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distinctions ni de séparations même, tombe aux mains des plus effrontés et qui ne cesse d’être anarchique qu’en cessant d’être universel.
distinctions ni de séparations même, tombe aux mains des plus effrontés et qui ne cesse d’être anarchique qu’en cessant d’être universel.


Mais lequel vaut le mieux, de la maladie ou du remède ? Le système électoral est détestable qui ne mène qu’ici ou là. Le système électoral est mal conçu et pèche par excès d’optimisme, qui ne prévoit pas ces deux espèces : les aventuriers et les imbéciles. Il met les uns à la merci des autres, et les honnêtes gens, les gens éclairés, à la merci et des uns et des autres. Le système électoral est mal conçu qui s’en rapporte à la fortune, aux destinées. ''Fata viam invenient'' ! comme si ce n’était pas la tâche de l’homme d’État de diminuer la part de la fortune dans les affaires de ce inonde, et comme si, d’ailleurs, il ne se trouvait pas toujours quelqu’un pour détourner et pour suborner la fortune ! Le système électoral est mal conçu qui chasse les intérêts hors de leurs groupemens naturels, et coalise les appétits en groupemens artificiels. Par lui, par ce système électoral, le suffrage universel inorganique étant l’unique force motrice de l’État, et qui le tient tenant l’État, quoi d’étonnant si on le capte et s’il se fonde des syndicats, des sociétés pour l’exploitation de cette force ? s’il ne manque pas, dans ce genre de travaux publics, soit de manœuvres au rabais soit d’entrepreneurs à la surenchère ?
Mais lequel vaut le mieux, de la maladie ou du remède ? Le système électoral est détestable qui ne mène qu’ici ou là. Le système électoral est mal conçu et pèche par excès d’optimisme, qui ne prévoit pas ces deux espèces : les aventuriers et les imbéciles. Il met les uns à la merci des autres, et les honnêtes gens, les gens éclairés, à la merci et des uns et des autres. Le système électoral est mal conçu qui s’en rapporte à la fortune, aux destinées. ''Fata viam invenient'' ! comme si ce n’était pas la tâche de l’homme d’État de diminuer la part de la fortune dans les affaires de ce monde, et comme si, d’ailleurs, il ne se trouvait pas toujours quelqu’un pour détourner et pour suborner la fortune ! Le système électoral est mal conçu qui chasse les intérêts hors de leurs groupemens naturels, et coalise les appétits en groupemens artificiels. Par lui, par ce système électoral, le suffrage universel inorganique étant l’unique force motrice de l’État, et qui le tient tenant l’État, quoi d’étonnant si on le capte et s’il se fonde des syndicats, des sociétés pour l’exploitation de cette force ? s’il ne manque pas, dans ce genre de travaux publics, soit de manœuvres au rabais soit d’entrepreneurs à la surenchère ?


Un beau matin, quelqu’un s’avise que le renouvellement de la Chambre des députés se fera dans six mois. Le député de l’arrondissement est « usé » ; il a cessé de plaire : ou bien il appartient à l’opposition, et alors c’est un devoir de le combattre ; ou bien il a prouvé qu’il n’avait pas assez de crédit en ce haut lieu d’où pleuvent bénéfices et faveurs, et alors, c’est un besoin de le remplacer. Il suffit. Ce quelqu’un, qui n’est pas même quelqu’un, qui est quelconque, qui est le premier venu doué de beaucoup de vanité et d’un peu d’entregent, va trouver un second quelqu’un, non moins quelconque, qui s’en va trouver un troisième. Dès qu’ils sont trois, X, Y, Z, un « comité » est constitué : président, vice-président et secrétaire-trésorier. Le comité provoque une réunion « générale » où chacun de ses membres a soin de n’amener que les moins douteux de ses amis. Il leur expose ce qu’il a fait, les consulte sur ce qu’il doit faire. Ce qu’il a fait est ratifié par acclamation ; quant à ce qu’il doit faire, carte blanche. Avant cette réunion « générale », il était modeste et ne s’intitulait que comité provisoire ; après, il est établi, assis, patenté ; il a pignon ou étalage sur rue, et se tient en permanence, comme le Comité de salut public. Il est reconnu par la préfecture : un candidat ne passera peut-être pas sûrement grâce à lui ; il passera difficilement sans lui.
Un beau matin, quelqu’un s’avise que le renouvellement de la Chambre des députés se fera dans six mois. Le député de l’arrondissement est « usé » ; il a cessé de plaire : ou bien il appartient à l’opposition, et alors c’est un devoir de le combattre ; ou bien il a prouvé qu’il n’avait pas assez de crédit en ce haut lieu d’où pleuvent bénéfices et faveurs, et alors, c’est un besoin de le remplacer. Il suffit. Ce quelqu’un, qui n’est pas même quelqu’un, qui est quelconque, qui est le premier venu doué de beaucoup de vanité et d’un peu d’entregent, va trouver un second quelqu’un, non moins quelconque, qui s’en va trouver un troisième. Dès qu’ils sont trois, X, Y, Z, un « comité » est constitué : président, vice-président et secrétaire-trésorier. Le comité provoque une réunion « générale » où chacun de ses membres a soin de n’amener que les moins douteux de ses amis. Il leur expose ce qu’il a fait, les consulte sur ce qu’il doit faire. Ce qu’il a fait est ratifié par acclamation ; quant à ce qu’il doit faire, carte blanche. Avant cette réunion « générale », il était modeste et ne s’intitulait que comité provisoire ; après, il est établi, assis, patenté ; il a pignon ou étalage sur rue, et se tient en permanence, comme le Comité de salut public. Il est reconnu par la préfecture : un candidat ne passera peut-être pas sûrement grâce à lui ; il passera difficilement sans lui.