« Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/IV/05 » : différence entre les versions

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« Tu t’es trompé, mon bon Aliocha, dit-il avec une expression que son frère ne lui avait jamais vue, une expression de sincérité juvénile, d’irrésistible franchise. Jamais Catherine Ivanovna ne m’a aimé ! Elle connaît depuis longtemps mon amour pour elle, bien que je ne lui en aie jamais parlé, mais elle n’y a jamais répondu. Je n’ai pas été davantage son ami, à aucun moment, sa fierté n’avait pas besoin de mon amitié. Elle me gardait près d’elle pour se venger sur moi des offenses continuelles que lui infligeait Dmitri depuis leur première rencontre, car celle-ci est demeurée dans son cœur, comme une offense. Mon rôle a consisté à l’entendre parler de son amour pour lui. Je pars enfin, mais sachez, Catherine Ivanovna, que vous n’aimez, en réalité, que lui. Et cela en proportion de ses offenses. Voilà ce qui vous déchire. Vous l’aimez tel qu’il est, avec ses torts envers vous. S’il s’amendait, vous l’abandonneriez aussitôt et cesseriez de l’aimer. Mais il vous est nécessaire pour contempler en lui votre fidélité héroïque et lui reprocher sa trahison. Tout cela par orgueil ! Vous êtes humiliée et abaissée, mais votre fierté est en cause… Je suis trop jeune, je vous aimais trop. Je sais que je n’aurais pas dû vous parler ainsi, qu’il eût été plus digne de ma part de vous quitter simplement ; c’eût été moins blessant pour vous. Mais je pars au loin et ne reviendrai jamais… Je ne veux pas respirer cette atmosphère d’outrance… D’ailleurs, je n’ai plus rien à vous dire, c’est tout… Adieu, Catherine Ivanovna, ne soyez pas fâchée contre moi, car je suis cent fois plus puni que vous, puni par le seul fait que je ne vous reverrai plus. Adieu. Je ne veux pas prendre votre main. Vous m’avez fait souffrir trop sciemment pour que je puisse vous pardonner à l’heure actuelle. Plus tard, peut-être, mais pour le moment je ne veux pas de votre main.
 
Den Dank, Dame, Begehr’ich nicht74nicht<ref>De votre « merci » , Dame, point n’ai souci (Schiller, le Gant, st. VIII).</ref> »,
 
ajouta-t-il avec un sourire contraint, prouvant ainsi qu’il connaissait Schiller par cœur, ce qu’Aliocha eût refusé de croire auparavant.