de Dieu ne manquerait
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/58]]==
pas de leur nuire, il vaut bien mieux que les prêtres lisent la bible pour eux ; ils ont seuls l’estomac assez fort pour la bien digérer, les laïques doivent se contenter des produits de la digestion sacerdotale.
 
 
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<DT>Bonnet quarré
 
<DD>C’est, dit-on, l’éteignoir du bon sens. On affuble le péricrâne d’un docteur d’un bonnet quarré pour lui faire
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/59]]==
sentir que sa fonction désormais sera d’éteindre dans les autres la raison, qu’à force d’étudier il est heureusement parvenu à éteindre en lui-même.
 
 
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==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/60]]==
 
<DT>Bulles
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<DT>Calomnie
 
<DD>Moyen très légitimement et très saintement employé par les prêtres, par les dévots, et surtout par les dévotes, contre les ennemis de leurs confesseurs et de l’église ; le tout pour la plus grande gloire du dieu de vérité.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/61]]==
plus grande gloire du dieu de vérité.
 
 
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<DT>Canons
 
<DD>Règles et décisions par lesquelles des évêques assemblés en concile fixent, jusqu’à nouvel ordre, les dogmes invariables de la foi, la discipline de l’église, expliquent et corrigent la parole de Dieu, se font
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/62]]==
des titres et des droits incontestables, anathématisent tous ceux qui oseraient en douter, et se font obéir avec succès quand les canons des princes viennent à l’appui des canons de l’église.
 
 
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<DT>Cardinal
 
<DD>C’est un prêtre tout rouge
<DD>C’est un prêtre tout rouge qui, en vertu d’un bref du pape, devient égal aux rois, et se soustrait de leur obéissance, hors le cas où il s’agit d’en recevoir des grâces, qu’il a la bonté d’accepter par complaisance pure. Les cardinaux sont vêtus de rouge ou de couleur de feu pour qu’ils ne perdent jamais de vue le sang qu il faut répandre pour le bien de l’église, et les fagots qu’il faut allumer pour soutenir la foi.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/63]]==
<DD>C’est un prêtre tout rouge qui, en vertu d’un bref du pape, devient égal aux rois, et se soustrait de leur obéissance, hors le cas où il s’agit d’en recevoir des grâces, qu’il a la bonté d’accepter par complaisance pure. Les cardinaux sont vêtus de rouge ou de couleur de feu pour qu’ils ne perdent jamais de vue le sang qu il faut répandre pour le bien de l’église, et les fagots qu’il faut allumer pour soutenir la foi.
 
 
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<DT>Catéchisme
 
<DD>Recueil d’instructions pieuses, inintelligibles et nécessaires que les prêtres ont soin d’inculquer aux petits chrétiens
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/64]]==
pour les accoutumer de bonne heure à déraisonner toute leur vie.
 
 
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<DD>Les théologiens sont les confidents de la divinité ; ils
 
connaissent les motifs secrets de toutes ses actions, et trouvent que c’est pour le plus grand bien de l’espèce humaine qu’il y a des pestes, des guerres, des famines, des punaises, des cousins et des querelles théologiques sur la terre. Il est au moins certain que tout ce qui arrive dans le monde tourne toujours au profit du sacerdoce ; la divinité n’a jamais que son clergé en vue dans tout ce qu’elle fait ici-bas.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/65]]==
dans tout ce qu’elle fait ici-bas.
 
 
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<DT>Cérémonies
 
<DD>Ce sont des mouvements du corps sagement ordonnés par les prêtres
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/66]]==
dans la vue de plaire à Dieu ; elles sont d’une telle importance qu’il vaudrait mieux qu’une nation pérît par le fer et par le feu que d’en omettre ou d’en changer une seule. voyez Rites.
 
 
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<DT>Chaîre
 
<DD>C’est la boite à Pandore des chrétiens ;
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/67]]==
c’est la tribune aux harangues d’où les orateurs sacrés débitent leurs utiles leçons ; il en sort quelquefois des hérésies, des révoltes, des ligues, des guerres très nécessaires pour égayer les peuples et ranimer la foi.
 
 
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<DT>Charité
 
<DD>C’est la plus importante de toutes les vertus ; elle consiste à aimer par-
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/68]]==
dessus toutes choses un dieu que nous ne connaissons guère, ou ses prêtres que nous connaissons très bien. De plus elle veut que nous aimions comme nous-mêmes notre prochain, pourvu néanmoins qu’il aime Dieu ou ses prêtres et qu’il en soit aimé ; sans cela il est convenable de le tuer par charité. Mais la vraie charité et la plus essentielle consiste à graisser la patte aux prêtres ; cette vertu seule suffit pour couvrir tous les péchés.
 
 
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<DT>Charnel
 
<DD>C’est ce qui n’est point spirituel : les hommes charnels sont ceux qui n’ont point assez d’esprit pour sentir le mérite des biens spirituels, pour lesquels on leur dit de renoncer au bonheur. En général les hommes charnels sont ceux
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/69]]==
qui ont le malheur d’être composés de chair et d’os, ou d’avoir du bon sens.
 
 
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<DT>Christianisme
 
<DD>Système religieux attribué à Jésus-Christ mais réellement inventé
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/70]]==
par Platon et par St Paul, perfectionné par les pères, les conciles, les interprètes, et suivant les occasions corrigé par l’église pour le salut des hommes. Depuis la fondation de cette religion sublime, les peuples sont devenus bien plus sages, plus éclairés, plus heureux qu’auparavant ; à compter de cette heureuse époque on n’a vu ni dissensions, ni troubles, ni massacres, ni déréglements, ni vices : ce qui prouve invinciblement que le christianisme est divin, qu’il faut avoir le diable au corps pour oser le combattre, et qu’il faut être fou pour oser en douter.
 
 
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<DT>Ciel
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/71]]==
 
<DD>Pays fort éloigné, où réside le dieu qui remplit l’univers de son immensité. C’est de ce pays que nos prêtres font venir à peu de frais, les dogmes, les arguments et les autres denrées spirituelles et aériennes qu’ils débitent aux chrétiens ; c’est là, qu’assise sur les nuées la divinité par leurs ordres, répand sur nos climats les rosées ou les déluges, les pluies douces ou les orages, les calamités ou les prospérités et surtout les querelles religieuses, si utiles au maintien de la foi. Il y a trois ciels, comme chacun sait ; st Paul a vu le troisième, mais il ne nous a point donné la carte du pays, ce qui embarrasse beaucoup les géographes de l’académie.
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<DT>Circoncision
 
<DD>Le père éternel, qui, comme on sait, a parfois des fantaisies, voulait
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/72]]==
jadis que ses amis se rognassent le prépuce ; son fils lui-même s’est soumis à cette belle cérémonie ; mais depuis son papa s’est radouci ; il n’en veut plus aux prépuces de ses amis, il est content pourvu que jamais ils n’en fassent usage. v Amour.
 
 
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<DT>Clergé
 
<DD>C’est le premier des corps dans tout État bien policé ; Dieu le destina lui-même à remplir les plus nobles et les plus importantes fonctions ; elles consistent à chanter, à débiter des chansons, et à se faire bien payer de la céleste musique. Clergé signifie héritage ou portion. Le clergé n’est si riche que parce qu’il possède l’héritage de Jésus-Christ qui,
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/73]]==
comme on sait, a laissé une très bonne succession.
 
 
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<DT>Colère
 
<DD>Péché capital pour tout chrétien laïque, qui ne doit se fâcher que
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/74]]==
lorsque l’église se fâche, par ce qu’alors c’est Dieu qui se met en colère : en effet le dieu de la bonté est très colère ; ses enfants bien-aimés sont nés dans sa colère ; il est donc à propos de se mettre en colère quand il est lui-même en colère. Car il se fâcherait à coup sûr si l’on était moins colère que lui. Les prêtres ont le vrai thermomètre de la colère divine.
 
 
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<DT>Commerce
 
<DD>Le commerce est interdit aux prêtres et aux moines ; ils peuvent néanmoins très légitimement faire quelques petits profits sur les marchandises rares
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/75]]==
qu’ils font venir de l’autre monde ; ils n’y gagnent guères en France que cent millions pour zéro. C’est assez bien placer son argent. Jésus Christ, comme on sait, chassa les vendeurs du temple, c’étaient selon toute apparence des marauds de laïques, à qui il voulut apprendre qu’il ne convient qu’aux prêtres de faire une boutique de la maison du seigneur.
 
 
Ligne 846 ⟶ 976 :
<DT>Compulsions
 
<DD>Politesses très pressantes que le christianisme a mises à la mode pour inviter à la foi ceux qui peuvent en manquer. Elles consistent à faire entrer ou rentrer dans la voie du salut à force de lettres de cachet, de prisons, de tortures ou même à coups de canon, quand on a de l’artillerie à ses ordres.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/76]]==
on a de l’artillerie à ses ordres.
 
 
Ligne 870 ⟶ 1 002 :
<DT>Concorde
 
<DD>Elle règne toujours parmi les chrétiens et surtout entre leurs théologiens ; la preuve la plus indubitable de la divinité du christianisme se tire de la concorde
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/77]]==
inaltérable qui subsiste entre ses disciples. C’est un miracle perpétué qui confond la raison humaine !
 
 
Ligne 888 ⟶ 1 022 :
<DT>Confession auriculaire
 
<DD>Invention très utile aux fidèles et surtout très commode aux prêtres de l’église romaine ; par son moyen ils sont au fait des secrets des familles, à portée de soutirer l’argent des poltrons, de brouiller les ménages, d’exciter au besoin de saintes révolutions.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/78]]==
L’église est privée d’une partie de ces avantages dans les pays où l’on ne veut point se confesser.
 
 
Ligne 912 ⟶ 1 048 :
<DT>Consolations
 
<DD>La religion chrétienne fournit des consolations infinies aux dévots : elle les console des maux et des tribulations de cette vie en leur apprenant qu’ils
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/79]]==
ont affaire à un dieu bon, qui les châtie pour leur bien dans ce monde périssable, et qui, par un effet de sa tendresse divine, pourrait avoir la fantaisie de les cuire éternellement, ce qui est très consolant pour les frileux.
 
 
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<DT>Conversions
 
<DD>Changements miraculeux et rares, qui sont dus à la grâce du très-haut, et dont la société recueille communément les plus grands fruits. Ils font qu’une coquette surannée quitte le rouge ;
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/80]]==
qu’une femme aimable se change en piegriéche ; qu’un homme du monde devient un chat-huant ; enfin qu’un financier en mourant, désespéré de ne pouvoir emporter avec lui le fruit de ses rapines, laisse son bien à l’église ou à des hôpitaux pour l’acquit de sa conscience, pour le repos de son âme, et pour le salut de ceux qu’il a dépouillés.
 
 
Ligne 948 ⟶ 1 088 :
<DT>Correction fraternelle
 
<DD>Dans la religion chrétienne chacun doit se mêler de la conscience de son voisin et s’intéresser vivement à son salut. Il faut le reprendre
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/81]]==
de ses fautes et surtout tâcher de le faire revenir de ses erreurs. Quand il n est point docile il faut le fuir et le haïr, ou bien le tourmenter et le tuer, quand on est le plus fort.
 
 
Ligne 960 ⟶ 1 102 :
<DT>Couvent
 
<DD>Lieu saint où l’on renferme sous la clef une couvée de moines ou de moinesses, afin de les séquestrer de la société. On les lâche néanmoins dans le public quand il s’agit de lever sur les peuples les impôts spirituels qui se payent argent comptant. Les couvents de filles sont très utiles pour débarrasser les familles, et surtout les fils ainés, des sœurs qui les incommodent. Ces saintes maisons servent d’ailleurs à l éducation du beau-sexe, c’est-à-dire à former des citoyennes bien crédules, bien peureuses, bien ignorantes, bien dévote, en un mot de saintes bégueules très utiles au clergé.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/82]]==
mot de saintes bégueules très utiles au clergé.
 
 
Ligne 978 ⟶ 1 122 :
<DT>Crédibilité
 
<DD>L’on appelle motifs de crédibilité les raisons convaincantes ou les preuves évidentes qui nous forcent à croire une chose. Dans la religion les motifs qui nous font croire, c’est la parole de monsieur le curé, c’est l’ignorance,
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/83]]==
c’est l’habitude, et surtout c’est la crainte de se faire des affaires.
 
 
Ligne 996 ⟶ 1 142 :
<DT>Croire
 
<DD>C’est avoir une confiance sans bornes dans les prêtres. Un bon chrétien ne peut se dispenser de croire tout ce qu’on lui dit de croire, sans cela il n’est bon qu’à brûler ; s’il nous dit que la grâce lui manque, qu’on le brûle toujours ; la divinité en lui refusant sa grâce annonce qu’elle
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/84]]==
ne le juge bon qu’à brûler, pour réchauffer la foi de ses élus.
 
 
Ligne 1 020 ⟶ 1 168 :
<DT>Crosse
 
<DD>C’est le lituus, le bâton augural des romains,
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/85]]==
que dans les cérémonies de l’église portent les évêques ou les abbés croisés. Il est fait pour annoncer aux chrétiens qu’ils sont de vraies brebis, qui n’ont rien de mieux à faire que de se laisser bien tondre par leurs sacrés bergers.
 
 
Ligne 1 038 ⟶ 1 188 :
<DT>Curiosité
 
<DD>C’est un très grand péché. Dieu condamna jadis le genre humain à la mort pour la curiosité d’une femme
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/86]]==
qui voulut connoître et le bien et le mal ; ce qui prouve qu’on risque de lui déplaire souverainement quand on a le bon sens, ou quand on veut en savoir plus que nos prêtres ne veulent que nous en sachions.
 
 
Ligne 1 057 ⟶ 1 209 :
 
<DT>David
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/87]]==
 
<DD>C’est l’un des plus grands saints du paradis, le vrai modèle des rois. Il fut rebelle, paillard, adultère, assassin, etc. Il couchait avec les femmes et faisait tuer les maris, mais il fut bien dévôt et bien soumis aux prêtres, ce qui lui valut d’être appellé homme selon le cœur de Dieu ; Dieu même jusqu’à ce jour n’est jamais de plus belle humeur que lorsqu’on lui répete les vaudevilles que ce saint homme a composés.
Ligne 1 076 ⟶ 1 229 :
<DT>Déisme
 
<DD>Systême impie, vu qu’il suppose un dieu trop raisonnable, qui n’exige rien des hommes
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/88]]==
que d’être bons et honnêtes, et qui ne leur demande ni foi, ni culte, ni cérémonies. On sent que ce systême est absurde et ne convient nullement au clergé ; une telle religion n’aurait pas besoin de prêtres ; ce qui serait fâcheux pour la théologie.
 
 
Ligne 1 094 ⟶ 1 249 :
<DT>Déposition
 
<DD>Les évêques seuls ont droit de juger et de déposer un évêque, les souverains, sans sacrilége, ne peuvent exercer ce droit ; depuis que Samuël déposa le roi Saül, les évêques ont
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/89]]==
acquis le droit de déposer les rois ; d’où l’on voit que c’est très légitimement que Louis Le Débonnaire fut déposé par des évêques au concile de Soissons, et que le pape a le droit incontestable de déposer les rois.
 
 
Ligne 1 106 ⟶ 1 263 :
<DT>Dévotion
 
<DD>C’est un saint dévouement aux prêtres, ou une pieuse exactitude à remplir les pratiques qu’ils recommandent. Les dévots, c’est-à-dire, les chrétiens, duement pénétrés de ces grands sentiments, ont l’avantage d’être plats, ennuyeux, insociables et par conséquent très dignes d’aller bien vite en paradis. Les dévotes sont de saintes bégueules qui travaillent efficacement au salut de tous ceux qui les approchent, en leur donnant un saint dégoût pour les choses de ce monde ; le mari d’une dévote
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/90]]==
doit être au moins souvent tenté de se sauver de chez lui.
 
 
Ligne 1 118 ⟶ 1 277 :
<DT>Dieu
 
<DD>Mot synonyme de prêtres ; ou, si l’on veut, c’est le factotum des théologiens, le premier agent du clergé ; le chargé d’affaires, le pourvoyeur, l’intendant de l’armée divine. La parole de Dieu c’est la parole des prêtres ; la gloire de Dieu c’est la morgue des prêtres ; la volonté de Dieu c’est la volonté des prêtres. Offenser Dieu c’est offenser les prêtres. Croire en dieu c’est croire ce qu’en disent les prêtres.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/91]]==
Quand on dit que Dieu est en colere, cela signifie que les prêtres ont de l’humeur. En substituant le mot prêtres à celui de dieu la théologie devient la plus simple des sciences. Cela posé, l’on doit conclure qu’il n’existe point de vrais athées, vû qu’à moins d’être imbécille, on ne peut nier l’existence du clergé, qui se fait très bien sentir. Il y aurait bien un autre dieu, mais les prêtres ne s’en soucient point ; c’est au leur qu’il faut s’en tenir, si l’on ne veut se faire griller. voyez Déisme.
 
 
Ligne 1 136 ⟶ 1 297 :
<DT>Directeur
 
<DD>C’est un saint homme à col tors, communément très friand ; dont la
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/92]]==
fonction est de venir dans les familles faire naître des scrupules, brouiller les époux, faire gronder les enfants et les gens, mettre à l’envers les cervelles des dévotes pour les guider plus sûrement dans le chemin du salut.
 
 
Ligne 1 154 ⟶ 1 317 :
<DT>Disputes
 
<DD>Débats édifiants et intéressants que l’on voit assez souvent s’élever entre les interprètes infaillibles de la parole de Dieu, qui, pour le plus grand bien de son église, n’a point voulu parler trop clairement, de peur
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/93]]==
que ses chers prêtres n’eussent point à se chamailler.
 
 
Ligne 1 172 ⟶ 1 337 :
<DT>Doctrine
 
<DD>C’est ce que tout bon chrétien doit croire, sous peine d’être brûlé, soit
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/94]]==
dans ce monde soit dans l’autre. Les dogmes de la religion sont des décrets immuables de Dieu qui ne peut changer d’avis que quand l’église en change.
 
 
Ligne 1 195 ⟶ 1 362 :
 
<DT>Donations
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/95]]==
 
<DD>Ce sont les présents que l’église, par bonté pour ses enfants, consent à recevoir de leurs mains profanes ; le clergé ressemble à Messer Aldobrandin qui homme à présents étoit ; non qu’il en fît, mais il en recevoit. Tout ce qu’on donne à Dieu appartient au clergé. <EM>dabunt domino et erit sacerdotis</EM>. voyez nombres chap v, v 8.
Ligne 1 214 ⟶ 1 382 :
<DT>Dragons
 
<DD>Missionnaires très orthodoxes que la cour de Versailles envoya aux huguenots pour argumenter contre eux sur la transsubstanciation, les ramener au giron de l’église, et leur prouver que le
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/96]]==
pape et le confesseur du roi ne peuvent jamais se tromper.
 
 
Ligne 1 232 ⟶ 1 402 :
<DT>Dureté
 
<DD>On reproche communément la dureté aux gens d’église ; c’est en eux un effet de la plus sublime vertu ; un
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/97]]==
bon chrétien doit être parfaitement insensible. Il est un parfait prêtre quand Dieu lui fait la grâce de joindre une tête de fer à un cœur d’airain ; lorsqu’il a bien dîné, le monde entier doit lui être indifférent. C’est près du lit des moribonds que l’on voit surtout briller le stoïcisme sacerdotal. voyez Mourants.
 
 
Ligne 1 252 ⟶ 1 424 :
<DT>École
 
<DD>C’est l’arène où descendent nos gladiateurs sacrés, pour s’escrimer et disputer sans fin sur les vérités évidentes que Dieu lui-même a révélées. Ce sont ordinairement les peuples qui sont blessés des puissants coups que les théologiens se portent, ce qui est, sans doute, un miracle étonnant.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/98]]==
ce qui est, sans doute, un miracle étonnant.
 
 
Ligne 1 275 ⟶ 1 449 :
 
<DT>Église
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/99]]==
 
<DD>C’est comme qui dirait le clergé : or ce clergé c’est la femme de Jésus-Christ ; c’est elle qui porte les culottes ; son mari est un bon homme qui ne se mêle de rien et qui ne la contredit jamais pour avoir la paix chez lui. En effet la bonne dame n’est point aisée ; quelquefois elle traite ses enfants qui regimbent avec une dureté que leur papa n’approuverait point s’il osait se mêler du ménage.
Ligne 1 294 ⟶ 1 469 :
<DT>Enfance
 
<DD>État de faiblesse, d’ignorance et
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/100]]==
d’imbécillité, dans lequel il est nécessaire d’entretenir et de plonger les chrétiens, afin que les prêtres puissent les conduire plus aisément en paradis, dont ils seraient exclus s’ils devenaient assez grands pour se conduire eux mêmes, ou pour marcher sans lisières.
 
 
Ligne 1 312 ⟶ 1 489 :
<DT>Enthousiasme
 
<DD>Sainte ivresse qui grimpe au cerveau de ceux à qui Dieu fait la grâce de boire en large dose le bon vin que les prêtres débitent dans leurs saints cabarets. Voyez Fanatisme et Zêle.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/101]]==
Voyez Fanatisme et Zêle.
 
 
Ligne 1 336 ⟶ 1 515 :
<DT>Esprit
 
<DD>Chacun sait ce que c’est qu’un esprit ; c’est ce qui n’est point matière.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/102]]==
Toutes les fois que vous ne saurez pas comment une cause agit, vous n’aurez qu’à dire que cette cause est un esprit, et vous serez très pleinement éclairci.
 
 
Ligne 1 354 ⟶ 1 535 :
<DT>Éternité
 
<DD>C’est ce qui n’a ni commencement ni fin. Comme la chose est plus facile à dire qu’à comprendre, il est bon que tout chrétien la médite à l’aide de son confesseur, qui ne manquera pas de lui en faciliter l’intelligence ; en attendant, sous peine d’être éternellement rôtis, nous devons, en dépit du prédicant Petit-Pierre, nous tenir pour certains que les peines de l’enfer seront éternelles ; Jésus-Christ avait oublié de
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le dire, mais l’église, qui en sait plus long que lui, l’a dit et le répète sans cesse, pour la consolation de ses très chers enfants, dont au moins les 99 centièmes seront damnés. voyez Consolations.
 
 
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<DT>Évangile
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<DD>Signifie bonne nouvelle. La bonne nouvelle que l’évangile des chrétiens est venu leur annoncer, c’est que leur dieu est très colère, qu’il destine le plus grand nombre d’entre eux à des flammes éternelles, que leur bonheur dépend de leur sainte bêtise, de leur sainte crédulité, de leur sainte déraison, du mal qu’ils se feront, de leur haîne pour eux-mêmes, de leurs opinions inintelligibles, de leur zêle, de leur antipathie pour tous ceux qui ne penseront ou qui ne feront pas comme eux. Telles sont les nouvelles intéressantes que la divinité, par une tendresse spéciale, est venue annoncer à la terre ; elles ont tellement égayé le genre humain que depuis l’arrivée du courrier qui est venu les apporter de là-haut, il n’a fait que trembler, que pleurer, que se quereller et se battre.
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<DT>Évêque
 
<DD>Signifie inspecteur. C’est un prêtre qui, sans femme, a, comme quelques insectes, la faculté de se reproduire et de multiplier son espèce. L’épiscopat est un fardeau si pénible que c’est toujours à son corps défendant qu’un abbé de cour s’en charge ; on est obligé de vaincre par trois fois sa épugnance sincère
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pour un évêché qu’il a sollicité dix ans. Voyez Ordre.
 
 
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<DT>Exercices de piété
 
<DD>Ce sont de petites occupations spirituelles imaginées par les prêtres pour empêcher les ames dévotes de s’engourdir. Sans ces petits exercices les bonnes femmes et les gens désoeuvrés courraient risque de s’ennuyer, ou seraient en danger de s’occuper de
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choses utiles à leurs familles et au monde pervers.
 
 
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<DT>Extrême-onction
 
<DD>Sacrement respectable de l’église romaine ; il est très utile
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pour effrayer les mourants. Il consiste à graisser les bottes de ceux qui sont prêts a entreprendre le voyage de l’autre monde.
 
 
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<DT>Familiers
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<DT>Femmes
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<DD>Le christianisme n’est rien moins que poli envers les jolies femmes, il n’en fait cas que quand elles sont laides ou surannées. Celles qui n’ont pas de quoi plaire au monde sont très agréables à Dieu et très bonnes pour ses prêtres ; les bégueules servent grandement la religion, leur confesseur et leur curé, par leurs saints caquets, leurs saintes cabales, leurs saintes criailleries, et surtout par un saint entêtement pour ce qu’elles n’entendent pas.
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<DT>Feu
 
<DD>La religion chrétienne est une religion de feu. Les bons chrétiens doivent brûler sans cesse de l’amour divin, les prêtres doivent brûler de zêle, les princes et les magistrats doivent passer tout leur temps à brûler des hérétiques ou des mécréants, enfin les bourreaux devraient sans
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cesse brûler des livres au pied du grand escalier du may.
 
 
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<DT>Filiale
 
<DD>La crainte filiale est mêlée d’amour, c’est celle que tout chrétien doit avoir pour un dieu d’assez méchante humeur, qui est son
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très cher père, et pour la sainte église sa maman, qui n’est point la commère la plus aisée de ce monde.
 
 
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<DT>Foi
 
<DD>C’est une sainte confiance dans les prêtres, qui nous fait croire tout ce
<DD>C’est une sainte confiance dans les prêtres, qui nous fait croire tout ce qu’ils disent, même sans y rien comprendre. C’est la première des vertus chrétiennes ; elle est théologale, c’est-à-dire utile aux théologiens ; sans elle point de religion, et partant point de salut. Ses effets sont de plonger dans un saint abrutissement accompagné d’un pieux entêtement, et suivi d’un profond mépris pour la raison profane. On sent que cette vertu est très avantageuse à l’église ; elle est la suite d’une grâce surnaturelle que procure l’habitude de déraisonner ou la crainte de se faire de méchantes affaires. D’où il suit que ceux qui n’ont point reçu cette grâce ou qui n’ont point eu l’occasion de contracter cette sainte habitude ne sont d’aucune utilité pour les prêtres et par conséquent ne sont bons qu’à jetter à la voirie. La foi du charbonnier, c’est celle que professent tous les chrétiens sincères : elle consiste à croire tout ce que croit Mr le curé ; et ce que croit Mr le curé, c’est ce que ses paroissiens s’imaginent de croire sur la périlleuse parole de Mr le curé.
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<DD>C’est une sainte confiance dans les prêtres, qui nous fait croire tout ce qu’ils disent, même sans y rien comprendre. C’est la première des vertus chrétiennes ; elle est théologale, c’est-à-dire utile aux théologiens ; sans elle point de religion, et partant point de salut. Ses effets sont de plonger dans un saint abrutissement accompagné d’un pieux entêtement, et suivi d’un profond mépris pour la raison profane. On sent que cette vertu est très avantageuse à l’église ; elle est la suite d’une grâce surnaturelle que procure l’habitude de déraisonner ou la crainte de se faire de méchantes affaires. D’où il suit que ceux qui n’ont point reçu cette grâce ou qui n’ont point eu l’occasion de contracter cette sainte habitude ne sont d’aucune utilité pour les prêtres et par conséquent ne sont bons qu’à jetter à la voirie. La foi du charbonnier, c’est celle que professent tous les chrétiens sincères : elle consiste à croire tout ce que croit Mr le curé ; et ce que croit Mr le curé, c’est ce que ses paroissiens s’imaginent de croire sur la périlleuse parole de Mr le curé.
 
 
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<DT>Folie
 
<DD>Les bons chrétiens se glorifient de la folie de la croix. Rien n’est
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plus contraire à la religion et au clergé qu’une tête sensée et raisonnable ; elle n’est jamais bien propre à la foi, ni assez susceptible de ferveur ou de zêle. Les musulmans ont du respect pour les fous, et parmi les chrétiens les plus grands saints sont évidemment ceux qui ont eu la cervelle la plus dérangée.
 
 
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<DT>Foudres de l’église
 
<DD>C’est l’artillerie spirituelle ;
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elle est composée de mortiers et de canons intellectuels, que les chefs de l’église ont le droit de pointer contre les âmes de ceux qui ont la témérité de leur déplaire. Cette artillerie métaphysique ne laisse pas de blesser les corps, quand elle est soutenue par l’artillerie physique qui se conserve dans les arsenaux des princes séculiers.
 
 
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<DT>Fripons
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<DT>Gloire de Dieu
 
<DD>Nous ne pouvons douter
<DD>Nous ne pouvons douter que Dieu ne soit fier comme un écossois ; ses ministres nous le disent à chaque instant ; c’est pour la plus grande gloire de Dieu qu’ils culbutent l’univers ; ce qui est très légitime, vu que Dieu n’a créé l’univers que pour sa gloire, qui se confond toujours avec celle de ses prêtres.
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<DD>Nous ne pouvons douter que Dieu ne soit fier comme un écossois ; ses ministres nous le disent à chaque instant ; c’est pour la plus grande gloire de Dieu qu’ils culbutent l’univers ; ce qui est très légitime, vu que Dieu n’a créé l’univers que pour sa gloire, qui se confond toujours avec celle de ses prêtres.
 
 
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<DT>Guerres de religion
 
<DD>Saignées salutaires et copieuses que les médecins de nos âmes ordonnent
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aux corps des nations, que Dieu veut favoriser d’une doctrine bien pure. Ces saignées ont été fréquentes depuis la fondation de l’église ; elles sont devenus très nécessaires pour empêcher les chrétiens de crever de la plénitude des graces que le ciel répand sur eux.
 
 
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<DT>Hérésies
 
<DD>Elles sont nécessaires à l’église pour exercer les talents et dérouiller les rapières de nos gladiateurs sacrés. Toute opinion contraire à celle des théologiens en qui nous avons confiance, ou qui ont assez de crédit pour prévaloir la leur, est visiblement une hérésie. D’où l’on voit que les hérétiques sont toujours ceux d’entre les théologiens
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qui n’ont point assez de bataillons pour se rendre orthodoxes.
 
 
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<DT>Holocaustes
 
<DD>Victimes rôties ou brûlées en sacrifice. La divinité eut de tout temps un goût marqué pour la chair grillée, vu que ses prêtres en tiraient bon parti ;
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depuis le christianisme ses prêtres plus désintéressés lui font bien griller des victimes, mais ils s’abstiennent de les manger, leur cuisine est assez bien pourvue sans cela.
 
 
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<DT>Honnête homme
 
<DD>Il est impossible de l’être si l’on n’est intimement convaincu que l’église est infaillible, que ses prêtres ne peuvent ni mentir ni avoir la berlue ; il est évident qu’un homme qui ne craint
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pas d’être damné dans l’autre monde ne sentira jamais qu’il faut être estimable en celui-ci, et ne craindra point les châtimens ou les mépris de la société.
 
 
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<DT>Humilité
 
<DD>Vertu chrétienne qui prépare à
<DD>Vertu chrétienne qui prépare à la foi ; elle est surtout très utile aux ministres de l’évangile, aux lumières desquels il est très important de déférer par préférence aux siennes. Elle consiste à se mépriser soi-même et à craindre l’estime des autres ; on sent combien cette vertu est propre à former des grands hommes. Dans l’église de Dieu tout respire l’humilité. Les évêques sont humbles, les jésuites sont humbles ; un cardinal ne s’estime pas plus qu’un gardien des capucins ; le pape se met humblement au dessus de tous les rois, et les rois sont fort humbles envers le suisse du paradis.
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<DD>Vertu chrétienne qui prépare à la foi ; elle est surtout très utile aux ministres de l’évangile, aux lumières desquels il est très important de déférer par préférence aux siennes. Elle consiste à se mépriser soi-même et à craindre l’estime des autres ; on sent combien cette vertu est propre à former des grands hommes. Dans l’église de Dieu tout respire l’humilité. Les évêques sont humbles, les jésuites sont humbles ; un cardinal ne s’estime pas plus qu’un gardien des capucins ; le pape se met humblement au dessus de tous les rois, et les rois sont fort humbles envers le suisse du paradis.
 
 
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<DT>Idées innées
 
<DD>C’est ainsi que l’on nomme des notions que les nourrices et les prêtres
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/122]]==
ont inspirées de si bonne heure, et qu’ils ont si souvent répétées, que, devenu grand, l’on croit les avoir eu toujours, ou les avoir reçues dès le ventre de sa mère. Toutes les idées du catéchisme sont évidemment des idées innées.
==[[Page:Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/123]]==
sont évidemment des idées innées.
 
 
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<DT>Impies
=== no match ===
 
 
<DD>Ce sont des gens qui ne sont pas pieux, ou qui manquant de foi ont l’impertinence de rire des choses que les dévots et les prêtres sont convenus de regarder comme sérieuses et saintes. Une femme impie est celle qui n’est pas une pie comme sa commère la dévote, ou sa voisine la janséniste, ou sa tante la bégueule.