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de ses aventures. Le souverain pontife lui accorda la permission de finir ses jours en habits d’homme ; il l’exhorta à mener désormais une vie retirée et honnête, à pratiquer l’oubli des injures et à se rappeler le commandement ''non occides''. Cet événement fit du bruit à Rome comme en Amérique. Des princes, des cardinaux, des évêques, d’autres grands personnages encore, voulurent voir la ''monja alferez'', et Catalina nous l’apprend avec complaisance. Toutes les portes s’ouvraient devant elle, et il ne se passait point de jour où elle ne fût conviée à la table de quelque grand seigneur. Catalina partit pour Naples, après six semaines de séjour à Rome. Un jour qu’elle se promenait sur le môle, elle s’aperçut qu’elle était la risée de deux demoiselles d’équivoque tournure, qui causaient avec deux matelots. L’une d’elles, la regardant effrontément, lui dit : « Señora Catalina, où allez-vous ainsi ! — La ''monja'', comme on voit, était connue à Naples. — Mesdames les ribaudes, répliqua Catalina, je vais vous donner les étrivières, et c’est tout ce que vous valez <ref>Le texte est plus énergique : « ''Señora p…a darles a ustedes cien piscozadas, y cien cuchilladas a quien las quisiere defender''.</ref>. »
de ses aventures. Le souverain pontife lui accorda la permission de finir ses jours en habits d’homme ; il l’exhorta à mener désormais une vie retirée et honnête, à pratiquer l’oubli des injures et à se rappeler le commandement ''non occides''. Cet événement fit du bruit à Rome comme en Amérique. Des princes, des cardinaux, des évêques, d’autres grands personnages encore, voulurent voir la ''monja alferez'', et Catalina nous l’apprend avec complaisance. Toutes les portes s’ouvraient devant elle, et il ne se passait point de jour où elle ne fût conviée à la table de quelque grand seigneur. Catalina partit pour Naples, après six semaines de séjour à Rome. Un jour qu’elle se promenait sur le môle, elle s’aperçut qu’elle était la risée de deux demoiselles d’équivoque tournure, qui causaient avec deux matelots. L’une d’elles, la regardant effrontément, lui dit : « Señora Catalina, où allez-vous ainsi ! — La ''monja'', comme on voit, était connue à Naples. — Mesdames les ribaudes, répliqua Catalina, je vais vous donner les étrivières, et c’est tout ce que vous valez <ref>Le texte est plus énergique : « ''Señora p…a darles a ustedes cien piscozadas, y cien cuchilladas a quien las quisiere defender''.</ref>. »


Cette allocution singulière termine brusquement et d’une façon peu édifiante les mémoires de Catalina. Nous en sommes réduit désormais à des indications peu précises et à de plus vagues conjectures. Malgré de minutieuses recherches, il nous a été impossible de retrouver, pendant les dix années qui suivent, la moindre trace de l’aventurière. Sans doute elle revint en Espagne, à Saint-Sébastien peut-être, où sa renommée devait être plus grande qu’ailleurs, dépenser les huit cents écus annuels qu’elle devait à la libéralité de son souverain. En 1635, nous la retrouvons à la Coroña. L’ennui l’avait prise, et elle retournait au théâtre de sa gloire. Elle repassa en Amérique. Un religieux capucin, nommé Nicolas de la Renteria, qui se rendait au Mexique, fit la traversée avec elle, et donna quelques détails sur ce voyage dans une lettre qu’on a précieusement recueillie. Catalina était vêtue en homme et portait le nom de Antonio de Erauso. On mouilla devant la Vera-Cruz par une soirée sombre et orageuse. Malgré l’état de la mer, le commandant du navire voulut se rendre à terre le soir même, et il s’embarqua dans son canot avec plusieurs officiers et la ''monja alferez''. On arriva sans accident au débarcadère et l’on gagna le meilleur hôtel de la ville. Là on s’aperçut que Catalina manquait à l’appel. On l’attendit, elle ne vint pas ; on l’appela vainement, on la chercha partout sans succès, jamais on n’entendit parler d’elle. Il va sans dire que cette disparition mystérieuse provoqua les suppositions les plus contradictoires. Catalina, éprise de la vie errante, s’était-elle enfuie de nouveau vers le désert ? et comment alors n’aurait-on pas découvert ses traces ? ou
Cette allocution singulière termine brusquement et d’une façon peu édifiante les mémoires de Catalina. Nous en sommes réduit désormais à des indications peu précises et à de plus vagues conjectures. Malgré de minutieuses recherches, il nous a été impossible de retrouver, pendant les dix années qui suivent, la moindre trace de l’aventurière. Sans doute elle revint en Espagne, à Saint-Sébastien peut-être, où sa renommée devait être plus grande qu’ailleurs, dépenser les huit cents écus annuels qu’elle devait à la libéralité de son souverain. En 1635, nous la retrouvons à la Coroña. L’ennui l’avait prise, et elle retournait au théâtre de sa gloire. Elle repassa en Amérique. Un religieux capucin, nommé Nicolas de la Renteria, qui se rendait au Mexique, fit la traversée avec elle, et donna quelques détails sur ce voyage dans une lettre qu’on a précieusement recueillie. Catalina était vêtue en homme et portait le nom de Antonio de Erauso. On mouilla devant la Vera-Cruz par une soirée sombre et orageuse. Malgré l’état de la mer, le commandant du navire voulut se rendre à terre le soir même, et il s’embarqua dans son canot avec plusieurs officiers et la ''monja alferez''. On arriva sans accident au débarcadère et l’on gagna le meilleur hôtel de la ville. Là on s’aperçut que Catalina manquait à l’appel. On l’attendit, elle ne vint pas ; on l’appela vainement, on la chercha partout sans succès, jamais on n’entendit parler d’elle. Il va sans dire que cette disparition mystérieuse provoqua les suppositions les plus contradictoires. Catalina, éprise de la vie errante, s’était-elle enfuie de nouveau vers le désert ? et comment alors n’aurait-on pas découvert ses traces ? ou