« Le Sphinx des glaces/I/VII » : différence entre les versions

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Quatre jours après, l’''Halbrane'' relevait cette curieuse île de Tristan d’Acunha, dont on a pu dire qu’elle est comme la chaudière des mers africaines.
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Certes, c’était un fait bien extraordinaire, cette rencontre à plus de cinq cents lieues du cercle antarctique, cette apparition du cadavre de Patterson ! À présent, voici que le capitaine de l’''Halbrane'' et son frère le capitaine de la ''Jane'' étaient rattachés l’un à l’autre par ce revenant de l’expédition d’Arthur Pym !… Oui ! cela doit sembler invraisemblable… Et qu’est-ce donc, pourtant, auprès de ce que j’ai à raconter encore ?…
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Ainsi donc, entre le 83e et le 84e parallèles sud, sept marins anglais, actuellement réduits à six, avaient vécu depuis onze ans sur l’île Tsalal, le capitaine William Guy, le second Patterson et les cinq matelots de la ''Jane'' qui avaient échappé – par quel miracle ? – aux indigènes de Klock-Klock !…
 
Et maintenant, qu’allait faire le capitaine Len Guy ?… pas l’ombre d’une hésitation à ce sujet, – il ferait tout pour sauver les survivants de la ''Jane''… Il lancerait l’''Halbrane'' vers le méridien désigné par Arthur Pym… Il la conduirait jusqu’à l’île Tsalal, indiquée sur le carnet de Patterson… Son lieutenant Jem West irait où il lui ordonnerait d’aller… Son équipage n’hésiterait pas à le suivre, et la crainte des dangers que comporterait une expédition, peut-être au-
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delà des limites assignées aux forces humaines, ne saurait l’arrêter… L’âme de leur capitaine serait en eux… le bras de leur lieutenant dirigerait leurs bras…
 
Voilà donc pourquoi le capitaine Len Guy refusait d’accepter des passagers à son bord, pourquoi il m’avait dit que ses itinéraires n’étaient jamais assurés, espérant toujours qu’une occasion s’offrirait à lui de s’aventurer vers la mer glaciale !…
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Eh bien, une fois à Tristan d’Acunha, j’attendrais le passage d’un autre navire. D’ailleurs, lors même que l’''Halbrane'' eût été prête pour une telle expédition, la saison ne lui aurait pas encore permis de franchir le cercle polaire. En effet, la première semaine de septembre n’était pas achevée, et deux mois au moins devaient s’écouler avant que l’été austral eût rompu la banquise et provoqué la débâcle des glaces.
 
Les navigateurs le savaient déjà à cette époque, – c’est depuis la mi-novembre jusqu’au commencement de mars que ces audacieuses tentatives peuvent être suivies de quelque succès. La température est alors plus supportable, les tempêtes sont moins fréquentes, les icebergs se détachent de la masse, la barrière se troue, et un jour perpétuel baigne ce lointain domaine. Il y avait là des règles de
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prudence dont l’''Halbrane'' ferait sagement de ne point s’écarter. Aussi, en cas que cela fût nécessaire, notre goélette, ayant renouvelé sa provision d’eau aux aiguades de Tristan d’Acunha, approvisionnée de vivres frais, aurait le temps de rallier, soit aux Falklands, soit à la côte américaine, un port mieux outillé, au point de vue des réparations, que ceux de ce groupe isolé sur le désert du Sud-Atlantique.
 
La grande île, lorsque l’atmosphère est pure, est visible de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix milles. Ces divers renseignements sur Tristan d’Acunha, je les obtins du bosseman. Comme il l’avait visitée à diverses reprises, il pouvait s’exprimer en connaissance de cause.
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Que, quelque trente ou quarante ans plus tard, Tristan d’Acunha ait compté une centaine d’habitants d’un assez beau type, issus d’Européens, d’Américains et de Hollandais du Cap, que la république y ait été établie avec un patriarche pour chef – celui des pères de famille qui possédait le plus d’enfants –, qu’enfin le groupe ait fini par reconnaître la suzeraineté de la Grande-Bretagne, il n’en était pas encore là en cette année 1839, pendant laquelle l’''Halbrane'' se préparait à y relâcher.
 
Au surplus, je devais bientôt constater, par mes observations personnelles,
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que la possession de Tristan d’Acunha ne valait pas d’être disputée. Pourtant, « Terre de vie » avait été son nom au XVIe siècle. Si elle jouit d’une flore spéciale, cette flore est uniquement représentée par les fougères, les lycopodes, une graminée piquante, la spartine, qui tapisse la pente inférieure des montagnes. Quant à la faune domestique, les bœufs, les brebis, les pourceaux, composent sa seule richesse et sont l’objet de quelque commerce avec Sainte-Hélène. Il est vrai, pas un reptile, pas un insecte, et les forêts n’abritent qu’une sorte de félin peu dangereux, – un chat retourné à l’état sauvage.
 
Le seul arbre que possède l’île est un nerprun de dix-huit à vingt pieds. Du reste, les courants apportent assez de bois flotté pour suffire au chauffage. Je ne devais trouver, en fait de légumes, que des choux, des betteraves, des oignons, des navets, des citrouilles, et, en fait de fruits, poires, pêches et raisins de médiocre qualité. J’ajoute que l’amateur d’oiseaux serait réduit à ne chasser que la mouette, le pétrel, le pingouin et l’albatros. L’ornithologie de Tristan d’Acunha n’aurait pas d’autre échantillon à lui offrir.
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À cette distance de gigantesques fucus zébraient la surface de la mer, véritables câbles végétaux d’une longueur qui varie de six cents à douze cents pieds, et dont la grosseur égale celle d’une barrique.
 
Je dois mentionner ici que, pendant les trois jours qui avaient suivi la rencontre du glaçon, le capitaine Len Guy ne s’était montré sur le pont que pour prendre hauteur. Il rentrait dans sa cabine après l’opération terminée, et je n’avais plus eu l’occasion de le revoir, sauf aux heures des repas. D’une taciturnité que l’on peut comparer au mutisme, il n’avait pas été possible de l’en tirer. Jem West lui-même
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n’y eût point réussi. Aussi m’étais-je tenu sur une absolue réserve. À mon avis, l’heure viendrait où Len Guy me reparlerait de son frère William, des tentatives qu’il comptait faire pour sauver ses compagnons et lui. Or, je le répète, étant donné la saison, cette heure n’était pas arrivée, lorsque la goélette, le 6 septembre, vint jeter l’ancre par dix-huit brasses de profondeur près de la grande île, sur la côte nord-ouest, à Ansiedlung, au fond de Falmouth-Bay, – précisément à la place indiquée, dans le récit d’Arthur Pym, pour le mouillage de la ''Jane''.
 
J’ai dit la grande île, parce que le groupe de Tristan d’Acunha en comprend deux autres de moindre importance. À une huitaine de lieues dans le sud-ouest, gît l’île Inaccessible, et au sud-est, à cinq lieues de celle-ci, l’île Nightingale. L’ensemble de cet archipel se trouve par 37° 5’ de latitude méridionale et 13° 4’ de longitude occidentale.
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À l’époque où la ''Jane'' y avait relâché, un ex-caporal de l’artillerie anglaise, nommé Glass, régnait sur une petite colonie de vingt-six individus, qui commerçaient avec le Cap, n’ayant pour tout bâtiment qu’une goélette de médiocre tonnage. À notre arrivée, ledit Glass comptait bien une cinquantaine de sujets, et, ainsi que l’avait marqué Arthur Pym, « en dehors de tout concours du gouvernement britannique ».
 
Une mer dont la profondeur est comprise entre douze cents et
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quinze cents brasses baigne ce groupe, longé par le courant équatorial qui dévie vers l’ouest. Il est soumis au régime des vents réguliers du sud-ouest. Les tempêtes y sévissent rarement. Pendant l’hiver, les glaces en dérive dépassent souvent son parallèle d’une dizaine de degrés, mais ne descendent jamais par le travers de Sainte-Hélène, – non plus que les grands souffleurs peu enclins à rechercher des eaux si chaudes.
 
Les trois îles, disposées en triangle, sont séparées les unes des autres par diverses passes larges d’une dizaine de milles, aisément navigables. Leurs côtes sont franches, et, autour de Tristan d’Acunha, la mer mesure cent brasses de profondeur.
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Du reste, on reconnut, dès notre arrivée, que l’''Halbrane'' ne trouverait pas à Tristan d’Acunha les ressources nécessaires pour se mettre en état d’entreprendre la campagne projetée dans l’océan Antarctique. Mais, au point de vue des ressources alimentaires, il est certain que Tristan d’Acunha peut être utilement fréquentée par les navigateurs. Leurs prédécesseurs ont enrichi ce groupe de toutes les espèces domestiques, moutons, porcs, bœufs, volailles, alors que le capitaine américain Patten, commandant l’Industry, n’y avait aperçu que quelques chèvres sauvages vers la fin du dernier siècle. Après lui, le capitaine Colquhouin, du brick américain ''Betsey'', y fit des plantations d’oignons, de pommes de terre et autres sortes de légumes, dont un sol fertile assure la prospérité. C’est du moins ce que raconte Arthur Pym dans son récit, et il n’y a pas lieu de lui refuser créance.
 
On l’aura remarqué, je parle maintenant du héros d’Edgar Poe comme d’un homme dont je n’ai plus à mettre en doute l’existence.
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Aussi m’étonnais-je que le capitaine Len Guy ne m’eût pas de nouveau interpellé à ce sujet. Il est évident que les renseignements si formels déchiffrés sur le carnet de Patterson n’avaient point été fabriqués pour la circonstance, et j’aurais eu mauvaise grâce à ne pas reconnaître mon erreur.
 
Au surplus, si quelque hésitation me fut demeurée, un autre et irrécusable témoignage vint s’ajouter aux dires du second de la ''Jane''.
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Je n’insistai point, et nous causâmes de choses et d’autres. Il m’offrit d’organiser une excursion au milieu des forêts épaisses qui montent jusqu’à mi-flanc du cône central.
 
Je le remerciai et m’excusai de ne point accepter son offre. Je saurais bien employer les heures de la relâche à quelques études
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minéralogiques. D’ailleurs, l’''Halbrane'' devait déraper dès que son ravitaillement serait achevé.
 
« Il est singulièrement pressé, votre capitaine ! me dit le gouverneur Glass.