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ne lui savoir aucun gré. Elle insiste sur un point, sur un seul : l’Albanie.
ne lui savoir aucun gré. Elle insiste sur un point, sur un seul : l’Albanie.


Là aussi il y a une tradition de sa politique et, par une heureuse rencontre, cette tradition s’accorde avec le principe nouveau que nous avons entendu proclamer avec quelque fracas : les Balkans aux nationalités balkaniques. L’Albanie en est une ; l’Autriche demande en conséquence qu’on lui laisse sa portion des Balkans. C’est, il est vrai, une nationalité d’un genre tout particulier que l’Albanie ; elle est divisée en dans opposés, de religions et même de langues différentes, souvent en guerre les uns contre les autres et qui n’ont eu qu’assez rarement une vie nationale commune ; cependant un instinct de solidarité les a toujours réunis lorsqu’on a voulu leur enlever une fraction de territoire ou porter atteinte à leur indépendance dont ils sont passionnément jaloux. C’est par là qu’ils ont conscience de leur nationalité. Ce pays de l’anarchie, qui était gouverné de loin par la Porte dans des conditions dont nous avons souvent parlé, aura bien du mal à se gouverner lui-même. Néanmoins l’Autriche réclame son indépendance et l’Europe est disposée, décidée même à la reconnaître, à rencontre de la Serbie, de la Grèce et du Monténégro, qui auraient voulu arracher et s’attribuer chacun un lambeau de son territoire. L’Autriche ne cache pas l’intérêt qu’elle prend à cette solution. De tout temps elle a, qu’on nous passe le mot, soigné l’Albanie comme devant faire éventuellement contrepoids à la Serbie, et ce n’est pas au moment où ce contrepoids est plus que jamais nécessaire à ses yeux qu’elle pourrait renoncer à le maintenir et à le fortifier. L’existence d’une Albanie indépendante est à ses yeux d’un tel prix que rien ne l’amènera à y renoncer et, — c’est ici que la question se complique, — cette indépendance, qui ne peut être complète que si le pays n’est pas morcelé, exige que Durazzo continue de lui appartenir. Qu’on jette les yeux sur la carte : on y verra que Durazzo est situé au bon milieu de l’Albanie sur la côte de l’Adriatique, de sorte qu’on ne pourrait l’attribuer à la Serbie sans couper le pays en deux. Que deviendrait alors son indépendance ? Que deviendrait son unité ? A toutes les difficultés de vivre qui travaillent déjà l’Albanie, une autre, très redoutable, viendrait s’ajouter. Demander à l’Autriche de renoncer à ce que Durazzo appartienne à l’Albanie, c’est lui demander de renoncer à tout ce qui reste de sa politique dans les Balkans après les renoncemens dont nous avons parlé plus haut ; ou pour mieux dire, et on ne saurait s’y tromper, c’est aller avec elle à un conflit certain. On obtiendra, croyons-nous, son consentement à ce que la Serbie ait un port situé à la frontière septentrionale de l’Albanie
Là aussi il y a une tradition de sa politique et, par une heureuse rencontre, cette tradition s’accorde avec le principe nouveau que nous avons entendu proclamer avec quelque fracas : les Balkans aux nationalités balkaniques. L’Albanie en est une ; l’Autriche demande en conséquence qu’on lui laisse sa portion des Balkans. C’est, il est vrai, une nationalité d’un genre tout particulier que l’Albanie ; elle est divisée en dans opposés, de religions et même de langues différentes, souvent en guerre les uns contre les autres et qui n’ont eu qu’assez rarement une vie nationale commune ; cependant un instinct de solidarité les a toujours réunis lorsqu’on a voulu leur enlever une fraction de territoire ou porter atteinte à leur indépendance dont ils sont passionnément jaloux. C’est par là qu’ils ont conscience de leur nationalité. Ce pays de l’anarchie, qui était gouverné de loin par la Porte dans des conditions dont nous avons souvent parlé, aura bien du mal à se gouverner lui-même. Néanmoins l’Autriche réclame son indépendance et l’Europe est disposée, décidée même à la reconnaître, à l’encontre de la Serbie, de la Grèce et du Monténégro, qui auraient voulu arracher et s’attribuer chacun un lambeau de son territoire. L’Autriche ne cache pas l’intérêt qu’elle prend à cette solution. De tout temps elle a, qu’on nous passe le mot, soigné l’Albanie comme devant faire éventuellement contrepoids à la Serbie, et ce n’est pas au moment où ce contrepoids est plus que jamais nécessaire à ses yeux qu’elle pourrait renoncer à le maintenir et à le fortifier. L’existence d’une Albanie indépendante est à ses yeux d’un tel prix que rien ne l’amènera à y renoncer et, — c’est ici que la question se complique, — cette indépendance, qui ne peut être complète que si le pays n’est pas morcelé, exige que Durazzo continue de lui appartenir. Qu’on jette les yeux sur la carte : on y verra que Durazzo est situé au bon milieu de l’Albanie sur la côte de l’Adriatique, de sorte qu’on ne pourrait l’attribuer à la Serbie sans couper le pays en deux. Que deviendrait alors son indépendance ? Que deviendrait son unité ? A toutes les difficultés de vivre qui travaillent déjà l’Albanie, une autre, très redoutable, viendrait s’ajouter. Demander à l’Autriche de renoncer à ce que Durazzo appartienne à l’Albanie, c’est lui demander de renoncer à tout ce qui reste de sa politique dans les Balkans après les renoncemens dont nous avons parlé plus haut ; ou pour mieux dire, et on ne saurait s’y tromper, c’est aller avec elle à un conflit certain. On obtiendra, croyons-nous, son consentement à ce que la Serbie ait un port situé à la frontière septentrionale de l’Albanie